Réécriture et développement de la compétence scripturale des étudiants allophones
Maurice NIWESE, Université de Bordeaux, Laboratoire Cultures – Éducation – Sociétés (LACES/EA 7437), maurice.niwese@u-bordeaux.fr
Karmen El HAJJ, Université de Bordeaux /Projet ECRICOL, elhajjkarmen2@gmail.com
Introduction
Enseigner à écrire à des publics allophones soulève plusieurs questions qui relèvent, entre autres, des compétences à viser, des dispositifs pour développer ces compétences, des outils pour les évaluer ou des théories qui les sous-tendent (Niwese, Lafont-Terranova et Jaubert, 2019). À partir des recherches menées auprès de publics variés principalement en contexte d’enseignement du français langue première (Niwese, 2010 ; Colognesi, 2015 ; Lafont-Terranova, 2018), nous nous proposons de répondre à de tels questionnements en mobilisant des notions (compétence scripturale, processus, réécriture), des outils (grille ECRICOL, logiciel MEDITE), des dispositifs (ateliers d’écriture créative et réflexive) et des méthodes (comparaison de différentes versions de textes) utilisés en didactique de l’écriture en L1 et en les transposant en didactique de l’écriture en L2. Pour cela, nous présenterons d’abord les notions de compétence scripturale, de processus et de réécriture. Puis, tout en en précisant les enjeux didactiques, nous décrirons un atelier d’écriture expérimenté auprès d’étudiants internationaux en mobilité entrante à l’université de Bordeaux - INSPE[1] inscrits en Master MEEF[2] et suivant un module de « français spécifique ». Nous analyserons enfin les textes produits par ces étudiants en nous appuyant sur une grille élaborée dans le cadre du projet ECRICOL. Ainsi, trois objectifs sont poursuivis : (i) présenter un outil d’analyse qui permet d’opérationnaliser la notion de compétence scripturale dans ses composantes se rapportant aux savoirs et aux savoir-faire en vue d’appréhender les compétences et les difficultés des étudiants en matière d’écriture ; (ii) montrer comment la réécriture est un bon observatoire des compétences acquises, en cours d’acquisition ou à acquérir ; (iii) subsidiairement, mesurer les effets de l’atelier d’écriture mis en œuvre, atelier qui a servi à la fois de dispositif de formation et de protocole de recherche. Comme les étudiants allophones ont naturellement un niveau hétérogène en français écrit, établir le bilan de leurs compétences s’avère donc indispensable pour envisager des propositions didactiques adaptées.
1. Des éléments théoriques
1.1. La compétence scripturale, une notion à plusieurs composantes
Selon Dabène (1987 : 39), la compétence scripturale fait partie de la compétence langagière et est composée de savoirs, de savoir-faire et de représentations.
Au sein des savoirs, Dabène (1987 ; 1991) distingue les composantes linguistique, sémiotique et socio-pragmatique. La composante linguistique porte sur le lexique, la morphosyntaxe et l’orthographe, la composante sémiotique sur « le fonctionnement propre du signe graphique en tant que porteur de signification » (Dabène, 1987 : 44) et sur « des éléments non verbaux : calligraphie, typographie, organisation dans l’"aire scripturale" » (Dabène, 1991 : 16). Quant à la composante socio-pragmatique, elle renvoie aux « fonctions sociales de l’écrit dans une société donnée » (1991 : 16) et aux relations entre la production et la réception, c’est-à-dire aux connaissances en lien avec l’adaptation aux situations de communication. S’inscrivant dans la même perspective que Dabène (1987 ; 1991), Lord (2009), repris par Colognesi (2015) et par Wang (2019), complète cette typologie en ajoutant dans les savoirs trois autres composantes : générique (en lien avec les types de textes et les genres), textuelle (en lien avec la grammaire de texte) et encyclopédique (en lien avec les sujets traités). Pour les savoir-faire, Dabène (1987) opère deux catégories : les savoir-faire textuels et les savoir-graphier. Les premiers renvoient « à la maîtrise des contraintes qui visent à assurer l’enchaînement discursif des phrases » (Dabène, 1987 : 55). Selon Colognesi (2015 : 29-30), les savoir-faire textuels actualisent les savoirs linguistiques, textuels, socio-pragmatiques, génériques et encyclopédiques. Se rapportant « au travail de la main et de l’œil » (Dabène, 1987 : 60), les savoir-graphier ont trait aux aspects graphiques, sémiotiques et matériels.
Le « modèle de la compétence scripturale » envisage l’écriture non seulement en termes de maitrise de savoirs et de savoir-faire, mais aussi dans sa composante qui renvoie au « rapport singulier et complexe que chacun entretient avec l’écriture » (Lafont-Terranova, Niwese et Colin, 2016 : §5). On retrouve cette composante que Dabène (1987 : 62) appelle « motivations-représentations » chez les didacticiens de l’écriture sous l’appellation de rapport à l’écriture (Barré-De Miniac, 2000/2015 ; Penloup, 2000 ; Chartrand et Blaser, 2008 ; Lafont-Terranova, 2009 ; Niwese, 2010 ; Colin, 2014 ; Colognesi, 2015 ; Lafont-Terranova, Blaser et Colin, 2016).
Le rapport à l’écrit/ure a été décliné en plusieurs dimensions (Barré-De Miniac, 2000/2015 ; Chartrand et Blaser, 2008) qui « permet[tent] de mieux comprendre les attitudes et les comportements des scripteurs » (Lafont-Terranova, Blaser et Colin, 2016, §4). Il s’agit des dimensions affective (plaisir, rejet et investissement de l’écriture), axiologique (opinions, valeurs, comportements et attitudes vis-à-vis de l’écriture), conceptuelle (ce qu’est l’écriture et comment on apprend à écrire), métascripturale (métaconnaissances sur les procédés, les démarches, les savoirs en jeu) et praxéologique (activités effectives de lecture-écrit/ure). Nous ne faisons pas, dans cet article, la différence entre la théorisation du rapport à l’écriture, héritée de Barré-De Miniac (2000/2015) et de Penloup (2000) et celle du rapport à l’écrit, réalisée par Chartrand et ses collègues (Chartrand et Blaser, 2008).
Dans le prolongement des travaux de Dabène (1987 ; 1991), plusieurs didacticiens de l’écriture (Lafont-Terranova, 2009 ; Niwese, 2010 ; Colognesi, 2015) ont considéré que le rapport à l’écriture était constitutif de la compétence scripturale. Cependant, si Dabène (1987 ; 1991) intègre les représentations dans la compétence scripturale, il nous semble aujourd’hui discutable d'en faire autant pour le rapport à l’écriture, car cette notion couvre un champ beaucoup plus large que les représentations. Elle relève en effet du représentationnel dans ses dimensions conceptuelle, métascripturale et axiologique, mais aussi du praxéologique et de l’affectif. Partant, s’il semble aisé d’admettre que les dimensions axiologique, conceptuelle, métascripturale et praxéologique font partie de la compétence scripturale, on peut se demander si la dimension affective peut y être intégrée de la même manière que les quatre autres. Nous admettons de plus en plus que cette dernière dimension agit sur la compétence scripturale sans pour autant en faire partie.
1.2. L’écrit est le résultat d’un long processus
En matière d’écriture, l’école française a été longtemps marquée par le modèle traditionnel d’apprentissage de l’écriture (Reuter, 2002 ; Niwese, 2010), selon lequel on apprend à écrire par l’imprégnation et par l’imitation des modèles littéraires « au hasard de ses lectures » (Houdard-Merot, 2004 : 5). Privilégiant le produit fini, ce modèle masquait le fait que « la plupart des écrits finis sont trompeurs », étant donné que « devenus lisses, ils cachent le travail qu’ils ont nécessité » (Guibert, 2003 : 64).
Parmi les recherches qui ont fait évoluer ce modèle, nous nous appuyons, d’une part, sur les travaux développés en psychologie cognitive (Flower et Hayes, 1980 ; Alamargot et Chanquoy, 2001 ; Fayol, Alamargot et Berninger, 2012 ; Fayol, 2013) qui ont permis de décrire les processus en jeu dans la production d’un texte et d’identifier, entre autres, les phases dominantes de planification, de mise en texte et de révision. Nous parlons de dominantes pour souligner que « les activités scripturales ne sont pas organisées linéairement, mais avec des retours en arrière » (Wang, 2019 : 54) dans un mouvement spiralaire et « un constant va-et-vient entre les trois » (Hidden, 2013 : 32).
Nous nous inspirons, d’autre part, des travaux de la génétique textuelle (Grésillon, 1994/2016) en empruntant des outils, des méthodes et des notions permettant de « reconstituer les différentes étapes du processus d’écriture » (Ganascia, Fenoglio et Lebrave, 2004 : 92). D’après Niwese (2010 : 36), « si les psychocognitivistes tentent de mettre au jour "les activités du sujet au moment même où il réalise une tâche d’écriture [...]" (Delamotte-Legrand et Penloup, 2000 : 36), les généticiens du texte essaient, quant à eux, de reconstituer le parcours de l’écrit en partant des traces graphiques laissées dans les textes intermédiaires ». Envisager l’écriture comme résultat d’un processus, c’est s’inscrire dans une didactique qui « pose l’écriture comme un faire, réhabilite le brouillon et place la réécriture au cœur de son action » (Niwese, 2010 : 44).
