N°74 / Enseignement du français et enseignement en français: continuité ou rupture ?

Les documents dans les îlots immersifs : authenticité et authentification

Audrey Freytag Lauer

Résumé

Résumé :

Cet article aborde la notion d’authenticité mise en rapport avec des documents issus notamment d’îlots immersifs. Dans le cadre d’un enseignement bilingue, l’angle d’analyse permis par l’authenticité ouvre une réflexion sur le statut du document comme ressource linguistique et comme source disciplinaire. Les documents authentiques seraient-ils alors à privilégier dans l’enseignement bilingue ? Pourtant ce matériel est difficile d’accès et d’utilisation pour les enseignants et pour les apprenants car il correspond rarement en même temps aux compétences linguistiques et aux enjeux disciplinaires. De ce fait, il pourrait être un frein à l’apprentissage. L’analyse de documents dans des manuels de français langue étrangère, d’histoire et d’une séquence d’îlot immersif nous permet de faire émerger la nature du document et d’interroger le rôle du matériel authentique dans les processus d’élaboration des savoirs. Lors d’interactions enregistrées, nous constatons que le traitement des documents implique l’action de les authentifier et engage le processus d’authentification. De l’authenticité à l’authentification, le document est à considérer comme un liant praxéologique (Burger 2014) qui rend compte des dynamiques complexes dans l’enseignement bilingue et plus généralement dans le contrat didactique.

Abstract :

The aim of this article is to investigate the concept of authenticity in documents linked to short immersive sequences, îlots immersifs, in Switzerland. In such bilingual instruction, an approach of authentic materials is open to scrutiny on the status of documents regarded as linguistic resources and as school subject sources. This authentic material, however, is considered to increase difficulty in terms of access and use for teachers, and in terms of comprehension for students. Therefore, the authenticity could generate an obstacle to the pursuit of studies or tasks. That is why an analysis of French and history school textbooks and of classroom interactions could help reveal and define the nature of authentic documents and determine their function for building academic knowledge. When working with authentic materials, a process is needed to authenticate them, and it is this process (both to authenticate and authentication) that shows the complex dynamics and relationships that occur between language and content in the classroom.

Audrey Freytag Lauer - Ecole de langue et de civilisation françaises - Université de Genève
audrey.lauer@etu.unige.ch

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Les documents dans les îlots immersifs : authenticité et authentification

1. Introduction : quelle(s) authenticité(s) en classe

Le document, du latin documentum enseignement, est une matière première et une ressource pédagogique pour les enseignants. Bien que commun à toutes les disciplines, ce support, relevant de la réalité quotidienne en classe, est à notre sens encore très inégalement questionné par la didactique des langues étrangères. La plupart des auteurs ont souligné les bénéfices liés à l’usage des documents authentiques pour l’enseignement du Français Langue Etrangère (maintenant FLE) depuis les années 1970 tout en soulignant la nécessité d’un cadre pédagogique bien maîtrisé (Duverger 1970, Cuq & Gruca 2003, Gilmore 2007, Couto Silva 2015 ). Pour l’enseignement immersif ou bilingue, entendu comme l’enseignement d’une discipline non-linguistique en langue 2, les réflexions menées portent principalement sur l’inadéquation du matériel dit authentique, par rapport à son adaptation et sa nature (Le Pape Racine 2000, Golay 2002, Mentz et al. 2007, Maset 2015).

A notre sens, le terme d’authenticité revêt au minimum quatre réalités distinctes dans l’enseignement immersif ou bilingue. L’authenticité peut donc recouvrir :

  • la situation pédagogique en classe : il s’agit de l’authenticité émanant de la situation. Elle concerne en particulier les interactions. En effet, les discours produits par l’enseignant et les élèves sont authentiques de facto en contexte scolaire. L’enseignement immersif offre à l’apprentissage de langue étrangère un cadre plus authentique car il faut réellement travailler et utiliser cette langue comme moyen pour acquérir et communiquer des savoirs disciplinaires. Néanmoins pouvons-nous considérer cet enseignement en langue étrangère réellement authentique en milieu hétéroglotte? Et si effectivement l’enseignement immersif offre un contexte plus authentique à l’usage de la langue étrangère, est-il cependant en adéquation avec l’authenticité comprise comme l’exactitude scientifique de la discipline non-linguistique ?

  • le document: on parlera de document authentique dès que l’on peut identifier son origine. L’authenticité relève aussi du document dans sa version originale c’est-à-dire que le document se présente en conformité avec ses conditions de création. Le document n’a donc pas subi de transformation, d’adaptation didactique ou de traduction. Néanmoins cette qualité en devient un défaut pour certains. Le langage « brut » émanant des documents authentiques n’est pas d’emblée accessible aux élèves et ils véhiculent aussi un vocabulaire spécifique. Des recherches ont tenté de montrer que ce travail disciplinaire en langue 2 peut être, malgré cette contrainte linguistique, une chance pour la discipline et ses concepts. De plus, la didactique du plurilinguisme et la didactique intégrée peuvent apporter des solutions pour gérer l’opacité des documents et leur densité disciplinaire. Peut-on parler de document authentique si ce dernier est didactisé ? Et si oui, dans quelle mesure ?

  • le contenu ou l’information : il s’agit de l’authenticité comprise comme l’exactitude et la qualité. Si le document est authentique, faut-il encore que les informations et les contenus soient exacts et puissent servir la construction des savoirs disciplinaires et le développement de compétences discursives.

  • les tâches ou activités: il faut comprendre l’authenticité d’une tâche comme étant des activités potentiellement transférables dans la vie extra-scolaire, voire future, des apprenants. Pour l’enseignement d’une discipline non-linguistique, il s’agit de faire coïncider des savoirs à des situations réelles. Les élèves peuvent alors transférer et appliquer les savoirs acquis en classe.

Ainsi quelque soit l’aspect concerné, dans l’enseignement immersif en comparaison à l’enseignement de la langue, le rapport à l’authenticité est fondamentalement différent car ce sont les savoirs disciplinaires qui doivent être transmis et être prioritaires. La négociation des formes linguistiques doit être comprise comme étant intégrée dans et pour les processus d’élaboration des savoirs.

Les îlots immersifs peuvent être considérés comme étant un format court d’un enseignement immersif. Ils peuvent être apparentés à des douches linguistiques (language showers) ou à des modules selon la description de Mehisto et al. (2008). Leur particularité est qu’ils peuvent s’insérer soit dans l’enseignement de langue ou dans l’enseignement en langue 2, c’est-à-dire dans une discipline non-linguistique. Bien que nommés « immersifs », du fait de leur grande modularité en termes d’insertion, de niveau et de contenu, les îlots reprennent des approches de la didactique du plurilinguisme (par exemple l’éveil aux langues) tout en n’excluant pas des ingrédients de l’enseignement orienté vers le contenu ou de la didactique intégrée. De ce fait, ils privilégient une approche transcurriculaire ou a minima pluridisciplinaire (Brohy 2017, Freytag Lauer et al. 2015, Freytag Lauer 2018). Ces îlots semblent particulièrement bien adaptés à des contextes qui ne permettent pas un enseignement bilingue ou un enseignement de langue orienté vers le contenu. En définitif, ce format, au contact avec plusieurs didactiques, interroge l’objectif d’un enseignement orienté vers le contenu et pointe les enjeux autour de l’authenticité. Si l’approche reste purement communicative, la quantité de leçons en langue-cible est prioritaire tandis que si l’approche est orientée vers le contenu, la qualité de ce dernier joue un rôle primordial et implique un travail intégré de la langue et du contenu. Dans le premier cas, le document authentique n’est qu’une occasion supplémentaire de communiquer et dans le second il fait l’objet d’un traitement disciplinaire et linguistique. Dans les îlots immersifs, ces deux conceptions de l’authenticité s’articulent surtout dans le travail sur les contenus et la construction des savoirs. Selon l’option didactique choisie, ils peuvent soit reposer sur des documents authentiques choisis comme expansion de l’enseignement de langue soit ils peuvent proposer des documents par rapport à un savoir disciplinaire prescrit. Dans cette optique, pour rejoindre le point de vue de Gilmore (2007), la question centrale n’est pas tant le matériel authentique que le cadre didactique sous-jacent permis par les différents domaines de l’authenticité. Quelles sont les visées attendues avec le document authentique ? Quelle fonction joue-t-il dans l’apprentissage de la langue 2 et en langue 2? Quels sont les processus liés à son authenticité et engagés par son traitement lors des interactions en classe?

