N°81 / Actualité de l’enseignement de la grammaire en français langue étrangère : permanence, minoration ou renouveau ?

Poétique du langage et conversion philosophique de l’apprenant

Sortir du dualisme de la grammaire par le continu corps-langage en classe de FLE

Jordan Souchet

Résumé

Cet article pose quelques bases théoriques (et d'une certaine façon pratiques) non exhaustives, de notre réflexion globale d'un point de vue critique (de la critique car « toute critique est critiquable ») en construction et par définition, non aboutie. Malgré sa nécessité et sa richesse dans les frontières mouvantes du langage et de la langue, la grammaire demeure l’objet d’une conception bien souvent étriquée et limitée à l’écrit dans l’imaginaire commun. La prépondérance d’un modèle mondialisé de la communication et de la consommation donne l’impression d’une amplification d’un affaiblissement général de la langue où prédomine un utilitarisme standardisé élevé au rang de vertu. S’il ne s’agit pas ici de s’indigner face à une « vague communicationnelle » ou de défendre « le génie de la langue », loin de là, nous pensons que l’enjeu réside principalement dans la représentation de la grammaire in principio avec ses implications didactiques, symptômes d’une hypertrophie de la sémiotique héritée des théories canoniques du langage. Perçue comme inaccessible voire élitiste, le rejet de la grammaire correspond également à la survivance d’une série de dualismes (signifiant/signifié, langue/parole, oral/écrit, vers/prose, classe/vie, théorie/pratique, etc…) assignant la grammaire à une conceptualisation idéale d’assemblage de mots au détriment d’un agencement concret du discours, force est de constater cette tendance générale en FLE. Rappelant l’importance de la grammaire dans l’acquisition du langage et son émergence avec l’oral dès les premières années, nous proposons de relier plusieurs éléments du continu corps-langage oubliés en didactique : proprioception, prosodie, poétique, philosophie, littérature et sémantique pour envisager la grammaire parlée comme porte d’entrée de la parole. La mise en valeur légitime de la multimodalité de l’apprentissage, par la variété des voies sensorielles ou du numérique, semble encore considérer la langue comme allant de soi, séparée en composantes consensuelles isolées et observables par les signes. C’est pourquoi nous abordons le lien entre prosodie et syntaxe dans et par le rythme en reconnaissant l'idiosyncrasie de l'apprenant. Nous envisageons ainsi une conception poétique du langage inspirée par la critique meschonnicienne à travers une conversion philosophique héritée de l’antiquité pour renouer avec la grammaire pédagogique de l’enkuklios paideia. Pour cela, nous invitons à inventer une didactique sémantique du FLE et ne pas limiter notre vision à la vue.  

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 Si certains intellectuels de premier rang vont jusqu’à prédire l'effondrement de la poésie (Yves Bonnefoy), du roman (Milan Kundera), de la littérature (Tzvetan Todorov) voire de la culture (Hannah Arendt), ces éminents haruspices contemporains qui analysent la crise des Lettres de noblesse ont en commun d’évoquer le rétrécissement du monde et de l’individu. Le corps, omniprésent et fascinant, également soumis au risque d’annihilation de l’utopie transhumaniste (Le Breton, 2015) et du monde terrestre, symbolise le détachement paroxystique de l’Homme1 à sa propre matière. Ces nouveaux dédoublements et ces éternels débats, dont la subsistance et les morts annoncées participent d’une palingénésie amnésique, renvoient aux fondements de notre anthropologie. Par ricochet, la grammaire semble également traversée par cette altération provoquée par les incitations, selon les cas, à l'aseptisation ou à la dissolution. Victime d'anesthésie générale ou patiente en soin palliatif, la dichotomie opposant délitement ou réinvestissement de la grammaire ne semble pas tant se poser du côté de son utilité que, finalement, de sa conception. Après avoir subi un fort déclin dans l’enseignement en Angleterre depuis des décennies en langue maternelle malgré un regain d’intérêt inspiré par la didactique en langue étrangère (Kasazian, 2016), ce signe annonciateur de la rétrogradation de la grammaire outre-manche permet d’imaginer, par exagération, la véracité d'une dystopie huxleysienne-orwellienne (dans un scénario de science-fiction, ce pourrait être une puce intégrée qui censurerait des mots et orienterait la teneur de nos discours) ou au contraire, la régénération offerte par l’enseignement-apprentissage des langues étrangères. Cependant, à l’heure où les promesses d’apprendre rapidement ou à son rythme en autonomie complète grâce au numérique et aux pédagogies innovantes font florès dans un monde saturé d’informations, il peut être pertinent et souhaitable d’interroger notre rapport au langage et à notre corps pour ensuite féconder les progrès technologiques, plutôt que l’inverse. Les potentialités pédagogiques du métavers (littéralement après l’univers), illustrent le brouillon du corps contemporain (Le Breton, 2005) face à la réalité virtuelle (oxymore inventé en 1938 par Antonin Artaud pour désigner le théâtre…) des artefacts numériques installés pour toujours dans nos vies. Le métavers n’incarne-t-il pas la continuité persistante d’une conception métaphysique ancienne du corps ? L'asymétrie de la grammaire écrite sur la grammaire orale ne reflète-t-elle pas un dualisme faisant prévaloir le signe sur le sens ? Grammaire et rythme sont des termes utilisés à foison dans de nombreux contextes, ajoutant à la confusion et à la dispersion. Traiter la grammaire par le rythme (oral ou écrit) oblige à reconnaitre un rythme particulier du langage, donc du sujet, et ce que le langage doit au corps, donc à la vie. Poussière d'étoiles (Reeves, 1984), le corps biologique s’oppose-t-il à la personne sociale ou doit-on plutôt aborder la nature/culture par une approche symétrique (Latour, 1991) faisant place à la pensée complexe (Morin, 1990) et aller par-delà nature et culture (Descola, 2005) afin de relier corps et langage ? Avant de songer à devenir une espèce multiplanétaire, dans ce nouveau laboratoire qu’offre les courses (commerciales) de notre galaxie et de la réalité augmentée, divergente en cela de l’ogrerie gargantuesque ; comment envisager de relier grammaire et corporéité quand l’une et l’autre se destinent à être diminuées ?  

1. L'acquisition du langage et de la grammaire (du vivant à l'humain) 

 

Un lieu commun admet que la grammaire s’apprend à l’école en espace clos, assis, et la parole à l’extérieur, dans la vraie vie, hors les murs... D’où cette défiance vis-à-vis de la grammaire ressentie comme imposée par une institution académique déconnectée, et la classant ainsi comme exclusivement scolaire. Pourtant, si l’école va bien normer et structurer la grammaire à l’aide de prescriptions dans une visée émancipatrice plus globale, elle fait néanmoins déjà partie des structures linguistiques que va intégrer l’enfant dès son plus jeune âge grâce à la systématisation de combinaisons de mots. Durant l'ontogenèse qui va voir évoluer le fœtus pour passer du vivant à l’humain, la parole va se complexifier à la différence des animaux dont nos semblables les plus familiers en degré et non en nature, les chimpanzés, sont capables de mémoriser des mots (parfois plus de cent) mais dans l’incapacité de juxtaposer plus de deux mots suite à un entraînement très exigeant, tandis que les bébés humains y parviennent avant d'atteindre l’âge de 3 ans (Florin, 1999). Ce qui ne veut pas dire que les chimpanzés ne disposent pas d'un langage complexe, bien au contraire puisqu'ils utilisent de nombreuses séquences vocales structurées (Girard-Buttoz et al., 2022) et un riche répertoire gestuel (Hobaiter & Byrne, 2013). Cette capacité de créer et généraliser des représentations diachroniques et abstraites détachées du pur besoin immédiat grâce à des signes (étymologiquement la lettre créatrice de tout et le miracle en hébreu2) est considérée comme l’origine même de notre condition humaine. La grammaire (gramma) vient elle-même de la lettre dont la première mention remonte à Platon mais est loin de se cantonner à l'écrit. En effet, sans aucune leçon particulière, le nouveau-né va acquérir le langage plus ou moins vite en fonction de son entourage et de ses caractéristiques dont le développement va imbriquer irrégulièrement dans un ordre assez précis : la phonologie, le lexique et la syntaxe. Si la gestation est longue chez l’espèce humaine par rapport aux autres mammifères, son développement cognitif et langagier se développe rapidement malgré des variabilités contingentes qui n’affectent en rien son acquisition décorrélée de l’intelligence. Toutes les étapes de l’acquisition, non-linéaires et dynamiques (Sauvage, 2015), proviennent d’un instinct du langage qui nous relie à notre phylogenèse, notre environnement et nous-mêmes. In utero, les systèmes sensoriels se mettent déjà en place par l'intermédiaire d'un accordage neuro-perceptif par l’expérience sensorielle fœtale [qui] prépare l’organisme à interagir avec l’écologie sensorielle d’après la naissance (Granier-Deferre & Schaal, 2005). Si prédire les performances langagières du futur enfant à partir de sa vie intra utérine oblige à la prudence puisque les systèmes sensoriels ne sont pas encore arrivées à maturité (alors que c'est presque le cas à la fin de la gestation chez les autres mammifères, ce qui explique sans doute la plus longue dépendance durant les premières années de l'espèce humaine), ils préparent ce que l'enfant va devoir traiter dans le monde ex utero. Le système sensoriel anténatal suit lui aussi un développement ordonné précis comprenant d'abord les structures tactiles et somesthésiques, olfactives et gustatives, vestibulaires et auditives, puis visuelles (Ibid.). Ainsi, le fœtus possède une sensibilité proprioceptive structurante et antérieure à la sensibilité auditive où la voix maternelle se distingue amplement des autres dans la continuité transnatale puerpérale :