1.4. La réécriture, outil de diagnostic et développement de la compétence scripturale
Récriture ou réécriture ? Cette question est reprise en intertitres dans les travaux de Wang (2019 : 58), Lafont-Terranova (2009 : 185) et Rossignol (1996 : 15), séparés l’un de l’autre par au moins une dizaine d’années. Sous cet intertitre que les deux derniers auteurs (dans l’ordre chronologique) empruntent au premier, chacun tente d’établir la distinction entre ces deux termes et de déterminer si on récrit/réécrit son texte pour l’améliorer, l’adapter au contexte ou produire autre chose. D’après Le Goff (2006 : 135), cité par Wang (2019), la récriture est une « activité littéraire » qui permet de réaliser « un texte nouveau à partir d’un matériau déjà existant ». Selon le même auteur, dans la récriture, le scripteur transforme le texte d’un autre, alors que, pour la réécriture, il retravaille son propre texte. Notre conception de la réécriture, que nous empruntons à la génétique du texte, permet de couvrir récriture et réécriture comprises au sens de Le Goff (2006). En effet, à l’instar de Grésillon (1994 : 245), nous définissons la réécriture comme « toute opération qui revient sur le déjà-écrit » et le modifie. Nous employons le terme réécriture dans la mesure où les étudiants retravaillent leurs propres textes. Même si « toute écriture est fondamentalement une réécriture » (Niwese, 2010 : 113), dans cet article, il sera davantage question des réécritures encouragées et guidées.
Dans nos travaux antérieurs, nous avons montré que la réécriture est une notion heuristique et opératoire dans ce sens qu’elle donne la possibilité d’évaluer et de développer des savoirs et des savoir-faire constitutifs de la compétence scripturale. Nous nous sommes ainsi appuyés sur cette notion pour concevoir, expérimenter et évaluer les effets des dispositifs d’enseignement de l’écriture destinés à des publics variés : de jeunes adultes infrascolarisés en (ré)insertion socioprofessionnelle (Niwese, 2010 ; Lafont-Terranova et Niwese, 2016), des étudiants de master ou des formateurs en formation continue (Lafont-Terranova et Niwese, 2016 ; Lafont-Terranova, Niwese et Colin, 2016), des élèves français de 9 à 12 ans (Niwese et Saparart, 2020 ; Niwese et El Hajj, 2020). Au niveau didactique, nous avons ainsi mis en évidence le fait que la réécriture permet de voir ce que le scripteur peut faire avec ou sans aide et d’ouvrir un espace avec soi-même ou entre soi et autrui. La réécriture permet par ailleurs de modifier les conceptions de l’écriture du scripteur qui intègre que « l’écriture n’est pas une affaire de don et d’inspiration, mais qu’elle relève plutôt du faire, du labeur et du travail » (Niwese, 2010 : 484). Elle donne enfin la possibilité de réduire la surcharge cognitive, qui est liée aux multiples contraintes gérées simultanément quand on écrit. Par la réécriture, certaines tâches sont différées dans le temps.
2. L’atelier d’écriture mis en œuvre
À l’INSPE de Bordeaux, en plus des cours suivis avec d’autres étudiants français, les étudiants internationaux en mobilité entrante peuvent bénéficier de quelques cours spécifiques, dont celui de français spécifique de 30 heures. Ce module vise, d’une part, à familiariser les étudiants avec des thématiques, des notions, des outils et des dispositifs en lien avec l’éducation et à renforcer, d’autre part, leurs compétences linguistiques, culturelles et pédagogiques. C’est dans ce cours que nous avons mis en place l’atelier d’écriture créative et réflexive dont il est question dans cette contribution.
Inspiré des ateliers d’écriture développés auprès de publics à profils contrastés – publics multiculturels en réinsertion socioprofessionnelle (Niwese, 2010), étudiants de l’enseignement supérieur (Lafont-Terranova, 2014 ; Lafont-Terranova et Niwese, 2016), élèves de fin de l’école primaire (Colognesi, 2015 ; Niwese et Saparart, 2020), collégiens du projet ECRICOL[3] –, ce dispositif visait à faire produire un texte narratif (un conte merveilleux) en alternant écriture, réécriture, lecture, apports théoriques, renforcement linguistique et retours réflexifs sur les textes produits.
Durant l’atelier, les étudiants ont été invités à conserver les différentes versions de leurs textes dans un dossier génétique[4] et à tenir un journal de bord. En plus de la production du récit, il leur a été demandé de réaliser un écrit réflexif où ils reviennent sur leurs parcours dans l’atelier et analysent l’évolution de leurs textes en s’appuyant sur des notions – telles que compétence scripturale, réécriture, rapport à l’écriture, etc. – et sur des outils (comme l’usage du logiciel MEDITE[5] dans l’analyse de leurs textes) présentés pendant l’expérimentation. L’investissement dans l’atelier (apprécié via l’assiduité, la participation et l’examen du dossier génétique) et l’écrit réflexif sont deux éléments pris en compte dans la validation du module.
Le recours à l’atelier d’écriture a été motivé par sa capacité de faire écrire tout scripteur qui y participe et de faire émerger son « rapport à l’écriture » (Lafont-Terranova, 2009). D’après Rossignol (1994 : 468), « les effets de l’atelier sont donc multiples » et « concernent aussi bien l’écrivant que l’écriture ». Sur le plan personnel, les ateliers d’écriture sont considérés comme des lieux « de réassurance et de mise à distance du processus d’écriture » (Lafont-Terranova et Niwese, 2016) et comme des espaces qui modifient les représentations des scripteurs. Au niveau textuel, bien qu’ils ne fassent pas disparaitre tous les problèmes comme par magie, les ateliers sont présentés comme des dispositifs permettant de faire évoluer le texte à tous les niveaux, notamment au niveau global (Lafont (1999 : 545).
Le récit a été choisi parce qu’il permet d’observer des phénomènes relevant de plusieurs séquences textuelles (Adam, 2011) et de développer plusieurs compétences. Sève et Tauveron (2005 : 93) montrent que le récit de fiction est fondamental à l’école, en ce sens qu’il est constitué d’une multitude de discours et de formes discursives (narrations, dialogues, séquences descriptives) et qu’il permet d’intégrer différents domaines de connaissances. Le récit est un élément structurant sur le plan culturel et sur celui de la construction de soi (Bruner, 1996).
Expérimenté auprès de onze étudiants (5 Espagnols, 4 Suisses de langue allemande et 2 Turcs) de niveaux B1 à C1 en français, le dispositif mis en place à l’INSPE de Bordeaux s’est étendu sur plusieurs séances de trois heures chacune que l’on peut organiser en trois temps : dans un premier temps, après la présentation du projet et l’administration d’un questionnaire visant à appréhender le rapport à l’écriture des étudiants, il a été demandé à ces derniers de produire un conte merveilleux « en s’appuyant sur une liste d’éléments (héros, opposants, aides, lieux et objets magiques, missions et épreuves) pouvant constituer le schéma actanciel et, dans une certaine mesure, favoriser l’émergence [du] schéma narratif d’un conte » (Niwese et Saparart, 2020). Ces premiers jets ont été lus à l’ensemble du groupe par leurs auteurs avant d’être réécrits par ces derniers sans l’aide manifeste d’un tiers, l’enjeu étant de pouvoir déterminer ce qu’ils pouvaient faire sans l’aide des pairs ou des enseignants. La lecture des textes produits nous[7] a permis de déceler quelques points qu’il fallait travailler avant de poursuivre la production des contes.
Le deuxième temps a donc consisté en l’organisation de séances décrochées portant sur le renforcement de certaines compétences linguistiques et textuelles. Ainsi une séance a été centrée sur les temps principalement employés dans les contes – l’imparfait et le passé simple –, une autre sur l’analyse de textes produits par des élèves (textes choisis dans le corpus ECRICOL) pour identifier et corriger les erreurs commises par ces derniers, erreurs notamment graphiques et morphosyntaxiques que l’on retrouve dans les productions d’étudiants de l’atelier.
La dernière partie a porté sur les réécritures guidées des versions produites par les étudiants. Une séance a été consacrée à la lecture et à l’analyse d’un conte merveilleux français et d’un conte de chacun des pays dont les étudiants sont originaires. Dans l’analyse, il fallait s’intéresser aux protagonistes et à la structure des contes (héros et sa mission, les lieux de l’histoire, la situation initiale, l’élément perturbateur, les péripéties – avec opposants et adjuvants –, le dénouement, etc.) ainsi qu’à l’usage des temps verbaux avant d’élaborer – en petits groupes, puis collectivement – un guide de relecture. Dans la séance qui a suivi, les étudiants ont utilisé une grille négociée pour relire les textes des pairs et leur proposer des pistes d’amélioration. La séance suivante a été centrée sur l’analyse des brouillons et des témoignages d’écrivains ainsi que sur des apports théoriques en lien avec la réécriture et les opérations de réécriture (Grésillon, 1994/2016). Les étudiants ont ensuite produit deux autres versions : une version intégrant les remarques des pairs, version relue et corrigée par les enseignants, et une version intégrant les observations de ces derniers. La dernière séance de l’atelier a permis de faire le bilan sur les effets de ce dispositif, via un questionnaire renseigné individuellement. Cette séance a été également centrée sur les outils et les techniques d’animation d’un atelier d’écriture en milieu scolaire. La production du texte créatif a cédé le pas à celle de l’écrit réflexif, réalisée principalement en dehors des salles de cours.