Dans cette perspective, nous aimerions d’abord faire une synthèse des définitions du document authentique et de leurs finalités pédagogiques dans différents champs disciplinaires (enseignement de langue, enseignement de la discipline histoire, approches intégrées de type CLIL). Puis, à partir d’interactions en classe, nous nous proposons d’identifier les moments où les documents sont authentifiés comme phase initiale du processus d’authentification. Il s’agira de distinguer l’action d’authentifier de l’authentification pour clarifier les enjeux disciplinaires des dimensions linguistiques et de saisir les articulations entre ces deux temps de la transaction didactique (Sensevy 2001, Marlot 2014). Enfin, nous discuterons des enjeux didactiques autour du document authentique et de leurs contenus.

2. Le document authentique dans l’enseignement de langue et dans l’enseignement immersif 

 

Pour comprendre l’utilisation des documents dans des îlots immersifs, il nous paraît essentiel de revenir sur l’apparition du document authentique dans la recherche que ce soit dans l’enseignement de la langue étrangère comme dans l’enseignement de la discipline histoire. En effet, les îlots que nous avons observés durant l’année scolaire 2014-2015 ont la particularité de recouvrir des thématiques issues du curriculum d’histoire ou de géographie tout en étant implantés dans l’enseignement de français L3. Pour étayer notre propos, nous utilisons des extraits de manuel et un entretien semi-guidé émanant d’un programme de recherche financé par le Centre scientifique de compétence sur le plurilinguisme de Fribourg (Suisse) Immersion et enseignement de la langue orienté vers le contenu : séquences didactiques et insertion curriculaire au primaire (2016-2019)1.

2.1 Articuler langue et culture : le document authentique dans l’enseignement de langue

Au début des années 1970 et avec l’avènement de l’approche communicative, l’enseignement de langue et en particulier celui du FLE se tourne vers de nouvelles ressources pédagogiques nommées « documents authentiques ». Le numéro 73 de Français dans le monde autour de l’article de Daniel Coste « Textes et documents authentiques au Niveau 2 » acte la naissance de ce renouveau méthodologique. Depuis, l’engouement suscité autour de ces ressources s’est confirmé. Cuq et Gruca en proposent une définition en 2005 :

« les documents authentiques sont des documents « bruts », élaborés par des francophones pour des francophones à des fins de communication. Ce sont donc des énoncés produits dans des situations réelles de communication et non en vue de l’apprentissage d’une langue seconde. » (p.431)

Dans le Dictionnaire de didactique du français langue étrangère et seconde (2003), le document authentique s’oppose au document fabriqué :

« Cette caractérisation désigne tout support didactique élaboré en fonction de critères linguistiques et pédagogiques précis en vue de l’apprentissage d’une langue étrangère. » (Cuq, 2003, p. 100)

 

Le caractère authentique pour l’enseignement de la langue correspond donc à l’absence de transformation ou d’adaptation pédagogique. Entre les deux extrêmes que sont le document authentique et le document fabriqué, nous pouvons constater trois degrés d’authenticité, plus ou moins forts. Nous proposons ci-dessous une synthèse sous la forme d’un continuum document fabriqué/document authentique.

Illustration 1 : du document fabriqué au document authentique

Le document filtre a été proposé par Coste (1970) qui y voit une bonne manière de préparer l’introduction des documents authentiques. Autrement dit, ces derniers sont à privilégier pour les niveaux avancés, tandis que les documents filtres sont plus adaptés aux débutants. Ces documents filtres copient la réalité tout en se basant sur des éléments fictifs; c’est pourquoi ils sont aussi appelés « réalistes ».

Le document authentique didactisé peut être considéré comme ayant subi une adaptation importante ou une troncation. Il trouve son origine dans la réalité du monde francophone mais il a été « adapté, coupé, résumé, expurgé, voire réécrit et subit des transformations visant à le rendre plus accessible à un public d’apprenants » (Quivy & Tardieu 2002: 100).

Le document semi-authentique a subi moins de modifications (absence de parties réécrites par exemple) et il est souvent remarquable grâce aux mentions « d’après… » ou « extrait de… » (Couto Silva 2015: 109).

Les critères pour évaluer le document authentique sont la référence à un auteur, la date, l’enjeu communicatif, la nature du document, le niveau de spécialisation du texte ou encore le niveau de la langue utilisée (Bādulescu 2009). De ce fait, de nombreuses communications se sont attachées à faire des typologies selon la nature, le code ou la fonction des documents.

La principale qualité du document authentique pour une approche communicative est la véracité du contenu et du message tout en répondant « au besoin de mettre l’apprenant au contact direct de la langue et de concilier l’apprentissage de la langue et celui de la civilisation. » (Cuq 2003: 29)  Les élèves sont en prise directe avec les formes langagières quotidiennes et avec les aspects culturels qui transparaissent. L’objectif pédagogique est donc d’articuler l’enseignement de la langue et l’enseignement de la culture.

Dans Envol Prélude, l’un des moyens d’enseignement de FLE pour le primaire en Suisse alémanique et observé lors d’un îlot immersif, les pages Info Suisse romande invitent les apprenants à découvrir des aspects culturels de l’espace romand. Nous souhaitons réaliser une brève analyse des documents reproduits sur l’une de ces pages en pointant leur nature, leur degré d’authenticité pour faire quelques remarques quant à leur exploitation pédagogique proposée par le manuel.

 

Image 1 : Info Suisse romande, Envol Prélude,p.25

Image 2 : Envol Prélude Kommentar,p.29

Nature des documents authentiques : la page s’organise autour de quatre images qui ne jouent pas sur les mêmes registres. En haut à gauche, la photographie du musée suisse du jeu permet de voir que ce dernier se trouve dans un château et qu’à l’extérieur il est possible de jouer aux échecs. L’apprenant peut mettre en relation cette photographie avec l’affiche du musée située en haut à droite qui mentionne « musée suisse du jeu » et « Château de La Tour-de-Peilz ». L’affiche montre également un autre jeu. Les deux photographies en bas sont celles de deux jeux présentés en toute logique dans le musée. Il s’agit alors ici de sources historiques, définies comme des traces d’une activité humaine passée, permettant de mieux connaître l’histoire des jeux.

