Actes n°1 / Désir de langues, subjectivité et rapports au savoir : les langues n'ont-elles pour vocation que d'être utiles ?

Le coaching au service de l’enseignement-apprentissage des langues-cultures

L’exemple du Français sur Objectif Universitaire

Eléonore Yasri-Labrique

Résumé

Résumé

Le coaching de développement personnel est une discipline relativement récente dont les fondements s’inscrivent au cœur des Sciences Humaines et Sociales. De façon relativement simple, on peut dire que le coaching consiste à accompagner un individu à la fois dans le cadre d’une évolution personnelle et vers la réalisation d’un objectif permettant d’atteindre un nouvel équilibre satisfaisant. Les présupposés théoriques et les outils pratiques sur lesquels il s’appuie sont parfois intégrés dans certaines situations d’enseignement-apprentissage mais les différents acteurs concernés gagneraient sans doute à être sensibilisés aux méthodes de cette profession qui, à la suite de Carl Rogers, propose une approche centrée sur la personne, dont les trois attitudes : congruence, empathie, regard positif inconditionnel, sont les trois composantes nécessaires et suffisantes pour être dans une dynamique de développement, d'épanouissement et de croissance. Cela évoque les approches communicatives et actionnelles en didactique des langues-cultures, centrées sur l’apprenant et qui cherchent à lui faire acquérir une plus grande autonomie dans les situations connues ou inconnues. A l’heure où la mondialisation bat son plein et où se développent de nouvelles manières d’enseigner et d’apprendre, le métier de l’enseignant évolue. Nous ne sommes plus seulement là pour transmettre un savoir mais pour donner des clés à l’élève ou l’étudiant afin que celui-ci puise en lui les ressources dont il a besoin dans un contexte de communication même inédit. Les apprenants expriment des motivations, des envies et des objectifs qui ne sont plus les mêmes par rapport aux époques antérieures. Ces changements supposent un renouvellement de la réflexion didactique ainsi que des innovations sur le plan pédagogique. Le coaching peut en faire partie. En particulier, nous semble-t-il, au niveau du Français sur Objectif Universitaire. Celui-ci pose de nouveaux défis dans la mesure le formateur est confronté, de la conception des enseignements à leur mise en place, à des contraintes liées aux objectifs des apprenants qui vont être immergés dans des discours fonctionnels en langue cible tout au long de leurs études. Il nous faut donc continuer à combler leurs lacunes linguistiques, à réduire leur déficit d’acculturation et à limiter leur insécurité discursive, en incluant par exemple réflexivité et empathie dans notre approche interculturelle et intersubjective, basée sur l’écoute active, l’accompagnement individualisé et l’excellence du rapport collaboratif, principes sur lesquels repose également le coaching.

Eléonore YASRI-LABRIQUE
DIPRALANG EA-739
Université Paul-Valéry Montpellier 3

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Introduction

Le coaching de développement personnel est une discipline relativement récente qui prend son essor en ce début de XXIe siècle et dont les fondements s’inscrivent au cœur des Sciences Humaines et Sociales telles que la psychologie, la sociologie et la philosophie. Les présupposés théoriques et les outils pratiques sur lesquels elle s’appuie sont parfois intégrés dans certaines situations d’enseignement-apprentissage mais les différents acteurs concernés gagneraient sans doute à être sensibilisés aux méthodes de cette profession qui, à la suite de Carl Rogers, propose une approche centrée sur la personne.

A l’heure où la mondialisation bat son plein et où se développent de nouvelles manières d’enseigner et d’apprendre (formations hybrides, nomadisme…), le métier de l’enseignant évolue ainsi que sa place dans la transmission des savoirs. Connaissances et compétences, savoir-faire et savoir-être, prennent aussi de nouvelles tournures. Les apprenants expriment des besoins, des motivations, des envies et des objectifs qui ne sont plus les mêmes par rapport aux époques antérieures. Ces changements supposent un renouvellement de la réflexion didactique ainsi que des innovations sur le plan pédagogique, en lien notamment avec la place du sujet dans les nouveaux dispositifs envisagés. Le coaching peut en faire partie.

Dans cette contribution, nous souhaitons évoquer les aspects du coaching qui nous paraissent pertinents pour la didactique des langues-cultures en général et du FLE/ FOU en particulier. Nous nous appuierons sur notre expérience pour esquisser des perspectives concrètes au-delà du questionnement méthodologique. Dans une première partie, nous présenterons donc ce qu’est le coaching de développement personnel et analyserons dans une deuxième partie comment il peut être intégré dans un cursus de FLE/ FOU et avec quels résultats. Nous terminerons par une réflexion conclusive concernant une possible ouverture de l’enseignement-apprentissage des langues-cultures sur certains fondamentaux du coaching particulièrement intéressants dans notre conception de l’interaction entre ces deux domaines.

1. Le coaching, une profession au service des objectifs de la personne

1.1. Définitions

Les mots « coach » et « coaching » sont de plus en plus utilisés, avec des acceptions différentes, mais la profession qu’est le coaching personnel ou coaching de vie est encore mal connue et suscite des méfiances, des réticences, voire des moqueries. Pourtant, elle est confrontée à des enjeux cruciaux dans la mesure où la demande de coaching se fait toujours à l’occasion d’un changement dans l’existence d’une personne, qu’il soit d’ordre professionnel ou privé. De façon relativement simple, on peut dire que le coaching consiste à accompagner un individu à la fois dans le cadre d’une évolution et vers la réalisation d’un objectif permettant d’atteindre un nouvel équilibre satisfaisant. Il ne s’agit surtout pas de faire appel à un professionnel qui puisse résoudre les difficultés du client. Au contraire. A l’issue d’un processus de coaching personnel, la personne coachée devient autonome et est apte à trouver elle-même ses propres solutions en surmontant les obstacles de son vécu et en utilisant les ressources qui résident en elle et dans son environnement.

