Introduction
Pour entrer dans les problématiques de « la place et [de] la figure su sujet » et plus spécifiquement dans les rapports au(x) savoir(s) en classe de langue, nous avons choisi la figure du « maître ignorant », issue de l’expérience de Jacotot (1818), reprise et interprétée par Jacques Rancière dans un ouvrage que d’aucuns considèrent comme à la fois « enthousiaste et provocateur » (Cerletti, 2005 : 81), Le maître ignorant. Cinq leçons d’émancipation intellectuelle. La pensée de Jacotot/Rancière a attiré l’attention de nombreux chercheurs de divers horizons comme en témoigne par exemple l’ouvrage Figures du maître ignorant : savoir et émancipation sous la direction de Marc Derycke[1] et Michel Peroni (2010) qui réunit des contributions de chercheurs en sciences de l’éducation, sociologie, philosophie, sciences politiques. Dans une moindre mesure, la didactique des langues s’est elle aussi intéressée à l’héritage de ce didacticien avant l’heure qui semble ouvrir des perspectives intéressantes et stimulantes autour d’un apprendre différent et émancipateur (Susso Lopez 2003 ; Lorilleux et Castellotti 2018 ; Huver et Lorilleux 2018).
Partageant cet enthousiasme, nous avons repris à notre compte l’expérience du « maître ignorant » dans une tentative de penser le sujet en didactique des langues. Mais pourquoi partir du « maître ignorant » ? Que peuvent apporter à la didactique des langues d’aujourd’hui les leçons d’expérience d’hier de Jacotot ? En fait, le « maître ignorant » nous servira d’abord de préalable nous permettant dans un premier temps de postuler, dans la lignée des travaux sur les postures de l’enseignant de Bucheton (2005, 2014), Bucheton et Soulé (2009), l’existence d’une « posture de l’ignorance » de l’enseignant en classe de langue en général et en UPE2A[2] en particulier. À partir de ce postulat, il s’agira pour nous de voir en quoi cette posture favorise l’expression du sens que les élèves accordent au(x) savoir(s) en langues et aux langues dans le cadre plurilingue de la classe de langue, à travers la création d’un espace interactionnel facilitant l’émergence du sujet en classe de langue. Nous essaierons d’engager par la suite une réflexion sur les voies que la pensée de Jacotot/Rancière est susceptible d’ouvrir autour du sujet en didactique des langues. Pour ce faire, à la façon de Philippe Astier (2010 : 191), nous utiliserons l’expérience de Jacotot comme « analyseur » d’une expérience inspirée de l’éveil aux langues afin de comprendre, avec Rancière (2010 : 426-427),
Comment le jeu lui-même se déroule, comment la maitrise fait appel pour que l’élève puisse glisser son mot ? Le problème n’est pas d’être l’autre qui répond au maître, le problème est de pouvoir mettre sa manière de jouer dans le jeu.
Nous nous attacherons tout d’abord à présenter le contexte dans lequel est née notre réflexion, suivi d’un gros plan sur l’expérience de Jacotot, ce qui nous permettra par la suite de postuler l’existence, à partir de notre contexte, d’une possible « posture de l’ignorance » de l’enseignant. Nous continuerons avec l’analyse d’une séquence inspirée de l’éveil aux langues, en vue de découvrir le sens que les élèves donnent au(x) savoir(s) en langues, en l’interrogeant et en l’interprétant à la lumière des analyses de Jacotot/Rancière. Cela nous permettra, en clôture de cet article, d’entamer une réflexion sur l’intérêt, pour la didactique des langues, de réfléchir en termes de « posture de l’ignorance » de l’enseignant la problématique du sujet en classe de langue.
1. Une activité plurilingue en UPE2A, une expérience jacototienne ?
Les idées développées dans cet article sont nées sur le terrain d’une recherche-action-formation menée entre 2013 et 2015 dans des établissements du 1er et 2d degrés à Saint-Etienne. L’objectif qui a réuni les enseignants-chercheurs de l’université Jean Monnet et les enseignants de français langue seconde était de récolter des pratiques enseignantes à succès dans l’accueil et la valorisation du plurilinguisme en UPE2A afin d’en faire profiter par la suite d’autres enseignants. Le format choisi pour cela a été celui d’un ouvrage paru en 2017, L’arc-en-ciel de nos langues. Jalons pour une école plurilingue (Graci, Rispail, Totozani, 2016).
L’activité sur laquelle prend appui notre réflexion dans le cadre de cette étude fait partie des données recueillies lors de cette recherche. Elle se déroule dans une UPE2A au sein d’un collège à Saint-Etienne qui accueille chaque année un nombre important d’élèves considérés comme allophones[3]. Inspirée de l’éveil aux langues et coïncidant à ce moment-là avec les nouveaux programmes de langues pour le collège (2015) qui préconisaient un travail allant dans le sens de l’établissement de contacts entre les langues dans le cadre d’une éducation linguistique globale, l’activité en question consistait en une ouverture aux langues de la classe par le biais d’un conte, Le Petit Chaperon Rouge. L’entrée par ce conte a été choisie suite à une sortie scolaire qui avait permis aux élèves de prendre préalablement connaissance de sa version cinématographique.