Ces documents authentiques ne sont pas du même ordre. Alors que les deux premières images sont de l’ordre d’une actualité aujourd’hui toute relative (2003) et permettent de définir un contexte, les deux dernières coïncident avec la discipline scolaire histoire ; ce qui peut potentiellement participer à la construction d’un savoir.

Autres textes et documents secondaires : en complément à ces quatre documents principaux, les auteurs du manuel ont légendé ces derniers en donnant des indications sur le jeu représenté, le lieu et la date. La carte de la partie occidentale de la Suisse permet de situer le musée suisse du jeu et le drapeau du canton de Vaud en haut à gauche est une aide supplémentaire pour contextualiser les documents authentiques dans le temps et dans l’espace.

Degré d’authenticité : la question de l’authenticité n’est pas simple. Si le document authentique est un document qui n’a pas d’objectif pédagogique déterminé au départ, nous ne sommes pas en présence de quatre documents authentiques. De plus, l’authenticité des documents est contestable. Nous ne savons rien des auteurs et, a minima des photographies. Nous supposons que les textes ainsi que les deux documents « secondaires » ont été écrits et pensés par les auteurs du manuel ; ces derniers sont dans ce cas des documents authentiques didactisés par une intention pédagogique. Nous pouvons aussi regarder d’un œil critique la légende de l’affiche : « Jeu de mosaïques humaines, France 1880 ». En effet, les auteurs n’ont pas indiqué que ce document est une affiche ou un flyer du musée qui représente un jeu appelé mosaïques humaines. Pour s’assurer de l’authenticité des documents reproduits, il faut consulter le document d’accompagnement qui donne des indications plus précises quant à l’origine des documents et leur nature. Par exemple, le jeu de tir de 1900 est en papier mâché. Bien que reposant partiellement sur du matériel authentique, cette page donne une impression d’une forte didactisation. Cette dernière se lit dans l’exploitation pédagogique suggérée par l’objectif annoncé en haut de la page « Du erfährst etwas über das Spielmuseum (Musée suisse du jeu) in La Tour-de-Peilz2 » et en bas par l’activité sous forme de deux questions : « An welche Spiele erinnern dich diese Abbildungen ? Wie spielt man damit ?3 ».

Dans le commentaire pour les enseignants il est indiqué que, grâce aux documents, les élèves peuvent situer le musée, comparer les jeux représentés avec des versions qu’ils connaissent et faire des suppositions sur la manière de jouer. Ces activités sont en fait l’occasion de comprendre des documents et de communiquer sur un contenu. Ce dernier correspond à une thématique qui suscite en général l’intérêt des élèves du primaire : les jeux. Toutefois, la langue pour réaliser les activités n’est pas précisée et nous pouvons imaginer que les élèves débutants évoquent dans un premier temps leurs expériences en langue de scolarisation. L’objectif de ces pages est de confronter les élèves à la diversité linguistique, culturelle et géographique de la Suisse. Les documents authentiques prouvent cette diversité. Plus loin, les buts pédagogiques sont explicités et les auteurs du manuel invitent à une possible mise en oeuvre d’un enseignement bilingue :

 

« Über die Info Suisse romande kann zu einem zweisprachigen Sachunterricht hingeführt werden. Da in dieser Form des (Sprach-)Unterrichts nicht das Sprachenlernen, sondern die Informationsvermittlung im Vordergrund steht, entspannt sich für viele Lernende die Lernsituation. Französisch steht dann nicht mehr im Zentrum, sondern wird implizit gelernt. »4

Envol Prélude, Kommentar, p.14, 2006

 

Les documents authentiques même modifiés pédagogiquement dans une approche communicative restent des outils médiateurs des interactions en classe « qui amènent l’apprenant à approfondir le fonctionnement de la langue apprise et à s’immerger dans la culture ciblée » (Couto Silva 2015: 119). L’utilisation pédagogique de documents authentiques sert l’articulation entre la langue et la culture en développant une compétence interculturelle et une compétence métalinguistique chez les apprenants.

2.2 Transmettre les savoirs : le document dans l’enseignement de l’histoire

Le débat autour des documents a aussi eu lieu dans la discipline scolaire histoire et remonte en France à la IIIe République (1870-1940), qui voulait mettre en avant les archives locales pour solliciter la curiosité (aujourd’hui nous dirions la motivation) des élèves dans un souci d’attachement national : aimer la grande Nation à travers la petite patrie.

A partir des années 1970, l’arrière-fond problématique est celui de la transposition didactique et de la transmission des savoirs : comment faire entrer l’histoire savante dans les classes et faire des élèves des historiens en herbe ? Les archives à l’échelle locale et les documents patrimoniaux ayant une importance pour l’histoire nationale ont alors été privilégiés pour mettre les apprenants dans la position de l’enquêteur dès le niveau primaire. Cette volonté se lit dans les instructions et les programmes. Par exemple en 1985, les sujets d'étude «aident l'élève à découvrir et à approfondir des questions d'histoire et de géographie» et permettent d'apercevoir « comment s'écrit l'histoire, en montrant à partir d'une documentation soigneusement choisie par le maître et les élèves, comment s'effectue le travail d'historien, quelles sont ses sources, ses méthodes, ses difficultés, ses limites». Et ces propos sont diffusés dans des ouvrages pédagogiques destinés aux enseignants à l’instar de la Documentation photographique ou Le Nouvel Educateur5 (Bédécarrats 1988).

Aujourd’hui, un certain consensus règne et distingue clairement les sources historiques des documents. Pour le dire simplement, dès que les sources historiques entrent dans la classe et sont utilisées à des fins pédagogiques, elles sont considérées comme étant des documents. Le document est du côté de la didactique: « le document sera pris dans l’acceptation simple de document, authentique ou reproduit, qui n’est pas destiné à l’élève mais que le professeur utilise pour enseigner l’histoire6 » (Dancel 1999: 93). Le document peut être adapté aux apprenants pour le rendre plus accessible. De plus, lorsque les textes historiques proviennent d’autres pays, il faut les traduire. Les mentions « d’après » ou « extrait de… » indiquent dans la discipline histoire ces adaptations pédagogiques. Certaines affiches, caricatures, peintures ou dessins sont aussi commentés par les auteurs de manuel dans un souci de replacer le document dans son contexte mais aussi d’explicitation.

Cette adaptation est en fait un véritable enjeu disciplinaire et concerne ce que nous appellons volontiers savoir-faire scolaires méthodologiques (Souplet 2012). En effet, si les élèves doivent agir et interagir comme des historiens de demain voire des futurs citoyens, il leur faut identifier le contexte du document (nature, auteur, date…), qui est une garantie de fiabilité. Si ces critères ne sont pas rassemblés, alors l’apprenant pourra adopter une position critique vis-à-vis de ce document. Ainsi, des typologies selon la nature des documents et selon leurs usages disciplinaires ont été élaborées afin de saisir les atouts et les contraintes de chacun. Granier et Picot en 2002, lors du colloque « Apprendre l’histoire et la géographie à l’École », proposent quatre catégories pour mieux définir la place des documents dans l’enseignement de l’histoire et de la géographie en France, que nous replaçons ci-dessous sur un continuum document construit/ document source.

 

Illustration 2 : Origine des documents utilisés dans l’enseignement de l’histoire-géographie (d’après Granier et Picot 2002)

 

Le document construit et le document d’actualité sélectionné par l’enseignant ou par des auteurs de manuels sont didactisés « prêts à enseigner » en vue d’un objectif pédagogique ou scolaire. Le document produit de la recherche universitaire ou le document source ne sont pas pensés au départ pour l’enseignement. Ils sont considérés comme des documents authentiques pour l’histoire scolaire car ils n’ont pas subi de modification. Comme toute classification, cette typologie ne donne que quelques pistes de réflexion et d’autres catégorisations sont envisageables et même nécessaires.

