Introduction
La plupart des enseignants savent-ils pourquoi et quand ils ont décidé de faire ce métier d’éduquer que Freud rangeait parmi les métiers impossibles avec celui de la médecine et de la politique ?[1]S’ils y ont réfléchi, il n’est pas sûr que leurs motifs leur apparaissent comme étant absolument clairs. Ce désir de transmettre un savoir reste pour une part une énigme. Notre réflexion s’appuie sur de recueils de paroles d’enseignants de français langue étrangère qui s’expriment sur leur action et révèlent ainsi, tant à leur interlocuteur qu’à eux-mêmes, certains des motifs qui sous-tendent leur travail d’enseignement. Nous savons que la visée d’une l’interaction d’enseignement est toujours de « faire apprendre », c’est donc quelque chose qui en acte, qui n’est pas achevé et qui est tourné vers le futur. Nous proposons d’appeler « désir didactique » une pulsion à transmettre des savoirs dans les meilleures conditions possibles. Ce désir d’obtenir que les publics acquièrent connaissances et savoir-dire est bien souvent contrarié. L’action d’enseigner est une action planifiée, mais lorsqu’il s’agit d’une langue, elle se met en place dans une interaction constante avec des interlocuteurs apprenants qui réagissent de façon souvent inattendue. Par conséquent, bien qu’elle s’exerce dans un cadre professionnel qui pourrait être prédictible, l’action n’en comporte pas moins incertitudes et imprévus. Or c’est précisément lorsque les enseignants déclarent ce qu’ils n’ont pas pu faire que l’on peut lire, en creux dans leurs paroles, comme un désir.
On cherchera à saisir dans les discours d’enseignants de langues[2]des traces de ce désir et les formes qu’il prend : désir que les apprenants progressent, désir d’harmonie du groupe, désir de s’accomplir en tant qu’être-professeur, désir de partage, désir de susciter et garder l’intérêt des apprenants. D’autres interrogations surgissent : est-ce un désir pour soi ou pour l’autre ?Le métier d’enseignant ne se tisserait-il pas entre désir du bien de l’autre (visée éthique) et désir d’exister en tant qu’enseignant (maintien de l’image de soi) ? Quelle place tient la langue dans le souci de transmettre de l’enseignant ?
1. Le processus de verbalisation révélateur de la part obscure de l’acteur-enseignant
Le protocole de recueil de données sur lequel nous nous appuyons est une activité de parole provoquée par le visionnement que les professeurs font de leur propre cours filmé à la demande d’un enquêteur.Aucun enseignant n’est habitué à faire des commentaires sur sa propre action de cette manière ; il s’agit d’une expérience de parole nouvelle, relativement spontanée, et quelque peu source d’émotions puisque l’on se trouve confronté avec une image de soi, plus ou moins bien acceptée.
Comment traiter ces discours, empreints de subjectivité, qui portent sur le cœur d’un métier que l’on exerce ? L’illusion n’est jamais loin, la tendance à défendre sa propre image est de nature à brouiller la crédibilité de ces discours provoqués par une autoconfrontation. Mais gardons à l’esprit que ces commentaires sur son propre travail sont une modalité particulière de présence à soi qui envisage l’activité autrement qu’en en étant présentement l’acteur. Ces « paroles rétrospectives » traduisent une perception de soi et des autres.
1.1. La composante subjective de l’agir professoral
Nous savons que les motifs d’une action humaine échappent à l’observation car ils sont enfouis dans l’intériorité de la conscience et sont déterminés par un ensemble de facteurs plutôt cachés : pensons au projet qui précède l’action ou la motive aussi bien qu’aux processus de modification en cours d’action. Schütz (1998) insiste sur le fait que l’action se modifie au cours de l’agir : l’action empêchée, l’écart entre l’action réalisée et l’action projetée font partie de l’agir humain.
Notre dispositif de recherche[3]nous permet d’obtenir des verbalisations de la part de professeurs qui visionnent l’un de leurs cours. Nous leur donnons la possibilité d’interrompre le visionnement de leur propre cours filmé afin qu’ils puissent commenter leur action comme ils le souhaitent. Ces modes d’investigation de l’action s’inscrivent dans des courants dont le but est de faire restituer l’action au plus près de sa réalisation première, tels les entretiens d’explicitation qui n’utilisent en principe pas l’image mais la remémoration (Vermersch, 1994) ou dans des courants à visée plus clinique, tels les travaux de Clot, Faïta, Fernandez & Schellers (2000) qui cherchent à faire émerger une conscience de l’action et à provoquer chez le sujet des transformations, si besoin est. De nombreux travauxse basant sur le souvenir provoqué par le contact avec des données se sont développés. Ils ont pour nom language teacher cognition, teacher thinking, pensée enseignante[4], et font appel à des méthodes – autoconfrontation, rappel stimulé – dont la base commune repose sur le fait de faire commenter une action que l’on revoit. Le terme « verbalisation » est utilisé pour parler de la « mise en discours d’une pensée ou d’une action par des mots » (voir Bigot & Cadet, 2011). Le sujet commente une action qu’il a réalisée et revient sur l’activité mentale qui accompagne cette action.