Les étudiants réguliers ont donc produit au moins quatre versions : le premier jet (V1), la V1 réécrite sans l’aide d’un tiers (V2), la V2 réécrite pour intégrer les remarques des pairs (V3) et la version définitive (V4) qui tient compte des observations des enseignants.
Fig.1 – Dispositif expérimentéOn peut noter que l’atelier mis en place exploite les stratégies considérées comme efficaces pour enseigner l’écriture : passage par les genres (Hyland, 2007 ; Dolz et Gagnon, 2008 ; Horverak, 2016), inscription dans un projet d’écriture (Niwese, 2010), aménagement des temps de réécritures (Lafont-Terranova, 2009 ; Niwese, 2010), relectures collaboratives par et entre les pairs (Colognesi et Deschepper, 2018), temps d’étayages (Bucheton, 2014 ; Colognesi et Lucchini, 2018) et moments de métacognition par des retours réflexifs sur l’écriture en général et sur des textes produits ou en cours de production (Colognesi, 2015).
3. Analyse des savoirs et savoir-faire via la grille ECRICOL
Pour analyser les textes produits par les étudiants, nous avons mobilisé et adapté légèrement une grille conçue dans le cadre du projet ECRICOL, qui permet d’évaluer la compétence scripturale dans ses composantes relevant des savoirs et des savoir-faire, l’objectif étant d’établir le bilan de l’existant avec les versions écrites sans l’aide des tiers (V2) et de déterminer les compétences à développer en comparant les deuxièmes versions aux quatrièmes, produites après de multiples aides et étayages. En effet, l’écart entre la V2 et la V4 permet d’appréhender non seulement l’évolution du texte, mais aussi ce qui reste à faire par l’étudiant pour que son texte corresponde à ce qui peut être attendu.
On l’aura compris, nous focalisons notre attention sur les compétences des étudiants plutôt que sur les « gestes professionnels », compris au sens de Bucheton et Soulé (2009), permettant de les développer. Dans cet article, nous n’allons donc pas nous intéresser aux différents aides et étayages (des pairs et des enseignants) et à leur impact sur les productions. De même, les questionnaires, les écrits réflexifs et les dossiers génétiques permettent de faire le point sur le rapport à l’écriture, mais celui-ci ne fera pas l’objet d’une analyse approfondie. Nos choix peuvent être discutables, mais nous considérons que l’étendue des phénomènes abordés est tellement large qu’elle ne nous laisse pas toujours la possibilité de mener des analyses très poussées comme nous pourrions le faire en n’étudiant qu’un seul aspect.
La grille ECRICOL permet d’analyser cinq niveaux du texte (linguistique ; textuel ; graphique, extragraphique et matériel ; générique et pragmatique), et de collecter des informations sur le volume textuel, nécessaires pour mesurer l’évolution des textes, et de référer les différents aspects étudiés à la longueur de ces textes. Comme nous l’avons déjà noté, l’hétérogénéité des niveaux d’étudiants allophones en français écrit justifie la nécessité de s’appuyer sur un outil – la grille ECRICOL – qui permet d’identifier leurs compétences et leurs difficultés en matière d’écriture, ce qui constitue un préalable à la mise en place des propositions didactiques répondant à leurs besoins.
3.1. Analyse au niveau linguistique
Au niveau linguistique, l’analyse porte sur le lexique et la morphosyntaxe. Sur le plan lexical, il s’agit d’examiner si le lexique utilisé est approprié (adapté au conte merveilleux ; usage de mots inexistants ou dont le sens est inexact), s’il est diversifié (riche réseau lexical et anaphorique) et, enfin, s’il est recherché (recours à des expressions figées ou semi-figées, à des collocations, etc.). L’analyse du lexique s’effectue par une évaluation sur une échelle allant de 1 à 3. Un lexique non approprié, non diversifié et non recherché obtient une note de « 1 », de « 2 » pour un lexique passable, et de « 3 » pour un lexique approprié (LA), diversifié (LD) et recherché (LR).
Pour ce qui est de la morphosyntaxe, nous nous intéressons à l’accord en genre et en nombre dans la chaine du groupe nominal (GN), du sujet-verbe (SV) et du sujet-attribut (SA) ainsi qu’à l’usage des prépositions. Dans chaque texte, nous recensons les occurrences de chacune de ces quatre catégories et nous identifions celles qui sont correctes. L’évaluation au niveau du GN se fait de façon binaire pour toute la chaine dans la mesure où celle-ci est invalidée par une seule erreur d’accord en genre ou en nombre affectant un des éléments qui la composent. Ainsi, dans l’exemple « parce que tous les portes ont été fermes (ENI-V2[8]) », nous considérons comme incorrect l’ensemble du GN mis en gras à cause de l’absence d’accord en genre du déterminant « tout ».
Nous procédons de la même manière pour l’évaluation des groupes SV et SA. Une erreur d’accord en genre ou en nombre, identifiée dans l’un des éléments qui en sont constitutifs, rend toute la chaine incorrecte. Dans « et le prince et la princesse vivait heureux (TUR-V2) », nous invalidons l’ensemble du groupe SV à cause de l’absence d’accord en nombre du verbe « vivre ». Il en est de même dans l’exemple suivant à cause d’une erreur de personne : « Tu ne sais pas que tu a une sœur » (BED-V2). Pour le SA, dans l’énoncé qui suit, l’absence du morphème du nombre au niveau de l’adjectif attribut invalide l’accord : « Ensemble, le paysan et le renard rusé étaient imbattable » (RAL-V2).
Enfin, dans chaque texte, nous recensons les prépositions et déterminons si elles sont correctement utilisées. Nous relevons aussi des cas où elles sont omises ou ajoutées de façon erronée.
Niveau d’analyse |
Résultat (score) |
Observations |
Niveau linguistique |
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Lexique (échelle allant de 0 à 3) |
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Approprié/adapté au contexte |
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Diversifié |
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Recherché |
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Morphosyntaxe |
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Accords GN |
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Occurrences correctes |
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Accords sujet-verbe (SV) |
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Occurrences correctes |
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Accords sujet-attribut (SA) |
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Occurrences correctes |
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Prépositions/nombre d'occurrences |
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Nombre d'occurrences correctes |
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Prépositions absentes/nombre |
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3.2. Analyse au niveau textuel
Plusieurs phénomènes sont traités au niveau textuel : les types et l’acceptabilité des énoncés, le choix des modes et des temps ainsi que leurs formes verbales, l’emploi des organisateurs textuels, l’usage des reprises anaphoriques ainsi que l’intelligibilité des textes.
À la suite d’Adam (2011 : 85), nous envisageons l’énoncé en termes de « micro-unités textuelles » qui sont à la fois des « micro-unités syntaxiques » et des « micro-unités de sens » réalisant un acte énonciatif. Nous distinguons ainsi trois types d’énoncés : verbal (Il était une fois un jeune paysan), nominal (Le renard rusé) et monorème (Bonjour). Au sein des énoncés verbaux, nous identifions les énoncés négatifs et interrogatifs, et cherchons à voir s’ils sont construits correctement. Pour les énoncés négatifs, nous validons ceux qui contiennent les deux particules de négation, et pour les interrogatifs, ceux qui comprennent soit un adverbe interrogatif, soit un point d’interrogation ou une inversion sujet-verbe. Au regard de ces critères, à cause de l’absence de la particule de négation « ne », l’énoncé négatif qui suit est considéré comme incorrect, alors que les trois énoncés interrogatifs sont jugés corrects : « mais personne l’avait entendu » (BED-V2) ; « tu veux découvrir un trésor avec moi ? » (ERM-V2) ; « Comment on peut trouver cette chose ? » (ERM-V2) ; « Depuis quand est-il possible que les renards parlent ? » (RAL-V2).
Pour l’emploi des verbes, nous déterminons si l’usage des modes et des temps est approprié au conte merveilleux, et si la morphologie verbale[9] est correcte. Dans l’exemple « nous laissons des petites ramilles pour que nous ne nous perdons pas » (RAL-V2), la forme verbale « perdons » et le choix du temps sont corrects, tandis que le choix du mode est incorrect dans la mesure où la locution conjonctive « pour que » est suivie d’un subjonctif. En revanche, l’exemple suivant est correct au niveau du choix du temps et du mode, mais incorrect au niveau de la forme verbale : « un ogre voulat devenir un beau chevalier » (RHC-V2) ». Concernant la forme verbale, nous prenons en considération, lors de la validation, non seulement la graphie des désinences, mais aussi celle du radical. Ce choix est motivé par la diversité des formes rencontrées lors de l’analyse. Dans l’exemple « Le prince prennait la main de la princesse » (TUR-V2), la forme verbale mise en gras est considérée comme incorrecte.