D’autres chercheurs didacticiens se sont interrogés sur l’exploitation pédagogique des documents notamment par rapport à l’activité de conceptualisation. Pour Doussot (2011), les documents nommés « textes variés » correspondent à l’étape première du processus de construction d’explication historique. Pour y arriver, un travail fait de « pratiques de mise en intrigue, de compréhension narrative et de conceptualisation » (Doussot 2011: 30) est réalisé. Le lien intrinsèque entre le document et le processus de conceptualisation est souligné par Margairaz en 1988 car « (le document) est à l’origine de la construction du savoir et du raisonnement historique ». Le document permet la conceptualisation au sens où il sert l’objectivation (rendre réel quelque chose d’abstrait) et l’ancrage du concept (Lautier & Allieu-Mary 2008). Le concept est associé au-x document-s qui l’ont fait émerger. Nous pouvons ainsi dire que le document authentique dans l’enseignement de langue sert d’appui tandis que le document, qu’il soit authentique ou non, en histoire sert d’ancrage conceptuel.

Toutefois une trop grande adaptation y compris dans l’enseignement de l’histoire en langue de scolarisation peut être critiquable et induire la réflexion en erreur. Nous souhaitons étayer cet aspect par un exemple de document source « la Déclaration des Droits de l’Homme et du Citoyen » reproduit et adapté par les auteurs du manuel Durchblick destiné à un public du secondaire 1 en Suisse alémanique et qui se veut conforme au nouveau plan d’étude (Lehrplan 21). Ce document est inscrit dans un chapitre qui traite de la révolution française.

 

Image 3 : Extrait du manuel Durchblick p.52

La première adaptation concerne une sélection (Auswahl) de certains articles. Nous pouvons nous interroger quant aux motifs de ce choix. La version originale est composée d’un préambule (repris dans les Constitutions françaises de 1852, 1946 et 1958) et de 17 articles. La deuxième modification concerne la traduction des articles. Les articles ne sont pas juste traduits mais certains comme l’article 4 sont rendus moins complexes sur le plan syntaxique. De plus, cette traduction engendre une mise en forme moderne avec l’utilisation de chiffres arabes alors que les articles sont numérotés en chiffres romains. Enfin, la dernière adaptation correspond à une troncation, car le support global n’est pas visible. A notre sens, cette adaptation aboutit à un document très discutable du point de vue scientifique car il reprend le visuel de la source historique tout en la dénaturant. L’apprenant ne comprend que partiellement qu’il s’agit d’une déclaration qui garantit les droits fondamentaux des individus et, qui définit surtout une Nation et l’avènement de l’individu dans la sphère politique : le citoyen. C’est bel et bien ce concept qui ne peut pas être étayé et totalement saisi dans le cadre de la révolution française à partir du document proposé. Si l’objectif pédagogique est d’ordre factuel, alors ce document pédagogique tel qu’il apparaît dans ce manuel servira d’objet pour illustrer un fait (la Déclaration des droits de l’homme et du citoyen a été promulguée le 26 août 1789), le contenu pourra en être discuté mais il ne pourra pas nécessairement servir d’ancrage conceptuel à citoyen.

Nous nous permettons une dernière remarque qui mériterait très certainement un plus grand approfondissement. Nous pensons que les documents dans l’enseignement de l’histoire sont à l’articulation entre les savoirs scolaires (savoirs et compétences méthodologiques) prescrits, les évènements historiques et les concepts. La nature des documents et leur degré d’authenticité ont une influence sur cette articulation, sur l’exploitation pédagogique et sur la construction des savoirs.

 

2.3 Articuler langue et contenu ou langue et savoir : perspective intégrée dans l’enseignement de langue et dans l’enseignement en langue

La didactique intégrée et le développement de formats dits CLIL (Content and Langage Learning) agitent la recherche internationale depuis plus d’une vingtaine d’années. En théorie, ce type d’enseignement focalise à la fois sur les aspects langagiers et sur les contenus et suppose un travail intégré. Coyle (1999) a défini les 4 objectifs principaux de cet enseignement :

  • le contenu : une progression des contenus et savoirs est élaborée au sein d’un curriculum

  • la communication : la langue est un moyen pour communiquer des contenus

  • la cognition : le développement de compétences académiques et discursives autour notamment des concepts

  • la culture : l’exposition à d’autres cultures permet l’enrichissement des concepts et le développement d’une compétence interculturelle.

Sur le terrain, la perspective intégrée est plus ou moins appliquée selon le type de CLIL. Les trois types A, B et C sont différenciés selon leur insertion curriculaire. Le type A peut être comparé à un enseignement d’une discipline non-linguistique en langue 2 et le type B est analogue à l’enseignement de la langue orienté vers le contenu. Le type C, fondé sur une approche holistique du curriculum semble être le plus apte à satisfaire les objectifs des 4C. D’autres typologies adoptent un point de vue quantitatif selon le temps d’exposition à la langue étrangère allant des douches linguistiques à la double-immersion (Mehisto et al, 2008: 13).

Aujourd’hui, CLIL serait même à repenser comme le suggère le titre de Babylonia en 2018 : « Apprendre une langue et une discipline de manière intégrée : repenser le CLIL ». Dans ce numéro, Loder Büchel prend position en faveur de l’abandon de l’Intégration aux bénéfices du Contenu et de la Langue dans un article au nom évocateur : « CLILling me softly ». Cette chercheuse affirme que l’intégration ne fonctionne purement et simplement pas au niveau primaire en Suisse alémanique et en nomme trois causes fondamentales :

  • l’enseignement de l’anglais est une discipline à part entière et il n’y a pas une volonté ou des attentes particulières des institutions et de la société vis-à-vis de CLIL,

  • le matériel utilisé et les moyens d’enseignement ne sont pas adaptés et prévus pour cet enseignement,

  • les enseignants de langue sont des spécialistes de la langue et ne sont qu’exceptionnellement des enseignants généralistes du primaire. Leurs interventions se limitent donc aux horaires impartis à l’anglais. (Loder Büchel 2018 :63)

Nous le voyons dans ces trois points énoncés, l’insertion curriculaire, la formation des enseignants, les ressources humaines et pédagogiques jouent un rôle clé dans le degré d’intégration de la langue et du contenu.