Ce qui, dans la pensée, est fugace prend alors corps discursivement. On découvre que les verbalisations contiennent des informations sur le déroulement de l’action ou, en tout cas, sur la manière dont ce déroulement est perçu par les acteurs. L’investigation de l’action est conduite d’une autre manière que par l’observation en direct car elle sollicite le point de vue du sujet agissant qui peut commenter, après coup, des éléments ayant présidé à la réalisation de son action. Tant qu’il était « en action », le sujet ne pouvait en avoir une conscience articulée. Placé ultérieurement devant une trace de son travail, – l’image filmée – il parvient à convertir cette action en discours. Il en propose alors spontanément un ensemble de significations.
Selon les analyses effectuées au sein du groupe de recherche IDAP[5], les actions en classe ne sont pas seulement motivées par la situation de classe, par les réactions d’élèves, c’est-à-dire l’interaction, mais aussi par des obligations liées au programme, par des principes méthodologiques, des convictions. Nous avons ainsi découvert un certain nombre de phénomènes qui n’apparaissent pas en surface dans les interactions ou seulement à travers des traces furtives, par exemple, ce qui relève de l’activité planificatrice (et notamment le travail avec ou contre le temps), des affects et des émotions, de la perception que l’enseignant a constamment d’un public qui le scrute, des obstacles rencontrés, de l’acte d’enseignement vécu comme une « performance », qui peut réussir ou échouer.
Quelle est la spécificité de l’action d’enseigner : qu’y a-t-il sous les activités qui se déroulent en classe ? On le sait mieux à présent : le souci de l’apprenant et de son apprentissage, le temps compté, restreint, les dilemmes, les décisions à prendre dans l’urgence, la planification toujours susceptible d’être modifiée. En-dehors de ces éléments que l’on pourrait classer du côté des compétences didactiques, on découvre dans ces paroles une dimension fortement émotionnelle, et parfois de la crainte. Crainte de quoi, peut-on se demander ? Que les apprenants n’apprennent pas, que la méthode d’apprentissage ne convienne pas, ou encore que les décisions n’aient pas été appropriées constituent les principales appréhensions des enseignants.
Des éléments réapparaissent avec une certaine ténacité dans les corpus observés. Ces contenus sont signalés par des indices langagiers – sémantiques, structures de phrase, marqueurs divers. C’est ainsi que nous avons pu distinguer dans ces discours des « séquences-typiques »[6]telles que :
- Le souci des buts poursuivis (si je fais cela c’est parce que je veux qu’ils puissent former une phrase sans l’aide du copain) ;
- La mention des résistances des publics et le désir de mettre en place une progression ( ils veulent toujours faire de la grammaire mais c’est pas au programme) ;
- L’assertion de « maximes professorales » ouvrant une fenêtre sur les convictions méthodologiques de l’enseignant (il faut toujours d’abord se tourner vers celui qui ne parle pas) et, derrière ces convictions, comme un idéal à réaliser ;
- Le rappel de la situation d’enseignement, des conditions de travail qui empêchent la réalisation des buts (elles vont pas passer de diplômes après, ça n’entre pas, tu vois dans une chaîne balisée, avec des difficultés, des paliers).
Les mises en mots de l’action que sont les verbalisations font apparaître des traces du répertoire didactique de l’enseignant.Dans ce répertoire, il y a un modèle que l’enseignant cherche à mettre en œuvre, parfois à son insu. Les commentaires sont riches en indications sur le « modèle de l’agir » (Causa & Cadet, 2006), les options méthodologiques et les choix d’enseignement. L’action d’enseigner n’est pas limitée au temps du cours lui-même, elle prend racine dans le passé de l’enseignant, passé au cours duquel, par empilements de strates d’expériences s’est construit comme un « type idéal d’enseignant », intériorisé, lequel apparaît en filigrane au cours des appréciations/ jugements/ maximes suscités par le déroulement du cours de langue visionné a posteriori. C’est le recul qui permet l’émergence d’une compréhension de soi dans l’action.
Il convient de signaler que les verbalisations, même si elles sont fixées par l’écrit sont, avant tout des paroles orales : c’est sans doute dans leurs interstices que l’on perçoit quelque chose comme du désir.