La séance s’ouvre par une tentative de l’enseignante de prononcer le titre du conte dans l’une des langues des élèves et se poursuit avec des interventions en d’autres langues de la part des élèves. Mais comment l’enseignante parvient-elle à relever le défi de mener une activité susceptible de donner lieu à « […] de l’inattendu qui intervient dans le processus » (Rancière, 2010 : 427) ? Saurait-on qualifier son expérience de « jacototienne » ? Les « lignes de coïncidence », pour utiliser l’expression d’Alain Battegay (2010 : 214), avec l’expérience de Jacotot, comme nous allons essayer de le montrer plus loin, semblent multiples.
Du fait de l’hétérogénéité linguistique qui la caractérise (Totozani et al. 2016), l’UPE2A présente par ailleurs un terrain propice pour une expérience jacototienne à travers la « mise en scène » du savoir et du sens qui est donné au(x) savoir(s) qu’elle permet. Pour découvrir le rôle que peut jouer ce que nous appelons la « posture de l’ignorance » dans la perspective du sujet en classe, nous allons dans un premier temps passer en revue l’expérience de Maître Jacotot, avant de nous arrêter sur ce qui s’est réellement passé dans la classe et qui servira d’appui à nos réflexions conclusives.
2. Pour un « maître ignorant » : les leçons de Jacotot
« Maître ignorant » : l’oxymore fait autant sourire que réfléchir, tant la juxtaposition de ces deux termes semble invraisemblable. Car si l’enseignant est communément considéré comme quelqu’un qui sait et dont le rôle est de transmettre des savoirs et si « ignorant » veut dire « qui n’a pas de connaissances sur quelque chose […], qui ne connaît pas ou très peu quelque chose parce qu’il ne l’a pas étudié, pratiqué, expérimenté » (CNRTL), que peut enseigner/transmettre un « maître ignorant » ? Et d’abord, est-ce possible qu’un maître soit « ignorant » ? Un tel bouleversement dans le « pays de la didactique des langues »[4] d’aujourd’hui, aurait-il ne serait-ce qu’une infime chance de se produire ? Précisons que si la démarche de Rancière semble relever davantage d’une « appropriation politique » (Cerletti, 2005 : 88) de l’expérience de Jacotot, nous l’aborderons essentiellement dans ses implications pédagogiques et didactiques, même s’il est difficilement envisageable de la séparer du politique. Pour cela, l’expérience de Jacotot, telle qu’elle est racontée par Rancière (1987 : 7-8), mérite le détour : jeune lecteur de littérature française à l’université de Louvain, Joseph Jacotot se trouve confronté à une situation inattendue pour lui : une partie des étudiants qui veut profiter de ses leçons fortement appréciées ne connaît pas le français. Et Jacotot ne parle pas hollandais non plus. En l’absence d’une langue commune, il voit en la version bilingue de Télémaque le moyen de faire apprendre le français à ses étudiants et réussit ce qui en apparence semblait difficile. Enthousiasmé, il réitère son expérience dans d’autres contextes. Quelles sont donc les leçons que Jacotot en a tirées, susceptibles de faire réfléchir la didactique des langues aujourd’hui ?
2.1 De l’« abolition » du principe explicateur…
Pour Jacotot, il ne s’agit pas de proposer aux étudiants son savoir, puisqu’il ne l’a pas. « En toute rigueur, il ne faut même pas l’avoir : c’est cela justement la possibilité scandaleuse du maître ignorant » souligne Cerletti (2005 : 83). C’est ce qui amène Jacotot à une remise en cause d’une pratique ancestrale et toujours en vigueur dans tout enseignement, l’explication.
Concrètement, ce que Jacotot ne pouvait faire du fait de son ignorance linguistique, ses étudiants l’ont fait par eux-mêmes avec l’aide de la version bilingue de Télémaque et en suivant la consigne consistant à répondre à « la triple question : que vois-tu ? qu’en penses-tu ? qu’en fais-tu ? » (Rancière, 1987 : 42). Cela correspond à trois phases de travail : « mnémonique, analyse, synthèse » (Suso Lopez Javier, 2003 : 6) pendant lesquelles l’enseignant ne doit rien expliquer, laissant l’élève découvrir et vérifier par lui-même. Suso Lopez (Ibid.) met à juste titre l’accent sur le fait que l’apport premier de la « méthode Jacotot » consiste en la liberté qu’elle laisse aux élèves de tout découvrir et apprendre par eux-mêmes.
De cette façon, « Jacotot permettait à chacun de dire ce qu’il pensait, permettait que chacun parle, non comme maître et élève mais comme homme et femme » (Cerletti, 2005 : 84), car « on peut enseigner ce qu’on ignore si l’on émancipe l’élève, c’est-à-dire si on le contraint à user de sa propre intelligence » (Rancière, 1987 : 29).
2.2 … vers le principe de l’égalité des intelligences…
La découverte semble radicale : les élèves n’ont pas besoin de maître pour apprendre la langue ! Elle remet en cause la fausse évidence du caractère indispensable de l’explication de la part du maître pour aider les élèves à comprendre car il s’agit là de deux actes différents : l’explication et la compréhension. En les dissociant, Jacotot avance la thèse de l’égalité des intelligences qu’il considère non pas comme un objectif à atteindre mais comme un préalable (Cerletti, 2005 : 85). « Il s’agirait de permettre à chacun d’exercer également son intelligence. Intelligence qui permet l’inscription du savoir dans l’histoire, dans l’expérience, dans un réseau de sens propre à chacun » (Lorilleux et Castellotti, 2018 : 22).