Ainsi, le document authentique en tant que ressource pédagogique doit lui aussi être revu et problématisé, car il sert à la fois l’apprentissage de la langue mais aussi celui d’un contenu en particulier lorsque l’enseignement touche une discipline scolaire. Pour reprendre Moore et Lorenzo (2007), le document authentique dans CLIL couvre deux réalités : des documents en langue 2 non didactisés provenant des médias et des documents pédagogiques en langue 2. Cette définition bien qu’acceptable peut être réfutée par certains considérant le matériel pédagogique en langue 2 comme étant par essence non-authentique. Outre ce problème de définition, l’une des questions centrales pour les pédagogues est celle de trouver un point d’équilibre entre exigences linguistiques et disciplinaires quelle que soit la nature et le degré d’authenticité des documents. Cette entreprise est ardue et le matériel répondant à cette double exigence reste rare:

 

« Auch wenn auf diese Weise authentisches Anschauungsmaterial beschafft wird, bringt dieses doch ein weiteres grosses Problem : oft sind diese authentischen Materialen entweder nicht altersangemessen oder sie entsprechen nicht dem erforderlichen Sprachniveau der Lernenden 7» (Mentz, 2007)

Malgré cette difficulté, le manuel de français langue étrangère Mille Feuilles pour l’espace Passepartout8 en Suisse a misé sur une exploitation systématique de documents authentiques autour de contenus liés à la culture générale, et qui ne traitent pas directement les savoirs disciplinaires prescrits par le Lehrplan 219. Le document servirait, comme dans l’approche communicative, d’appui pour un enseignement de la langue ici implicite, mais aussi pour acquérir éventuellement d’autres connaissances qui ne sont pas purement linguistiques. En ce sens, le contenu n’est pas prioritaire. Il se situerait dans les programmes « language-driven » selon la typologie de Met (1999). Nous pourrions dire de manière simpliste et provocatrice « peu importe le contenu, pourvu que les apprenants comprennent et communiquent » ; ce qui est illustré par les propos de cette enseignante qui a participé à l’élaboration du manuel:

« Le contenu pour nous c'est que prétexte, au fond ce qu'on veut c'est qu'ils apprennent à écrire, à parler, à comprendre. » (Entretien ODE_2,7)

Au-delà des frontières suisses, une étude américaine menée par Spenader, Wesely et Glynn (2018) a montré que les enseignants de langue d’eux-mêmes construisent des séquences content-based autour de contenus culturels sans pour autant exclure des contenus académiques. En conclusion, les auteurs souhaitent une définition large de contenu pour le CBI (content-based instruction) qui englobe les contenus culturels et les savoirs académiques : « Based on our findings, we view cultural content or multidisciplinary content as acceptable content for CBI in the WL setting, and recommend a broadening of the definition of content in research literatur » (Spenader et al. 2018: 17). Effectivement, nous pouvons voir une forme de convergence entre ces deux types de contenus lorsqu’ils concernent les aspects culturels de la langue-cible. En ce sens, un document authentique peut recouvrir des contenus culturels et/ou académiques c’est-à-dire qu’il peut conjuguer les deux aspects favorisant derechef les aspects transversaux d’un curriculum par exemple.

Dans l’enseignement immersif ou bilingue, là où les savoirs disciplinaires sont prescrits, un projet a proposé un travail ponctuel autour d’un document en langue originale en histoire. Relevant à la fois d’une didactique intégrée et d’une didactique de l’intercompréhension, ces îlots de plurilinguisme ont été expérimentés et analysés dans le canton de Fribourg. Par exemple, les auteurs ont proposé une fiche didactique «Los viajes de Cristóbal Colón », un texte du journal de Christophe Colomb en espagnol, à des apprenants du secondaire 1 alors que cette langue n’est pas enseignée (Lambelet & Mauron, 2015: 72). Les chercheurs voyaient dans ce type de séquences plusieurs avantages sur le plan de la didactique de l’intercompréhension et de la didactique de l’histoire. A ce titre, proposer des textes authentiques en langue source « offre dès lors aux apprenants un matériau historique original, ce qui permet d’encourager chez ces derniers une réflexion historienne ; réflexion portant tout d’abord sur la nature même des sources et, ensuite, sur le travail de l’historien afin de les décoder » (Lambelet & Mauron, 2015: 6). Les auteurs se sont intéressés plus particulièrement aux stratégies utilisées par les apprenants lors de l’activité de décodage et plaident pour un enseignement systématique et décloisonné de stratégies de compréhension pouvant soutenir les apprentissages (Lambelet & Mauron, 2015: 85). En ce sens, ces îlots peuvent être considérés comme étant des courtes séquences CLIL, puisqu’ils respectent les prérogatives des 4C formulées par Coyle (1999). L’utilisation de documents historiques en langue originale dans cette étude prouve que l’authenticité du matériel favorise les réflexions dans la discipline histoire mais soutient aussi des compétences transversales.

Les îlots immersifs que nous avons observés sont à la croisée de ces différentes recherches car ils peuvent reprendre des savoirs disciplinaires prescrits de discipline non-linguistique tout en étant une forme d’expansion de la leçon de français. Dans le sens d’un développement d’une compétence discursive, reposant sur des mises en continuité entre discours ordinaires et discours spécialisés (Causa 2014), nous pouvons même y lire une forme de complémentarité didactique. Toutefois, nous supposons que le travail intégré ne sera pas forcément identique. Négocier la forme pour comprendre un contenu ne sollicite pas les mêmes mécanismes que négocier la forme pour construire un savoir dans le cadre de la conceptualisation (voir Gajo et al 2018: 31). De ce fait, ces îlots immersifs permettent de mettre en perspective le rôle des documents choisis et utilisés. Le document - qu’il soit plus ou moins authentique - est à envisager comme une source (potentielle) de savoirs et comme des ressources linguistiques. Dans une perspective intégrée, le document doit servir à la fois d’appui linguistique, d’objectivation et d’ancrage. La phase d’appui serait en relation avec l’authenticité alors que le processus d’ancrage serait activé lors de l’objectivation et l’authentification.

3. Authentifier pour l’authentification : une articulation dans le traitement intégré des savoirs disciplinaires et linguistiques

Le format îlot immersif ainsi que la didactique intégrée offrent une nouvelle mise en perspective du matériel pédagogique défini par Schneuwly (2000) comme des outils ou artefacts sémiotiques. Dès lors, la définition de document authentique d’ordinaire bien ancré dans sa discipline se complexifie lorsqu’il implique une approche pluridisciplinaire voire transdisciplinaire et quand le traitement engage des savoir-faire transférables d’une branche à une autre ou du milieu scolaire au milieu extra-scolaire. Se focaliser sur les contenus des documents authentiques nous invite à envisager les interactions verbales en classe comme des éléments de la transaction didactique (Sensevy 2006, Marlot 2014). Les documents utilisés et mis en discours par l’enseignant et les élèves véhiculent l’objet transactionnel (le contenu ou/et le savoir) qui, dans le cadre d’îlots immersifs, est soumis à un traitement intégré. Authenticité et authentification sont structurées au travers du traitement du document, permettant la compréhension des contenus dans un premier temps puis l’élaboration des savoirs dans un second temps. Pour identifier ces deux processus pédagogiques, nous allons utiliser une transcription d’une séquence d’un îlot immersif portant sur la discipline histoire. Il s’agit de la première séquence et de la première leçon de cet îlot.

3.1 Travailler sur un document : authentifier et contextualiser

L’authenticité qui « consiste à baser la communication et, partant, la pratique pédagogique sur des situations / documents socialement attestés et pertinents » (Gajo 2007) n’est pas sans rappeler les enjeux du document dans la discipline histoire. L’une des premières activités de cette discipline avec les apprenants est de juger la pertinence des documents. En histoire, cette phase est relative à l’effort d’interroger en premier les données contextuelles : quelle est la nature du document ? qui est l’auteur ? quel est le contexte de rédaction ? quelle est sa date ? etc… Nous nommons cet acte pédagogique et méthodologique authentifier. Cette action s’articule à celle de contextualiser et les deux ne traitent pas directement les contenus mais interrogent la recevabilité du document c’est-à-dire son degré d’authenticité tout en posant un cadre contextuel à l’activité pédagogique et à la construction des savoirs.

