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La gestion de l’apport culturel par les technologies en didactique du FLE : enjeux, défis et perspectives

Eleonora Marzi, Silvia Domenica Zollo

La gestion de l’apport culturel par les technologies en didactique du FLE : enjeux, défis et perspectives

Appel à contributions

Numéro 85 de la revue Revue TDFLE. Travaux de didactique du français langue étrangère

Parution, le 18 décembre 2024

 

La gestion de l’apport culturel par les technologies en didactique du FLE : enjeux, défis et perspectives

 

 

 

Coordination :

Eleonora Marzi (Università Alma Mater Studiorum Bologna)

Silvia Domenica Zollo (Università degli Studi di Napoli Parthenope)

 

Depuis plusieurs années les méthodes et les outils employés pour l’enseignement du Français Langue Étrangère (FLE) en contexte universitaire connaissent une véritable transformation en raison de l’intersection entre les modèles divergents-convergents du déterminisme didactique et du déterminisme technologique (Puren 2022), et leurs effets réciproques sur les pratiques adoptées par les enseignants (Develotte 2014). De ce point de vue, les nouvelles pratiques pédagogiques dénommées « innovantes » (Lameul et al. 2014) promouvant l’usage du numérique dans la didactique des langues étrangères (i.e. matériau audiovisuel, discours multimodaux, corpus, concordanciers, extracteurs terminologiques, technologies linguistiques, bases de données textuelles, lexicographiques et terminographiques, dictionnaires électroniques, thésaurus, réseaux lexicaux, ontologies, web sémantique, traducteurs automatiques basés sur l’IA, parseurs morphosyntaxiques, analyseurs morphologiques, atlas sonores des langues régionales de France, atlas linguistiques, logiciels de transcription orthographique, etc.) semblent s’affirmer de façon plus assidue aussi bien comme objet de recherche que comme support à la formation dans la communauté scientifique francophone (Soubrié 2020 ; Tremblay et al. 2023 ; Raus et al. 2022 ; Zanola 2023).

Du fait de l’accessibilité et de l’ubiquité des données linguistiques, plusieurs expérimentations ont été faites en classe par les enseignants-chercheurs, afin de confronter les apprenants aux langues étrangères via l’utilisation de ressources linguistiques numériques. À titre d’exemple, les données linguistiques structurées dans les corpus permettent de se focaliser sur les formes et les contextes et, par conséquent, de favoriser le développement de la compétence métalinguistique, fondamentale dans le processus d’acquisition d’une L2. Dans ce sens, les actions de recherche-action et de validation réalisées en didactique du FLE ont multiplié l’utilisation de corpus conçus à la fois comme objet/support d’enseignement (Boulton 2007, 2017 ; Cavalla 2019) et comme moyen pour enseigner une langue – qu’elle soit générale ou de spécialité – à travers l’observation de données se présentant sous forme de corpus (Bonadonna 2023).

La perspective acquisitionnelle du déterminisme technologique comprend aussi la création d’autres ressources numériques d’aide à l’apprentissage d’une langue étrangère. Au cours de la dernière décennie, les méthodes d’apprentissage automatique ont ouvert la voie au développement d’outils linguistiques destinés aux apprenants, reposant sur le traitement automatique ou semi-automatique de la langue, la modélisation des données obtenues, la création de glossaires, dictionnaires, etc. Les objectifs sont multiples allant de l’analyse morphosyntaxique et lexicale des parties du discours au classement par niveaux de compétence d’une lexie ou d’un terme. Ces outils permettent de produire et de réemployer des données linguistiques de toute typologie (i.e. repérage des équivalents en d’autres langues, annotations linguistiques, détection de relations lexico-sémantiques entre les unités lexicales, travaux sur l’interface lexique-grammaire, génération d’arbres syntaxiques, consultation de définitions, récolte de données quantitatives et qualitatives relativement à l’usage et leur circulation en discours, mesures textuelles par genre, discours, thématique, reformulations discursives, paraphrase, etc.). Sous la forme d’un véritable trésor de données qui transitent sur les plateformes numériques d’apprentissage, ces instruments sont à la source du développement de plusieurs compétences transversales en didactique du FLE, parmi lesquelles la compétence numérique, la compétence linguistique et la compétence métalinguistique. Or, dans ce contexte, qu’en est-il de la compétence culturelle (composantes historique, trans-, méta-, inter-, pluri-, co-culturelle, etc.) dans la didactique du FLE ? À l’ère des transformations numériques, quelles sont les relations entre langue, culture et technologie ?