  La perception précède la production sur le plan neurophysiologique, tout comme la compréhension précédera toujours la production. Mehler et al. (1978) ont ainsi montré que la voix de la mère était privilégiée plus que tout autres sur le plan perceptif. Condon & Sanders (1974) montre que dès les premières heures qui suivent la naissance, le nourrisson coordonne sa gestuelle sur le rythme de la parole perçue. [...] On comprend alors que la prosodie de la langue joue un rôle fondamental dans l’entrée dans la langue maternelle, le système neuroperceptuel se développant tout en se spécialisant dans des sonorités linguistiques contextuelles (Sauvage, 2015).

La prosodie incarne donc l'élément primordial de la perception auditive et de la complexification du langage :

Elle constitue en effet la première chose qu’un fœtus perçoit dans le ventre de sa mère ; tout au long de sa première année de vie, le bébé développe une sensibilité très musicale à sa langue maternelle et elle lui permet ensuite de structurer ses productions tant au niveau de son proto-langage qu’au niveau de son premier langage et de ses énoncés plus élaborés (Dodane, 2020).

Après la naissance, souvent articulée à la production de gestes, la focalisation prosodique rattachée à la prosodie interagit également avec la proprioception au niveau du gyrus supramarginal gauche et de la production prosodique :

La focalisation prosodique peut en fait être considérée comme le pointage vers un constituant avec la voix exactement comme on montrerait un objet dans l’espace avec notre doigt. […] la focalisation est véhiculée acoustiquement mais aussi visuellement parce qu’on a conscience de l’importance de la vision dans la communication. Il y aurait ainsi une planification de l’hyper-articulation dans le but de véhiculer une information réellement multisensorielle, à la fois auditive et visuelle, voire proprioceptive (Dohen, 2005).

Toutes les dimensions sont sollicitées lorsque nous parlons, linguistiques et extra-linguistiques (bien que cette nette distinction ne nous satisfait pas). Ainsi, la gestualité co-verbale s’accorde avec le système rythmique pour relier les proéminences des éléments suprasegmentaux avec les gestes lors de l’accentuation rythmique (Llorca, 1989). Pas seulement auditive, la prosodie pourrait en ce sens être visible mais également induite par la proprioception ce qui nous oriente à considérer la multisensorialité du langage pour soutenir l’appropriation de la prosodie par une multimodalité plus vaste que ce qui se voit et ce qui s’entend, figé et à sa place.

Le développement de l'appareil phonatoire permet aux sons respiratoires d'évoluer vers des sons isolés puis d'atteindre le babillage canonique avant de laisser place aux proto-mots. Toutes ces étapes sont décisives pour la production de la parole durant la période linguistique (le premier « mot » ou « signe linguistique » apparait entre 9 mois-1 an et 8 mois) afin d'entraîner le cerveau mais aussi le corps dans son ensemble (Sauvage, 2015).

Malgré la faible production et articulation de mots au regard de la kyrielle de perceptions toujours plus élaborées et complexes, le processus de grammaticalisation (Bassano, 2008) suit son cours jusqu'à l'explosion grammaticale vers 2 ans et l'explosion lexicale peu avant 3 ans. Ces associations de mots en apparence lentes et limitées rendent compte d'une ébauche de structure grammaticale et d’indications sémantiques associées pour progresser vers une plus grande capacité à enrichir et allonger des énoncés. L'émergence de la syntaxe va prendre forme et sens pour s’étendre à des morphèmes grammaticaux de plus en plus sophistiqués (Kail, 2020). En considérant l'émergence lexicale et grammaticale à peu près concomitante (Bassano 2008) et le lien qui les unit avec le développement phonologique dont la prosodie mentionnée plus haut, le développement langagier constitue un système interactif et dynamique où toutes les composantes du langage s'entremêlent et s'enrichissent :

le développement des noms et des verbes est le lieu d’interactions entre les différentes composantes du langage, en particulier entre lexique et grammaire mais aussi entre prosodie et grammaire, entre lesquelles il existerait donc des relations d’interdépendance. Autrement dit, et en cohérence avec les approches intégratives, [...] les processus de grammaticalisation sont influencés par les dimensions lexicales et prosodiques du développement (Ibid.).

Ces progrès se font toujours en concordance avec des actes moteurs précis : mouvements, rires, déplacements, marche, pointage du doigt… Malgré des variations selon les langues, les enfants maîtrisent normalement vers 4 ans les structures morpho-syntaxiques de base (Ibid.). Parallèlement au langage, le développement global de l’enfant (Bouchard, 2019) met en jeu conjointement la motricité, la cognition, l’affect, la sociabilité pour se développer réciproquement. Cette interdépendance très nette durant l’enfance tend à être oubliée par la suite au profit d’une vision dualiste corps-esprit que l’école va valoriser et accentuer en faveur de l'intellect. La grammaire au départ pratique en lien avec l’évolution de sa physiologie (respiration, maturation et conduit vocal notamment), ses capacités motrices et ses interactions de toute nature (regards, gestes, postures, expressions faciales…), devient une matière reposant uniquement sur le métalangage mais déconnectée de son ancrage corpo-rythmique. Pourtant, selon une étude (Gordon et al, 2015) auprès d’enfants de 6 ans, les compétences morpho-syntaxiques, la conscience phonologique, les capacités cognitives non-verbales et la perception du rythme sont liées. 

2. Rythme et langage

 

Si raisonner d’un point de vue acquisitionniste et interactionniste nous semble pertinent, il est évident qu’on ne peut cloner l’appropriation d’une langue étrangère à partir de l’acquisition naturelle de la langue maternelle (celle qui s’initie dans le ventre). En revanche, comprendre les mécanismes de la formation du langage quel qu’il soit (parlé, oral, écrit, littéraire, corporel, etc.) permet d’envisager des ponts, des pistes de réflexion didactique pour infuser les pratiques enseignantes au contact d’autres disciplines :

travailler à la théorie du langage, c’est travailler à éliminer les frontières entre les disciplines qui constituent les sciences humaines, principalement les études de littérature, de langue et de philosophie, mais aussi d’histoire, de sociologie, de psychologie, de sciences de l’éducation et d’anthropologie. Cette visée ne se confond pas avec ce qu’on a appelé l’ "interdisciplinarité" ou la "transdisciplinarité", car la théorie du langage devrait tout à la fois constituer une autre discipline et les englober toutes, comme théorie d’ensemble, travaillant hors de l’isolement de chacune d’entre elles. […] C’est à chacun, dans chaque discipline, à travailler à la théorie du langage (Meschonnic, 1999 : 432). 

En didactique du FLE, le langage constitue un arrière fond assez univoque alors même que les formations universitaires sont greffées aux science du langage et que sa multiplicité amène à prendre en compte la complexité de la langue et la diversité des apprenants :

Une théorie de la langue isolée, à l’écart des autres disciplines, empêche en effet de comprendre l’ensemble des activités du langage, ou, ce qui revient au même, maintient en vigueur la théorie traditionnelle du signe, avec son dualisme de la forme et du sens, et interdit de reconnaître qu’il ne s’agit que d’une représentation, et qu’elle est inefficace pour analyser le continu dans le langage. Car le langage comporte du discontinu et du continu. Les psychologues du comportement ont mis en évidence la communication extralinguistique, et on connaît assez bien le continu du langage, avec la gestuelle, l’intonation et ses variables culturelles. Mais ce n’est qu’une partie du continu entre le corps et le langage. On peut soutenir que la plus grande partie de ce qui relève du continu reste impensé (Meschonnic, 1999 : 432).