La prise en compte du contexte découle aussi de la nature authentique des documents choisis. En effet, dans la didactique des langues étrangères le contexte d’élaboration des documents authentiques est décrit comme une nécessité absolue par certains auteurs. Il semblerait même que l’authenticité du contexte de communication soit le premier élément déterminant : « the first step is to present language solidly contextualised and to sensitive learners to the ways in which the discourse reflects its context ». (Gilmore 2007)

De plus, contextualiser est aussi une compétence essentielle à acquérir par les élèves dans la discipline histoire. Il s’agit d’inscrire le document authentifié, et donc les faits ou les savoirs qui lui sont liés, dans un temps et un lieu circonstanciés. Ces deux mouvements authentifier et contextualiser sont interdépendants et relèvent d’une pratique transdisciplinaire: identifier le contexte permet d’authentifier le document dans une approche communicative langagière et une approche disciplinaire. Dans les îlots immersifs, ces deux mouvements sont souvent repérables en début d’épisode. Il est structuré autour de l’utilisation d’un même corpus documentaire qui assure l’unité didactique. Nous rejoignons ici la définition de Schneuwly (2000) pour qui l’épisode est un « évènement d’une durée variable » qui « peut être constitué de plusieurs tâches ou être constitué d’une seule tâche » (2000: 25).

Après la présentation du matériel pédagogique, d’une explication du titre ainsi qu’une réactivation des savoirs nécessaires à la mise en place de cet îlot (frise chronologique, Moyen-Age, siècle et millénaire), l’enseignante ouvre la phase d’authentifier lors d’une transition entre deux activités au tour 076.

 

Extrait 1 : il y a quatre documents10

(L’enseignante parle)

076 alors on reprend (( des élèves discutent à voix basse sans doute pour dissiper le malentendu sur jahrtausend/millénaire que ENS a d'abord réfuté puis accepté )) .. on est ici maintenant .. alors sur la page un . il y a QUATRE documents

 

Cette transition est marquée par l’enseignante par « on reprend », « on est ici maintenant » tout en pointant le matériel pédagogique « alors sur la page un » / « il y a QUATRE documents ». Ce balisage sert à recentrer les apprenants et l’accentuation sur le chiffre quatre peut être interprétée comme une volonté de l’enseignante de cibler le corpus documentaire et d’attirer l’attention des élèves avec un chiffre connu. Nous pourrions ainsi dire que l’enseignante met les connaissances linguistiques des élèves au contact de l’objet transactionnel symbolisé par les documents. Puis, au tour 085, l’enseignante va de suite préciser la nature de ces documents (des images) puis enchaîner avec la description de l’activité:

 

Extrait 2 : il y a quatre documents11

(ENS : enseignante / EMM, GIU, MER, DAV : des élèves)

085 ENS vous avez QUATRE images

086 première chose . quand on travaille sur la SUISSE et la FRANCE .. dîtes moi quel document c'est la suisse . et quel document c'est la france . par exemple ça . c'est pour la france ou pour la suisse /((certains élèves chuchotent suisse))

(1.86)

087 le document .. là avec la statue .. c'est pour la france ou pour la suisse

(1.57)

088 EMM

089 EMM suisse

090 ENS c'est pour la suisse ... ça

(1.88)

091 pour la suisse ou pour la France .. GIU

092 GIU la france

093 ENS c'est la france

094 celui là qui s'appelle jeanne d'arc / ... ce document c'est une biographie ... une petite biographie de jeanne d'arc

(2.94)

095 oui MER

096 MER france

097 ENS france ... et ce texte /

(2.74)

098 DAV

099 DAV la suisse

100 ENS c'est pour la suisse ... ouais d'accord . donc on a DEUX documents pour la suisse DEUX documents pour la france . oui / ... alors lisez les textes maintenant lisez les textes

 

Cette activité est une demande d’authentifier. En effet, les apprenants sont invités à préciser l’origine géographique pour préciser le contexte. En parallèle, l’enseignante va préciser la nature des documents : statue (087), biographie (094), texte (097) et prend en charge une partie de cette étape. Le tour 100 est un retour sur le corpus documentaire précisant une dernière fois le contexte géographique, et annonce l’activité de lecture. Ce travail sur le document, compris comme authentifier et contextualiser, correspond aux « prémisses organisationnelles » (Filliettaz Giger 2004) de l’interaction et aux enjeux notamment disciplinaires car le support pédagogique est spécifié tout comme les objets d’étude. Ce cadrage s’inscrit aussi dans le triplet de genèses décrit par Sensevy (2001, 2006) et correspond à l’étape de la mésogénèse. Les documents en tant qu’objets matériels participent à la formation du milieu (Brousseau 1998) didactique nécessaire à la construction des savoirs.

Nous avançons que les documents sont en réalité des objets transactionnels en soi. Pour Marlot, le savoir est cet objet transactionnel entre l’enseignant et les élèves (Marlot 2014: 308). En ce sens, les documents peuvent être considérés à la fois comme des supports à l’objet transactionnel tout en étant eux-mêmes, du fait de leur authenticité reconnue, des objets transactionnels. En authentifiant et contextualisant, ils sont inscrits dans le milieu didactique et ils sont alors « socialement attestés et pertinents ». Ils sont à connaître et vont servir à connaître : authentifier et contextualiser ces objets sont des préalables à la transaction didactique. En d’autres termes, lors de cette séquence d’îlot immersif, le corpus documentaire va permettre l’appui et l’objectivation. Au niveau didactique encore, nous pourrions poursuivre en soutenant que ce double-procédé participe à la double-sémiotisation puisqu’il permet de « rendre présent l’objet d’apprentissage (…) et d’autre part à le montrer en guidant l’attention de l’élève sur les dimensions » (Marlot 2014: 308), dans un premier temps, contextuelles. Authentifier et contextualiser sont donc deux actes didactiques permettant la définition du milieu. Les faits linguistiques et disciplinaires ne sont pas directement thématisés et la focalisation se fait sur les documents en tant qu’objets transactionnels.

 

3.2 Travailler avec le document : authentification et contextualisation

Le travail avec le document suppose deux processus complémentaires : authentification et contextualisation. L’authentification est un processus décrit dans l’enseignement bilingue par Gajo (2007) comme permettant de traiter les faits linguistiques dans le cadre des contenus et pour comprendre ces derniers. Ainsi, le travail avec le document et son traitement linguistique en langue-cible et en langue de scolarisation permettent une meilleure compréhension des contenus et potentiellement une meilleure conceptualisation. En histoire, la contextualisation met littéralement le document étudié en contexte c’est-à-dire que le document est replacé dans son cadre historique. Il correspond à une phase d’analyse du contenu et des informations, qui va mobiliser le réseau conceptuel et les schèmes, compris comme un ensemble de concepts permettant de se faire une représentation de la réalité, préexistant chez les apprenants. Authentification et contextualisation sont donc deux processus qui permettent une secondarisation des savoirs. Par secondarisation des savoirs, nous entendons l’utilisation de savoirs quotidiens dans la construction et l’appropriation de savoirs académiques, les premiers servant l’ancrage des seconds. Ces processus sont lisibles lors des différents traitements du document ayant pour objectif la clarification et la conceptualisation.

Dans le même épisode, lors de l’activité de lecture, un élève bloque sur un terme historique: le Dauphin (113). Bien que l’élève l’ait rapproché du terme équivalent en allemand der Delfin en 115, il se rend bien compte que dans le contexte historique cette traduction est inadéquate. En ce sens, la contextualisation est rendue nécessaire – il faut replacer cette notion dans son contexte historique - et l’authentification est conjointement amorcée.