On peut donc dire que l’accompagnement coaching entraîne un double bénéfice. Dans le présent du parcours de coaching : tout est mis en œuvre pour que l’objectif du client soit atteint et finalement accompli ; dans le futur : la personne coachée sera désormais capable de gérer elle-même les transitions susceptibles de survenir par la suite.

Il est ainsi possible de compléter notre première définition en précisant que le coaching de vie est un processus dynamique qui s’inscrit à l’intérieur d’une relation basée sur l’interaction verbale et l’écoute active. Le coach accompagne le client vers la clarification et la réalisation de son objectif à travers une série d’entretiens individuels, dans un cadre déontologique strict, dans un contexte défini sous forme de contrat, à travers la mise en œuvre d’outils et de techniques spécifiques. Il s’agit d’une relation d’aide, mais en aucun cas d’une thérapie, de consulting ou de conseils. Pour mieux comprendre, on peut également citer les définitions suivantes proposées par des organismes reconnus de coaching, français ou internationaux :

Pour la SF Coach (Société Française de Coaching), première organisation professionnelle représentative du coaching en France depuis 1996 :

Le coaching professionnel est l’accompagnement de personnes ou d’équipes pour le développement de leurs potentiels et de leurs savoir-faire dans le cadre d’objectifs professionnels. […] Situé dans un tout autre registre, [le coaching personnel ou life coaching] consiste à accompagner des particuliers sur leurs problématiques personnelles (problèmes familiaux, relationnels ou autres…)[1].

Pour l’ICF France (International Coaching Federation) :

Le coaching [se définit] comme une alliance entre le coach et ses clients dans un processus qui suscite chez eux réflexion et créativité afin de maximiser leur potentiel personnel et professionnel. 

Pour accompagner l’évolution d’une personne, d’une équipe ou d’une organisation, le coach s’appuie sur l’art de la relation qui permet d’entrer en interaction avec quelqu’un d’une façon telle qu’il réalise les projets qu’il choisit de mettre en œuvre en transformant, si c’est pertinent, ses attitudes et ses compétences[2]. 

Pour la FFC (Fédération Francophone de Coachs Professionnels) :

Le coaching est un processus d’accompagnement qui favorise la prise de conscience par une personne (ou un groupe/équipe) de ses modes de fonctionnement, avec l’objectif de dépasser la situation dans laquelle elle se trouve et d’atteindre ses objectifs professionnels et/ou personnels qu’elle s’est fixés en toute autonomie[3].

Pour l’EMCC (European Mentoring and Coaching Council) :

Le coach est un professionnel de l’accompagnement qui a suivi une formation spécifique au coaching, formation qui respecte un référentiel de compétences précis, défini en collaboration avec les fédérations professionnelles. Le coach respecte le Code de Déontologie de la fédération professionnelle à laquelle il est rattaché. Son rôle est d’aider le coaché, avec des processus d’accompagnement adaptés, à bâtir ses propres solutions. Contrairement au consultant, il n’est pas d’abord là pour apporter du contenu et il ne connaît pas forcément les aspects techniques du métier du coaché. Il est là pour mettre en œuvre des processus qui aident le coaché, à dépasser ses obstacles, croître et gagner en efficacité[4].

Citons enfin la définition que proposent dans leur Manuel de Coaching Bernard Hevin et Jane Turner (2003). Ils considèrent le coaching comme un art à double vocation :

- L’art de guider des personnes ou des systèmes vers un avenir plein de promesses réalisées car le coach est celui qui perçoit des opportunités là où les autres ne voient que des obstacles ;

- L’art de rencontrer l’autre dans sa singularité, l’art de co-créer et d’apprendre ensemble.

Cette dernière notion nous paraît tout à fait intéressante dans l’optique qui nous occupe : celle d’intégrer des éléments éthiques et techniques issus du coaching dans la réflexion didactique en général et dans les situations d’enseignement-apprentissage des langues-cultures en particulier. Cela fait en effet écho aux propos de Geneviève Zarate (1993) qui met explicitement en relation les sciences sociales et la didactique des langues-cultures lorsqu’elle explique que, même en contexte pédagogique, les acteurs d’un échange langagier « impriment l’empreinte de leur identité dans la relation au réel » et qu’il est désormais difficile d’enseigner une langue étrangère sans garder à l’esprit les termes d’image, de regard ou de point de vue. Ainsi, pour tout contact interculturel ou interpersonnel, il est nécessaire de prendre en compte sa propre vision du monde mais aussi celle de l’autre. C’est cette double considération qui permet d’un côté à l’apprenant, de l’autre à la personne coachée, de se diriger vers ses objectifs avec une certaine sérénité et de grandir en autonomie dans le respect de son intégrité ontologique.

1.2. Les principales sources du coaching

Si on remonte rapidement jusqu’à l’Antiquité grecque, cinq siècles avant notre ère, on peut distinguer de façon schématique, en ce qui concerne l’acquisition des connaissances, la conception aristotélicienne de la perception socratique. Selon Aristote, « le maître est celui qui, parce qu’il possède un savoir, est capable de le transmettre » alors que Socrate considère que « le maître est celui qui permet à l’autre d’atteindre le savoir qu’il possède en lui-même ». En s’appuyant notamment sur cette citation, nombreux sont ceux qui font du philosophe fondateur de la maïeutique le "premier coach" de l’Histoire : il ne cherchait pas à imposer à l’autre un savoir mais à faire émerger chez l’autre son propre savoir.