Que reste-t-il d’impensé et par quels moyens l’entreprendre ? Pour Henri Meschonnic, le rythme permet de sortir de la métaphysique du signe et de rétablir le continu corps-langage. Dans ce cas, quel rythme concevoir dans le langage et comment l’articuler avec celui de l’enseignement-apprentissage d’une langue ? Sommes-nous condamnés à subir le rythme lorsque l’on apprend une langue au même titre que la langue nous domine pour Roland Barthes ou comme dirait Georges Bataille : le rythme de l’autre, c’est l’enfer (Bataille, 1992 [1937] : 24) ? Meschonnic précise le sien :

Je définis le rythme dans le langage comme l’organisation des marques par lesquelles les signifiants, linguistiques et extra-linguistiques (dans le cas de la communication orale surtout) produisent une sémantique spécifique, distincte du sens lexical, et que j’appelle la signifiance : c’est-à-dire les valeurs propres à un discours et à un seul. Ces marques peuvent se situer à tous les “niveaux” du langage : accentuelles, prosodiques, lexicales, syntaxiques (Meschonnic, 1982 : 216-217).

Cette sémantique spécifique (la signifiance), vise à réaffirmer le continu afin de rompre avec la représentation platonicienne du langage qui sépare les mots et les choses en se basant sur le discontinu des signes :

Au lieu du paradigme linguistique du signe, qui impose une conception discontinue des objets qu’il décrit (le langage interprété à travers la langue, le sujet confondu avec l’individu, la société devenant alors ce qui s’oppose à l’individu, au lieu que le sujet est radicalement social), une poétique du rythme conçoit les pratiques humaines comme des sémantiques du continu (Meschonnic, 2005 : 37).

Notion polysémique, les définitions du rythme varient mais restent finalement confondues avec la régularité de la métrique (temps fort/temps faible). Dans le chapitre XXVII des Problèmes de linguistique générale (1966 : 327), Benveniste retrace l'étymologie du rythme qui regroupe des domaines transversaux pour mettre fin à une idée reçue entretenue par la pensée occidentale moderne où ρυθμός (rithmos en grec) s'apparente à un écoulement dont l'idée aurait surgi par l'observation de la mer. Comme il le souligne justement, le mouvement réguliers des flots ne permet pas d'expliquer l'origine de la notion puisque la mer ne s'écoule pas, encore moins régulièrement, sauf si l'on parle d'un cours d'eau avec des flots... Ρυθμός remonte en fait à la poésie lyrique (Theognis) et tragique (Eschyle), avant Homère, puis chez les philosophes atomistes. Leucippe et Démocrite par l'intermédiaire d'Aristote considèrent la forme comme la signification originelle de ρυθμός en la distinguant de l'ordre et de la position. C'est aussi la racine des verbes former et trans-former avec par exemple l'enseignement transforme l'homme chez Démocrite et repris par Hérodote pour la transformation des lettres phéniciennes par les Grecs. Notion distinctive pour l'ensemble de ce qui pétrie l'humain et son environnement, cet arrangement caractéristique des parties dans un tout s'assimile à une dis-position, discordant avec le formatage, que l'on retrouve en tant que figurer, localiser chez Sophocle. Benveniste va plus loin en expliquant le sens du rythme pour le différencier des autres formes. Il précise le sens du suffixe :

La formation en -(θ)μός mérite attention pour le sens spécial qu'elle confère aux mots "abstraits". Elle indique, non l'accomplissement de la notion, mais la modalité particulière de son accomplissement, telle qu'elle se présente aux yeux (Ibid., 332).

Danse, réponse, ou disposition particulière, le suffixe complète le radical (ρυθμός) qui désigne la forme dans l'instant [...] assumée par ce qui est mouvant, mobile, fluide. [...] C'est la forme improvisée, momentanée, modifiable. D'Epicure à Lucrèce où la proéminence de la forme des atomes (crochus) et leur circularité les font entrer en contact, ρυθμός se définit comme manière particulière de fluer. C'est donc la doctrine matérialiste antique qui donne au départ le sens du rythme. Dans le Philèbe, Platon va définitivement orienter cette définition en y intégrant une théorie de la mesure appliquée. Pour Socrate, le rythme s'accompagne de la mesure dans une recherche d'ordre du mouvement et d'harmonie par la connaissance des intervalles réguliers. Benveniste cite le Banquet  :

L'harmonie est une consonance, la consonance un accord... C'est de la même manière que le rythme résulte du rapide et du lent, d'abord opposés, puis accordés (Ibid., 334).

L'arithmétique du corps conserve l'idée de la forme tout en la dépassant, Benveniste explicite le rôle de Platon dans cette évolution :

Il innove en l'appliquant à la forme du mouvement que le corps humain accomplit dans la danse, et à la disposition des figures en lesquels ces mouvements se résout. La circonstance décisive est là, dans la notion d'un ρυθμός corporel associé au μέτρον et soumis à la loi des nombres : cette "forme" est désormais déterminée par une "mesure" et assujettie à un ordre (Ibid.).

L'arrangement spatial des éléments va se poursuivre avec une configuration spatio-temporelle cadencée et ordonnée dont tout rythme se mesure par un mouvement pré-défini. Les débats sur le rythme se prolongent chez les écrivains dont certains reconnaissent volontiers la primauté du rythme de la langue maternelle où apprendre une langue étrangère c’est aussi, c’est avant tout, changer de rythme, subir une sorte de "recyclage" rythmique et intonatif (Dabrowska citée dans Meschonnic, 1982 : 420). Qu’en est-il du rythme de la langue française ? Comment appréhender cette architecture sonore en didactique du FLE et comment s’y conformer ?

En didactique du FLE, la langue est majoritairement perçue comme un outil de communication et d’interaction sociale (Germain, 1993) pour répondre aux besoins de l’apprenant (Cornaire & Raymond, 1999) dans un contexte marqué par le plurilinguisme et l’interculturalité où le rythme ne fait pas l’objet d’une réflexion centrale, hormis parmi les experts en phonétique qui insistent sur cette notion définie comme une composante de la prosodie avec l’intonation (Billières, 2014). L’apprenant est en premier lieu considéré comme un auditeur qui doit percevoir pour produire. Si son intérêt est nettement reconnu dans la méthode verbo-tonale afin de faciliter l’accès au sens et pouvoir se faire comprendre (Borrell & Salsignac, 2002) grâce au crible phonologique formé durant l’enfance et adapté aux sons de notre langue (Troubetzkoy, 1967), le crible prosodique se forme lui aussi pour correspondre au système prosodique spécifique de la langue. Si les motivations et les besoins sont en réalité aussi nombreux qu’il y a d’apprenants et que le rapport original à la langue est au moins au même niveau de complexité que son enseignement, la diversité des langues et des cultures en contact pose nécessairement l’enjeu du passage d’un rythme à un autre (en tant que locuteur et auditeur). Nous pouvons d’ailleurs émettre l’hypothèse que les orientations didactiques diffèrent pour d’autres langues en fonction des considérations jugées prioritaires. En français, déjà reléguée à la périphérie de la didactique des langues, la phonétique pâtit d’un manque de considération en didactique de l’oral, elle-même atrophiée par la didactique de l’écrit (Sauvage, 2019). Mais même l’enseignement de la phonétique va généralement se focaliser sur la distinction et la répétition de phonèmes (en général à la fin) sans forcément mettre en avant la prosodie (dès le début) ni construire une progression à partir des langues en présence. En effet, peu d’enseignants sont réellement formés aux spécificités du rythme (Guimbretière, 1994 ; Dufeu, 2008 ; Martin, 2020) ce qui indique que le manque de rythme se retrouve aussi en didactique, particulièrement en grammaire. 