Quant aux outils dont dispose l’intelligence pour permettre la compréhension en langue étrangère, en mettant l’accent sur la comparaison, Jacotot et Rancière distinguent plusieurs opérations : « partout il s’agit d’observer, de comparer, de combiner, de faire et de remarquer comment l’on a fait » (Rancière, 1987 : 64). Ne serait-on pas sur la voie de ce que certains appellent les compétences plurilingues, faites de comparaisons et de passages ?
Il est à souligner enfin que l’égalité des intelligences doit être comprise dans un faisceau d’égalités « articulées selon une relation d’ordre : l’égalité des êtres parlants qui implique l’égalité des intelligences, laquelle implique l’égalité des volontés » (Derycke, dans ce volume).
2.3 … pour ouvrir la voie à l’émancipation
Saurait-on penser par conséquent que le maître serait inutile ? Et à partir de là, en développant ce raisonnement à un niveau politique et institutionnel, peut-on déduire que « Cette condition de réunir l’enseignement et l’émancipation dans une même singularité – la construction de son propre chemin – entraîne une conséquence : l’impossibilité d’institutionnaliser la méthode Jacotot » (Cerletti, 2005 : 84) ? Ce questionnement rejoint celui de Lorilleux et Castellotti qui émettent en même temps des réserves concernant les capacités de l’école française d’être réellement émancipatrice alors que « son existence même en tant qu’institution d’État a pour effet, principalement, une rationalisation et une dépersonnalisation du savoir » (2018 : 24). De ce point de vue, même si la réflexion de Jacotot/Rancière paraît stimulante et prometteuse, on ne s’étonne pas qu’elle ait eu peu d’échos dans le domaine éducatif.
Or, dans notre article, nous avons choisi de nous situer à un autre niveau et d’aborder l’expérience de Jacotot d’un autre point de vue qui rejoint la proposition que Rancière émet dans « Choses (re)dites » (2010 : 420) une trentaine d’années après la publication du Maître ignorant : « Il faut situer cette problématique de l’émancipation à égale distance de la position désenchantée et de ''la bonne solution'' » (2010 : 420). Le (re)positionnement de Rancière promet des ouvertures qui, dans notre cas, permettent de penser en termes d’avantages la « posture de l’ignorance » du maître et son rôle dans l’expression des subjectivités en classe de langues.
L’émancipation est directement liée au postulat de l’égalité des êtres humains et des intelligences. Que devient l’enseignant, quel rôle joue-t-il dans une perspective émancipatrice ? Pour Rancière, « Ce n’est […] pas le procédé, la marche, la manière qui émancipe ou abrutit, c’est le principe », car « Pour émanciper un ignorant, il faut et il suffit d’être soi-même émancipé, c’est-à-dire conscient du véritable pouvoir de l’esprit humain » (1987 : 29). En didactique des langues, cela se traduirait par une ouverture aux expériences humaines des élèves allophones et une « repersonnalisation » de ce savoir (Lorilleux, Castellotti, 2018 : 25) que l’école a dépersonnalisé. C’est ce que j’essaierai de montrer ci-après à travers l’analyse de la séquence d’éveil aux langues présentée plus haut.
3. Réveiller l’enfant dans l’élève : réflexions jacototiennes en terrain d’éveil aux langues
3.1 Quelques préalables théoriques et méthodologiques
La langue occupe une place importante chez Jacotot. Toute sa réflexion autour du maître ignorant commence et se construit à partir d’une expérience d’enseignement de/en lien avec la langue. Dans notre cas, il s’agit de savoir comment le(s) rapport(s) au(x) savoir(s) en langues, se manifeste(nt) à travers les interactions déployées lors de l’activité inspirée de l’éveil aux langues proposée par l’enseignante. Cela présuppose d’abord une mise au point quant à ce que nous entendons par la notion de « rapport(s) au(x) savoir(s) ». En nous situant dans la perspective du sujet (de l’élève comme de l’enseignant), nous allons considérer le rapport au(x) savoir(s) en langue(s) comme une « relation de sens, et donc de valeur, entre un individu (ou un groupe) et les processus ou produits de savoir » (Charlot et al. 1992, dans Charlot 1992 : 122). Nous partageons avec d’autres chercheurs l’idée qu’il y a une différence entre le singulier « savoir » et le pluriel « savoirs », pourtant présents tous les deux dans la notion en question. Le premier est utilisé comme générique, pour désigner le savoir en général, alors que le second met l’accent sur le particulier (Therriault et al. 2017 : 7). Le maintien des parenthèses offre ainsi la possibilité de prendre en compte les deux « types » de savoirs désignés par le singulier et le pluriel.