1.2 L’émergence du moi dans le réflexivité
L’enseignant, se découvrant en train d’agir par le biais de l’image, s’attarde volontiers sur son attitude, sur le dévoilement d’un trait de caractère, sur les émotions ressenties. Nous sommes dans une situation où l’image de soi, les questions de figuration goffmanienne (Goffman 1974) interviennent, car non seulement le sujet se regarde faire, mais il affronte le regard de l’enquêteur. On voit, dans la séquence qui suit[7], l’enseignante prendre conscience du ton impératif adopté. Vient ensuite la justification de ce ton. De la prise de conscience de la voix, l’enseignante glisse à la tentative de rationalisation par l’appel à une « règle de conduite » (corpus Ginabat) :
alors j'adopte ici un ton bien sûr tout ça c'est inconscient mais j'adopte un ton qui est très impératif+ parce que là y'a pas à déroger il faut absolument suivre la règle et donc c'est: c'est un ton qui: qui n'admet pas de: de discussion c'est un peu comme au théâtre donc je veux faire passer un message et donc je le joue+ pour euh pour qu'ils comprennent
D’un côté, cette enseignante « assume » la tonalité de sa voix et la justifie rationnellement mais, d’un autre côté, elle déclare que « bien sûr tout ça c'est inconscient ». C’est au moment de la verbalisation, par un retour sur l’action, que l’enseignante découvre un comportement qui lui est propre et tente de lui donner du sens. On voit de quelle manière s’intriquent conscience du comportement, jugement sur soi et tentative de rationalisation.
Revenons un instant sur le dispositif de recherches propre aux autoconfrontations. Un enseignant est assis devant un écran et se voit en train d’enseigner à ses élèves. C’est bien souvent la première fois. Et son attention est attirée par sa posture, sa manière d’être dans l’espace-classe, sa voix, sa gestualité. La perception du corps peut faire écran mais cela intervient surtout au début du visionnement. Et le plus souvent l’enseignant livre ce qu’il considère comme représentatif de son agir en classe (en fait oui là c’est tout à fait mon genre de travail c’est bien moi ça ; bon c’est ma façon de faire ; n’essayez pas de me faire diverger vers autre chose).
Nous avons proposé d’appeler agir professoral « l’ensemble des actions verbales et non verbales, préconçues ou non, que met en place un professeur pour transmettre et communiquer des savoirs ou un « pouvoir-savoir » à un public donné dans un contexte donné. » (Cicurel 2011). Ajoutons que cet agir est nourri par une pensée enseignante, faite d’expériences passées, de convictions, d’affects. En mettant les professeurs dans une posture réflexive, on met au cœur du dispositif de recherches une forme de subjectivité, car c’est souvent la personne qui parle sous le professeur. Au fil des verbalisations sont évoqués non seulement la situation d’enseignement elle-même, les publics, mais aussi les sentiments, les émotions, les croyances, la frustration parfois. Se dessine alors comme les contours d’un désir, au futur. Or dans la recherche et la formation en didactique des langues, la subjectivité n’est pas ce sur quoi on est supposé s’appuyer. Ces données, constituées par la parole même des enseignants sont une mutation dans les modes de recherche en didactique. Salutaire, nous semble-t-il, car c’est bien une personne, dans un certain contexte, avec son passé et son expérience, qui assure la transmission.
2. Être-enseignant, un objet de désir ?
Être professeur ou vouloir l’être, c’est avoir à se trouver dans un espace très spécifique qui est celui de la classe. Mais cela peut-il être un lieu de désir ; ces murs, ces portes, cet enfermement, ces bancs, ces pupitres, ce tableau noir ou interactif, ces horaires ? La salle de classe a-t-elle quelque chose d’apaisant par son ordonnancement, ses rituels, ou de menaçant au contraire, et le désir serait celui de vaincre sa propre peur ?
Commençons par rappeler que la classe est un lieu de transmission de savoirs et de savoir-dire mais aussi un lieu où chacun des participants recherche quelque chose. Pour les enseignants, d’après les paroles produites devant le filmage de leur cours, sont au premier plan ce qui porte sur le lien avec les apprenants, la manière dont la parole circule et les savoirs sont reçus. Le désir de transmettre s’incarne dans une parole qui s’adresse à des personnes dont l’enseignant a une conscience forte. Pour les publics, il est sans doute difficile d’assigner des buts en dehors de celui que tout enseignant espère, le désir d’apprendre…Dans le monde de la didactique des langues, si parler de désir n’a pas été en usage, d’autres termes circulaient : on accordait de l’importance aux besoins langagiers des publics – c’était les années Niveau-Seuil (1976). Besoin, désir, motivation, il conviendrait sans doute d’approfondir les lignes de démarcation, mais si les notions ne sont pas les mêmes, elles ont un rapport entre elles. Je peux désirer, ou haïr, ce dont j’ai besoin.