Quant à l’analyse de la complexité de la phrase, elle consiste à recenser les organisateurs textuels en les classant en quatre catégories : les connecteurs logiques excluant ceux qui introduisent les propositions subordonnées, les spatio-temporels sans prise en compte des compléments adverbiaux, les subordonnants et les coordonnants reliant deux énoncés verbaux, hormis les conjonctions de coordination qui marquent l’oralité (Thyrion, 1997 : 132) comme l’emploi du « et » dans cet exemple : « Je suis un renard magique, et depuis que mon maitre est mort, je suis voué à moi-même et c’est pourquoi j’ai dévoré quelques poules de toi » (RAL-V2).
Trois autres phénomènes sont pris en compte au niveau textuel : les reprises anaphoriques, l’acceptabilité des énoncés au niveau sémantique et l’intelligibilité du texte dans son ensemble. L’évaluation de ces aspects se fait par une échelle d’appréciation allant de 0 à 5 : un texte inintelligible dans son ensemble, dépourvu de reprises anaphoriques et dont les énoncés ne sont pas acceptables au niveau sémantique vaut « 0 » ; un texte intelligible dans son ensemble, riche en reprises anaphoriques et dont tous les énoncés sont sémantiquement acceptables vaut « 5 ».
Niveau d’analyse |
Résultat |
Observations |
Niveau textuel |
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Nombre d’énoncés |
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Nombre d’énoncés verbaux |
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Nombre d’énoncés nominaux |
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Nombre d’énoncés monorèmes |
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Nombre d’occurrences verbales |
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Nombre d’occurrences correctes selon le choix du mode |
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Nombre d’occurrences correctes selon le choix du temps |
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Nombre d’occurrences correctes selon la forme |
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Nombre de connecteurs, subordonnants et coordonnants |
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Nombre de connecteurs spatiotemporels |
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Nombre de connecteurs logiques |
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Nombre de coordonnants entre deux 2 énoncés verbaux |
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Nombre de subordonnants |
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Nombre d'énoncés verbaux interrogatifs |
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Nombre d'énoncés verbaux interrogatifs corrects (Avec inversion du sujet-verbe, mot interrogatif, point d’interrogation) |
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Nombre d'énoncés verbaux négatifs |
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Absence de particules de négation |
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Autre : reprises anaphoriques (échelle de 0 à 5) |
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Reprises anaphoriques |
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Enoncés sémantiquement acceptables |
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Texte intelligible dans son ensemble |
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3.3. Analyse au niveau graphique, extragraphique et matériel
Sur le plan graphique, extragraphique et matériel, nous nous intéressons aux différents types d’erreurs en nous appuyant sur les travaux de Catach (2005). Les erreurs relevées dans le corpus sont classées en plusieurs catégories :
– les phonogrammiques qui portent sur la confusion des phonèmes et pouvant altérer ou non la valeur phonique : « Il était dans un lieu inaccesible » (RHC-V2) ; « Après quelques années ensamble » (RHC-V2) ;
– les morphogrammiques grammaticales qui correspondent aux erreurs d’accord (« Le cadeau est un tapis volant, avec lequel il pourraient voler » - RHC-V2) et lexicales renvoyant aux erreurs liées à des « marques du radical » et de « préfixes/suffixes » ou encore à la confusion entre des termes issus d’une même famille de mots, comme c’est le cas d’« anterremant » pour « enterrement » (Catach, 2005 : 283) ;
– les logogrammiques grammaticales (« Même si il n’est pas sur - REM-V2 » ; « C’est à cause de sa » - RHC-V2) et lexicales (J’ai pris du vain) se rapportant à la confusion entre les homophones ;
– les idéogrammiques concernant l’absence ou l’usage erroné de la majuscule, de l’apostrophe et du trait d’union : « Asseyez vous confortablement » (RME-V2) ;
– les extragraphiques se rapportant à la mauvaise segmentation de mots : « Elle pensait quelquechoses pour s’enfuir » (VES-V2).
Deux autres aspects sont évalués à ce niveau : l’organisation dans l’espace de la feuille (la lisibilité, l’horizontalité, les alinéas, les interlignes, la typographie, la mise en paragraphes, etc.) et l’usage de la ponctuation. L’évaluation de ces derniers phénomènes se fait par appréciation sur une échelle allant de 0 à 5.
Niveau d’analyse |
Résultat (score) |
Observations |
Niveau (extra)graphique |
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Phonogrammique (sans altération phonétique) |
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Phonogrammique (avec altération phonétique) |
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Morphogrammique grammaticale |
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Morphogrammique lexicale |
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Logogrammique grammaticale |
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Extragraphique |
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Idéogrammique |
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Autres (échelle de 0 à 5) |
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Organisation dans l’espace de la feuille |
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Ponctuation |
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3.4. Analyse au niveau générique
Au niveau générique, nous nous intéressons à la superstructure des contes en examinant, d’une part, des éléments constituant le schéma narratif (Bremond, 1973 ; Chartrand et al., 2015) : la situation initiale, l’élément déclencheur (élément perturbateur), le nœud (péripéties), le dénouement et la situation finale. L’évaluation du schéma narratif s’opère par appréciation sur une échelle allant de 0 à 2 : un élément absent vaut « 0 », un élément présent mais peu développé « 1 », et un élément présent et suffisamment développé « 2 ». Nous analysons, d’autre part, plusieurs autres phénomènes qui renvoient au modèle actanciel (héros, adjuvants et opposants). Nous prenons en compte aussi l’existence d’un cadre spatio-temporel, la présence de formules d’ouverture et de clôture, la référence au merveilleux, la présence d’un titre, la fonction dominante du langage et, enfin, le genre attendu. Pour cette dernière partie, chaque élément est évalué par « 0 » en cas d’absence ou par « 1 » en cas de présence.
Niveau générique |
Score |
Observations |
Schéma narratif (échelle de 0 à 2) |
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Situation initiale |
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Elément perturbateur |
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Péripéties |
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Résolution |
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Situation finale |
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Actants, cadre spatiotemporel et autres (0 ou 1) |
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Cadre spatiotemporel |
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Héros |
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Adjuvants |
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Opposants |
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Formule d’ouverture (Il était une fois…) |
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Formule de clôture (Ils vécurent heureux). |
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Référence au merveilleux |
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Titre du conte |
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Fonction dominante du langage (histoire racontée à la 3ème personne) |
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Genre attendu : le texte produit est un texte merveilleux |
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3.5. Analyse au niveau des visées communicatives et littéraires
Au niveau de la « visée communicative et littéraire », nous cherchons à cerner les éléments verbaux et non verbaux qui pourraient « traduire la volonté de l’[étudiant] à capter l’attention du lecteur » (Niwese et El Hajj, 2020). En cherchant à identifier d’un côté « le rapport entre les signes et les usagers des signes » (Morris, 1938, cité par Armengaud, 2007 : §7) et, de l’autre côté, les stratégies que les scripteurs mettent en place pour séduire le lecteur et susciter son intérêt, nous renouons avec les enjeux socio-pragmatiques. Nous recensons les phénomènes explicites traduisant des actes de langage tels que les jeux de calligraphie et de typographie. Le non-dit peut en effet surgir derrière des marques d’oralité comme les trois points de suspension, la mise en majuscule, les énoncés inachevés, etc. Nous examinons aussi les phénomènes renvoyant à des effets implicites, comme l’usage des figures de style, des expressions (semi)figées et de l’intertextualité. L’évaluation se fait par score et par indication des phénomènes relevés dans la colonne des observations.
Niveau d’analyse |
Résultat (score) |
Observations |
Visées communicatives et littéraires |
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Figures de style |
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Expressions figées |
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Jeux de calligraphie, mise en majuscules et soulignement |
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Typographie différente/effets typographie |
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4. Présentation des résultats
Comme nous l’avons expliqué, nous avons fait le choix de comparer la V2 écrite sans l’aide explicite des tiers et la V4 réalisée après de nombreux aides et étayages. Nous nous intéressons à huit étudiants (8/11) qui ont rendu les dossiers génétiques complets et répondu aux questionnaires. Le corpus constitué est ainsi composé de huit dossiers génétiques, de seize questionnaires et de seize textes de 3104 mots pour les V2 et de 4839 pour les V4. Nous présenterons les résultats en suivant les différents aspects de la grille décrite ci-dessus. Nous terminerons par un bref bilan sur les apports du dispositif expérimenté en partant, à titre illustratif, des données issues des écrits réflexifs. Les résultats obtenus seront, par moments, comparés à ceux du projet ECRICOL dans lequel, à quelques exceptions près, les mêmes catégories d’analyse ont été mobilisées. Comme nous avons affaire à des étudiants allophones, cette comparaison permettra de relever quelques spécificités par rapport aux scripteurs francophones natifs.