 

Extrait 3 : Le Dauphin fast ein könig oder12

(ENS : enseignante / EL ?: élève non identifié / ETI : élève identifié)

113 EL? es ist ja le dauphin

c’est en fait le dauphin

114 ENS oui le dauphin oui

115 EL? und da ist es glaube ich der delfin

et c’est je crois le dauphin

116 ENS oui parce qu'en allemand c'est identique

117 EL? was heisst es /

ce qui veut dire /

119 ENS ben regarde j'ai * écrit une explication * le dauphin est le FILS . du roi . qu'est ce que c'est /

(1.38)

* montre sur la brochure la page correspondante *

120 qu'est ce que c'est le fils / . tu connais / le fils la fille . le père la mère .. on a le père la mère .. le fils . la fille

(1.54)

121 donc le fils /

(2.01)

122 qu'est ce que ça peut être le roi / .. le roi il a sur la tête . une couronne

(2.12)

123 ein könig

un roi

(2.63)

124 EL? ein könig als (xxx)=

un roi comme

125 ENS comment /

126 EL? also es ist . je . fast ein könig oder (xxx)=

alors c’est presqu’un roi ou bien

127 ENS oui c'est le FILS du roi . verstehst du das . fils du roi

comprends tu cela

(1.89)

128 ETI

129 ETI ein (xxx)

un

(1.80)

130 ENS oui

131 EL? der sohn von könig

le fils du roi

132 ENS oui le fils . der sohn . vous vous souvenez plus / unité trois le thème la famille / le père la mère . le fils . la fille le frère . la soeur

(1.81)

133 donc le dauphin . c'est le nom spécial . qu'on donne . au FILS . du roi ... d'accord /

 

Image 4 : la biographie de Jeanne d’Arc13

 

Au tour 119, l’enseignante propose à l’élève via l’outil sémiotique « plurilexique » et le support « brochure » de lire une explication : le Dauphin est le fils du roi. A partir de cet instant, le terme dauphin est alors décontextualisé c’est-à-dire qu’il est mis hors de son contexte initial « le Dauphin Charles » et du document la biographie de Jeanne d’Arc (voir supra). Cette décontextualisation initiale par un effet de loupe sur le mot dauphin va engager une authentification. L’enseignante et les élèves ETI, EL ? vont utiliser différentes stratégies relevant du processus de secondarisation. Au tour 120, l’enseignante fait appel au réseau sémantique autour du mot fils en langue-cible et elle propose aux élèves des schèmes linguistiques d’accueil : la fille, le père, la mère. Cette stratégie ne fonctionnant pas (121), elle met la focale sur le terme roi et propose une définition simple (tour 122). Puis, elle fait le choix de traduire le mot en langue de scolarisation «ein könig » ; ce qui permet à un élève d’élaborer une définition de Dauphin (126). Cette dernière convient et l’enseignante relance sur la mauvaise compréhension de fils et insiste en 132 sur le réseau sémantique préacquis. Enfin, une dernière explication est donnée par l’enseignante et met en exergue encore une fois le terme fils.

Ce savoir du quotidien « fils » semble être la clé de compréhension du terme Dauphin pour l’enseignante. Néanmoins, il manque un chaînon. Bien que Dauphin soit explicité et que les langues aient servi sa compréhension et l’élaboration commune d’une définition, le terme spécifique en langue de scolarisation der Thronfolger ou der Dauphin (dans le contexte français) n’apparaît pas à ce moment et nous pouvons supposer que la secondarisation des savoirs est incomplète ou inachevée. En tenant compte de la théorie de la saturation des savoirs (Gajo & Grobet 2008, 2011, Vuksanović 2018), nous pourrions dire que l’authentification est engagée dans cette dynamique « conduisant à construire progressivement les informations jugées nécessaires par les interlocuteurs à un point donné de négociation, jusqu’à l’obtention d’un point de saturation – point d’équilibre entre le manque et le surplus d’information » (Gajo & Grobet 2008: 74). L’enseignante a sans doute jugé que le point de saturation est atteint lorsqu’en 124 elle conclut par un retour positif sur l’attitude de l’élève permettant de pointer les éléments lexicaux problématiques :

 

Extrait 4 : Le Dauphin fast ein könig oder14

(L’enseignante parle)

134 mais . ISA . quand même très positif . tu as regardé le lexique(xxx)

 

A l’aide de cet exemple, nous proposons un schéma explicatif mettant à jour les relations complexes entre document, contextualisation, décontextualisation et authentification.

 

Illustration 3 : Authentification, contextualisation et décontextualisation

Nous entendons par contextualisation un fait linguistique apparaissant dans son contexte d’émergence. Le terme est apparu à la lecture du document : le Dauphin Charles dans la biographie de Jeanne d’Arc. La décontextualisation correspond au moment où ce mot est explicité en dehors de son contexte initial. Lors de l’interaction entre l’enseignante et les élèves, le terme est décontextualisé et les savoirs du quotidien en L1 et en L2 sont mobilisés pour la compréhension. C’est pourquoi l’authentification se réalise par la contextualisation et la décontextualisation permise par l’utilisation d’un document. Ce dernier est donc à l’origine d’un travail intégrant toutes les ressources linguistiques et disciplinaires disponibles dans le but de clarifier un savoir. L’authentification peut aussi être comprise comme un processus soutenant la secondarisation des savoirs et la conceptualisation.

3.3 Authenticité et authentification dans le traitement intégré des savoirs disciplinaires et linguistiques

Pour saisir le traitement intégré et dans une compréhension systémique de l’authenticité et de l’authentification, il est nécessaire d’observer ces deux processus à un niveau méso en dégageant des unités autour de l’authenticité et de l’authentification, ce qui nous permettra d’observer leurs articulations et de dégager les dynamiques procédurales sous-jacentes et permises par les documents dits authentiques.

Dans le tableau ci-dessous, nous proposons le découpage de la première leçon de l’îlot histoire afin d’observer les phénomènes autour du traitement intégré des savoirs disciplinaires et linguistiques. Cette première leçon intitulée « Jeanne d’Arc et Guillaume Tell » se structure autour de 4 temps didactiques : la mise en place du milieu servant d’introduction, la première activité, la seconde activité et la clôture.