Pour ce qui concerne l’énonciation, quelle que soit la situation géographique ou linguistique, le français conçoit une structure orale précise (différente de l’écrit oralisé) et unique parmi les autres langues européennes, notamment par l’absence d’accent lexical. En français, la caractéristique fondamentale de la structure rythmique procède de l’allongement, et non de l’intensité, de la dernière syllabe du groupe rythmique au niveau articulatoire, et non acoustique (Wioland, 2012 : 91). La confusion entre avoir un accent (notion relative qui rend compte d’un contraste dans un contexte géographique donné, plus intéressante en didactique sur le plan interculturel que phonétique du moment que la prononciation est intelligible) et accentuer (caractéristique physique structurelle), empêche parfois d’aborder à l’oral ce qui est commun à la langue française dans toute sa diversité et les aspects prosodiques pertinents pour favoriser l’apprentissage de la syntaxe, sans renier l’originalité de chacun.

Les structures rythmiques étant reliées aux structures syntaxico-sémantiques (Billières, 2014), le sens du rythme est aussi le rythme du sens. Etonnamment, cette relation entre les différentes structures ne fait pas l’objet d’un enseignement spécifique ou explicite, l’apprenant doit se débrouiller et bricoler intérieurement s’il veut parvenir à faire cohabiter ces structures. La difficulté réside à la fois dans la capacité à prendre conscience de cette relation et à la modification (à volonté ou en situation naturelle) des habitudes prosodiques de la langue de référence pour percevoir et produire la prosodie ciblée. Le crible prosodique reste un sujet d’étude ouvert (Borrell & Salsignac, 2002) dans un contexte plus large de regain d’intérêt de la phonétique du FLE à visée didactique (Sauvage, 2021). La nécessité de la modification de la conscience phonologique qui dépasse la mémoire et la compréhension cognitive (Gardies & Sauvage, 2021) dans l’apprentissage de la phonétique et surtout de la phonologie comme le rappellent les auteurs, montre l’implication de la structure neurophysiologique à transformer. L’appropriation de la grammaire ne semble pas concernée par cette trans-formation au niveau de la conscience grammaticale, comme si la traduction s’opérait par le calque d’une grammaire à une autre par le métalangage uniquement sans tenir compte de la dis-position du corps. Pourtant, le caractère authentique de la grammaire de l’oral, naturelle pour ceux dont c’est la langue première, théorique voire ésotérique pour l’apprenant en FLE, admet que les groupes rythmiques possèdent bien une cohérence et un ordre orientés, entres autres, par l’allongement de la syllabe finale accentuée et les pauses segmentales (inter et intra) dans l’interaction orale faisant le lien entre la prosodie et la morphosyntaxe (Bourvon, 2014) qui peut varier selon les idiosyncrasies de chacun puisque le rythme est à la fois un phénomène de langue et de parole (Billières, 2014). Ce qui signifie, selon nous, une variété de rythmes au-delà du rythme propre à la langue qui nous éloigne d’une vision harmonieuse d’un accord métaphysique parfait en langue avec les rythmes biologiques et cosmiques mais témoignent à l’inverse d’un ré-accordage du langage entre l’environnement naturel et social grâce à une construction historicisée et individuée de la langue. Se pose alors à l’enseignant une exigence forte et un paradoxe didactique soulevé par François Wioland, comment relier un enseignement général à des cas particuliers étant donné que l’oral (le français parlé précisément) est toujours singulier, de même que l’écrit, (en plus d'être plurivoque) ?

L’oral et l’écrit sont deux systèmes distincts de structuration de la langue (Wioland, 2012 : 44). 

Distincts mais pas opposés, si l’écrit souffre de plus en plus d’un manque de valorisation de la grammaire, l’oral n’en est que plus déficitaire alors que l’un et l’autre pourraient se renforcer mutuellement au lieu de s’exclure. En effet, le déséquilibre et le décentrage nécessaire à l’appropriation du français n’est pas seulement d’ordre lexical ou grammatical, même si les correspondances asymétriques entre lettres (les consonnes finales amuïes par exemple) et phonèmes provoquent de nombreuses frustrations chez certains apprenants à cause de l’orthographe étymologique préféré à l’orthographe phonétique,mais intrinsèquement et implicitement prosodique. Là encore, les représentations visuelles prédominent au détriment d’autres sens. Le rythme prosodique entretient une relation étroite avec le rythme syntaxique et pas seulement à l’oral :

La syntaxe épouse donc le mouvement d’un dire qui se déploie progressivement dans l’exercice de sa réalisation. On aperçoit alors que l’énonciation ne vient pas se couler dans un moule syntaxique qui lui préexisterait, mais que c’est l’acte de langage lui-même qui préside à l’organisation, avec ses doutes, ses corrections, ses remords, ses retours en arrière, ses arrêts, ses analogies. La phrase se cherche au fur et à mesure qu’elle se déploie, et elle exhibe cette recherche, montrant son dire tout en construisant son objet (Bigot, 2010).

Bien que maîtrisant les structures syntaxiques, l’apprenant doit parvenir à (se) jouer de la syntaxe. Une conscience du rythme peut l’aider dans cette voie pour dépasser la pure transposition et faciliter son déploiement.     

3. Poétique de l’apprenant en langue étrangère

 

Le terme poétique renvoie immédiatement à la poésie, que l’on peut rapprocher de la poïétique, de la création et de la fabrication. Plus précisément, la poétique fait écho à tout ce qui permet d’identifier et de dégager les spécificités d’une œuvre. A la différence du sens commun de la communication (un moyen parmi d’autres et non une fin en soi comme peut l'être le fait de signifier), la poétique empêche la traduction transparente puisque la valeur du sens est irrémédiable. De même à l’oral, l’apprenant ne peut traduire littéralement, d’une langue à une autre, ce qu’il dit. La poétique surpasse le sens d’un message mais n’empêche pas la traduction, à condition, de chercher le rythme du langage et de la langue. Citons l'exemple de Lucrèce avec le poème philosophique De natura rerum qui traduit Epicure, pourtant contre la poésie, dans le sens latin (traducere) de faire passer, traverser, conduire au-delà, tel Charon mais sans dénaturer la pensée ni le sujet de l’autre côté du Styx... L’organisation complexe de la poésie, pas seulement par ses signes mais par ses rythmes, échappe aux lois de la communication commune aussi bien que son analyse minutieuse ne permet d’aucune façon la capacité de produire un poème (de même pour la grammaire et davantage encore à l’oral). Le poème et la grammaire se travaillent d’abord dans et par l’expérience du sujet. La poétique n’existe pas seulement dans le poème qui bien que représentant sa réalisation maximale, possède autant de variantes qu’il y a de langage. La littérature, sous-entendue écrite, entretient un lien fort avec l’oral souvent oublié ou méprisé. Reprenant les remarques du formaliste russe Ossip Brik, Robert Georgin considère une rythmique inhérente3 :

Il existe une rythmique propre à chaque langue, qui fait partie de la structure de la langue et à laquelle aucun locuteur parlant cette langue, ne peut échapper. La poésie serait seulement un suremploi de cette rythmique, elle en rajouterait par rapport à ce qui est nécessaire (Robert Georgin, 1977).

Allant jusqu’à pointer une correspondance naturelle inconsciente entre le rythme de la langue française et celui de l’alexandrin (expliquant son succès semble-t-il), Georgin affirme que l’objectif de la poésie classique vise à faire coïncider la syntaxe à travers le temps fort avec la fin d’un groupe rythmique qui forme un ensemble sémantique cohérent. Malgré un abandon relatif à partir du romantisme, il semble que cette tendance se poursuive dans les vers libres. Mais la séparation entre vers et prose subsiste, l’exemple emblématique du Bourgeois gentilhomme (Molière, 1671) tout ce qui n’est point prose est vers ; et tout ce qui n’est point vers est prose illustre cette dichotomie, rythme poétique du vers et prosification du parler sans rythme par son caractère chaotique. Cette séparation superficielle de la poésie et de la prose ne saurait s'appliquer ni dans le langage ni dans l'apprentissage d'une langue étrangère car la reconnaissance poétique du corps dans le langage et du rythme dans la langue, aussi bien en prose qu’en vers, se retrouve au cœur.