Dans l’instance de la classe, désir d’apprendre ou d’enseigner sont là comme des horizons à atteindre. La classe est un lieu de désir -désir de langue, désir de réussite de l’interaction, attentes fortes. Désir réalisé, ou mieux encore, non réalisé.
2.1. Conflits de désirs
Ainsi, évoquons un cas où désir du professeur et désir des apprenants ne coïncident pas. Valérie[8]enseigne le FLE à des femmes asiatiques vivant en France et très peu immergées dans la société française. Au cours de son autoconfrontation, Valérie évoque largement les pratiques langagières de ses apprenantes, la relation à la langue qu’entretiennent ces « femmes » venues en France depuis parfois longtemps, mais ne communiquant pas avec des Français. Et cependant, elle est confrontée à des attentes fortes de la part des apprenantes, un désir de langue, une envie de parler de soi. La séquence ci-après montre ce « désir autour de la langue » tel qu’il est exprimé par l’enseignante (Corpus Corny).
c’est-à-dire que ces femmes-là j’lai déjà senti chez d’autres femmes ++ ce qu’elles veulent c’est parler de leur quotidien […] c’est une interaction qui est de l’ordre un peu de l’intime si tu veux + tu vois c’est en même temps l’intime non le banal quoi mais TOUT ce qui est comme ça moi j’avais mal au ventre à deux heures du matin euh ma fille elle a eu un bouton ici euh tu vois + et + elles sont très demandeuses de ça donc encore une fois c’est l’idée du salon de thé j’te jure en fait finalement c’est (rires) ++ c’est papoter un peu de + de de nos vies enfin elles parlent c’est surtout elles elles ont besoin vraiment d’un contact comme ça de parler de leur vie tout simplement
Mais, un peu plus loin, on découvre ce que ces attentes posent comme problème didactique, elles risquent de faire dévier le cours et d’éloigner des objectifs langagiers poursuivis.
[…] quand ça marche bien qu’les choses sont spontanées qu’y a qu’y a d’l’échange après faut REvenir + au sujet c’est-à-dire que c’est tout l’paradoxe y’a des sujets qui peuvent être porteurs ou d’un coup elles ont plein de choses à raconter eh ça s’passe très bien+ mais le mauvais côté c’est qu’ça t’écarte de plus en plus de toi ton ton objectif que t’essayes de suivre (rire) tant bien qu’mal
Le désir de langue est exprimé par les apprenantes (désignées par Valérie comme femmes, comme si leur statut de femme était plus prégnant que celui d’apprenante) : il s’agit d’une langue qui permet d’avoir un rapport avec la vie quotidienne. C’est là que se situe de façon cruciale leur frustration puisque, habitant en France, elles n’en parlent pas la langue. Elles réclament alors des interactions « intimes », dans lesquelles elles peuvent parler d’elles, exprimer les problèmes qu’elles rencontrent réellement au quotidien. Mais le danger que ressent alors l’enseignante, malgré son désir de répondre à cette attente, c’est la déconstruction de la didacticité. La classe pourrait devenir autre chose qu’une classe de langue, quelque chose qui ressemblerait trop à un « salon de thé », mot qui revient plusieurs fois dans la bouche de cette enseignante. On voit alors le souci de soi comme professeur venir s’interposer devant l’envie d’écouter ces apprenantes.
Le dilemme pour Valérie est le suivant : ces apprenantes ne sont pas que des « élèves », elles ont une identité en-dehors de la situation de classe. Elle éprouve une envie de communiquer avec elles en tant que personnes, un désir de les laisser parlerselon leur désir. Et pourquoi pas ? Cependant le risque encouru est que ne se fasse pas le travail de professeur. Surgit, concurremment au désir de « laisser parler », la représentation du cours, du métier de professeur, de son rôle, de sa place, dont on voit quelques aspects dans les verbalisations :
mais le mauvais côté c’est qu’ça t’écarte de plus en plus de toi ton ton objectif que t’essayes de suivre (rire) tant bien qu’mal
L’enseignante, tout en désirant satisfaire l’envie de son public, désire aussi répondre à un appel intérieur qui lui intime d’être un professeur, à savoir quelqu’un qui suit des objectifs, qui a un programme, une progression, qui impose le sujet, qui travaille la langue.