Permettant de comprendre « quel sens présente pour l’enfant le fait d’aller à l’école et d’y apprendre des choses, qu’est-ce qui le mobilise dans le champ scolaire, qu’est-ce qui l’incite à travailler à l’école ? » (Charlot, 1992 : 122), le rapport au(x) savoir(s) de l’élève a donné lieu à de nombreuses études. Quant aux recherches sur le rapport au(x) savoir(s) de l’enseignant développées par la suite, elles ont permis « d’observer son influence sur les pratiques, d’en déceler certaines tensions et d’éclairer les différentes facettes de leur développement professionnel » (Therriault et al. 2017 : 11). Or, ce qui nous intéresse dans cette étude est ce qui se passe entre l’enseignant et l’élève afin d’« explorer davantage la dialectique qui se joue entre le rapport au(x) savoir(s) de l’enseignant et le rapport au(x) savoir(s) de l’apprenant en termes d’influences réciproques » (Therriault et al. 2017 : 8), notamment dans le cas du « maître ignorant ».
Comme nous l’avons déjà dit, le « maître ignorant » servira ici d’analyseur. Mais quels sont les « matériaux » sur lesquels s’appuiera notre analyse ? Comment « saisir » le sens que les élèves donnent à leurs langues et à leurs savoirs en langues ? Pour essayer d’y répondre, nous avons effectué une analyse qualitative des interactions enregistrées au cours de l’activité d’éveil aux langues présentée ci-dessus. Nous avons opéré en deux temps :
- pour comprendre la « circulation du rapport au(x) savoir(s) entre l’enseignant et l’apprenant » (Therriault et al. 2017, 7), à la manière de Valérie Vincent et Olivier Maulini (2017 : 24), nous avons abordé ce rapport « par et dans la conduite des interactions » autour de deux axes, le premier consistant à extraire « les thèmes abordés et les savoirs formulés », ce qui correspond aux produits de savoir, le second étant « celui des schèmes et des schémas (séquences répétées de schèmes) de formulation de ces thèmes et de ces savoirs », ce qui permet de comprendre les processus ;
- nous avons exploité également les traces de l’activité méta/épilinguistique qui permettent d’expliciter le rapport sujet/langue « puisque ‘‘l’activité métalinguistique’’ – qu’elle soit de type ‘‘méta’’ ou ‘‘épi’’ - est constitutive de l’activité langagière, conçue comme activité de production et d’interprétation des énoncés » (Boutet, Gauthier, Saint-Pierre, 1983 : 214, dans Canut, 1998 : 75). Ces traces ne se traduisent « toutefois pas forcément par des ‘‘mises en mots’’, mais aussi par des gestes, des mimiques, etc., voire du ‘‘non-dit’’. » (Canut, 1998 : 71).
Pour l’interprétation des données récoltées, un va-et-vient avec les réflexions de Jacotot/Rancière a été institué tout au long des analyses.
3.2 Les deux ignorances
3.2.1 L’ignorance de la langue
1 E alors aujourd’hui on va faire quelque chose de DIfférent / pas comme hier pas comme les autres fois / je vais d’abord commencer par vous dire des mots / et vous allez me dire si vous reconnaissez XXX ces mots / et après / on va / on va XXX il faut que je cache ça / sinon / sinon je vais dévoiler la / […] alors / si je vous dis / (AAA)
2 Af1 (AA) (répète le mot prononcé par l’enseignante)
3 E (AA)
4 Af1 (AA) (répète le mot prononcé par l’enseignante)
5 E vous me comprenez ?
6 Af1 oui
7 E oui ? (rires) qu’est-ce que j’ai dit ?
8 Af1 (AAAA) euh :
9 E oui oui
Dès le début, la séance semble sortir des sentiers battus : aussitôt qu’elle situe rapidement son thème en rupture avec les séances précédentes sans cependant le révéler, l’enseignante commence par une immersion immédiate dans l’activité qu’elle propose. Elle tente de prononcer le titre du conte dans l’une des langues des élèves, ce qui est suivi par les réactions de ces derniers qui se prennent au jeu et essaient d’en enseigner à leur enseignante la prononciation correcte. D’entrée de jeu, on peut poser que l’expérience de l’enseignante présente beaucoup de similarités avec celle de Jacotot en 1818 : que peut enseigner aux élèves dans leurs langues une enseignante qui ne connaît pas ces langues ?
L’activité plurilingue autour du conte Le Petit Chaperon Rouge proposée par l’enseignante a pour but de mettre en honneur les langues de la classe, mais son thème se dévoilera progressivement à travers les échanges entre l’enseignante et les élèves. Il fera l’objet d’explicitations successives à cinq moments étalés sur la première moitié de la durée totale de l’activité (55 minutes). L’enseignante amène ainsi ses élèves à procéder par découvertes : d’abord du conte, écouté dans son intégralité en différentes langues, ensuite du titre, de la première phrase et d’autres moments précis du conte à travers un travail plus fin de comparaison dans les langues de la classe. En fait, « l’art de l’examinateur ignorant est de ‘‘ramener l’examiné à des objets matériels, à des phrases, à des mots écrits dans un livre, à une chose qu’il puisse vérifier avec les sens’’ » (Jacotot, 1835-1836, dans Rancière, 1987 : 57).