Les préoccupations « culturelles » ne sont pas nouvelles en didactique du FLE : nous pensons bien évidemment aux études pionnières de lexiculture de Galisson (2000, 2002, 2004) et aux nombreux travaux d’experts dans ce domaine (Lino et al. 2003 ; Da Silva e Silva 2013 ; Celotti 2015 ; Soubrié et al. 2021) grâce auxquels la linguistique elle-même a fait un changement qualitatif, dans la mesure où elle ne considère plus le langage uniquement comme un code, mais comme un système véhiculant du sens et des valeurs, et dans la mesure aussi où elle ne saurait se légitimer sans le recours aux sciences cognitives, sociales, culturelles et psychologiques et, plus particulièrement, dans le champ qui nous intéresse, à la question de la formation des concepts. Le concept de langue-culture semble être intégré dans les protocoles d’enseignement, toutefois bien que reconnue dans la littérature scientifique, la composante culturelle semble ne pas avoir fait l’objet d’études spécifiques dans le contexte des nouvelles pratiques d’enseignement en relation aux ressources numériques mentionnées. En ce sens, il nous paraît important de faire un retour singulier sur les relations entre langue et culture en didactique du FLE et de poursuivre la réflexion des travaux préexistants à l’intérieur d’un contexte didactique ‘numérisé’ qui fonde ses racines sur un « nouvel humanisme mondial » (Morin cité dans Ceruti 2023) désormais confronté à des défis globaux tels que le numérique, l’intelligence artificielle, la régulation de l’économie, du droit, du climat, etc. Les multiples pressions sociales et technologiques actuelles nous obligent à mettre l’accent sur deux notions, à notre avis, fondamentales en classe de langues : la compétence socioculturelle et la compétence interculturelle.

 

Ces deux aspects se configurent comme piliers fondamentaux pour des interactions linguistiques réussies et respectueuses dans un monde de plus en plus connecté : la compétence interculturelle n’est pas seulement une dimension supplémentaire de l’apprentissage linguistique, mais plutôt un élément essentiel pour devenir un locuteur compétent, en contribuant à la compréhension mutuelle, à la réduction des stéréotypes et à l’enrichissement de la communication interpersonnelle. Elle vise à traiter les différences culturelles et à comprendre comment celles-ci influencent la communication. Cela inclut la reconnaissance des normes sociales, des valeurs, des comportements non verbaux et des expressions idiomatiques propres à chaque culture (Onillon et al. 2022). La compétence socioculturelle se rapporte à la compréhension des normes et des conventions culturelles spécifiques à une communauté linguistique donnée, en englobant la connaissance des codes culturels, des règles de politesse, des expressions idiomatiques, et d’autres aspects liés à la culture d’une communauté linguistique spécifique. Le Cadre européen commun de référence pour les langues (CECR) promeut l’importance de ces dimensions, qui trouvent leur légitimation et leur opérabilité dans le cadre conceptuel de didactique des langues-cultures dans son sens le plus général : « si elle sait assumer l’ensemble des perspectives culturelles que lui a léguées son histoire et si elle sait les gérer de manière complexe, peut de toute évidence apporter sa contribution forte et originale à l’émergence d’un nouvel humanisme mondial » (Puren 2011).

Le problème à la fois linguistique, didactique et numérique auquel nous sommes confrontés, est la raison pour laquelle il nous paraît si intéressant d’y dédier un numéro.