Nous posons qu’il existe une homologie avec l’apprenant en langue et que la poétique correspond à la rythmique particulière de l’apprenant dans sa pratique la plus élémentaire de la langue en la traduisant et la ré-inventant sans cesse. Nous l'oublions trop souvent, les langues sont des organismes vivants dont la vitalité dépend de locuteurs et d’une pratique orale, les langues dites mortes ne sont plus parlées ou seulement écrites. Dès lors, seules les représentations visuelles sont possibles. Telle des notes de musique, des poèmes ou des pièces de théâtre, l’écrit s'essouffle lorsqu’il n’entretient pas une relation étroite avec l’oral. Le gueuloir de Flaubert rappelle ce lien oral-écrit qui traverse la littérature depuis l’épopée de Gilgamesh et la naissance de l’écriture. Les poèmes sont au départ destinés à raconter oralement des mythes aux nouvelles générations, Les Mille et Une Nuits des contes moraux pour les nobles, les textes religieux pour être récités par les croyants, L’Ingénieux Hidalgo Don Quichotte de la Manche des nouvelles qui s'enchaînent pour des gens se réunissant aux moissons et ne sachant pas lire. La forme écrite ne se sépare jamais de la forme orale qui lui préexiste et lui donne forme bien que la littérature soit présentée en régime autarcique comme chez les structuralistes par l'absence du sujet et de son historicité. Les Essais dictés par Montaigne témoignent de l’importance de la voix haute qui n’a jamais si bien portée son nom, et Paul Valéry de fulminer dans une conférence (sur l’orthographe…4) contre l’enseignement des Fables et des classiques :

Croyez-vous que notre littérature, et singulièrement notre poésie, ne pâtisse pas de la négligence dans l’éducation de la parole ? Que voulez-vous que devienne un poète, un véritable poète, un homme pour qui les sons du langage ont une importance égale (égale, vous m’entendez bien !) à celle du sens ? […] La diction scolaire telle qu’elle est pratiquée est tout bonnement criminelle. Allez donc entendre du La Fontaine, du Racine, récité dans une école quelconque ! La consigne est littéralement d’ânonner, et, d’ailleurs, jamais la moindre idée du rythme, des assonances et des allitérations qui constituent la substance sonore de la poésie n’est donnée et démontrée aux enfants. On considère sans doute comme futilités ce qui est la substance même de la poésie. Mais, en revanche, on exigera des candidats aux examens une certaine connaissance de la poésie et des poètes. Quelle étrange connaissance ! N’est-il pas étonnant que l’on substitue cette connaissance purement abstraite (et qui n’a d’ailleurs qu’un lointain rapport avec la poésie), à la sensation même du poème ? Cependant qu’on exige le respect de la partie absurde de notre langage, qui est sa partie orthographique, on tolère la falsification la plus barbare de la partie phonétique, c’est-à-dire la langue vivante. L’idée fondamentale semble ici, comme en d’autres matières, d’instituer des moyens de contrôle faciles, car rien n’est plus facile que de constater la conformité de l’écriture d’un texte, ou sa non-conformité, avec l’orthographe légale, aux dépens de la véritable connaissance, c’est-à-dire de la sensation poétique. L’orthographe est devenue le critérium de la belle éducation, cependant que le sentiment musical, le nombre et le dessin des phrases ne jouent absolument aucun rôle dans les études ni dans les épreuves… (Valéry, 1935).

Alors que le rythme s’illustrait en poésie, il tend paradoxalement à s’effacer par une prévalence des signes orthographiques, d’une glose faisant abstraction des sensations physiques, et d’une inconscience du rythme parolier qui ne se limite pas à la littérature. Si le rythme est l’organisation du mouvement de la parole, Meschonnic complète sa définition en y ajoutant par un sujet (Meschonnic, 1998 : 28). Le rythme poétique est celui du rythme du discours qui va produire un sens où l’expérience du sujet se fait jour et se reconnaît parmi d’autres. Nous reprenons ici à notre compte dans le domaine du FLE cette notion de la critique littéraire car elle nous paraît poser distinctement l’enjeu de l’appropriation d’une langue étrangère représentant un conflit entre la connaissance du général et la connaissance du singulier (Meschonnic, 2005 : 61). 

Dans ce cas, la poétique ne définit pas ce qui correspond à une vision traditionnelle du poème mais à l’historicisation de la parole chez l’apprenant et la transformation qui va s’opérer en lui par un rythme spécifique :

Il convient à présent d’aller plus loin et de montrer que le rythme n’est pas lié par nature à une dimension "poétique" du langage. Il est de la logique de l’évolution du savoir sur le langage et sur la littérature, que la notion de rythme ne puisse plus opposer un texte en langage dit "ordinaire" ou "prosaïque" et un texte en langage dit "poétique". Ce qui ne veut pas dire que ces objets de langage ne soient pas distincts, mais leur spécificité ne tient pas à la présence ou à l’absence de rythme : elle repose sur le statut de leur rythme, ce qui n’est pas la même chose (Meschonnic, 2005 : 4).

Sortir de l’idéalisation du rythme (vague, arbitraire, psychologique et esthétique) revient à ne plus chercher à l’enfermer à travers une structure rigide idéale que l’on pourrait singer par une im-posture. Il existe d'ailleurs un risque de robotiser l’apprenant ou de fossiliser une accentuation sur le mode de la langue de référence. Forcément ouverte, la didactique du FLE, autant que la théorie du langage, ne peut être dogmatique ni univoque. La poétique du langage implique un sujet pluriel dont l'historicité et l'éthique par le mouvement du langage le transforme en acte poétique éloigné du cadavre ex-libris où le signe et le rythme se chorégraphient sans dynamisme. Ainsi, le rythme constitue la matière du sens qui précède le sens (Meschonnic, 1982 : 83) où le corps du sujet intégré dans des rapports subjectifs-sociaux déjoue les mots pour retrouver l’élan musculaire avant et après la trahison de l’énonciation et de la traduction. Perdre le rythme revient à perdre la vie du langage, schibboleth imparable. La langue, émanation et construction particulière du langage va développer grâce aux caisses de résonance du corps, des rythmes dont la musicalité s'apprécie selon diverses modalités : affectives, sociales, culturelles, physiques.

4. Conversion et mesure de la position du corps 

 

Nous cherchons donc à inventer une didactique sémantique réunissant le rythme et le corps apprenant (Lapaire, 2014) comme approche apte à créer de nouveaux sentiers dans l’enseignement-apprentissage du FLE. Ad augusta per angusta, apprendre une langue étrangère pour le plaisir, le travail ou l’école, relève toujours d’opérations mentales complexes, non-linéaires, chaotiques, dynamiques. Au-delà de l'opposition entre art et science, c'est la mise en jeu d'une pensée. Penser le langage à partir du rythme, revient à lancer une nouvelle énigme à l'enseignant et un défi significatif à l'apprenant. A l’inverse de la psychanalyse qui cherche à circonscrire le corps par le langage, nous posons un rapport poétique à la langue qui fait toujours entrer du corps dans le langage, la philosophie ne s’oppose pas dans cette optique à la poésie :

Sans philosophie, le poète reste inaccompli - sans poésie, le penseur - le critique - reste, également, inaccompli (Novalis cité par Meschonnic, 1970 : 12). 

Pour accéder à la sagesse, les premiers philosophes originaires d’Inde (Pol-Droit, 2004), appelés gymnosophistes (sages nus), déambulaient tels quels et ont inspiré par la suite les philosophes grecs dont les péripatéticiens (qui se promènent en discutant) d’Aristote. Différentes écoles vont naître dont les stoïciens, les épicuriens et les cyniques (certains appelés à tort présocratiques). Le corps en mouvement est au centre de la pensée et de la pratique philosophique car celle-ci vise à mieux vivre, ou mourir, à l’inverse de la création de concepts abstraits qui ont envahi depuis les enseignements. Ainsi, certaines écoles pratiquent des exercices5 spirituels6 comme le remarquent Michel Foucault et surtout Pierre Hadot. Si on les retrouve dans la philosophie contemporaine chez Goethe, Husserl, Bergson, Merleau-Ponty ou Wittgenstein, la philosophie antique se caractérise d’abord par une volonté en acte de se transformer dans tous les aspects de la vie. Ce n’est pas un métier mais un travail sur soi qui ne s’arrête jamais. Pierre Hadot précise :

pour produire un effet de formation : le philosophe voulait faire travailler les esprits de ses lecteurs ou auditeurs, pour qu’ils se mettent dans une certaine disposition (Hadot, 2003). 