4.1. Résultats au niveau linguistique
Au niveau linguistique, nous avons pris en compte le lexique et la morphosyntaxe. Le lexique a été évalué sur une échelle allant de 1 à 3, mais, pour plus de lisibilité, les résultats sont convertis en pourcentages. Pour les huit étudiants, la maitrise lexicale est évaluée à 83% pour sa diversité (LD), 79% pour le lexique recherché (LR) et 75% pour le lexique adapté (LA). C’est donc ce dernier item qui est moins maitrisé. Les difficultés relevées pour cet item portent principalement sur la confusion entre les mots de sens ou de forme proche comme dans les exemples suivants[10] :
(1) « un jour ils ont écouté des bruits étranges » (ENI-V2)
(2) « Un chasseur qui se promenait tout les nuits en train de chercher des animaux, il les a écoutés et il a entré au manoir hanté pour les sauver. » (ENI-V2)
(3) « Soudain, le voyageur écouta une voix forte » (RAS-V2).
(4) « alors ils ont entendu qu’ils étaient dans un manoir hanté » (ENI-V2).
(5) « Il constata un petit lapin sur un phare rouge » (RAS-V2)
(6) « Le paysan discernait sa chance » (RAL-V2)
(7) « Son rire était ainsi bruyant qu’elle enfermait les oreilles avec ses mains » (BED-V2).
(8) « Et si les deux ne tombent pas mort » (RAL –V2).
Dans les énoncés 1 à 3, ENI et RAS emploient le verbe écouter à la place d’entendre. Ce problème de confusion au niveau de certaines unités lexicales relèverait du fait que les deux verbes « écouter » et « entendre » peuvent être considérés comme des synonymes sans pour autant s’employer l’un pour l’autre en tout contexte. Comme le souligne Rey-Debove (1997 : 94), « [i]l y a des synonymes lexicaux qui semblent parfaits hors de l'emploi en contexte, mais qui ne sont pas substituables en tout énoncé ». De la même manière, entendre est utilisé à la place de comprendre/se rendre compte (exemple 4) et constater pour apercevoir/remarquer (exemple 5). Pour l’exemple 6 (emploi de discerner au lieu de tenter/essayer), on ne voit pas le lien entre le mot choisi et celui qu’il faudrait. L’usage impropre du verbe « discerner » correspondrait au sens inapproprié que l’étudiant lui attribue. Dans l’exemple 7, nous avons affaire à une erreur de type morphosémantique vu que l’étudiant confond deux mots proches de forme (fermer/enfermer). Quant à l’exemple 8, l’expression tomber mort, construite sur le même modèle que tomber malade, n’existe pas en français. Mais comme on la trouve dans des textes d’étudiants suisses de langue allemande, il est possible que « tomber mort » soit une traduction littérale de l’expression allemande « tot umfallen » signifiant « tomber raide mort ». Il s’agirait ici d’une interférence comprise au sens pédagogique comme une erreur commise « sous l’effet des habitudes et des structures de langue maternelle » (Debyser, 1970 : 35, cité par Wang, 2019 : 100). On observe par ailleurs que, dans les quatre premiers exemples, les erreurs identifiées renvoient à ce que Corder (1971) qualifie d’erreurs latentes (cover errors) dans ce sens que les énoncés formés sont corrects sur les plans syntaxique et sémantique, alors que leur sens ne traduit pas ce que les scripteurs voulaient exprimer.
Le passage des V2 aux V4 entraine une amélioration sur les aspects lexicaux considérés, avec un niveau de satisfaction de 100% pour les LR (soit une évolution de 21%) et pour les LD (soit une évolution de 17%) et de 79% pour les LA (soit une évolution de 4%). En comparant ces résultats avec ceux obtenus dans le cadre du projet ECRICOL, nous nous rendons compte que, dans les V2, l’ordre de maitrise du lexique est de LD (83%) > LR (79%) > (75%) pour les étudiants et de LA (68,5%), LD (65,3%) et LR (59,8%) pour les collégiens natifs (Niwese et El Hajj, 2020). Au niveau des trois items analysés, l’emploi du lexique est jugé plus satisfaisant dans les textes des étudiants allophones que dans ceux des collégiens natifs.
Pour ce qui est de la morphosyntaxe, les points examinés concernent l’accord au niveau du groupe nominal (GN), entre le sujet et le verbe (SV), entre le sujet et l’attribut (SA) ainsi que l’usage des prépositions. Nous avons recensé et analysé, au niveau du GN, 526 occurrences dans les V2 et 723 dans les V4 ; pour les SV, 445 occurrences dans les V2 et 660 dans les V4 ; pour les SA, 51 occurrences dans les V2 et 72 dans les V4 ; 225 prépositions ont été dénombrées dans les V2 et 337 dans les V4. On observe, dans les V2, une maitrise satisfaisante qui, dans l’ordre décroissant, se présente comme suit : prépositions (96%), GN (95%), SV (93%) et SA (88%). Au niveau morphosyntaxique, les étudiants maitrisent mieux l’accord que les collégiens du projet ECRICOL qui enregistrent dans leurs V2, 81,1% au niveau du GN, 75% au niveau du SA et seulement 68,7% au niveau du SV.[11]
Les quelques difficultés relevées au niveau du GN sont liées au mauvais choix du genre des mots. Dans les exemples suivants, RAS utilise la pour le (devant site, exemple 9), le pour la (devant montagne) et TUR emploie du au lieu de de la devant forêt (exemple 11) :
(9) « Du coup le voyageur put trouver la sortie sur la site du phare » (RAS-V2)
(10) « Il était une fois un voyageur, qui volait escalader le montagne » (RAS-V2)
(11) « il lui donna en disant qu’il est l’ogre du forêt » (TUR-V2)
Ces difficultés peuvent être liées aux différences de fonctionnement entre les premières langues des étudiants et le français. En effet, le turc ne possède pas la notion de genre ; en allemand, l’opposition entre le masculin, le féminin et le neutre n’a pas de correspondance avec le français et, pour l’espagnol, on peut généralement s’appuyer sur la terminaison des mots pour identifier leur genre, ce qui n’est pas forcément le cas en français.
Pour les prépositions, nous avons repéré des erreurs liées au mauvais choix (exemple14 avec l’usage d’avant au lieu de devant), à l’omission (exemples 12 et 13) ou à l’ajout inapproprié de celles-ci (exemple 13).
(12) « Soudain, le voyageur trouvait une vieille femme qui resemblait [à]une sorciére » (RAM-V2)
(13) « Après quelques années ensamble, la sorcière a decidée [de] liberer à le chevalier » (RHC-V2).
(14) « C’était un géant avant Louane ! » (BED-V2)
Dans les exemples 12 et 13, l’absence ou l’ajout d’une préposition entraine des problèmes syntaxiques, ce qui n’est pas le cas pour l’exemple 14 où la confusion entre devant et avant relève plutôt de la sémantique lexicale. L’usage des prépositions introduisant notamment les compléments des verbes peut être influencé par les structures des langues d’origine. En effet, si, par exemple, on retrouve les verbes transitifs indirects et directs en espagnol, leur construction ne correspond pas nécessairement à celle du français. Il en est de même pour l’allemand qui différencie les verbes transitifs (qui appellent un accusatif) et les intransitifs qui se construisent avec un datif. De plus, comme l’allemand est une langue à déclinaisons, la construction indirecte ne passe pas nécessairement par le recours à des prépositions. En turc, les prépositions ne sont pas isolées ; elles sont formées par le biais des affixes qui s’additionnent à la base verbale ou nominale, etc. Dans les exemples suivants : okulda (à l’école), Fransa’da (en France), bir katalogda (dans un catalogue), le suffixe locatif « da » renvoie aux prépositions à, en et dans en français. Il peut alors en découler des erreurs interlinguales en rapport avec l’usage des prépositions (Denizci, 2017).
Les erreurs se rapportant à l’accord SV semblent liées à une maitrise non assurée de la morphologie verbale au niveau des morphèmes de la personne (exemple 15) et du temps (exemples 16 à 18). Dans l’exemple 19, l’absence d’accord entre « la personne » (qui est sujet) et le participé passé recompensé peut être liée à l’éloignement du sujet. L’exemple 20 illustre, quant à lui, les problèmes de choix de l’auxiliaire. Cette dernière difficulté peut être due à l’influence de la langue maternelle d’ENI, qui est l’espagnol. En effet, dans cette langue, « avoir » (haber) est l’auxiliaire de tous les verbes composés à la forme active.
(15) « Le paysan réfléchissait un petit moment et se décidais de le laisser en vie. » (LAR-V2)
(16) « mais personne ne l’entendu » (VES-V2)
(17) « ils ont tue le dragon » (RAM-V2)
(18) « Grâce à la princesse il avait réussit. » (TUR –V2)
(19) « Le roi s’ébruite que la personne qui trouvera le trésor dans le labyrinthe de la grotte du dragon dans les montagnes sauvages sera récompensé richement. » (RAL-V2)
(20) « il a entré au manoir hanté pour les sauver » (ENI-V2).