2.2. Conatus enseignant et « salon de thé utile »
L’être-enseignant veut être un enseignant, et persévérer dans son être-enseignant. Voilà qui n’est pas sans évoquer un vocabulaire spinoziste. Pour Spinoza, tout existant est conatus[9], un effort pour persévérer dans l’être, une force qui poursuit son accroissement. Le désir du professeur est de rester professeur. Pour le philosophe, le désir est l’essence de l’homme. Le conatus en tant que corps cherche à vivre, à se sentir bien. En tant qu’âme, l’homme désire connaître. « Le désir est un appétit dont nous avons conscience ». La joie est la manifestation du succès de l’accroissement de l’être
La joie de Valérie à faire son métier peut-elle être compromise ? Nous l’avons vu, elle est tiraillée entre deux buts contradictoires : d’un côté, le désir d’être un professeur qui transmet des savoirs et évalue les progrès, de l’autre le désir de suivre le désir des apprenantes de parler d’elles. Mais cette activité langagière, qualifiée de « salon de thé » ne répond pas à la définition d’un cours. Un cours est une activité orientée vers un but qui permet l’accroissement d’un savoir. Est-ce qu’un bavardage permet cet accroissement ? En tout cas, ce n’est pas la définition canonique de l’interaction didactique[10].
On comprend alors comment le souci de soi comme professeur entre en litige avec l’envie des apprenantes et avec sa propre envie de répondre au désir de son public.
Au terme d’une verbalisation sur la manière de conduire le cours, l’enseignante établit un compromis entre l’idée qu’elle se fait d’un cours de langue et les envies de ses élèves, ce dont elle fait la description dans la séquence ci-après (corpus Corny) :
je précise que très souvent les gens ont des objectifs grammaticaux moi comme j’tai dit elles vont pas passer de diplômes après + ça n’entre pas + tu vois dans une chaîne balisée: avec des difficultés: des paliers: pas du tout du tout du tout donc euh voilà + en tout cas cette année c’est ce que j’ai fait ++ le thème oui c’est elles qui le choisissent parce que en même temps ça rejoint ce que je te disais j’me dis bon elles travaillent toute la semaine + elles viennent ici pour pratiquer un français bon XXX elles parlent pas avec des françaises + tu vois + donc l’idée c’est pas le salon de thé mais + ce serait un salon de thé un peu utile tu vois ce que je veux dire euh sur le plan du du bon du du français euh de la linguistique voilà + mais l’ambiance doit être salon de thé+++ pour des gens pour elles voilà
Comme un fantôme qui plane sur ces discours apparaît le souci d’accomplir un cours de langue avec son contrat obligatoirement didactique ; les activités de langage doivent servir l’apprentissage. Comment faire lorsqu’on sent que les attentes des élèves tendent vers autre chose, plus proche de l’activité langagière extérieure ? On le voit, elle imagine de leur laisser choisir le thème mais la correction de la langue (du bon français) doit rester un objectif prioritaire. C’est à elle de créer ce qu’elle appelle « un salon de thé utile ». Le terme utile renvoie au souci de la langue, à celui d’incarner la position professorale.
3. Désirer pour l’autre ou pour soi ?
Nous avons évoqué Spinoza pour désigner le désir de continuer à exister en tant qu’être-professeur. Mais ce désir est-il seulement mon désir de persévérer, n’est-il pas aussi celui d’un désir que l’autre dialoguant avec moi, puisse se perfectionner ? Quel est le moteur de l’agir professoral? Qu’est-ce qui le fait se tenir debout ? Quelles sont ses racines ?
3.1. Faire une action avec une intention
Essayons d’approfondir l’agir professoral en nous inspirant de la conception de Schütz [11]et la manière dont, pour l’action, il dégage des motifs tournés vers le futur (motif en-vue de /in-order-to motive).Il s’attache à cerner ce qu’est une « action sociale ». D’un côté, le social est ce qui relie deux individus, et d’un autre, l’action relève d’une intention à rapporter au seul sujet agissant. Dans l’action, existent ainsi deux pans ; la relation avec l’autre et l’intention du sujet. Cela peut nous aider à comprendre la position du professeur, qui cherche à tisser un lien avec sa classe et doit viser le but qu’il veut réaliser. Dans sa description de l’action, Schütz (1998) met l’accent sur la structure temporelle de l’action : toute action comporte, avant d’être réalisée, une part de projection, d’anticipation. Le sujet s’imagine le résultat de son action. Mais cette dernière n’existe pas tant qu’elle n’est que projection ou imagination. Ce que Schütz appelle le « motif en-vue-de » est la fin pour laquelle l’action est entreprise. Cette première catégorie se rapporte à la subjectivité du sujet et renvoie aux intentions qui président à une action et qui s’inscrivent dans une projection dans le futur. Je mets de l’engrais dans la terre pour que mes plantes poussent mieux. Je fais cela pour… C’est une intentionnalité prospective. La seconde catégorie de motif est constituée par le motif parce-que et est à rapporter à des expériences passées. C’est parce que telle ou telle chose a existé que le sujet agit. Ce motif renvoie à des strates d’expériences engrangées qui, d’une certaine manière, déterminent l’agir présent. C’est parce qu’il pleut (cause) que je prends mon parapluie (et je sais que la pluie mouille). Cette seconde optique se situe plutôt du côté de l’objectivité. L’action « a été causée » par un facteur.