L’art de Socrate visait donc à faire enfanter ses disciples de leurs propres connaissances, leurs propres ressources, leurs propres solutions à différents problèmes, et ces principes s’apparentent déjà à ce que le coaching préconise aujourd’hui, et ce depuis son apparition dans les années 1960 dans le monde du théâtre et du cinéma aux Etats-Unis. Le métier de coach est d’abord celui d’un répétiteur qui fait répéter le rôle de telle manière à ce que les objectifs des acteurs soient atteints au-delà de la seule performance sur scène ou devant la caméra.

Le coaching s’implante ensuite dans le domaine sportif. Le coach sportif n’est plus seulement un entraîneur physique, c’est aussi un préparateur mental qui met tout en œuvre pour permettre à l’athlète, individuellement ou de manière collective au sein d’une équipe, d’atteindre ses objectifs. Quels que soient les outils utilisés par le coach dans l’entraînement physique ou la préparation mentale, c’est finalement le sportif qui produira l’effort nécessaire pouvant l’amener à se dépasser, voire à remporter des victoires.

Sur le plan historique et bibliographique, on peut rappeler que c’est à Timothy Gallwey, spécialiste du tennis et du golf, qu’on doit les bases du coaching tel qu’on le conçoit de nos jours : « Dans son premier ouvrage, The Inner Game of Tennis, il ouvre une voie nouvelle, parcourant les champs de la maïeutique et l’essence même du coaching avec les notions de […] libération du potentiel des joueurs, responsabilité, connaissance de soi, travail sur soi, accueil et gestion des émotions, apprendre à apprendre[5]. »

On retrouve une démarche semblable au niveau du coaching professionnel dans les entreprises du monde anglo-saxon dès le début des années 1980 : « Tourné à ses débuts vers les managers et les dirigeants en raison des implications sociales et économiques de leur relation à la performance des organisations, au pouvoir, à la vision stratégique et à la capacité décisionnelle, le coaching se généralise aujourd’hui à l’ensemble des acteurs de l’entreprise[6]. »

C’est vers la fin des années 1980 que le coaching arrive en France et qu’il ouvre petit à petit son horizon à d’autres secteurs que le sport ou l’entreprenariat. Il concerne aujourd’hui tous les pans de la société, et notamment les particuliers pour qui la notion de développement personnel ou d’épanouissement de soi a des résonances de plus en plus profondes. Dans le coaching personnel, même si l’accompagnement n’est plus basé sur la performance ou la compétition, le coach va aider son client, comme pour un sportif de haut niveau ou un dirigeant d’entreprise, à mieux identifier ses aptitudes et révéler son potentiel, à exploiter ses connaissances et ses compétences, à en acquérir de nouvelles dans la perspective de l’objectif à atteindre, mais aussi à entretenir sa motivation et pérenniser ses engagements vis-à-vis de lui-même. Pour ce faire, la plupart des coachs de vie s’appuient sur l’Approche Centrée sur la Personne développée par le psychologue américain Carl Rogers[7], dont la réflexion couvre les champs de la psychologie clinique, de la psychothérapie, de la médiation et de l’éducation.

Le coach doit œuvrer de manière à ce que la personne coachée fasse un travail de recentration sur elle et pour elle, tout en faisant de son côté un travail de décentration dans une optique liée à l’ACP, dont les trois attitudes : congruence, empathie, regard positif inconditionnel, sont les trois composantes nécessaires et suffisantes pour être dans une dynamique de développement, d'épanouissement, d'évolution, de croissance. On parle de congruence quand il y a correspondance exacte entre l'expérience, la prise de conscience et l'expression de soi, quand l’individu observe ou expérimente une cohérence entre ce qu’il ressent, ce qu’il pense et comment il agit. Dans l’approche rogérienne, l’accompagnant se doit d’être congruent pour que l’accompagné puisse le devenir à son tour. L’empathie cognitive est à différencier de la contagion émotionnelle : le coach saisit les messages verbaux et non-verbaux de son client et comprend la situation de l’autre non pas depuis son propre cadre de référence mais depuis celui de la personne coachée. Quant à la confiance inconditionnelle, elle s’exprime par l’accueil du client qui est accepté tel qu’il est, dans la bienveillance et le non-jugement, et avec la certitude intime, selon les préceptes socratiques, qu’il a effectivement les moyens en lui de gérer les changements qui surviennent et d’atteindre les objectifs qu’il se fixe. Carl Rogers (1961), explique que « chaque individu a en lui des capacités considérables de se comprendre, de changer l'idée qu'il a de lui-même, ses attitudes et sa manière de se conduire ; il peut puiser dans ses ressources pourvu que lui soit assuré un climat d'attitudes psychologiques "facilitatrices" que l'on peut déterminer[8] ». Le coach va donc aider le client à repérer, à trouver ou à élaborer ces facteurs facilitateurs. Rogers précise également ceci à propos de l’ACP :

Elle vise directement à une grande indépendance et à une grande maturation de l'individu, mais n'espère pas que de tels résultats seront améliorés si le conseiller aide à résoudre le problème. C'est l'individu et non le problème qui est au centre. L'objectif n'est pas de résoudre un problème particulier, mais d'aider l'individu à se développer afin qu'il puisse faire face au problème actuel et à des problèmes ultérieurs d'une façon plus appropriée. S'il peut parvenir à un développement suffisant pour traiter un problème de façon plus indépendante, plus responsable, moins confuse, plus organisée, il traitera également de la même façon les nouveaux problèmes qui se présenteront à lui[9].

Cela évoque les approches communicatives et actionnelles en didactique des langues-cultures, centrées sur l’apprenant et qui cherchent à lui faire acquérir une plus grande autonomie dans les situations connues ou inconnues. L’enseignant n’est plus là pour transmettre un savoir mais pour donner des clés à l’élève ou l’étudiant afin que celui-ci puise en lui les ressources dont il a besoin (connaissances actuelles, capacité à transférer des compétences, intelligence adaptative…) dans un contexte de communication même inédit.