Quant aux problèmes relevés au niveau du SA, ils peuvent être reliés à la difficulté d’identification des verbes occasionnellement attributifs comme vivre (exemple 21), au sujet éloigné (exemple 22) ou dédoublé (exemple 23) :
(21) « La famille vécut heureux jusqu’à la fin de leur vie » (CRCH-V2)
(22) « mais ils étaient quand même toujours un peu triste » (BED-V2)
(23) « Ensemble, le paysan et le renard rusé étaient imbattable » (RAL-V4)
Comme pour le lexique, le passage des V2 aux V4 permet d’enregistrer des améliorations au niveau de la morphosyntaxe : on passe de 88 à 100% pour les SA, de 96 à 99% pour les prépositions, de 95 à 99% pour les GN et de 93 à 98% pour les SV.
Fig. 2 : Résultats au niveau de la morphosyntaxe
4.2. Résultats au niveau textuel
Au niveau textuel, les aspects étudiés concernent les énoncés, le choix des modes et des temps et leurs formes, les organisateurs textuels, les reprises anaphoriques, l’acceptabilité des énoncés et, enfin, l’intelligibilité des textes.
Pour les énoncés, nous avons répertorié 459 dans les V2 et 623 dans les V4. Les énoncés produits sont essentiellement verbaux (95% dans les V2 et 97% dans les V4), suivis d’énoncés nominaux (2% dans les V2 et dans les V4) et d’énoncés monorèmes (2% dans les V2 et 1% dans les V4). Quant aux énoncés verbaux négatifs et interrogatifs, ils sont peu représentés : 9% dans les V2 et 8% dans les V4 pour les premiers et pour les seconds 1% dans les V2 et 2% dans les V4. Ces énoncés sont en général correctement construits : 74% dans les V2 et 87% dans les V4 pour les négatifs et 100% dans les V2 et dans les V4 pour les interrogatifs.
Quant à l’usage des modes et des temps, nous avons analysé 557 occurrences verbales dans les V2 et 764 dans les V4. D’après les résultats obtenus, le choix du mode et la morphologie verbale ne constituent pas de problème majeur. Les étudiants ont choisi les modes appropriés à 98% dans les V2 et à 99% dans les V4. De même, la maitrise de la morphologie verbale s’élève à 89% dans les V2 et à 98% dans les V4. En revanche, ces étudiants rencontrent des problèmes dans le choix des temps avec 71% d’occurrences correctes dans les V2 et 96% dans les V4. Ce dernier résultat contraste avec celui obtenu en étudiant les textes des collégiens où ce qui pose problème est plutôt la morphologie verbale. Chez les collégiens du projet ECRICOL, on enregistre en effet 95,1% d’occurrences correctes pour le choix des modes, 85,1% pour celui des temps et seulement 62,7% pour la morphologie verbale (Niwese et El Hajj, 2020). Ces résultats montrent que, quand l’étudiant allophone peut se demander quel temps employer, la question qui se pose au collégien natif pourra être « comment l’écrire ? ». Cette dernière difficulté rappelle que même pour les élèves natifs, « la langue écrite constitue une véritable langue étrangère » (Niwese, 2010 : 488).
Les problèmes de choix du temps dans les textes d’étudiants ont principalement trait à l’usage des temps du récit, notamment du passé simple. Presque tous les étudiants participant à l’atelier ont affirmé qu’ils n’avaient pas appris ce temps, comme l’illustrent les propos d’ENI et de BED :
Aujourd'hui, nous avons expliqué le passé simple, c'est un temps verbal qu'aucun élève n'avait étudiée au lycée[12], car c'est très difficile et pas très utile, mais quand il s'agit d'écrire des histoires c'est très important. » (ENI, Ecrit réflexif) ;
Le passé simple était complet nouveau pour moi. Je n’ai jamais avant appris le passé simple à l’école. C’est pourquoi que cette séance était assez difficile pour moi. (BED, Ecrit réflexif)
La réécriture permet d’améliorer le choix du temps avec un passage de 71% dans les V2 à 86% dans les V4, la forme verbale avec un passage de 89% dans les V2 à 98% dans les V4 et le choix du mode avec un passage de 98 à 99%.
Fig. 3. Modes, temps et formes verbales
En ce qui concerne les connecteurs, 207 occurrences ont été examinées dans les V2 et 264 dans les V4. On relève presque le même nombre de connecteurs pour 100 énoncés dans les deux versions (47 pour les V2 et 44 pour les V4), soit 1 connecteur pour 2 à 3 énoncés. Quant à la répartition entre les connecteurs, nous comptabilisons 37,7% de subordonnants dans les V2 et 47,4% dans les V4 ; 32,4% de coordonnants dans la V2 et 33,3% dans la V4 ; 14,5% de connecteurs spatio-temporels dans les V2 et 10,6 % dans les V4 et, enfin, 15,4% de connecteurs logiques dans les V2 et 8,7 % dans les V4. Par rapport au corpus du projet ECRICOL, on recense plus de connecteurs sur 100 énoncés produits (47 contre 38) et ces connecteurs sont davantage diversifiés. Dans les V2, on dénombre, par exemple, 70,1% de subordonnants et de coordonnants chez les étudiants contre 81% chez les collégiens, 29,1% de connecteurs logiques et spatiotemporels chez les étudiants contre 19% chez les collégiens. Cette différence peut être liée à l’âge des deux publics. En effet, des travaux menés en psycholinguistique (Chanquoy et Favart, 2004 ; Chanquoy et Fayol, 1995) « établissent une relation entre la maitrise de certaines catégories de la langue – l’usage des connecteurs par exemple – et l’âge du scripteur ou sa familiarité avec l’écriture » (Niwese, 2010 : 35).
Trois autres phénomènes étudiés au niveau textuel sont les reprises anaphoriques, le sens des énoncés et l’acceptabilité des textes produits. Dans les V2, les reprises anaphoriques sont peu maitrisées (60%) ainsi que l’acceptabilité sémantique au niveau des énoncés (63%). Par contre, pris dans leur ensemble, les textes sont jugés intelligibles à 90%. Les problèmes relevés au niveau des reprises anaphoriques sont liés au choix incorrect entre les substituts COD et COI (exemple 24), au dédoublement inapproprié du sujet (exemple 25), à la répétition d’une même reprise pronominale (exemple 26) ou, à l’inverse, d’un même référent (exemple 27) dans des situations de progression à thèmes constants.
(24) « Après il la montrait le chemin jusque avant la porte de la cave » (DEB-V2).
(25) « il a vécu un jeune paysan accompagné de sa famille » (ENI-V2).
(26) « Elle a commencé de rire, elle était très heureuse. Elle l’a porté au son doigt et elle a essayé d’être invisible, elle ne savait pas pourquoi mais elle ne le réuissirait pas. Elle était trop triste. » (VES-V2)
(27) « Le matin prochain, le voyageur se trouva dans un labyrinthe. Le voyageur s’effraya de son environnement. » (RAS-V2).
La confusion entre les substituts COD et COI (exemple 24) traduit aussi la difficulté des étudiants à se repérer entre les verbes transitifs directs et indirects. Quant au dédoublement maladroit du sujet (exemple 25), il s’agirait d’une tournure impersonnelle inappropriée construite sur le modèle de « il y a eu » qui donne « il y a eu un jeune paysan » transposé dans le texte d’ENI en « il a vécu un jeune paysan ».
Au niveau de l’acceptabilité sémantique des énoncés, nous avons repéré des difficultés de structuration de phrases, liées notamment à l’ordre des mots, qui peuvent affecter le sens comme dans les exemples repris ci-dessous :
(28) « parce que tes parents n’ont te jamais dit. » (DEB-V2)
(29) « comme ça le savant fou la ne trouvait pas. » (TUR-V2)
(30) « Le savant fou les pouvait jamais plus trouvé. » (TUR-V2)
(31) « Un jour, la princesse s’armait tout de son courage.» (TUR-V2)
(32) « Le renard fut effrayé beaucoup. » (RAL-V4)
(33) « C’était comme un château, très grand, avec des noirs briques » (ENI-V2)
(34) « la princesse travaillait assidue pour l’ogre » (TUR-V2)
Ces exemples mettent en évidence des problèmes concernant le placement des pronoms personnels COD ou COI dans les énoncés négatifs (exemples 28 à 30), du déterminant quand il y en a deux qui se suivent (exemple 31), d’adverbe notamment quand il se rapporte à un verbe au temps composé (exemple 32) et d’adjectif qualificatif par rapport au nom dont il est épithète liée, comme dans l’exemple 33 où ENI a procédé à une antéposition erronée de l’adjectif. On relève aussi l’emploi des adjectifs là où on s’attend à un adverbe (exemple 34).
Sur les trois aspects étudiés, la réécriture permet d’enregistrer des améliorations avec un passage de 60 à 90% au niveau des reprises anaphoriques, de 63 à 93% au niveau de l’acceptabilité des énoncés et de 90 à 98% au niveau de l’intelligibilité des textes.