Les savoirs particuliers sont dus à un investissement et à un partage, de la part des élèves allophones, de leurs langues et de leurs histoires de langues. Il en est ainsi de la volonté de partager sa fierté et en même temps d’exprimer ses craintes par rapport à sa/ses langue(s) :
506 E c’est vrai que les Géorgiens ont un bon niveau d’anglais (échanges au fond) tu continues l’anglais ? tu suis tu suis des cours d’anglais là ? tu as trois heures d’anglais par semaine
507 Am avant elle a quatre-vingt / euh / douze heures AAA
508 E du coup ça te/ ça suffit pas ? tu trouves que tu as perdu en anglais ?
509 Am il y a douze ans
510 Af Georgie maintenant y vont être euh/ là ce que j’apprends l’anglais aujourd’hui j’avais déjà appris
Par ailleurs, la connaissance du genre se trouve enrichie par la mise en commun de différentes variantes nationales du conte. C’est ce qui apparaît dans l’exemple qui suit où l’élève insiste sur le contenu du panier de la grand-mère du Petit Chaperon Rouge dans la variante de son pays :
223 E comment tu pourrais comment tu pourrais dire en français
224 Am euh chais pas comment on dit en France on fait pas les AAA
225 E on fait pas et voilà / alors / ça se mange / ça se mange ?
226 Af ça se mange oui (rires)
227 E c’est comme un gâteau ?
228 Af non
229 E est-ce que c’est sucré ou est-ce que c’est salé ?
230 Af salé
231 E c’est salé ?
232 Af mais c’est la même pâte qu’on
Notons que, dans cet échange, l’enseignante pose de vraies questions. Cela n’est pas sans rappeler l’expérience du maître ignorant : « Enseigner ce qu’on ignore, c’est tout simplement questionner sur tout ce qu’on ignore » (Rancière, 1987 : 27).
L’activité plurilingue devient en même temps le lieu où s’explicitent les relations entre les langues comme dans l’exemple suivant :
461 E scuficha roche alors en italien c’est joli c’est cappuccetto rosso
462 E2 cappuccetto rosso
463 E cappuccetto rosso
464 E2 cappuccetto rosso ouaih
465 E en bulgare c’est červenata sapi sapcica sapcica et en portugais c’est capuchinho vermelho
[…]
468 E on retrouve après dans les langues latines / en tout cas c’est parlant.
N’est-ce pas ce que maître Jacotot appelait de ses vœux lorsqu’il s’exclamait : « Qu’ils apprennent ainsi en jouant plusieurs langues à la fois, les rapportant toutes à celle dont ils savent l’Epitome par cœur » ? (Jacotot, 1824 : 75).
3.2.2 « Accompagner sans savoir où »[5]
Avec Rancière (2010 : 409), il s’agit d’écarter le faire semblant. Un maître ignorant c’est « celui qui réellement ignore quelque chose, se trouve en défaut dans sa maîtrise même ce qui ne l’empêche pas finalement d’exercer une fonction ». En ce sens, l’expérience d’éveil aux langues, permet d’instaurer dans les interactions une horizontalité qui découle de l’égalité présupposée entre l’enseignante et les élèves. « La fonction du maître sera celle de poser à l’élève un défi qu’il relèverait tout seul. Il s’agira de l’interroger comme entre égaux, et non comme un connaisseur qui sait déjà toutes les réponses en s’adressant à l’ignorant. […] La parole circule parmi tous et non pas dans une seule direction » (Cerletti, 2005 : 83). C’est ce qui permet aux histoires singulières de venir se poser en classe.
Le jeu de vraies questions de la part de l’enseignante qui sollicite l’expertise de l’élève confère de l’authenticité aux interactions et dévoile en même temps le schéma interactif de la construction du savoir. C’est ce qui se passe lorsque l’enseignante essaie de prononcer le titre du conte en russe et se fait corriger par l’élève :
288 Am je sais pas comment le dire
289 E c’est pas grave
290 Af il était une fois une petite fille
291 E allez / vas-y / mais dis-le / dis-le en russe
292 Am AAA (parle en russe)
293 E (répète en russe) petit chaperon rouge (répète en russe)
294 Am (corrige la prononciation)
L’originalité de la démarche du maître ignorant consiste justement en ceci : « L’ignorant peut tout demander, et seulement ses questions seront, pour le voyageur au pays des signes, de vraies questions contraignant l’exercice autonome de son intelligence » (Rancière, 1987 : 53). Mais elle apparaît aussi dans l’absence de tout contrôle des connaissances. Car que peut vérifier un maître qui ne connaît pas les langues de ses élèves ? C’est ce qu’il ressort de l’échange qui suit :
448 Am ah moi arménien je suis trop fort
449 Am j’ai écrit tout juste
450 E en tout cas, je peux vous dire qu’il n’y aura pas de contrôle / hein / y aura pas de test
(rires)
451 E2 on pourra pas corriger
452 E on va pas corriger
(rires)
Cela paraît logique, compte tenu du fait que l’enseignante ignore les langues de ses élèves. C’est ce qui explique son étonnement naturel lorsqu’elle essaie de se renseigner sur des éléments du conte dans l’une des langues de la classe :
213 E tu as oublié ? et ben les autres qu’est-ce qu’elle apporte / qu’est-ce qu’elle apporte à sa grand-mère ?
214 Am AAA
[…]
218 Af mais non / c’est pas ça c’est pas ça
219 E ah bon ?
Le seul contrôle qu’exerce le maître ignorant est celui de la volonté de l’élève comme cela apparaît à travers le rappel de la consigne de l’activité de la part de l’enseignante dans l’échange ci-dessous :
322 E […] on va tous écrire la première phrase /après / on fera par toute la : on va pas on va pas tout faire mais on a la première phrase / tu écris au fond ? ben en arménien
323 Af et ça sert à quoi ?
[…]
326 E […] ça sert à quoi ? ce qu’on fait là ? Eum : ça sert à échanger, tu vois ? à voir d’autres langues / et à regarder comment les langues / euh : comment on peut trouver tu vois des points communs entre les langues et puis à partager / nos différentes langues tu vois ?