Dans ce numéro de TDFLE, nous souhaitons faire un état des lieux des méthodologies et des exploitations des ressources et des technologies numériques dans le cadre de l’enseignement du FLE pour la gestion du contenu culturel des mots. Inspirés par les concepts de culturème (Pamies 2017) et des mots à charge culturelle partagée (Galisson 2000), nous promouvons l’idée que les mots d’une langue sont des activateurs de réseaux sémantiques culturels qui influencent la formation de l’imaginaire d’une langue-culture donnée. Relevant de la compétence interculturelle et socioculturelle, cet aspect peut et doit être traité au niveau technologique : il devrait être possible – nous semble-t-il – d’expérimenter des parcours didactiques, des pistes des recherches où la gestion numérique de l’aspect culturel puisse être centrale dans l’apprentissage d’une langue étrangère. L’interprétation correcte et la gestion sémantique des mots à charge culturelle partagée, des realia ou des expressions idiomatiques, en tant que sites lexicaux à haute concentration culturelle, devient nécessaire pour le développement des compétences interculturelles et socioculturelles.

Sans prétendre à l’exhaustivité, nous proposons quelques axes qui peuvent être explorés par les propositions du numéro :

 

1) Quelles sont les compétences développées par les élèves et celles dont les enseignants ont besoin ? Du point de vue des enseignants, quelles compétences interculturelles d’une part et technologiques d’autre part doivent-ils posséder ? Comment faire percevoir aux apprenants les relations entre langue et culture ? Comment intégrer dans son enseignement via le numérique le montage des compétences de mise en relations des références et des savoirs avec la langue ? Comment l’enseignent doit rendre les apprenants capables d’établir des relations, se forger des réseaux conceptuels riches, c’est-à-dire précisément des réseaux où les éléments sont mis en relation pertinente pour la compréhension profonde des realia, des et – plus en général – des lexies porteuses de concepts ou à charge culturelle partagée ?

 

2) Comment les pratiques numériques translinguistiques et la didactique de la traduction peuvent-elles bénéficier de ces réflexions méthodologiques ? Quels sont les enjeux épistémologiques pour la gestion numérique de l'aspect culturel en contexte bi ou multilingue?

 

3) Comment est-il possible de modéliser des informations terminologiques culturellement chargées à l’aide d’ontologies informatiques ? Et est-il possible d’utiliser le paradigme récent de l’ontoterminologie (Roche 2012) qui distingue, en les reliant, le plan de l’information linguistique de celui de la formalisation conceptuelle ? Quelles autres ouvertures méthodologiques à visée didactique sont possibles ? Comment intégrer du « sens culturel » aux dispositifs technologiques ? Peuvent-ils être un mode d’accès à la culture ? Quelles sont les références indispensables à la constitution de réseaux conceptuels et d’ontologies lexiculturelles ?

 

 

 

Références bibliographiques

 

Altmanova Jana, Spiezia Raffaele, Mangiante Jean-Marc (éds.) (2022), « Lexique(s) et didactique du FLE : perspectives actuelles de recherche », Recherches et applications. Le français dans le monde, 73.

 

Bonadonna Maria Francesca (2023), Didactique du lexique et corpus numérique pour le Français L2. Des applications pour le commerce et le marketing digital, Bern, Peter Lang.

 

Boulton Alex (2007), « Esprit de corpus : Promouvoir l’exploitation de corpus en apprentissage des langues », Texte et corpus, 3, pp. 37-46.

 

Boulton Alex (2017), « Corpora in language teaching and learning », Language Teaching, 50/4, pp. 483-506.

 

Cavalla Cristelle (2019), « Comment former les étudiants de Master FLE à l’utilisation pédagogique des corpus numériques ? », Jan Goes, Luis Meneses Lerin, Jean-Marc Mangiante, Françoise Olmo, Carmen Pineira-Tresmontant, Apports et limites des corpus numériques en analyse de discours et didactique des langues de spécialité, Craiova, Editura Universitaria, pp. 79-92.