Former plutôt qu’informer, par des exercices expérimentés, existentiels, une pratique destinée à opérer un changement radical de l’être ou la découverte d’un nouvel univers mental pour le sujet (Misrahi, 2011). La leçon de philosophie se transmet à l’oral car les philosophes n’écrivent pas à ce moment-là. A ce titre, Euclide de Mégare (à ne pas confondre avec le célèbre mathématicien) n'est pas vraiment considéré comme un philosophe puisqu'il a besoin de consigner le dialogue entre Théétète et Socrate. Connotée religieusement, la conversion vise à un retournement, changer de direction et donc de position. Philosophie et poésie se retrouvent, les atomistes antiques employaient d'ailleurs une méthode poétique pour tenter d'expliquer le monde physique, la théorie des simulacres. Les exercices quotidiens, concrets et pratiques, des philosophes rejoignent le travail laborieux de l’apprenant en langue comme le souligne Akira Mizubayashi :

Mais j’eus une musique à moi seul, c’était le français. Personne dans ma famille ne s’en aperçut. Car cette langue venue d’ailleurs était pour moi l’objet d’un travail laborieux, d’un exercice patient, d’une discipline ascétique de tous les jours comme l’a été le violon pour mon frère qui se l’est approprié, incorporé pour en libérer la musique (Mizubayashi, 2013 : 39).

L’appropriation se fait jour par l’incorporation. Mais du pourchas actuel de l'incorporation de la langue à l'acquisition du langage, les questionnements sur les modes d'apparition et les modalités d'intériorisation sont anciens. De l'antiquité chinoise avec Lao Tseu, Confucius ou Xun Zi au mythe de la Tour de Babel dans la Genèse, les conceptions du langage sont au centre des débats (philosophiques et religieux) pour déterminer la place de l'Homme dans l’ordre cosmique et divin. Au XIXe siècle, le conventionnalisme repris par Wilhelm Von Humboldt, pionnier de la philosophie du langage qui inspira Saussure pour dominer la linguistique contemporaine réactive les débats entamés durant l'antiquité grecque. Dans le Cratyle, Platon met en scène deux visions apparemment antagonistes de l’origine du langage : la langue déterminée par la  nature (position de Cratyle, disciple d’Héraclite) et celle établie par la convention des hommes (position d’Hermogène, disciple de Parménide) à partir de noms établis par des signes et formés par un législateur pour parvenir à la justesse. Entre les deux philosophes apparaît Socrate, sollicité immédiatement pour arbitrer et trancher le débat. Or, le fils (symbolique) d’un sculpteur et d’une sage-femme va choisir la mesure pour réfléchir avec ses camarades, s’approcher (et accoucher) de la vérité. La maïeutique et l’heuristique de Socrate, son attitude ouverte à la discussion et à l’échange, permet une interaction et une remise en cause des thèses avancées. Pour Socrate, le langage n’est qu’une imitation approximative du réel et ne peut donc incarner la vérité de l’objet mais une image qui tente d’être la plus représentative possible sans pouvoir établir, ni une théorie linguistique suffisante, ni une connaissance absolue de la réalité (les choses mêmes). La distinction des termes s’effectue par rapport aux autres à l’intérieur d’un système singulier dont le passage à un autre empêche l’exactitude de la valeur. Le dualisme platonicien que l’on retrouve dans la binarité du signe (signifiant/signifié) empêche finalement d’envisager l’origine du langage en évacuant la question de la négativité ainsi que les porosités et les aspérités de la parole que l’on retrouve dans l’apprentissage d’une langue. L’oral relève de l’instant, de subtilités et d’implicites qui renvoient au monde sensible et au monde intelligible. Socrate, pour clôre sans conclure le dialogue entre Cratyle et Hermogène, admet que le langage est affaire de représentations mais imparfaites donc humaines.

Platon, à plusieurs reprises, s'en prend à la fameuse locution de Protagoras L’homme est la mesure de toute chose où le sens du monde est inventé par la médiation de l’homme pour convenir et former un langage, Hermogène admet donc la création humaine derrière la langue. Le sophiste influence également Théétète qui défend une vision relativiste de la connaissance. Socrate en désaccord avec cette thèse, n'en reconnaît pas moins les qualités de son adversaire idéologique dans ce qui constitue les bases d'une discussion où deux intelligences s'affrontent. Dans le dialogue éponyme, Protagoras considère la perception comme première dans la formation du jugement et de la vérité. Celui pour qui la partie la plus importante de l'éducation consiste à être un connaisseur en poésie, évacue (en partie) les divinités du ciel, en postulant le déterminisme de l’homme à devoir se déterminer, malgré l’anthropocentrisme et les risques de solipsisme, œuvrant par conséquent à un appel à la mesure que l’on retrouve finalement chez Socrate (Connais-toi toi-même). Ainsi, le positionnement de son corps dans l’ordre physique devient l’enjeu d’une connaissance débutant à partir de soi et qui loin de se limiter à l’Homme, renverra toujours à un point de vue humain. Les conceptions poétiques ou philosophiques du langage, dont nous exposons ici une infimité parmi une infinité (puisqu'il y a autant de conceptions que de corps), permettent d'enrichir et de dépasser (en forçant le trait) l'épistémè dominante en didactique du FLE qui consiste à dissoudre la signifiance des sujets et à évacuer la dimension historique du langage. La mesure (du rythme) de sa position s’oppose ainsi au calcul des bénéfices d'un capital social ou d'un(e) mode de gestion indiscutable et universel de la langue. Subséquemment, peu importe que les mots trompent ou soient insuffisants, l'œuvre de l’apprenant (autant que du poète ou du philosophe), tente de préciser sans cesse sa pensée, en tension, quelle que soit la forme des circonvolutions verbales. S’approprier une langue constitue une conquête vers l'inconnu à bien des égards, une quête avec autrui comme port d’attache et nouvel horizon. Pour transformer cette errance en odyssée, la perception et la conscience de cette aventure improbable se re-lient étroitement. Nous encourageons donc à prendre (la) mesure de la langue qu’introduit l’acte de parole et la mise en perspective singulière de soi et du monde dans la diversité des langues. Pour ce faire, nous proposons une dé-marche où le rythme de la parole correspond à une mesure interne des sens et du sens. Pour replacer le rythme au cœur du discours, Henri Meschonnic privilégie le continu pour sortir d'une représentation du langage abstraite du corps :

Il me semble que la relation ne peut pas s'expliquer par les mots, en reliant sapor à sapientia, et qu'elle suppose une théorie du corps dans le langage, donc du rythme (Meschonnic, 1982 : 84).  

Ainsi, le corps à travers le rythme est perçu comme élément inhérent à la linguistique de l’énonciation comme le propose Benveniste avant lui. C’est pourquoi dans sa Critique du rythme, Meschonnic le place au centre de la production de sens :

Parce que le rythme n’est pas seulement un secteur du langage parmi d’autres, un niveau linguistique, comme le lexique ou la syntaxe, mais que, plus puissamment, il peut être pris comme la structuration d’ensemble de tous les signifiants, il est l’inscription du sujet dans l’ensemble de l’œuvre comme système de valeurs de langage, à travers le sens (Meschonnic, 1982 : 363). 

Seul ou en interaction, notre corps déploie et module des rythmes variés, fixes et en mouvement, qui se ré-accordent et s’enchevêtrent en permanence. Contre la linéarité de la métrique et pour l’historicité du langage (Meschonnic, 1982 : 21), le rythme considéré comme l'organisation du mouvement de la parole (Meschonnic, 1999) représente le corps du langage c'est-à-dire ni de la chair (incarnation ou viande) ni juste de la cognition (neurones) car le poème ne se résume à aucun de ces éléments. Le rythme du sens constitue in fine le rythme du sens dans la force de son mouvement qui emporte tous les rythmes (sémantiques, syntaxiques, prosodiques, etc)7. La conversion à un rythme nouveau passe donc par l’intégration du corps dans le rythme de l’apprenant et à sa mesure.