L’ « intentionnalité prospective » se lit dans les autocommentaires de professeurs, elle se présente comme un mouvement qui va vers l’avant, une envie que quelque chose arrive. Il y a une syntaxe de ce mouvement. « Je fais cela pour que » serait le schéma actionnel que l’on discerne (j’écris au tableau pour qu’ils retiennent). L’action de type didactique se décline en une multitude de micro-actions qui ont pour horizon de permettre l’apprentissage. Le désir d’enseigner a comme particularité d’inclure l’autre.C’est un désir que l’autre apprenne. Il ne s’agit pas seulement pour l’enseignant de produire un discours pour s’en tenir à son programme mais de faire en sorte que cela soit efficient. Ce mouvement pourrait être lu comme une des formes du désir didactique, cette « pulsion à transmettre des savoirs dans les meilleures conditions possibles. » Tous les enseignants connaissent les sentiments éprouvés après un cours : satisfaction si cela a marché ou émergence d’une intense sensation de frustration ou de déception, qui n’est pas sans évoquer la joie spinoziste lorsqu’il y a accroissement de l’être ou la tristesse dans le cas contraire.
L’agir professoral est constitutivement une action qui se construit avec des résistances à sa mise en place. Pour un professeur de langue, il lui faut susciter le désir de parler, mais contrôler l’expression, lutter contre l’inattention des apprenants mais ne pas les oppresser, les maintenir dans de constants et pénibles efforts de mémorisation. Les obstacles sont en grande part liés à la construction et au maintien de la relation éducativeet à la difficulté de faire participer les apprenants. Quelles que soient les situations éducatives, il revient à l’enseignant de gérer l’interaction, de donner ou de retirer la parole, de veiller à l’équilibre des prises de parole.
Pour en revenir à la question de départ : la classe peut-elle être un lieu de désir ? On y décèle un désir de langue, tant du côté de l’enseignant que des élèves, un désir de réussite de l’interaction, qui favorise l’apprentissage, des attentes fortes venant des uns et des autres. Mais n’est-elle pas aussi le lieu de la contrariété et, même davantage, celui du désir impossible à réaliser, ou alors ce qu’il faut constamment remettre sur le métier ? Or qu’est-ce qui use le désir, qu’est-ce qui le broie, si ce n’est sa satisfaction ? Alors soyons-en sûrs, le travail enseignant offre la garantie de maintenir le désir en éveil, car rien n’est jamais acquis. A l’image du titre de l’article de Freud, l’analyse interminable, c’est ici le désir interminable…
3.2. Le désir pour l’autre est-il véritablement pour l’autre ?
Pour nourrir notre réflexion, arrêtons-nous sur cette petite séquence au cours de laquelle une enseignante s’exprime à propos des procédures de compréhension d’un texte par un étudiant (corpus Zazzo)
mais l’idéal mais moi mon but c’est d’arriver à à CA d’avoir le MOINS de consigne possible pour qu’ils sachent EUX […]qu’ils aient les bons réflexes + comme un bon étudiant + on lui donne un texte il commence à lire et il SCANNE et il regarde tout d’suite+ il va choper les éléments et s’dire ok ça parle de ça nanana nanana et il va faire un LIEN avec c’qu’on lui demande euh ++ tu vois + pas attendre de remplir un tableau
L’extrait commence par les mots « mais l’idéal mais moi mon but», qui introduisent la manière dont l’enseignante exprime son désir de réussir à faire lire un texte par son étudiant avec peu de consignes. Ce mouvement vers l’avant, ce désir que quelque chose advienne, révèle la représentation de ce qu’elle considère comme l’attitude idéale du « bon étudiant », celui qui n’a pas besoin des étapes intermédiaires et des béquilles que sont un tableau, celui qui met en œuvre des techniques de repérage issues sans doute de l’approche globale et qui les a intériorisées. Il a alors acquis ce qu’elle appelle de « bons réflexes ». Les « bons réflexes » étant à comprendre comme la mise en pratique de ce qui est enseigné. Ainsi le désir peut se lire ici comme une sorte d’ « incorporation méthodologique » : l’étudiant idéal, ce n’est pas seulement celui qui comprend selon ses stratégies propres, mais c’est celui qui suit les lignes méthodologiques et de cette manière valide la méthode de compréhension textuelle utilisée par le professeur. On mesure ici l’ambiguïté de ce désir de transmission -sa générosité, mais aussi un désir de se rassurer soi-même comme étant le « bon enseignant » que l’on souhaite être.
Certes, c’est un désir pour l’autre, mais c’est aussi de façon sous-jacente, un désir pour soi, validé par la façon de travailler de l’étudiant qui conforte l’idéal enseignant. L’idéal serait comme une circulation harmonieuse entre les représentations de l’enseignant quant à la manière de faire et les réalisations langagières de son public.