 

Celotti Nadine (2015), Mots et culture dans tous les sens. Initiation à la lexiculture pour italophones, Roma, UTET.

 

Ceruti Mauro (2023) « L’humaniste planétaire », Ory Pascal (éd.), Edgar Morin : les cent premières années, Paris, Hermann, pp. 31-40.

 

Da Silva e Silva Marlène (2013), « La lexiculturologie… en didactologie des langues-cultures » Synergies Portugal, 1, 2013, pp. 69-89.

 

Develotte Christine (2014), « Réflexions sur les changements induits par le numérique dans l’enseignement et l’apprentissage des langues », Éla. Études de linguistique appliquée, 4/160, pp. 445-464.

 

Galisson Robert (2004), « Regards croisés sur l’usage des technologies pour l’éducation. Au nom du père : la disciplinarité. Éla. Études de linguistique appliquée, 2/134, pp. 137-150.

 

Galisson Robert (2002), « Didactologie : de l’éducation aux langues-cultures à l’éducation par les langues-cultures » », Éla. Études de linguistique appliquée, 4/128, pp. 497-510.

 

Galisson, Robert (2000), « La pragmatique lexiculturelle pour accéder autrement, a une autre culture, par un autre lexique », Melanges Crapel, 25, pp. 47-73.

 

Lameul Geneviève, Loisy Catherine (2014) La pédagogie universitaire à l’heure du numérique. Questionnement et éclairage de la recherche. Louvain-la-Neuve, De Boeck Supérieur.

 

Lino Maria Teresa, Pruvost Jean (éds.) (2003), Mots et lexiculture - Hommage à Robert Galisson, Paris, Honoré Champion.

 

Onillon Sandrine, Gruenblatt Roger (2022), « Approche actionnelle et interculturelle dans l’enseignement des langues étrangères : implémentation en classe et impact sur les apprentissages », Revue Suisse des Sciences de l’éducation, 44/2, pp. 180-194, DOI 10.24452/sjer.44.2.2.

 

Pamies Antonio (2017), « The Concept of Cultureme from a Lexicographical Point of View », Open Linguistics, 3, pp. 100-114.

 

Puren Christian (2022), « Innovation didactique et innovation technologique en didactique des langues-cultures : approche historique », Recherche et pratiques pédagogiques en langues, 41/1.

 

Raus Rachele, Silletti Alida Maria, Zollo Silvia Domenica, Humbley John (éds.) (2022), « Multilinguisme et variétés linguistiques en Europe à l’aune de l’intelligence artificielle », De Europa. European and Global Studies Journal, Special Issue.

 

Roche Christophe (2007) « Le terme et le concept : fondements d’une ontoterminologie
TOTh 2007 », Terminologie & Ontologie : Théories et applications, Annecy (France), 1er juin 2007, pp. 1-22.

 

Roura Ana Victoria Morales (2014), « Compétence interculturelle en classe de langue », Synergies Mexique n°4, pp. 51-63.

 

Soubrié Thierry (2020), « Penser le numérique : orientations pédagogiques et préoccupations de recherche en didactique des langues », Alsic, 23/1.

 

Soubrié Thierry, Bigot Violaine, Ollivier Christian (éds.) (2021), « Littératie numérique et didactique des langues et des cultures », Revue de linguistique et de didactique des langues, 63.

 

Tremblay Ophélie, Frassi Paolo (éds.) (2023), « Dictionnaires, ressources lexicales et didactique des langues », Cahiers de lexicologie, 1/122.

 

Zanola Maria Teresa (éd.) (2023), Le français de nos jours : caractères, formes, aspects, Roma, Carocci.

 

 

Calendrier du numéro

 

Envoi des articles complets : 1/9/2024

Retour des évaluateurs : 18/10/2024

 

Envoi des articles finaux : 18/11/2024

 

Publication envisagée : 18/12/2024

 

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