Fig. 4 : Reprises, acceptabilité et intelligibilité
Par rapport aux textes produits par les collégiens, les scores enregistrés dans les textes des étudiants sont légèrement supérieurs au niveau des reprises anaphoriques (60% contre 58%) et largement supérieurs au niveau de l’intelligibilité des textes (90% contre 76%). Par contre, pris particulièrement, les énoncés produits par les étudiants sont jugés moins satisfaisants que ceux des collégiens (63% contre 70%). On constate que, contrairement aux collégiens, les étudiants, sans doute de par leur âge et leur culture, savent raconter une histoire. Mais leurs performances se rapprochent de celles des collégiens au niveau des compétences « inférieures » en lien avec la syntaxe et les phénomènes de reprise.
4.3. Résultats au niveau graphique, extragraphique et matériel
Sur le plan graphique, extragraphique et matériel, nous avons recensé 192 erreurs dans le corpus de 3104 mots dans les V2 et 69 erreurs dans celui de 4839 mots des V4. En ramenant le nombre d’erreurs à 100 mots produits, nous enregistrons 6 à 7 erreurs dans les V2 et 1 à 2 dans les V4. La réécriture permet donc une évolution positive, vu que les erreurs diminuent de plus de 77% entre les deux versions. Les erreurs les plus fréquentes sont celles de types morphogrammique grammatical (3/100 mots dans les V2 et 0,8/100 mots dans les V4), extragraphique (2/100 mots dans les V2 et 0,4/100 mots dans les V4) et phonogrammique avec et sans altération phonique (1,5/100 mots dans les V2 et 0,18/100 mots dans les V4). À ce niveau aussi, les performances des étudiants sont largement supérieures à celles des collégiens du projet ECRICOL. Dans les textes de ces derniers, on recense en effet 17 erreurs sur 100 mots produits.
Fig. 5 : Répartition d’erreurs sur 100 mots produitsDeux autres aspects ont été analysés sur le plan graphique, extragraphique et matériel : la ponctuation et l’organisation dans l’espace de la feuille. Les résultats montrent que les étudiants n’ont pas de difficultés à ces niveaux. L’organisation dans l’aire scripturale (85 % dans les V2 et 100% dans les V4) et la ponctuation (93% dans les V2 et les V4) semblent maitrisées, contrairement aux collégiens d’ECRICOL, pour qui ces compétences restent à développer, ce qui peut se comprendre, vu qu’elles dépendent en partie de l’âge du scripteur (Niwese, 2010 : 459) et qu’elles sont travaillées dans les langues maternelles des étudiants.
4.4. Résultats au niveau générique
Au niveau du schéma narratif, nous notons une maitrise de 76% dans les V2 et de 91% dans les V4. D’après les scores enregistrés pour chaque item évalué, les aspects les plus maitrisés sont la situation initiale et les péripéties (81%) et le moins réussi est l’élément perturbateur (69%). Sur le plan générique aussi, la réécriture a un impact mélioratif sur l’action narrative : la situation initiale passe de 81 à 88%, l’élément perturbateur de 69 à 88%, les péripéties de 81 à 100%, le dénouement de 75 à 94% et, enfin, la situation finale de 75 à 88%. Pour les élèves du projet ECRICOL, le schéma narratif reste encore à développer. Dans les V2, les scores obtenus sont en effet 64,58% pour la situation initiale, 58,45% pour l’élément perturbateur, 72, 17% pour les péripéties, 49,30% pour le dénouement et 36,51% pour la situation finale.
Fig. 6 : La maitrise du schéma narratif
Par ailleurs, les étudiants n’ont pas de difficultés au niveau du modèle actanciel, du cadre spatio-temporel, de l’usage des formules d’ouverture et de clôture, de la présence d’un titre, de l’intégration des références au merveilleux, du respect de la fonction du langage et du genre attendu. Presque tous les éléments sont réussis (94% dans les V2 et 98% dans les V4). Parmi les moins réussis, nous notons l’absence de titre (63% dans les V2), de formules de clôture (88% dans les V2) et des opposants (88% dans la V2). Tous les autres éléments sont maitrisés à 100% dans les deux versions.
4.5. Résultats au niveau de la visée communicative et littéraire
Au niveau de la visée communicative et littéraire, nous nous sommes intéressés aux divers phénomènes mobilisés par les étudiants dans le but de retenir l’attention du lecteur. Pour ce faire, nous avons examiné l’usage des expressions figées et semi-figées, des figures de style, des références intertextuelles, des jeux de calligraphie et de typographie. Nous avons recensé 58 procédés d’écriture dans les V2 et 90 dans les V4. Les phénomènes les plus utilisés dans les V2 sont les expressions (semi)figées (36), les figures de style (14) ainsi que les jeux de calligraphie (5) et la mise en réseau (2). Cet ordre reste inchangé dans les V4 avec 57 pour les expressions (semi)figées, 17 pour les figures de style, 7 pour les jeux de calligraphie et 5 pour la mise en réseau.
On pourrait faire l'hypothèse que le taux élevé au niveau de l’usage des expressions (semi)figées chez les étudiants allophones pourrait être lié au fait que les apprenants d’une langue étrangère auraient tendance à utiliser des syntagmes ou des locutions toutes faites : « se mettre en route » (TUR-V2), « faire plaisir à » (DEB-V4) ; « Sous l’emprise de » ; « en l’honneur de » (RAM-V4). Pour les figures de style, les étudiants ont, entre autres, fait appel à la comparaison (« Le monstre n’était plus terrifiant, mais sage comme un châton » - TUR-V2), à la métaphore (« Un jour, la princesse s’armait tout de son courage » - RUT-V2), à la personnification (« un loup parlant » - DEB-V2), voire à la personnification doublée d’hypallage (« une voix angoissée » - DEB-V2).
En outre, certains étudiants ont puisé dans leurs bagages culturels : ENI s’inspire du conte Le Petit Poucet (« Les garçons avaient pris de petits morceaux de pain pour laisser les miettes sur le long du chemin ») et TUR de La Belle et la Bête (« l'ogre se transforme en un beau prince ») pour produire leur récit. D’autres étudiants ont détourné les personnages : dans le texte de DEB, le loup est qualifié de « gentil ». Les étudiants ont utilisé les éléments non verbaux pour décrire l’état d’esprit des personnages :
(35) « Co… comment tu sais que je suis une princesse et comment tu peux parler ? » (DEB-V4)
(36) « Tu dois m’aider !! » (DEB-V4)
(37) « FIN » (ENI-V4)
Ainsi, les trois points dans l’exemple 35 traduiraient l’étonnement du personnage, tout comme les deux points d’exclamation dans l’exemple 36. La mise en majuscule, dans l’exemple 37, matérialise, quant à elle, la fin de l’histoire et, peut-être aussi la satisfaction d’être allé jusqu’au bout de son récit.
5. Quelques éléments de bilan
Les résultats présentés ci-dessus montrent que le dispositif mis en place permet de faire le bilan sur les compétences et les difficultés des étudiants qui y sont impliqués et de mesurer les effets de la réécriture sur les textes produits. La lecture des écrits réflexifs révèle que ces étudiants se sont approprié des outils (comme l’usage du logiciel MEDITE), des méthodes (comme la comparaison des versions) et des notions (comme les opérations de réécriture) présentés durant le cours pour analyser leurs textes, leur processus de production et leur rapport à l’écriture. Ils étudient par exemple l’évolution de leurs textes en se basant sur le volume de l’expression textuelle et/ou sur le nombre et la qualité des opérations de réécriture.
Par exemple, après avoir comparé les versions 2 et 3 de son texte via le logiciel MEDITE (cf. Fig. 7), TUR commence par recenser par catégories les opérations de réécriture qu’il a utilisées : 48 remplacements, 31 ajouts, 26 suppressions et 6 déplacements. Puis, il va plus loin en essayant de comprendre dans quel contexte, il choisit tel type d’opération :
La plupart des remplacements j’ai fait parce que j’ai ajusté l’usage des temps. J’ai remplacé, où nécessaire, l’imparfait par le passé simple dans la VD[13]. La deuxième raison pour les remplacements était que j’ai changé les discours indirects en discours directs. Pour les insertions j’ai remarqué que j’ai fait des descriptions plus précises dans la VD en ajoutant quelques adjectives. Les suppressions j’ai fait la plupart à cause d’autres opérations et aussi parce que j’ai changé les discours indirects en discours directs. Pour les déplacements j’ai eu l’impression que l’outil analyse plutôt quelconque parce que je n’ai pas pu trouver un lien entre les déplacements. (TUR, Écrit réflexif).
Dans cet extrait, TUR affirme qu’il recourt au remplacement pour corriger l’usage des temps et pour adapter son texte au passage du discours indirect (dans la V2) au discours direct (dans la V3). Selon cet étudiant, l’opération d’ajout apporte plus de précision, alors que la suppression est induite par l’usage d’autres opérations. Comme TUR se réfère au classement issu du logiciel MEDITE, il note qu’il n’arrive pas à comprendre pourquoi certaines opérations sont qualifiées de déplacement. Cette remarque met le doigt sur un des points faibles du logiciel MEDITE souligné dans d’autres travaux. Se référant à Niwese (2010), à Comte (2017) et à Marteau (2018), Niwese et Saparart (2020) font en effet remarquer que « ce logiciel présente quelques limites dans la délimitation et, de fait, dans le comptage et dans la qualification des opérations de réécriture ». L’analyse qualitative des opérations que propose TUR rejoint celle faite par BED. D’après cet étudiant, « les remplacements sont les ajustements des verbes et les insertions les précisions de l’histoire. Les suppressions sont principalement seulement des petits mots. À ma surprise, je n’ai pas fait un seul déplacement » (BED, Écrit réflexif). En observant leurs corpus, TUR comme BED découvrent que l’opération de déplacement est moins utilisée, un constat empirique qui rejoint les conclusions des chercheurs qui analysent les textes dans une perspective génétique (Lafont, 1999 ; Fabre-Cols, 2002 ; Niwese, 2010 ; Wang, 2019).