Le schéma ternaire « classique » : interrogation de l’enseignant – réponses des apprenants – feed-back de la part de l’enseignant ne semble pas possible dans le cas en question. En effet, du fait de son ignorance, l’enseignante n’est pas en mesure d’assurer la phase du feed-back. Le schéma de construction du savoir est alors transformé en un va-et-vient permanent de questions-réponses entre enseignant et élève et vice-versa.
Ce va-et-vient se reflète jusque dans la négociation des modalités de travail qui amènent l’enseignante à revoir son ambition initiale de travailler le conte en entier :
243 E je cherche comment on va continuer (rires) / on a écrit premier / on écrit le premier / alors en quelle langue ?
244 Af XXX c’est long à écrire
245 E alors est-ce qu’on fait est-ce qu’on fait un tableau ?
246 Af on peut faire même comme ça oui j’ai écrit AAA expliqué AAA
247 E est-ce qu’on écrit tout / parce que ça va prendre du temps / hein ?
248 Af on écrit la moitié
249 E on écrit la moitié / peut-être la première phrase ?
250 E2 oui la première / oui oui
250 Am il était une fois
252 E il était une fois / allez-y / tu veux l’écrire ? allez vas-y et après alors / on va dire / c’est en quelle langue ?
3.3 Faire émerger les rapports aux langues
Lors de la construction du rapport au(x) savoir(s) en classe, les interactions entre l’enseignante et ses élèves deviennent le théâtre où viennent se greffer des considérations individuelles sur les langues qui permettent de repérer le sens donné aux langues, ses propres langues, mais aussi celles des autres. Ces considérations se matérialisent dans des marques que l’activité épilinguistique laisse dans les discours. En prenant appui sur la typologie des marques de Cécile Canut (1998 : 78), nous nous pencherons, dans cette dernière partie, sur les « positionnements épilinguistiques du sujet » (Canut, 1998 : 79) qui reflètent notamment le rapport entre le sujet, les élèves ou l’enseignante, et la/les langue(s).
Les commentaires sur les langues que nous avons repérés dans les interactions sont le plus souvent des commentaires de hiérarchisation et de prescription, dans une moindre mesure d’évaluation et seulement dans un seul cas de catégorisation. Il serait intéressant aussi d’étudier ces commentaires en fonction de la personne à laquelle elles s’adressent.
En prenant le risque de l’ignorance, ce qui est susceptible de traduire son positionnement pédagogique aussi, l’enseignante s’expose à des commentaires de hiérarchisation et de prescription de la part de ses élèves. Le plus souvent ces commentaires sont de nature non-verbale, tel le rire, omniprésent. Mais les commentaires d’auto-évaluation de nature verbale de l’enseignante quand elle s’essaye aux langues de ses élèves sont très nombreux aussi. L’exemple qui suit contient les deux marques en question :
5 E vous me comprenez ?
6 Af1 oui
7 E oui ? (rires) qu’est-ce que j’ai dit ?
[…]
11 E j’ai essay- (AA) oui ? (répète le mot prononcé par Am1) oui oui c’est ça / et quelle couleur (AA)
12 Af1 rouge
13 E oui / c’est quel mot qui dit rouge ? (AA) ?
14 Am1 (AA)
15 E (AA) c’est rouge ?
16 Am1 (AA) (répète en “corrigeant”)
17 E oui je prononce peut-être pas bien (rires) pas très bien rouge et (AA)
18 Am1 (AA) (rires)
19 E (AA) ça veut dire le petit chapeau ?
20 As mmh
21 Am1 c’est ça.
Ce passage, qui se situe au début de la séance, fait la part belle aux rires de natures différentes en fonction de leur provenance et de leur destinataire. Ainsi, du fait de son « ignorance », l’enseignante accompagne souvent ses propos de rires face aux élèves-experts. Lorsque le rire vient des élèves, ici comme à d’autres endroits dans le texte, il pourrait s’expliquer par la perception d’un écart à la norme des productions de leur enseignante ou par la situation inhabituelle et inattendue de voir leur enseignante faire appel à leur expertise.
Mais souvent on assiste à une remise en cause de la norme aussi, fait qui semble se justifier par la rencontre des ignorances dans la classe. Cela conduit l’enseignante à désacraliser cette norme devant ses élèves comme lorsqu’elle invite toute la classe à écrire en russe le titre du conte :
254 E allez russe ? ok on écrit tous en russe // on va essayer d’écrire si c’est pas très juste c’est pas grave
On rejoint sur ce point l’interprétation de Marc Derycke selon lequel « dans l’allégresse du jeu, il n’y a pas à craindre l’erreur car ce danger guette même les spécialistes les plus sérieux : ‘‘on peut se tromper sur l’analyse : c’est ce qui arrive tous les jours aux étymologistes’’ » (Jacotot, 1823 : 7, cité par Derycke dans ce volume).