3.3. Désir d’emprise ou visée éthique ?
« D’où vous vient l’élan qui donne le désir de transmettre ? »a été la question que nous avions posée à un groupe de doctorants.Ont alors surgi un ensemble de motivations qui relèvent d’un agir éthique (Cicurel & Spaëth, 2017) et qui globalement visent le bien de l’autre. Nous en donnons quelques exemples :
- Un désir que les apprenants progressent ;
- Un désir d’harmonie du groupe, avec acceptation des rôles, avec des marques d’engagement ;
- Un désir de susciter l’intérêt des apprenants ;
- Un désir d’être utile ;
- Un plaisir à être dans le rôle professeur, se prouver qu’on est capable de ;
- Un désir de connaissance : quand on enseigne, on apprend et donc on se transforme, on évolue, c’est une occasion de réfléchir ;
- Un désir de langue : le plaisir d’être dans une langue que l’on a choisi d’enseigner ;
- Un désir de partage ;
- Un désir de créer et de faire partie d’un groupe à but cognitif.
Mais il se trouve que quelques arguments, un peu différents, ont également été énoncés, moins avouables sans doute (voir l’intéressant article de Vallet, 2011) : être dans la place haute ; montrer son savoir ; éprouver un désir d’emprise, un désir de contrôle.
Une vision « angéliste ? »
Les enseignants, lorsqu’ils se décrivent en train d’agir, vont plutôt invoquer les mobiles nobles de leur agir professoral et ne pas s’attarder sur les aspects négatifs liés à leur action. Ils déclarent leur inquiétude que cela ne se passe pas comme il le faudrait, leur recherche de la solution appropriée, le souci de l’autre. Somme toute, une exigence éthique ou un désir éthique, dans le sens où l’on veut que l’autre soit plus savant, plus performant, plus communicatif, on veut lui donner quelque chose qu’il n’a pas. Mais n’est-ce pas là une vision quelque peu « angéliste » ? Pour Perrenoud (1996), le métier d’enseignant n’est pas dénué de paradoxes qu’il nomme des « non-dits », comme par exemple la « séduction niée », le « pouvoir honteux » ou « l’inavouable décalage »[12]. Il évoque le compromis fragile à établir entre respect des personnes et exigences du programme. Il rappelle les dangers à vouloir trop respecter les différences, ce qui peut avoir pour effet d’enfermer les individus dans leur condition. Ce sont là des paradoxes liés au fait qu’enseigner est un métier de l’humain et qu’il nécessite constamment de peser les arguments pour et contre. Les enseignants de français, alors qu’ils commentent leur action rétrospectivement, expriment les dilemmes auxquels ils sont confrontés. Ils sont souvent pris entre des logiques contradictoires. On l’observe dans la séquence suivante où l’enseignante Charlotte (corpus Zazzo 2012-2013), revenant sur son cours, s’interroge sur sa méthodologie - guider les étudiants ou les laisser chercher plus librement ?
et en même temps j’hésite toujours parce que des fois quand c’est trop guidé ? j’trouve que ::: c’est c’est pas la réalité enfin ils doivent être à la fac l’année prochaine tu vois ? + ils on va pas leur filer des tableaux on va leur donner des arTIcles […] mais j’aurais dû plus le guider+ pour moi ce moment-là ét- c’était j’me j’me sentais mal parce que j’avais l’impression que j’les mettais en difficulté que j’les aidais pas assez ++ tu vois ? et que + pardon comme au début du cours y avait euh tout l’truc sur le::s expressions ça faisait beaucoup peut-être tu vois ? rétrospectivement ? je referai pas une:: séquence de trois heures où y a AUTANT de culturel jeu de mo:ts voilà
On observe souvent comme on le voit pour Charlotte comme un clivage entre des idéaux, à savoir des représentations de ce que l’enseignant veut ou voudrait accomplir et qui renvoie à sa formation, ses modèles, une méthodologie dominante, et la rencontre avec un autre, rencontre plus ou moins harmonieuse on le sait -habitudes d’apprentissage et cultures éducatives diverses des publics, difficultés à mettre en place des activités didactiques, contraintes temporelles, programmes et progressions.
Conclure par des hypothèses
Que ce soit lors de verbalisations rétroactives de l’action ou lors d’entretiens avec des enseignants, les discours produits montrent ce mouvement vers l’avant, cette envie que le savoir enseigné se transmue en savoir appris, ce souci constant des apprenants. La transmission des savoirs ne se fait que parce qu’il y a un lien entre un professeur et des élèves. Ce lien est fragile, toujours susceptible d’être remis en question et, parce que justement, l’équilibre est instable, il provoque le désir que ce lien soit préservé. Nous avons tenté de cerner ce que signifie enseigner une langue. L’enseignant voudrait que son public devienne lui aussi locuteur de la langue enseignée. Il use pour cela de stratégies multiples et si elles sont synonymes de réussite, il en éprouve une intense satisfaction.