Fig. 7 : Comparaison V2 et V3 via MEDITE (extrait de l’écrit réflexif de TUR).Les deux versions que TUR présente ci-dessus sont celle produite sans l’aide des tiers (V2) et celle réalisée après la relecture par les pairs (V3). De la V2 à la V3, cet étudiant réécrit déjà profondément son texte, ce qui peut être révélateur du fait qu’il a compris qu’écrire c’est fondamentalement réécrire et témoigne de son investissement de l’écriture. Dans les écrits réflexifs, les étudiants ne verbalisent pas seulement leur investissement, mais ils le laissent aussi voir. C’est, par exemple le cas de BED qui, depuis la page de garde de son écrit réflexif, affiche déjà les différentes versions de son conte (cf. fig.8).
Fig. 8 : Copies des versions du conte de BED (photo couverture, écrit réflexif)Pour ce qui est des conceptions de l’écriture, on trouve dans les écrits réflexifs plusieurs éléments qui laissent penser que l’atelier d’écriture a permis de les faire évoluer. Ainsi, BED affirme que c’est grâce à l’atelier qu’il a pris conscience que l’écriture relevait du processus : « En conclusion je peux dire que j’ai appris beaucoup de nouvelles choses sur l’écriture. J’ai fait l’expérience avec un atelier d’écriture. Je sais maintenant qu’il n’est pas possible d’écrire un texte parfait au premier essai et que l’écriture est toujours un processus en plusieurs étapes. » (BED, Écrit réflexif).
Conclusion
De l’analyse que nous venons de présenter, il ressort que l’atelier d’écriture expérimenté a permis de dresser le bilan sur les compétences et les difficultés des étudiants et de déterminer ce qu’ils peuvent faire avec ou sans l’aide des tiers (pairs et enseignants). L’atelier d’écriture favorisant la réécriture s’est encore posé comme ce bel « observatoire de l’existant » (Niwese, 2010 : 305 ; Niwese, 2012 : 133). Cet article aura par ailleurs permis de montrer comment nous avons tenté d'opérationnaliser la notion de compétence scripturale dans ses composantes relevant des savoirs et des savoir-faire via le développement d'un outil permettant d’analyser les productions textuelles des étudiants tant au niveau local que global et de dégager, entre autres, les conclusions qui suivent.
Au niveau linguistique, il a été relevé que les étudiants éprouvent davantage de difficultés que les collégiens à utiliser un lexique adapté. Il a été en effet noté l’usage des mots inexistants ou la confusion entre les mots de sens ou de forme proche. Sur ce point, on remarque une divergence entre les performances des étudiants et celles du public du projet ECRICOL où le lexique recherché est l’aspect dont les scores sont moins satisfaisants. Dans l’ensemble, les étudiants maitrisent l’accord au niveau du GN, du SA et du SV. Sur ce dernier point (accord SV), on observe une différence par rapport au public du projet ECRICOL qui y enregistre moins de performance. Dans les textes des étudiants, les difficultés repérées au niveau de la morphosyntaxe concernent le choix du genre, l’accord entre le verbe et le sujet, notamment quand celui-ci est éloigné ou dédoublé ; quant au niveau du SA, on rencontre des problèmes d’accord quand il s’agit de verbes occasionnellement attributifs. Sur le plan textuel, comme c’est le cas pour le public du projet ECRICOL, les étudiants emploient majoritairement les énoncés verbaux assertifs et éprouvent des difficultés au niveau des reprises anaphoriques. Contrairement aux collégiens du projet ECRICOL, on note chez les étudiants des problèmes de choix des temps, mais une maitrise de la morphologie verbale. Sur le plan graphique et extragraphique, les erreurs fréquemment rencontrées sont morphogrammiques grammaticales et extragraphiques. Enfin, ces étudiants maitrisent en général la superstructure du conte, même si le passage de la situation initiale aux péripéties est moins assuré.
Nous avons fait observer que certaines erreurs commises par les étudiants peuvent être reliées à l’influence de leurs langues maternelles. C’est par exemple ainsi que nous avons interprété certaines difficultés relevant du lexique, de la morphosyntaxe (emploi des prépositions, le problème du genre) et du choix des auxiliaires de conjugaison. Présentant la notion d’interlangue, Vogel (1995 : 183) nous rappelle en effet que pour pallier les problèmes rencontrés dans une langue étrangère, l’apprenant fait appel à des « structures » et des « moyens d’expressions » qu’il maitrise dans sa langue maternelle. La comparaison entre les résultats des étudiants allophones et ceux des collégiens natifs ayant participé à un dispositif d’atelier d’écriture du même type, hormis la partie théorique et réflexive, montre que, de par leur maturité et leurs capacités à transférer en français les compétences développées dans leurs langues maternelles, les étudiants enregistrent de meilleurs scores au niveau de plusieurs items évalués.
Au-delà du bilan sur l’existant, ce que montrent aussi les résultats est que la réécriture améliore tous les niveaux du texte, même l’action narrative, ce qui, pour ce dernier point, n’est pas nécessairement le cas pour les élèves du projet ECRICOL. La réécriture a permis aux étudiants de se relire, de retrouver les erreurs et de les corriger. Grâce à elle, ils ont écrit plus et mieux. Dans tout ce cheminement, l’erreur a été envisagée sous son aspect positif. Elle a été perçue comme « normale et nécessaire » et « comme un indice et un moyen d’apprendre » (Porquier, 1977 : 28). La réécriture a par ailleurs offert cette possibilité de dialogue entre le scripteur et son texte, et entre le scripteur et les tiers (pairs et enseignants).
Avoir voulu présenter un dispositif et un outil qui permet d’analyser la compétence scripturale dans toutes ses composantes ayant trait aux savoirs et aux savoir-faire a été, nous l’espérons, intéressant. Mais ce choix nous a poussés soit à ne pas approfondir certaines analyses, soit à en sacrifier d’autres. Nous avons ainsi reporté à une étude ultérieure l’analyse du rapport à l’écriture des étudiants, celle de l’impact des différents aides et étayages sur les textes produits ou celle qui, via une approche génétique, peut permettre d’appréhender l’ampleur, la qualité et les effets des différentes opérations de réécriture réalisées par les étudiants.
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[1] Institut national supérieur du professorat et de l’éducation.
[2] Métiers de l’enseignement, de l’éducation et de la formation.
[3] ECRICOL « Compétences et difficultés des élèves en matière d’écriture à l’entrée au collège » est un projet de recherche (ANR-16-CE28-0001) qui vise le développement de la compétence en écriture des élèves à l’entrée au collège (élèves de 11/12 ans) dans deux disciplines scolaires (le français et les sciences). L’expérimentation a été menée auprès de 744 élèves (29 classes et 20 collèges) des académies de Bordeaux, d’Orléans-Tours, de Créteil et de Lille. (https://ecricol.inspe-bordeaux.fr/).
[4] Le dossier génétique, que Grésillon (1994 : 241 et 242) appelle aussi avant-texte, désigne « l’ensemble de tous les témoins génétiques écrits conservés d’une œuvre ou d’un projet d’écriture, et organisés en fonction de la chronologie des étapes successives ».
[5] MEDITE est un logiciel qui « reconstitue automatiquement la séquence temporelle des corrections, adjonctions et ratures opérées par l’auteur sur son manuscrit à partir de la comparaison de deux états de ce même manuscrit » (Ganascia, Fenoglio et Lebrave 2004 : 93).
[6] En gras dans le texte cité.
[7] Le « nous » renvoie aux deux auteurs de cet article qui sont en même temps les enseignants qui ont mené l’expérimentation.
[8] ENI-V2 : Pour anonymer les étudiants, ceux-ci sont identifiés par les trois premières lettres de leurs prénoms lues à l’envers. V2 renvoie à la version concernée.
[9] Nous analysons ici la graphie des temps et des modes, qui relève pourtant de la morphologie verbale, parce qu’elle nous permet de comparer la maitrise du choix des temps et modes ainsi que leur mise à l’écrit.
[10] Contrairement à ce que nous avons fait antérieurement, dans cette partie d’analyse, nous numérotons les exemples de façon continue.
[11] Dans l’analyse faite dans le cadre du projet ECRICOL, les prépositions n’ont pas fait l’objet d’analyse systématique.
[12] C’est nous qui mettons en gras.
[13] Dans l’écrit de TUR, VD signifie version définitive. Il s’agit en réalité de la V3 que l’étudiant a réalisée en intégrant les remarques des pairs. La vraie version définitive est la V4.