Quant aux commentaires de constat et/ou d’évaluation, ils se traduisent souvent par des considérations concernant le degré de facilité/difficulté provenant des comparaisons entre les langues où le politique ne semble pas bien loin :
140 E alors on commence en russe
141 E2 ou en tchéchène
142 E ou en tchéchène
143 Am non russe russe c’est plus facile
144 E […] c’est plus facile en russe ?
145 Am ouais
146 E plus facile que tchétchène
147 Am Tchétchénie c’est AAA en Russie AAA
148 E ah c’est marrant ça / c’est marrant c’est plus c’est plus
[…]
159 Af en russe c’est plus facile à écrire que tchétchène parce que
Parfois, la découverte d’un nouveau monde de sons ou de nouvelles formes d’écriture prévaut sur la compréhension du sens :
E et après on va continuer / hein ? / j’ai moins compris de choses (rires) / d’accord / mais c’est beau c’est très joli quand je t’entends parler.
Pour les élèves, l’activité devient en même temps le lieu où s’exprime leur rapport aux langues premières :
312 E mais tout le monde passera hein ? alors tu dis là arménien // oui ? E.N/ E.N./ E
313 Am oui
314 E et N // alors vous recopiez tout hein ? allez
315 Af AAA
316 Am MOI J’AI ÉCRIT AAA
317 E c’est pas grave tu recopies
318 Am c’est plus joli que / en français
319 E c’est plus joli ? / plus joli ? moi j’aime bien tout hein ?
Quant aux commentaires catégorisants, leur quasi absence dans les interactions ne semble avoir rien d’étonnant étant donné que l’activité visait à valoriser la diversité linguistique de la classe. Par ailleurs, il est intéressant de noter que le seul commentaire catégorisant vient de l’enseignante elle-même lorsqu’elle met à nu ses représentations, comme dans l’exemple suivant où elle affiche sa méconnaissance de l’alphabet géorgien :
409 Am AAA c’est l’alphabet géorgien
410 E c’est l’alphabet géorgien ah oui
411 E2 ah oui / c’est joli
412 E c’est un mélange de russe et de latin non ? c’est quoi ?
[…]
415 E hein c’est encore un autre alphabet y faut que je voie ça avec mes élèves / XXX je me rendais pas compte que / il changeait d’écriture.
Pour ouvrir la réflexion
Notre réflexion autour de la « posture de l’ignorance » s’inscrit dans une démarche nourrie de la volonté d’un
recadrage en public de la figure du « maître ignorant » qui l’éloigne d’une interprétation rapportée aux limites du monde scolaire pour la rapprocher de la vie publique et l’inscrire dans les expériences ordinaires de la démocratie comme mode de vie : là où se réitère et se renégocie, dans des relations publiquement soumises à vérification et à épreuves quotidiennes, l’horizon démocratique d’un vivre ensemble comme rapport de volonté à volonté » (Battegay, 2010 : 215)
Elle s’inspire des travaux de Bucheton (2014), Bucheton et Soulé (2009) sur des postures de l’enseignant que nous avons déjà revisitées en les soumettant à l’épreuve du terrain de la diversité linguistique et culturelle (Totozani, Tomc, Lapique, 2016 ; Totozani 2018). Définies comme « mode d’agir temporaire pour conduire la classe et s’ajuster dans l’action à la dynamique évolutive de l’activité et des postures des élèves » (Bucheton et al., 2014 : 205), les postures de l’enseignant sont « constituées d’un faisceau de gestes de pilotage, de tissage, d’atmosphère et de gestes spécifiquement didactiques (Bucheton et al., 2014 : 205). Les mêmes auteurs identifient cinq types de postures : d’accompagnement, de contrôle, de lâcher prise, d’enseignement, du magicien.
Notre postulat de départ était d’envisager un nouveau type de posture que nous avons appelée, à l’instar de Jacotot/Rancière, « la posture de l’ignorance ». Elle partage avec les autres postures certains points communs et s’en distingue sur d’autres. Sans nier l’intérêt d’en faire une description précise, retenons, pour l’instant, trois caractéristiques saillantes qui se dégagent de ce début d’étude : son authenticité, qui l’éloigne du faire-semblant pédagogique, le renversement de la hiérarchie traditionnelle maître/élève au profit d’un rapport d’égalité et l’absence de contrôle des connaissances. Ces caractéristiques permettent à une parole vraie et originale, aux langues et aux histoires de langues des élèves et de l’enseignante de venir prendre place en classe tout naturellement.