1.3. Principes fondamentaux

Comme nous venons de le voir en abordant l’ACP, réflexion cruciale pour les développements du coaching qui se doit avant tout d’être une discipline humaniste, les trois principes fondamentaux sont la congruence, l’empathie et la confiance inconditionnelle. Au-delà, le coaching repose sur un certain nombre de postulats régis par une déontologie stricte, qui englobent aussi bien les notions d’éthique, de respect, de confidentialité, de prise en compte de l’altérité, que des éléments comme une méthodologie appropriée, la co-responsabilité ou encore le cheminement vers l’indépendance.

Ces postulats se déclinent dans un cadre spatio-temporel défini (un lieu serein pour les entretiens et une durée déterminée du processus qui s’étale généralement sur une dizaine de séances répartie sur 3 à 4 mois) mais également psycho-affectif dont les quatre maîtres-mots sont :

- L’authenticité : le coach et le client se doivent d’être sincères ;

- La bienveillance : les entretiens se déroulent dans un climat chaleureux ;

- Le non-jugement : le coach ne se permet jamais de juger le client ;

- Le professionnalisme : la relation coach-client est strictement professionnelle.

Le coaching s’inscrit par ailleurs dans le cadre de la « règle des 3P » : « Protection + Permission = Puissance ». Le coach joue un rôle protecteur qui permet d’assurer l’équilibre écologique de la personne : ni sa sécurité ontologique ni son identité profonde ne doivent jamais être menacées. Le parcours de coaching est un espace de liberté pour le client qui s’autorise des attitudes souvent réprimées en société : faire ou ne pas faire, dire ou ne pas dire, poser des questions, répondre ou ne pas répondre, exprimer ses émotions… Finalement, la personne coachée gagnera en pouvoir pour elle-même : elle dépassera ses appréhensions et ses limites, elle se responsabilisera dans ses choix, elle sera en posture de leader vis-à-vis d’elle-même…

Ces trois conditions sont interdépendantes et le coach doit veiller à ce qu’elles soient mises en place de façon conjointe tout au long du processus. Cela suppose alors quelque chose d’essentiel dans le coaching : de la réflexivité. Le coach a en permanence une attitude réflexive par rapport à sa pratique mais le client entame également une démarche de réflexivité sur lui-même par l’analyse de ses représentations, de ses croyances aidantes ou limitantes, de ses comportements, de ses ressources, de ses motivations intrinsèques ou extrinsèques…

Enfin, rappelons que le coaching est une profession d’accompagnement et qu’elle se base donc sur une relation interpersonnelle pour laquelle la qualité du rapport collaboratif est essentielle. Les caractéristiques de cette relation sont les suivantes :

- L’accueil de l’autre marqué par une pratique de l’écoute active, l’empathie cognitive, le respect inconditionnel de la personne, l’absence totale de dévalorisation, une attitude positive et constructive en toutes circonstances ;

- La valorisation à travers un encouragement constant, sincère et pertinent, un renforcement sur les faits et sur la personne, l’absence de critique négative et des mots positifs systématiques pour chaque effort, chaque réalisation ;

- La fiabilité basée sur la congruence du coach, qui doit être aligné, c’est-à-dire être en concordance avec ses valeurs et la déontologie de la profession, dire ce qu’il fait et faire ce qu’il dit, ne pas se mentir à lui ni mentir à l’autre ;

- La flexibilité qui est une forme d’adaptation à la façon de communiquer de l’autre, de synchronisation à son rythme, à son débit, à sa tonalité… ;

- La légèreté au sens où le processus de coaching, ancré dans le présent et tourné vers l’avenir, est l’occasion de relativiser, de dédramatiser, de voir des solutions là où on envisage généralement des problèmes.

Toutes ces conditions et ces caractéristiques sont loin d’être impensables dans le cadre de situations d’enseignement-apprentissage d’une langue étrangère. Nous allons d’ailleurs voir à présent comment une démarche inspirée du coaching a été mise en œuvre en FLE, plus précisément pour le module de Français sur Objectif Universitaire de l’IEFE pendant six ans (de 2011 à 2017) et avec quels résultats.

2. Le module FOU à l’IEFE (2011-2017) : entre enseignement et coaching

Depuis quelques années, on assiste en effet à l’émergence de nouvelles formations destinées aux étudiants étrangers non-francophones souhaitant poursuivre des études supérieures en France : il s’agit de cursus intitulés, à la suite de Jean-Marc Mangiante et Chantal Parpette (2011), Français sur Objectif Universitaire. Après un stage intensif dans ce domaine-là en juin 2010 à l’Université de Perpignan, j’ai mis en place dès la rentrée suivante, à l’Institut d’Etudes Françaises pour Etrangers (IEFE) de l’Université Paul-Valéry Montpellier 3, une formation de ce type sous la forme d’un module complémentaire, à destination des étudiants des niveaux B2 et C1. Ce dispositif répondait à de nombreux besoins et correspondait à une réflexion approfondie sur les enjeux du FOU avec une approche multifocale[10]. Mais proposer des cours de Français sur Objectif Universitaire (FOU) soulève souvent plus de questions que cela n’apporte de réponses. Par exemple, en tant que praticiens, nous sommes confrontés entre autres aux interrogations suivantes. Quelles sont les spécificités du FOU par rapport au FLE ? Comment les repérer et mettre en œuvre une stratégie d’enseignement-apprentissage adéquate ? Les cursus de FOU répondent-ils aux besoins des différents publics visés amenés à suivre des cours dans une université française ? Prenons-nous vraiment en compte la notion d’objectif, et si oui, sous quelles formes ? C’est notamment à ces questionnements que je tenterai d’apporter des éléments de réponse basés sur mon expérience et ma réflexion en lien avec le coaching.