Tentons une explication : les expériences d’apprentissage peuvent être douloureuses. Le désir d’enseigner proviendrait d’une volonté de réparation et enseigner serait une recherche de plénitude, d’harmonie – on connaît le sentiment de bonheur que l’on ressent au sortir d’un cours que l’on estime réussi.Si enseigner est une source de joie ou d’inquiétude, qu’il faut constamment trouver l’équilibre qui s’avère fragile, viser un monde idéal dans lequel l’apprentissage se ferait sans souffrance est un horizon peut-être inatteignable. Le désir par conséquent reste toujours vivant.
L’impossible métier d’enseigner continue à susciter des vocations. Pour la philosophe Chalier (2008), la volonté ou le désir de transmission, c’est selon ses mots « passer au temps d’une autre personne » (p. 213), c’est découvrir que cette personne est autre, et il faut affronter cette altérité, cette différence. Le mystère du désir de transmettre est quelque chose de profond. Outre le désir de reconnaissance, celui d’atteindre un horizon intentionnel, on peut y voir comme un désir de durer dans l’autre, un lien didactique idéal, un désir de durer au delà de soi.
Références bibliographiques
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[1]Die endliche und die unendliche Analyse est publié par Freud en 1937. En langue française, ce texte « Analyse terminée et analyse interminable » paraît en 1939 dans la Revue française de psychanalyset. XI, n° 1.
« Il semble que la psychanalyse soit la troisième de ces professions « impossibles » où l’on peut d’avance être sûr d’échouer, les deux autres, depuis bien plus longtemps connues, étant l’art d’éduquer et l’art de gouverner » (p.33).
[2] Bien que notre étude porte toujours sur des corpus d’enseignants de français langue étrangère, les observations s’appliquent aussi en partie à la communauté professorale.
[3]Au sein du groupe de recherches IDAP (Centre de recherches DILTEC, Sorbonne nouvelle-Paris 3.
[4]Voir dans Aguilar et Cicurel (2014) l’article de Woods et Knoerr qui rappellent que le courant teacher thinking, après une période où l’on mettait l’accent sur les méthodes d’enseignement cherche à se rapprocher de la sourcedes comportements et à saisir, autant que faire se peut, le processus de pensée, les raisons de l’agir.
[5]Le domaine d’étude de l’agir professoral s’est considérablement enrichi ces dernières années et notamment par la production de thèses provenant de jeunes chercheurs : Laura Nicolas, Adji Thiaw, Lin Xue et d’autres.
[6]Nous appelons « séquences-typiques » (Cicurel 2016) des catégories discursives qui réapparaissent dans la plupart des verbalisations d’enseignants. Si nous en faisons le rappel ici, c’est pour notifier au lecteur que les discours de verbalisations, à partir d’une action inscrite dans la professionnalité, sans jamais se ressembler, comportent des schèmes, des structures communes.
[7]Nos exemples sont tirés de deux corpus collectés au sein du groupe de recherche IDAP-DILTEC, université Sorbonne nouvelle-Paris 3. Le corpus Corny est constitué des interactions et verbalisations d’une enseignante s’adressant à des femmes travailleuses, résidant en France. Le corpus Ginabat et le corpus Zazzo sont constitués des interactions et verbalisations d’une enseignante s’adressant à des étudiants de FLE chinois en France . Code de transcription : + ++ +++ = pause plus ou moins longue. MAJUSCULE = mot ou syllabe accentué. : = allongement syllabique.↑= intonation montante. Le soulignement indique les séquences sur lesquelles nous voulons attirer l’attention du lecteur.
[8]L’enseignante Valérie est titulaire d’un Master de didactique du français et des langues et possède 4 années d’enseignement. Les verbalisations produites le sont en visionnant le cours qu’elle donne à des femmes migrantes, séjournant en France depuis un certain temps et travaillant dans une entreprise, le plus souvent comme caissières. Elles sont cambodgiennes, vietnamiennes et sri lankaises.
[9]Conatus est un terme latin qu’on traduit par effort, élan. Une force en soi-même. Toute chose qui existe fait effort pour persévérer dans son être ; le conatus ne se rapporte pas seulement à l’homme mais à la nature toute entière. Il y a un conatus pour une pierre, elle ne se disloque pas spontanément.« Chaque chose, selon sa puissance d’être, s'efforce de persévérer dans son être », Proposition VI dans Baruch de Spinoza, L’Éthique. De l’origine et de la nature des sentiments, Gallimard, 1954, p.421.