5. Pour une grammaire pédagogique dans une didactique sémantique

 

Comme le répète avec entrain Michel Billières, la parole est mouvement. La prendre ou la recevoir revient à se re-positionner sans forcément en avoir conscience, dans des environnements familiers et incertains, ainsi en va-t-il de la grammaire. Tel le proverbe héraclitéen on ne se baigne jamais deux fois dans le même fleuve, on ne dit jamais deux fois la même chose, même si ce qu’on répète a le même sens à cause de perpétuels changements, le rythme et la voix ne peuvent jamais être identiques. La traduction d’un individu à un autre ou d’une langue à une autre, ne peut se revendiquer transparente et idéale. Chaque mémoire s’inscrit dans une mémoire plus large. Si notre langue maternelle à laquelle nous nous identifions nous façonne et reste notre référence, notre rapport aux langues étrangères ne va pas de soi. La parole, même intérieure et/ou à soi, rencontre et reçoit les mots d’autrui pour y adhérer ou non. La diversité et la nuance des discours va produire un écho chez l’apprenant où différentes voix vont s’entrelacer et provoquer un rapport singulier d’identification et d’affection. Ce bouleversement ne peut s’engendrer que par une méta-morphose de l’apprenant. Plus que l’acquisition d’une posture coûteuse en énergie et inappropriée, il s’agit pour l’apprenant de se positionner adéquatement dans la partie individuelle du langage, c’est-à-dire la parole y compris la phonation (Saussure, [1916] 2002) pour se construire une place dans la langue et dans son rythme. Cette écologie du langage constitue alors une transformation intérieure qui affecte la subjectivité et le regard posé sur le monde ou comme le souligne Humboldt : la conquête d’une perspective nouvelle et le renouvellement de la vision du monde qui dominait jusque-là (Humboldt, [1830] 1974 : 199). Ce réarrangement de soi relie le rythme intrinsèque du corps à celui extrinsèque du cosmos, mais le langage demeure inédit. Le sens réside ainsi dans la saisie des sens, et dont l’essence se transmet, imparfaitement certes, par le mouvement de l’agencement des sons. Cette appropriation poétique dévie de l’idée que maîtriser une langue consiste à s’adapter à des situations de communications stéréotypées et purement fonctionnelles. Le déséquilibre de la dé-marche qui re-définit notre rapport à l’autre induit par ce pas de côté va engendrer l’humanité du sujet poète tel un aède où marcher, parler et penser ne forment qu’un seul mouvement  (Pol-Droit, 2016 : 2). Ce processus est l’expression d’une danse8, avec ses premiers pas, ses balbutiements, ses rythmes im-propres, im-probables et chaotiques, dont l’arythmie se résout par l’éveil, la sensibilisation et l'écoute. Le corps et la parole ne forment plus qu’un. L’apprenant ne saurait copier à l’identique ses prédécesseurs car vouloir imiter permet d’apprendre mais ne peut consister sur la durée qu’à singer illusoirement tandis que chacun évolue dans un monde subjectif et sui generis dont l’énonciation est modifiable à l'infini. Dans l’expérience de la langue, le corps poétique se frotte au réel de la langue dans la matérialité sonore et dans le dévoilement de sa propre sculpture. Une question épineuse d’épiderme, où l’on passe du chaos à la forme pour dé-finir la mise en suspens du mouvement originel, et dont l’expérience poétique n’est pas forcément compréhensible ni traduisible dès le début. Une démarche rythmique peut en partie répondre à cette quête sensuelle, existentielle et émancipatrice.

Si le langage structure notre pensée, la langue suggère beaucoup plus qu’elle ne peut l'exprimer avec des mots. Selon Meschonnic, il n’existe que la poétique à même de créer une théorie du langage en tant que théorie du sujet par sa capacité réflexive et critique des représentations du langage. Par conséquent, une approche concrète peut donc permettre aux apprenants de prendre mesure de la non coïncidence du rythme grâce aux formes des processus d’appropriation, sans tomber dans le formalisme. Le terme concret s’oppose à ce qui est abstrait, et tend à appliquer des savoirs théoriques (ou pas) dans la vie réelle (pléonasme nous en convenons). Ce qui est concret renvoie à ce qui est réel, tangible, perceptible et se rattache à la substance. C’est donc à partir de ce présupposé et en nous inspirant de la psychologie concrète de Georges Politzer que nous pouvons donner de l’épaisseur à l’étoffe de l'expérience du corps apprenant et à l'appropriation d'un nouveau monde langagier à inscrire dans sa vie :

Si l'on commence par détacher les faits psychologiques de l'individu singulier, on se situe, d'emblée, sur un plan abstrait, sur le plan des généralités avec lesquelles travaillent les psychologues. On se mouvra donc au milieu des considérations qui resteront au-dessous ou au-dessus de l'individu particulier, et comme celui-ci seul peut introduire dans la théorie la diversité concrète qui la rend applicable aux cas particuliers, l'abstraction aboutit forcément à la tautologie, et c'est le hasard qui devra remplir le vide créé par l'élimination du concret individuel. L'expérience ne nous présente, en effet, que des faits individuels, mais comme on s'est condamné par l'abstraction à ne pouvoir invoquer que des généralités, on sera forcé, à propos de chaque cas individuel, de répéter des généralités, et l'explication sera incapable de se modeler sur le fait à expliquer (Politzer, 1928 : 35). 

Pour procéder à une individuation de l’apprentissage et participer à une énonciation singulière, nous suggérons de passer par une perspective organismique. Se découvrir, se mettre à nu et devenir autre sans jamais renoncer à soi. Nonobstant, il ne s’agit pas de devenir un acteur qui surjoue et théâtralise une prestation lorsqu’il parle une autre langue qui lui reste étrangère. Au contraire, il s’agit plutôt de devenir une sorte de comédien, au sens de Louis Jouvet (qui n'est pas jouer la comédie) mais se réinvente et réinvente la langue, capable de se re-produire autant qu’il le souhaite afin de transmettre sa singularité au-delà des mots qu’il emploie et d’affronter bien des méprises et des surprises (Jouvet, 2009 : 90). Nous l’avons mentionné plus haut, il existe une imbrication intrinsèque des composantes linguistiques, mais aussi un lien entre appropriation prosodique et appropriation syntaxique. Nous ne parlons pas avec des phrases mais avec des énoncés divisés en groupes rythmiques ou en mots phonétiques. Ce qui veut dire que nous ne respectons pas la ponctuation d’un texte souvent définie comme la possibilité de respirer ou de reprendre son souffle qui pourtant ne s’arrête pas. D’après notre expérience d’enseignant, nous remarquons une grande difficulté à s’exprimer pour les apprenants maîtrisant mal, souvent inconsciemment, le lien entre le rythme, la grammaire et l’énonciation. Bien que les règles puissent être  maîtrisées, les difficultés pour s’exprimer à l’oral, structurer un discours ou maintenir une interaction, apparaîssent sous l’effet du stress et d’automatismes insuffisamment incorporés. Même avec un texte écrit, la ponctuation ne constitue pas les limites du rythme à respecter mais un balisage graphique pour faciliter la lecture et non le dire. Pour illustrer notre propos, nous reprenons à notre compte l’exemple souvent cité par Jean-Laurent Cochet d'une célèbre fable de La Fontaine. Le premier vers : Maître Corbeau, sur un arbre perché, nous amène à la question suivante, qui est perché ? Est-ce l’arbre ou le corbeau ? Cette erreur souvent commise démontre à quel point le rythme est lié au(x) sens, et donc le préalable à une parole juste dont l’enseignant doit tenter de faire prendre mesure aux apprenants. Mutatis Mutandis, l’apprenant cherche à intercaler la grammaire étrangère avec le rythme de sa parole, sans cesse renouvelé. 

Tout au long de cet article, nous avons essayé de tracer une autre façon de considérer la grammaire dans une conception poétique du langage afin d’engendrer une conversion philosophique de l’apprenant qui n’est pas nouvelle mais mérite d’exister et d’être pratiquée en didactique du FLE. Le corps, réceptacle et caisse de résonance de la vitalité de l’apprenant s’accorde et se positionne par rapport à la langue étrangère qu'elle habite. Si bien qu’avant la naissance et la parole, l’émergence de la proprioception (Whitehead, Meek & Fabrizi, 2018) et de la prosodie (Dodane, 2020) sont déjà déterminantes dans la constitution d’une sensibilité nécessaire au développement sensori-moteur et langagier. La corporéité de la parole encourage donc à une corporisation de la didactique et de la grammaire qui ne soit pas d’ordre conceptuel, immense chapelle, mais existentiel, humble bâtisse à sa mesure. Dès l’antiquité, aussi bien chez les Socratiques, les Sophistes ou les Atomistes, et dans la continuité des recommandations d’Henri Portine, la grammaire s’inscrivait dans un ensemble propédeutique et pédagogique initié par l’enkuklios paideia (encyclopédie) à Alexandrie au IIe siècle environ avant J.-C., lieu de naissance de la grammaire occidentale et de la philologie (Portine, 1999). Afin de favoriser la circularité de la parole tant à l’intérieur de soi qu’à l’extérieur de l’interaction, l’activité discursive de l’apprenant doit être encouragée et multipliée pour produire un dialogisme au service de la production d’actes énonciatifs performants. La grammaire en tant que moteur des stratégies discursives (Portine, 1999), doit aborder la syntaxe mais surtout à la sémantique de l’oral pour prendre corps comme dans le poème du même nom de Ghérasim Luca. Jamais dépourvue de sensible, cette disposition à la prise de parole induite par un repositionnement dans une nouvelle langue en chantier inquiète tant pour sa complexité que pour sa mise en pratique. L’engagement du corps apprenant peut aider à pénétrer la langue et à apaiser les troubles que suscitent les risques de non-conformité d’un monde nouveau. Une didactique sémantique du rythme permettrait de renouer avec les philosophes et poètes antiques ainsi que du sens premier (Roll, 2003), la proprioception, à l'origine sensus communis (koinê aisthêsis) chez Aristote, présentée depuis comme le sixième sens (Sherrington, 1906), caché selon Sacks (2014),ce qui explique sans doute son invisibilité... Point de départ de la perception et de la connaissance, articulant tous les sens internes et externes à soi et au monde, les sensations interagissent avec la conscience de soi en fonction de son expérience dans la notion d'ensemble du corps (Epicure dans sa Lettre à Hérodote). La notion de conscience (James, 1905) fabriquée par le corps subit aussi les rythmes de la vie, inégaux, irréguliers et loin d'être idéaux, ce que Nietzsche critique avec virulence :