2.1. Spécificités du FOU et implications didactiques

On peut s’accorder sur le fait que le FOU est effectivement une déclinaison du FLE : les formations FOU s’adressent normalement à des apprenants non-francophones, que ce soit dans leur pays ou en France. Certes, tous les terrains présentent leurs particularités et selon les contextes, les formations FOU mettront à des degrés divers l’accent sur les différentes composantes de la compétence universitaire, au cœur de tous ces dispositifs. Rappelons ici que la compétence universitaire est constituée de trois composantes principales. La première concerne l’aspect linguistique qui a pour but de développer chez les apprenants les connaissances langagières nécessaires pour pouvoir suivre des cours donnés en langue étrangère à l’Université et réaliser les activités en lien avec les études choisies. La deuxième composante porte sur l’aspect méthodologique et culturel : elle doit aider les étudiants à réaliser certaines tâches académiques en contexte hétéroglotte et transculturel. Quant à la troisième composante, il s’agit de la dimension disciplinaire qui consiste à familiariser les apprenants avec leur domaine de spécialité en langue cible.

Par ailleurs, tandis que le FLE concerne le français général ou en général, le Français sur Objectif Universitaire va cibler des points précis de la langue à étudier, notamment sur le plan lexical. Le formateur doit procéder à une sorte de découpage de la langue et adopter une démarche d’élimination et d’intégration : quels savoirs linguistiques va-t-on transmettre ? Et une fois le choix effectué, auxquels d’entre eux va-t-on accorder la priorité ? Le formateur FOU est donc confronté, de la conception des enseignements à leur mise en place, à des contraintes liées aux objectifs des apprenants qui vont être immergés dans des discours fonctionnels en langue cible tout au long de leurs études.

De plus, alors que le FLE correspond plutôt à une offre de formation, proposée en France ou à l’étranger dans des centres de langues prêts à accueillir des apprenants ayant des attentes, besoins ou désirs, multiples, le FOU, comme le FOS, est là pour répondre à une demande existante et généralement forte. Aujourd’hui, le taux d’échecs des étudiants étrangers intégrés à l’Université française est tel que cette demande résonne presque comme un cri d’alarme. Le public auquel le formateur FOU s’adresse est donc un public plus exigeant qui attend un retour sur investissement rapide. Alors qu’en situation d’enseignement-apprentissage du FLE, les différents acteurs pédagogiques peuvent prendre du temps à réaliser certaines tâches et travailler en incluant la notion de plaisir (choix des supports, mise en œuvre des activités…), cela n’est guère possible dans une démarche FOU. Les étudiants ont quelques mois pour acquérir les bases linguistiques suffisantes et surtout procéder à une décentration culturelle nécessaire à leur admission puis à leur réussite dans une université française.

Enfin, alors que le FLE joue sur la diversité des contenus quelle que soit la compétence visée, en particulier au niveau des compétences socioculturelles, le FOU mise sur la spécialisation. Il ne s’agit pas bien sûr de faire du français thématique ou de spécialité, mais de mettre toute la démarche pédagogique au service d’un but commun partagé par les apprenants, que ce soit au niveau des compétences linguistiques enseignées ou des savoirs universitaires, culturels et disciplinaires que l’on souhaite transmettre. En effet, ce ne sont ni les contenus ni les activités qui justifient une appellation FOU mais les contraintes imposées par la demande du public, homogène ou hétérogène sur le plan des langues et cultures sources ainsi que sur le plan des disciplines de spécialité, qui doit se préparer à entrer dans un système universitaire caractérisé par la quantité et la variété des discours, et où le langage occupe une place primordiale. Cette dimension langagière forte et complexe est d’ailleurs l’une des caractéristiques majeures que le FOU doit prendre en compte, notamment si les apprenants se destinent à un parcours en Sciences Humaines et Sociales. L’une des principales difficultés pour le formateur réside alors dans le montage des cours, dans la mesure où il n’existe pas de matériel à disposition et où la quantité des corpus potentiels à analyser pour initier puis mener à son terme un projet FOU est absolument phénoménale.

Ainsi, le FOU a bien de nombreuses spécificités, et l’une d’entre elles est donc la prise en compte de la compétence universitaire, déjà rapidement définie. Sa composante linguistique n’est sans doute pas la plus désarmante pour des spécialistes du FLE. Bien que mises au service d’un univers discursif particulier, les compétences travaillées avec plus ou moins d’intensité, et ce toujours en fonction du public, seront les mêmes :  compétences linguistiques, compétences de production, compétences de réception. Les contenus sont bien sûr connus du formateur et l’interaction enseignant/ apprenants, bien que souhaitable, n’est pas forcément un élément central de cette composante. La composante disciplinaire présente en revanche une difficulté de taille pour le formateur FLE qui ne maîtrise pas (pas obligatoirement en tout cas) tous les contenus des différents domaines de spécialisation. Dans ce registre, qu’il s’agisse de droit, d’économie, de biochimie ou de mécanique, les savoirs et savoir-faire des apprenants sont théoriquement supérieurs à ceux de l’enseignant. Odile Challe signale ainsi qu’il est essentiel que s’établisse entre l'enseignant et ses apprenants un échange fructueux de connaissances :

Le professeur de langue ne peut s'imposer comme seul détenteur du savoir face à ses étudiants spécialistes. En effet, la maîtrise du savoir se dédouble en deux sortes de connaissances : les connaissances linguistiques et les connaissances du domaine de spécialité. Certes, le formateur possède mieux la langue française que l'étudiant. A l'inverse, l'étudiant spécialiste connaît mieux le domaine que son professeur. Il s'agit en ce cas de trouver un nouvel équilibre. Cette relation ne présente aucun danger si elle est exploitée. Le professeur ne court aucun risque d'être déstabilisé. Le dialogue entre l'étudiant qui explique à son formateur une notion spécialisée favorise l'authenticité des échanges pédagogiques[11]