La « posture de l’ignorance » se manifeste à des « moments d’ignorance » qui ne sont pas le propre de la classe de langue ou de l’UPEAA même si pour nous, cette dernière a permis une fois de plus « d’opérer un effet de loupe » (Goï, Huver, 2013 : 117) sur la classe dite « ordinaire » pour la compréhension des rapports au(x) savoir(s) et aux langues. L’exemple sur lequel se penchent Valérie Vincent et Olivier Maulini (op.cit.) pour étudier le rapport au(x) savoir(s) en classe, l’enseignement de la préhistoire, peut se prêter à la même analyse. Ainsi, dans les classes qu’ils ont observées, aux questions posées par les élèves « Pourquoi les hommes n’ont-ils pas continué à se développer ? […] Pourquoi les singes n’ont-ils pas continué à se développer ? » (Ibid., 25-27), les enseignants répondent, soit par de vraies questions : « qu’est-ce que ça veut dire ‘‘évoluer’’, qu’est-ce que ça veut dire ‘‘arrêter d’évoluer’’ ? » (Ibid., 25-27), soit par des « aveux d’ignorance » : « C’est des questions dont je ne suis pas sûre que j’aie la réponse. […] Alors je ne te dis pas que je pourrais te répondre (en te disant) que c’est comme ça » (Ibid., 25), soit en en faisant des moments de réflexion : «Ces questions sont excellentes, ça veut dire que vous avez une réflexion qui va très loin. Parce que ce n’est pas tout d’avoir des réponses, mais les questions c’est très important aussi » (Ibid., 25). Ces exemples permettent de souligner l’importance de « ce type de développement argumentatif en formation des enseignants, pour lever toutes les résistances devant les prises de risque »[6].
Si notre propos ne vise pas à faire l’apologie de l’ignorance, malgré les vertus que la recherche scientifique[7] lui reconnaît, l’expérience étudiée a le mérite d’esquisser les perspectives qu’une réflexion en termes de « posture de l’ignorance » de l’enseignant ouvre pour l’émergence du sujet en classe de langue.
Références bibliographiques
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BATTEGAY, Alain, « L’éducation publique et la figure du Maître ignorant. Dépasser l’opposition du formel et de l’informel en éducation », dans DERYCKE, Marc, PERONI, Michel (dir.), Figures du maître ignorant : savoir et émancipation, Saint-Etienne, Presses universitaires de Saint-Etienne, coll. « Sociologie » - Matières à penser, 2010, p. 205-222.
BUCHETON, Dominique et ALEXANDRE, Danielle, JURADO, Monique (collab.), Refonder l’enseignement de l’écriture, Paris, Retz, 2014.
BUCHETON, Dominique, SOULÉ, Yves, « Les gestes professionnels et le jeu des postures de l’enseignant dans la classe : un multi-agenda de préoccupations enchâssées », dans Éducation et didactique, vol. 3, n°3, 2009, p. 29-48.
BUCHETON, Dominique, « L’activité enseignante, une architecture complexe de gestes professionnels », Actes du colloque international Former des enseignants professionnels, savoirs et compétences, IUFM Nantes, CDROM, 2005.
CANUT, Cécile, « Pour une analyse des productions épilinguistiques », dans « Linguistique et représentation(s) », Cahiers de praxématique, n°31, 1998, p. 69-90.
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Circulaire n° 2012-141 du 2 octobre 2012 relative à l’organisation de la scolarité des élèves allophones nouvellement arrivés.
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CUQ, Jean-Pierre (dir.), Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde, Paris, Asdifle et Clé international, 2003, p. 17, 82.
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FIRENSTEIN, Stuart, Les continents de l’ignorance, Paris, Éditions Odile Jacob, 2014.
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YAGUELLO, Marina, Alice au pays du langage, Paris, Seuil, 1981.
Conventions de transcription
E – enseignante
E2 – enseignante 2
Af – apprenant féminin
Am – apprenant masculin
Am1 – le chiffre permet d’identifier différents apprenants
XXX – inaudible
AAA – langue de l’élève
? – question
/ – pause
// – pause longue
(parenthèses) – commentaires du transcripteur
[1] Nous tenons à remercier ici Marc Derycke pour ses éclairages et les échanges enrichissants que nous avons eus.
[2] Unité pédagogique pour élèves allophones arrivants. Dispositif (2012) accueillant des élèves non (ou peu ?) francophones nouvellement arrivés en France et qui ont besoin d’apprendre le français ou d’approfondir leurs connaissances en français. Il serait intéressant de revisiter cette appellation (comme « allophone » ci-après, mais d’autres aussi) à la lumière de la thématique de ce numéro. Comme toute « étiquette », ne serait-elle pas susceptible de faire écran entre l’école et les histoires singulières, de vie et de langues, des élèves allophones comme des élèves « francophones » ?
[3] Terme employé « pour catégoriser un public qui parle une langue ‘‘autre’’. » (Cuq, 2003, 17). Cette focalisation sur la différence (Ibid.) lui confère un caractère « ethno-linguistico centré » (Tomc, Villa-Perez, 2019 : 5) et dévoile en même temps le regard uniformisateur de cette appellation au détriment des parcours individuels.
[4] A la manière de Marina Yaguello, la réflexion de Jacotot, hétérodoxe et émancipatrice, permet de revisiter la figure du maître et son rôle en didactique des langues.
[5] Titre emprunté à Huver et Lorilleux, 2018, 11.
[6] Nous remercions Marielle Rispail pour les échanges enrichissants autour de ce sujet.
[7] Nous renvoyons le lecteur à l’ouvrage de Stuart Firestein Les continents de l’ignorance.