Le conscient est l'évolution dernière et tardive du système organique, et par conséquent aussi ce qu'il y a dans ce système de moins achevé et de moins fort. D'innombrables méprises ont leur origine dans le conscient, des méprises qui font périr un animal, un homme plus tôt qu'il ne serait nécessaire, "malgré le destin", comme dit Homère. Si le lien conservateur des instincts n'était pas infiniment plus puissant, s'il ne servait pas, dans l'ensemble, de régulateur : l'humanité périrait par ses jugements absurdes, par ses divagations avec les yeux ouverts, par ses jugements superficiels et sa crédulité, en un mot par sa conscience : ou plutôt sans celle-ci elle n'existerait plus depuis longtemps! Toute fonction, avant d'être développée et mûre, est un danger pour l'organisme : tant mieux si elle est bien tyrannisée pendant son développement. C'est ainsi que le conscient est tyrannisé et pas pour le moins par la fierté que l'on y met! On s'imagine que c'est là le noyau de l'être humain, ce qu'il a de durable, d'éternel, de primordial! On tient le conscient pour une quantité stable donnée! On nie sa croissance, son intermittence! On le considère comme l'"unité de l'organisme"! - Cette ridicule surestimation, cette méconnaissance de la conscience a eu ce résultat heureux d'empêcher le développement trop rapide de la conscience. Parce que les hommes croyaient déjà posséder le conscient, ils se sont donné peu de peine pour l'acquérir - et, maintenant encore, il n'en est pas autrement. Une tâche demeure toute nouvelle et à peine perceptible à l'oeil humain, à peine clairement reconnaissable, la tâche de s'incorporer le savoir et de le rendre instinctif. - Cette tâche ne peut être aperçue que par ceux qui ont compris que, jusqu'à présent, seules nos erreurs ont été incorporées et que toute notre conscience ne se rapporte qu'à des erreurs! (Nietzsche, [1887] 2011 : 51)

Le pessimisme de Nietzsche souligne les idées reçues de la conscience. D'où viennent-elles ? L'incapacité de la méthode expérimentale à résoudre le problème difficile de l'expérience subjective (Chalmers, 1996), met en évidence la relative contradiction entre ce qui se passe dans notre corps et dans la conscience. Par ailleurs, les auteurs contemporains négligent la proprioception alors que les grands psychologues développementaux du XXe siècle (Vygotski, Wallon, Zazzo) lui confèrent un rôle de premier plan pour la construction du langage et de la conscience grâce aux interactions sociales (Richelle, 2022b : 65-66). Pour débondieuser la sémiotique, étudier l'organisation du mouvement de la parole passe par l'étude de l'organisation du mouvement du corps. La linéarité retenue consistant à donner conscience à nos sensations et nos perceptions, de la peau au cerveau, du bas vers le haut, mérite d'être revue à travers ce qui nous permet de prendre conscience parmi tout ce qui nous entoure. En d'autres termes, nous ne prenons pas conscience de tout ce qui se passe dans notre corps et notre proprioception déborde largement notre conscience souvent délimitée par notre vue (Ibid. : 33). Notre objectif sera de chercher à subjectiviser le rythme à travers le corps par les éléments qui ne se voient pas, ou pas seulement, mais agissent en nous comme une métanoïa. Au même titre que la prononciation, les difficultés et donc les remédiations, sont toujours à remettre en perspective avec les langues sources et les spécificités de l’apprenant dont la singularité des corps :

La plupart des êtres ont des corps tout à fait singuliers qui les mettent en contact avec des portions du monde seulement. Et donc la vie d'un oiseau n'est pas la vie d'un poisson, qui n'est pas la vie d'un insecte, etc., parce que chaque classe d'êtres a des dispositions physiques qui lui donnent accès à une partie du monde. C'est ce que j'appelle la "physicalité" (Descola, 2017 : 29).

La multiplicité des contextes plurilingues et interculturels, mais aussi corporels, dont on ne peut s’extraire à moins d’hypostasier l’apprenant, et d’en hypothéquer les chances, constitue une toile de fond impossible à fixer mais nécessaire pour ne jamais prendre pour acquis ce qui relève de l’indépassable, aussi bien le langage, le corps que la poésie comme le mentionne Paul Valéry :

La plupart des hommes ont de la poésie une idée si vague que ce vague même de leur idée est pour eux la définition de la poésie (Valéry, 1941). 

Jouant de malentendus et d’idées, le vague ne peut-il pas être contourné par une meilleure appropriation de sa perception singulière dans le continu corps-langage ? Dans la lignée d’une poétique du corps-langage (Martin, 2005) et puisqu'il n'y a plus de place pour les poètes dans ce monde9, laissons au moins la place à une poétique du corps apprenant. 

 

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1 L'emploi du masculin possède ici une valeur universelle valable sans aucune distinction aussi bien au féminin. 

2 Nous reprenons ici l'étymologie d'André Chouraqui dans l'émission Apostrophes en 1990 à 3’55’’ : Umberto Eco à propos de son livre "Le pendule de Foucault" | INA. Ce qui n'est pas sans conséquence dans notre psyché judéo-chrétienne puisque de la performativité du signe naît l'univers : Au commencement était le Verbe..., Prologue de l'Évangile selon Jean. 

3 Émission radiophonique diffusée le 10 décembre 1977 sur France Culture à l’occasion d’un hommage à Roman Jakobson.

4 Conférence dénommée Le Bilan de l’intelligence prononcée le 16 janvier 1935 à l’université des Annales.

5 Le terme exercice renvoie à askesis ou à meletè en grec, ascèse donc mais dans le sens antique et non chrétien ni philosophique : activité intérieure de la pensée et de la volonté pour se chercher soi-même.

6 Le terme n’est pas le plus adéquat et n’existait pas à l’époque mais Pierre Hadot explique pourquoi spirituels vaut mieux que intellectuels, religieux, théologiques, moraux, pour rendre compte de l’épaisseur du sens, non seulement de la pensée, mais de tout le psychisme de l’individu

7 Entretien sur France Culture où le rire et la voix de l'invité en disent long sur son rapport au langage Affinités électives - Henri Meschonnic, poète traducteur et essayiste (1ère diffusion : 16/09/2004) (radiofrance.fr)

8 Citation en exergue de Nietzsche : On voit à la démarche de chacun s’il a trouvé sa route. L’homme qui s’approche du but ne marche plus, il danse. de l’ouvrage de Roger-Pol Droit, (2016). Comment marchent les philosophes. Paris: Paulsen. 

9 C’est ce qu’écrit Ghérasim Luca dans une lettre d'adieu qu'il laisse à sa compagne, source wikipédia. 

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De la posture scientiste à l’imposture didactique : le piège de l’approche neurolinguistique (ANL)

Emmanuel Antier

Face à l’absence d’une véritable réflexion didactique sur l’ANL, cet article propose de dresser un aperçu critique des problèmes qu’elle pose. L’auteur dénonce notamment des erreurs logiques dans la formulation des prémisses, une dérive scientiste aboutissant à l’éradication de la singularité de la relation éducative, ainsi qu’une conception prescriptive de la formation des enseignants.

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