Dans cette perspective, le contact avec des acteurs du milieu étudié d’une part et l’interaction avec les étudiants d’autre part sont donc absolument indispensables. Enfin, la composante culturelle pose, quant à elle, des questions encore plus complexes auxquelles il nous semble important de réfléchir un instant. Premièrement, dans ce contexte, doit-on parler plutôt de composante culturelle ou interculturelle ? Le terme « interculturel » est tentant à retenir dans la mesure d’une part où le FOU est un lieu privilégié pour la rencontre de deux univers ethnosocioculturels différents (ou plus, si le public est hétérogène sur le plan linguistique et culturel), plutôt proches ou au contraire très éloignés : celui de l’apprenant (culture source) et celui de l’enseignant (culture cible), et d’autre part où il y a forcément un décalage plus ou moins grand entre les deux, que le formateur FOU doit analyser. Que faut-il apporter ou faire acquérir à un étudiant étranger pour qu’il puisse s’acculturer au monde universitaire français et réussir ses études en France ? Comment l’aider à adopter un positionnement sain, qui n’engendre ni le reniement de sa propre culture ni le rejet de la culture d’accueil ? Suffit-il d’établir un certain nombre de repères et de normes ?  Comment travaille-t-on les écarts entre l’univers culturel d’origine et l’université française ? Qui le fait ? Les formateurs FOU ou les collègues des différentes UFR ? Si on opte pour un partenariat, comment articule-t-on le travail entre les uns et les autres ? Est-ce qu’au sein du groupe d’apprenants on utilise aussi les compétences d’un étudiant ayant surmonté certains obstacles, en proposant par exemple des activités de peer-to-peer ? Il est difficile de répondre à toutes ces interrogations, mais une piste semble importante comme dans toute situation d’enseignement-apprentissage, à savoir le développement de la compétence de réflexivité : aussi bien l’apprenant que l’enseignant doivent être capables d’analyser, étape par étape, les acquisitions en cours, les progrès faits, les blocages persistants… De plus, il paraît judicieux de travailler en profondeur les savoirs universitaires transversaux, tels que la méthodologie des exercices de composition typique de l’Université française ou la conceptualisation « à la française ». Emilia Hilgert rappelle à ce titre ceci :

Une étape importante que doit franchir l’étudiant étranger est de passer d’une conception floue des tâches qui l’attendent à une vision claire des exigences d’un discours universitaire français. Cette initiation, souvent écourtée par le spécialiste qui la considère comme un pré-requis, revient au spécialiste du FOU, habitué à évaluer des besoins en langue et sensible aux écarts culturels[12]

On le voit, la tâche est lourde, mais quelles que soient les options choisies par le concepteur de formation et le formateur FOU, une dimension doit être privilégiée pour résoudre, en partie et en commun, les problèmes d’ordre interculturel : la dimension relationnelle.

Ainsi, le FOU étant un espace privilégié pour la rencontre interculturelle mais également la relation intersubjective, il nous paraît intéressant d’y introduire des éléments de coaching qui font entre autres écho aux notions de réflexivité et de qualité relationnelle dont je viens de parler. C’est ce que j’ai fait pendant plusieurs années au sein du module FOU à l’IEFE.

2.2. Le coaching au service du FOU : un exemple concret

Dans la perspective de faciliter l’intégration des étrangers non-francophones dans une université française, j’ai donc mis en place à l’IEFE, dès la rentrée 2010-2011 et ce jusqu’à l’année universitaire 2016-2017, un module de formation (de 22 heures : 2 heures d’information et 20 heures d’enseignement) s’adressant aux étudiants qui souhaitaient poursuivre leurs études en France, notamment à Montpellier. La participation à ces cours était gratuite et perçue comme un élément de valorisation du parcours pré-universitaire. Elle donnait droit à une attestation de suivi de la formation pouvant être un atout, notamment pour les étudiants qui voulaient s’inscrire en Master et avaient à constituer un dossier d’admission. Pour pouvoir participer à ce module, l’étudiant devait être inscrit à l’IEFE, avoir un projet universitaire précis pour la rentrée suivante et être placé au minimum au niveau B2 (étudiants prioritaires), niveau requis pour être accepté en Licence. A travers ce module de formation, l’enseignante visait deux objectifs précis : développer chez les apprenants de nouveaux rapports à la langue et à la culture françaises ; aider chacun d’entre eux dans l’élaboration de son projet universitaire français en lui permettant d’enrichir ses compétences langagières et culturelles.

Ces deux objectifs ont été en partie atteints. Le cours, interactif, a permis aux étudiants de soulever de nombreuses interrogations liées au contexte universitaire français en général ainsi qu’à leur projet individuel. Chaque étudiant a d’ailleurs pu approfondir son projet personnel, et ce par étapes : descriptif de la formation choisie ; contraintes, objectifs et débouchés de celle-ci ; type d’examen proposé ; attentes sur le plan des compétences méthodologiques et linguistiques ; références culturelles et bibliographiques en relation avec la discipline visée…

Du point de vue de l’enseignante, le constat est multiple. Voici seulement quelques-unes des principales observations faites sur le terrain :

- ce dispositif de formation est extrêmement utile pour les étudiants mais largement insuffisant, d’où la nécessité d’envisager la mise en place d’une formation complète sous la forme d’une année préparatoire à l’entrée à l’Université (DU) ;

- le besoin en langue des apprenants est, même au niveau B2 ou C1, encore très important, leurs demandes portant essentiellement sur les acquisitions syntaxiques d’une part et les acquisitions lexicales générales ou spécifiques d’autre part ;

- les étudiants sont également en quête d’une sécurité discursive : ils veulent comprendre mais surtout manipuler les discours scientifiques en relation avec leur spécialité. La méthodologie de la dissertation ou du compte rendu, par exemple, semble acquise en surface, mais une évaluation minutieuse de leurs productions montre que, pour certains, la structure de ces discours « à la française » demeure un mystère ;

- pour l’enseignante, la gestion de l’hétérogénéité constitutive du groupe est un double défi : d’abord sur le plan des origines linguistiques et culturelles des apprenants, certains ayant une culture générale ou une culture universitaire déjà proches de la culture française, d’autres au contraire ne partageant quasiment aucune référence culturelle commune ; ensuite sur le plan disciplinaire, le choix des filières étant bien sûr très vaste.

Ces quelques observations, et d’autres encore plus ponctuelles, nous confirment dans l’idée de mettre en place un dispositif de formation mieux adapté aux besoins de ces apprenants. Les questions que nous nous sommes posées au départ, plutôt vastes et d’ordre général, aboutissent donc à une réponse ponctuelle, concrète, en lien avec le contexte institutionnel dans lequel nous évoluons. Le dispositif que nous avons finalement présenté vise à limiter l’échec à l’Université pour le public hétérogène que nous ciblons : de jeunes bacheliers étrangers non-francophones, ayant des projets de spécialisation variés. Il nous faut continuer à combler les lacunes linguistiques, à réduire le déficit d’acculturation et à limiter l’insécurité discursive, en incluant réflexivité et empathie dans notre approche interculturelle et intersubjective basée sur l’écoute active, l’accompagnement individualisé et l’excellence du rapport collaboratif.

Certes, l’enseignant n’est pas un coach. Même si les récents développements de la didactique des langues-cultures, notamment avec les méthodes communicatives et actionnelles, mettent l’apprenant au cœur de l’apprentissage, un peu à la manière de Socrate il y a de cela vingt-cinq siècles, l’enseignant reste un formateur au sens large du terme, voire un informateur. Je dirais en effet qu’aujourd’hui l’accès au savoir à proprement parler passe davantage par d’autres canaux, notamment Internet, mais que le professeur transmet de l’information sur la manière d’accéder aux connaissances, la manière de développer ses compétences, la manière de se mouvoir dans le monde quotidien, mais aussi académique et professionnel… En ce sens, l’enseignant est appelé plus que jamais à répondre aux interrogations des apprenants. Ceci est particulièrement vrai dans le domaine du FLE/ FOU pour lequel l’enseignant est également une personne référente pour la langue et la culture cibles et théoriquement un garant de l’échange interculturel. Cette dimension interculturelle mais aussi intersubjective est essentielle dans toutes les situations d’enseignement-apprentissage de langues étrangères, mais spécialement sensible dans le domaine du FOU lorsqu’on s’attache à faire un suivi personnel et personnalisé des dossiers de candidature des étudiants.

Ce suivi passe notamment par la rédaction d’un curriculum vitae détaillé et d’une lettre de motivation pour intégrer une université ou une école française. Les normes formelles peuvent varier d’un pays à l’autre mais la difficulté majeure ne réside pas là. Les erreurs linguistiques peuvent être encore nombreuses et l’enseignant joue alors pleinement son rôle de correcteur et d’explicateur, comme dans le FLE en général. Une fois de plus, ce problème est vite résolu. D’après mon expérience, l’obstacle le plus compliqué à surmonter est la décentration par rapport à sa propre culture dans la mesure où il y a un investissement identitaire fort et une inadéquation entre les représentations collectives qui circulent au sein de la culture source et celles qui prédominent dans la culture cible. Je prendrai deux exemples : le cas d’une étudiante colombienne qui, dans son dossier de candidature à remplir pour l’Université des Sciences et Techniques de Montpellier souhaitait indiquer, dans la rubrique « Activités complémentaires », qu’elle allait à la messe et s’engageait dans la paroisse de son quartier ; le cas d’une étudiante chinoise qui voulait absolument faire figurer dans son CV pour postuler dans une école spécialisée à Lyon qu’elle avait reçu dans son université d’origine la récompense de l’étudiante « tri-formidable » de l’année : meilleurs résultats universitaires, meilleure santé et meilleure moralité. On comprend rapidement qu’il est délicat de refuser à ces personnes de mentionner ces éléments qui font partie de leur identité et de leur cursus, mais qu’il est encore plus délicat de les laisser indiquer ces choses-là dans un document destiné à un établissement de l’enseignement supérieur français, qui s’inscrit obligatoirement dans un cadre laïque et strictement académique. C’est là qu’une démarche de coach me paraît tout à fait appropriée. Cela suppose la mise en œuvre de l’écoute active de l’étudiant et du questionnement dans la bienveillance et le non-jugement. Il ne s’agit pas de dénigrer la culture source et encore moins l’individu qui se présente à nous en confiance, mais d’interroger celui-ci sur ce qui est le plus important pour lui dans la situation présente. Pour en revenir à mes exemples, l’étudiante colombienne a assez vite compris l’enjeu et a validé sans contestation une reformulation de ses engagements religieux en « activités bénévoles ». Pour l’étudiante chinoise, l’acceptation d’une reformulation a été beaucoup plus hésitante. La triple récompense était extrêmement significative pour elle. C’est en la recentrant sur son objectif d’intégrer une école française et de l’importance que cela avait à ses yeux qu’elle a finalement renoncer à mettre en avant les deux derniers critères et à insister davantage sur l’excellence de ses résultats universitaires. Peut-être serions-nous arrivées, pour le dossier de candidature, à la même version finale si j’avais imposé, en tant que professeur de FLE connaissant bien le système académique français, ces formulations proposées puis validées par les étudiantes. Mais au niveau de l’investissement subjectif et du rapport à l’autre, le ressenti et la prise en charge ensuite du dossier, qu’il faut parfois défendre en entretien oral, auraient été très différents.

Avec cette démarche fondée sur les principes et certaines techniques du coaching, l’étudiant reste en accord avec lui-même, ses valeurs, ses objectifs, et ce qu’il écrit ou dit fait sens pour lui. L’effort de décentration interculturelle aboutit finalement à une recentration sur sa personne, sur ce que le sujet veut vraiment et sur les moyens écologiques d’atteindre le but qu’il s’est fixé. Par ailleurs, il est à noter que la seule prise en compte de la dimension interculturelle ne suffit pas. L’ensemble des facteurs personnels est crucial pour l’intégration et la réussite de l’étudiant de FOU dans un établissement francophone du supérieur et c’est sa valorisation par l’enseignant accompagnateur qui peut faire la différence au niveau de la confiance en soi, de la persévérance et du sentiment de congruence dans cette optique. Ainsi, au lieu de percevoir la culture source et ses représentations différentes comme un problème auquel il faut trouver une solution, on envisage davantage certains freins comme des obstacles transformés en opportunités de mettre en lumière les accomplissements individuels en tant qu’atouts dans la culture cible.

Eléments de conclusion

Une telle démarche ouvre, à mon avis, des perspectives intéressantes pour l’enseignement-apprentissage des langues-cultures en général et pour le FOU (ou le FOS) en particulier. Elle repose sur la conviction que, comme l’affirment Chantal Higy-Lang et Charles Gellman (2000), « l’individu a des talents qui lui sont uniques et toutes les capacités nécessaires pour réussir dans sa démarche professionnelle et personnelle ». Notre posture/ postulat est donc de prendre davantage en compte le fait que l’apprenant (enfant, adolescent, jeune adulte ou adulte confirmé) est avant tout une personne pour qui l’apprentissage est à la fois la découverte de savoirs, savoir-faire, savoir-être, mais aussi et surtout une porte vers l’autonomie, la construction du soi, l’accomplissement de ses objectifs scolaires, universitaires et/ou professionnels et l’épanouissement de son être dans une société en perpétuelle mutation. Une approche de l’enseignement des langues-cultures plus proche des fondamentaux du coaching paraît alors pertinente et favoriserait l’inscription de l’apprenant et de l’individu qu’il est dans son apprentissage et dans le monde environnant. On est donc bien ici dans une didactique qui prend en compte la subjectivité des acteurs de l’enseignement-apprentissage car l’enseignant, le formateur, le tuteur… ne sont pas exclus, bien au contraire, de cette prise en compte visant à un mieux-être des personnes à l’école ou à l’université. Les pistes d’exploration, basées sur une éthique à la fois individuelle et collective, sont donc non seulement nombreuses mais aussi constructives dans une perspective interculturelle et interpersonnelle.

Bibliographie

CHALLE Odile, Enseigner une langue de spécialité, Economica, Paris, 2002.

HEVIN Bernard & TURNER Jane, Manuel de coaching, Paris, Dunod, 2003.

HIGY-LANG Chantal et GELLMAN Charles, Le coaching, Paris, Ed. d’Organisation, 2000.

HILGERT Emilia, « Quand le FOS vire au FOU », in Serge BORG et Evelyne BERARD (dir.), L’ouverture de filières universitaires francophones aux étudiants étrangers : enjeux politiques, implications didactiques, culturelles et institutionnelles, Terres de Fle n° 2, Besançon, CLA – UFC, 2009, p.49-61.

MANGIANTE Jean-Marc et PARPETTE Chantal, Le Français sur objectif universitaire, Grenoble, PUG, 2011.

ROGERS Carl, On Becoming a Person: A Therapist's View of Psychotherapy. London : Constable, 1961.

YASRI-LABRIQUE Eléonore, « Le Français sur Objectif Universitaire : une approche multifocale », in Didactique contrastive : questionnements et applications, Montpellier, Editions Cladole, Collection « Latinus – Didactique des langues », vol. 3, 2013, p.67-81.

ZARATE Geneviève, Représentations de l’étranger et didactique des langues, Paris, Didier, Collection CREDIF Essais, 1993.

Sitographie

Association CEDRE (Congruence Ecoute Développement Relation Empathie)

http://www.ecoute-cedre.fr/la-c-p/carl-rogers-lexplique/

European Mentoring and Coaching Council

https://www.emccfrance.org/types-daccompagnement/

Fédération Francophone de Coachs Professionnels

https://ffcpro.org/?doing_wp_cron=1551807484.5908250808715820312500

International Coaching Federation

https://www.coachfederation.fr/je-veux-devenir-coach

Linkup Coaching University

https://www.linkup-university.com/mod/lucson/view.php?id=685

Person-Centered Approach Institute – France

http://www.pcaifrance.com/texte_ACP.htm

Société Française de Coaching

http://www.sfcoach.org/coaching-pro

 

[1] http://www.sfcoach.org/coaching-pro, consulté le 06/03/2019.

[7] Rogers, Carl, On Becoming a Person: A Therapist's View of Psychotherapy, London, Constable, 1961.

[9] http://www.pcaifrance.com/texte_ACP.htm, consulté le 06/03/2019.

[10] YASRI-LABRIQUE Eléonore, « Le Français sur Objectif Universitaire : une approche multifocale », in Didactique contrastive : questionnements et applications, Montpellier, Editions Cladole, Collection « Latinus – Didactique des langues », vol. 3, 2013, p.67-81.

[11] Challe, Odile, Enseigner une langue de spécialité, Economica, Paris, 2002, p.19.

[12] Hilgert, Emilia, « Quand le FOS vire au FOU », dans Serge Borg et Evelyne Berard (dir.), L’ouverture de filières universitaires francophones aux étudiants étrangers : enjeux politiques, implications didactiques, culturelles et institutionnelles, Terres de Fle n° 2, Besançon, CLA – UFC, 2009, p.49-61, ici p. 59.

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