Leçon 1 : Jeanne d’Arc et Guillaume Tell

Ilot immersif : La Suisse et la France au Moyen-Âge, la naissance de deux états

Durée de l’enregistrement : 37’26

 

Activité 1 : la mise en place du milieu (01 à 107)

 

01-22

La composition de la brochure, identification du support

22-29

Le titre de la brochure et de l’îlot

30-75

Rappel de la périodisation et réactivation du vocabulaire en langue de scolarisation et en langue-cible

Moyen-Âge, siècle, millénaire

76-107

Présentation du corpus documentaire de la page 1

Les documents sont authentifiés (nombre, classement selon le pays)

Activité 2 : Identifier les dates, les objets et les personnes évoqués par les documents (107- 338)

 

107-112

Mise en place de l’activité, travail individuel des élèves, question

113-134

Authentification : le Dauphin Charles

135

Annonce de la correction / pointage sur les documents / objectivation

 

bon . alors peut-être que maintenant vous êtes bon . alors on va peut-être commencer par les documents sur la suisse ... alors j'ai dit il faut chercher la date / l'objet ou la personne ... alors ÇA … c’est quoi . qu’est-ce que c’est / comme OBJET .qu’est-ce que c’est comme objet . comment ça s’appelle comme objet / .. MER

 

136-167

Document : la statue de Guillaume Tell

136-145

Authentifier la statue de Guillaume Tell (1) la nature du document et la personne représentée

Traduction Wilhelm Tell – travail sur la prononciation

146-167

Authentifier la statue de Guillaume Tell (2) la date du document, le lieu (canton + ville)

157-167

Authentification / contextualisation amorcée par l’enseignante

157 ENS bon alors et pourquoi / . pourquoi . vous avez sans doute une idée . pourquoi on a cette statue DANS le canton d'uri A altdorf /

 

Négociation : « etwas getan hat », « c’est une légende »

 

Point de saturation :

166 EMM er war der national held der schweiz

167 ENS c'est ça c'est le héros national de la suisse

 

168-271

Document : le texte sur l’histoire de Guillaume Tell

168-175

Authentifier le document par le lieu « Waldstätten »

175-180

Authentification « Waldstätten » : trois cantons primitifs, Uri, Schwytz, Unterwald

180-271

Authentifier le document par les personnes nommées

Séance métalinguisitique sur le nom comme stratégie interlinguistique pour trouver les personnes (183-196)

Authentifier Albert d’Autriche + authentification empereur (197-206)

Authentifier Guillaume Tell mis en lien avec la statue (207-210)

Authentifier Gessler + authentification bailli (212-242)

243-271

Compréhension du problème entre les trois personnes

Travail sur le contenu « chapeau »

Contextualisation des contenus (271)

 

272-303

Document : la statue de Jeanne d’Arc

272-296

Authentifier la nature, la date du document et le lieu

297-303

Authentification (transfert G.Tell – J.d’Arc)

Jeanne d’Arc un symbole

 

304-338

Document : la biographie de Jeanne d’Arc

306-310

Authentifier Jeanne d’Arc : la date et le lieu de naissance

312-327

Authentification « sie ist in der Armee »

310-338

Authentification « brûlée»

 

Activité 3 : utiliser les clés magiques pour les documents (339-353) 

Travail en autonomie des élèves, l’enseignante soutient le travail des élèves

 

Activité 4 : clôture (354-366)

Résumer la séance

 

364 MIC wir haben . zusammenfassen xxx ((segment inaudible car les élèves commencent à ranger leurs affaires ))

nous avons résumé

365 ENS nein . wir haben von jeanne d'arc . und von /

non nous avons Jeanne d’Arc et

366 MIC und von guillaume tell

et de Guillaume Tell

 

Une lecture attentive du tableau rend lisibles de véritables enchaînements authenticité et authentification structurés par les quatre documents. L’activité 1 se construit à travers l’étude systématique des ces documents. Les enchaînements authenticité – authentification soutenus par d’autres outils sémiotiques permettent une compréhension des contenus mais aussi favorisent la construction de savoirs négociés et utiles à la compréhension du concept « héros national » ; qui sera le point de départ de la leçon suivante.

Nous pouvons identifier quatre types d’enchaînement liés au traitement du document:

  • le premier combine l’acte d’authentifier puis une authentification. Il s’agit de l’enchaînement le plus simple comme dans le cas du traitement du document la statue de Jeanne d’Arc,

  • le deuxième est marqué par une double phase d’authentifier, suivie par une authentification. Il a été déployé lors de l’étude du document la statue de Guillaume Tell,

  • le troisième correspond par exemple au travail sur le document la biographie de Jeanne d’Arc, qui débute par une phase d’authentifier puis de deux authentifications,

  • le quatrième enchaînement s’appuie sur un réseau plus développé faisant alterner des phases d’authentifier et des phases d’authentification. Nous avons pu l’observer sur le texte de l’histoire de Guillaume Tell.

Ainsi, authentifier un document serait le préalable à l’authentification en cela que cette première étape permet de pointer des éléments linguistiques et disciplinaires qui vont nourrir le(s) processus d’authentification. Ce travail permet un traitement intégré des ressources linguistiques et disciplinaires. De plus, nous pouvons constater que plus le document est dense voire opaque plus l’enchaînement authentifier-authentification sera développé et étendu.

Ce tableau permet également quelques remarques quant à la temporalité didactique nécessaire à la compréhension de ces processus. Les documents instaurent un milieu didactique autrement dit la mésogénèse. Ces deux actions, authentifier un document et l’authentification, interviennent aussi dans la topogénèse en ce qu’elles sont en lien avec l’accomplissement des activités. Ces processus renseignent donc sur l’action pédagogique de l’enseignant (Sensevy 2001). Nous pourrions dire que l’authenticité des documents comme fait associée à l’authentification comme processus participent à la transaction didactique. Elles permettent de reconnaître puis d’agir sur le(s) savoir(s). Cette transaction n’est pas produite ex-nihilo mais repose sur le choix d’outils sémiotiques et notamment des documents authentiques. Ces derniers servent bien d’appui visuel et linguistique et d’ancrage lors du traitement intégré de la langue et du contenu.

4. Discussion générale

Prendre en compte l’authenticité des documents utilisés en classe fait envisager l’authenticité au minimum sur deux plans : la nature du document et son contenu. Ces deux niveaux conditionnent en partie les activités, l’élaboration des tâches et les interactions. S’interroger sur l’authenticité des documents ouvre fondamentalement des réflexions didactiques et pédagogiques.

4.1 Du document authentique…

Nous aimerions revenir sur l’adaptation des documents ou plus généralement du matériel qui questionne au final les didactiques de toutes les disciplines. Nous pensons que l’adaptation se confond souvent avec la pure simplification, au détriment de la didactisation qui envisage l’emploi des documents authentiques de manière systémique. Dans les îlots immersifs que nous avons observés, les documents ne sont pas simplifiés. Sur le plan pédagogique, la plupart des documents correspondent à des documents de type outils qui soutiennent surtout les apprentissages méthodologiques (Graniet Picot 2002) dans une perspective actionnelle de l’enseignement. L’adaptation des documents dans les îlots immersifs, loin de la pure simplification ou de la troncation, porte une autre signification et un autre objectif.

Déjà en 2007, Moore et Lorenzo débutaient leurs travaux sur le matériel authentique dans les classes CLIL et identifiaient à côté de la simplification et de l’élaboration une nouvelle voie à l’adaptation : la discursification. La particularité de cette dernière serait d’aider à la compréhension du message grâce à du lexique ou des explications en langue 1, par l’utilisation de mots parallèles ou par des appuis visuels ; ce qui facilite les interactions entre le document, les apprenants et l’enseignant. Ce remaniement pédagogique, cette didactisation, seraient les plus à même de conserver la complexité scientifique tout en développant les compétences discursives et stratégiques des apprenants. C’est cette troisième voie que nous avons pu aussi observer lors des îlots immersifs. Lors du travail d’authentification autour du terme de Dauphin, le document proposé est authentique et n’a subi aucune simplification ou modification. Par contre, l’enseignante renvoie l’élève au lexique apparaissant en fin de brochure et utilise le discours ordinaire en langue-cible et en langue de scolarisation. Les élèves développent à la fois leur répertoire linguistique mais aussi stratégique. Nous pensons, à l’inverse de certains auteurs, que les documents authentiques sont profitables aux apprenants débutants et permettent d’appréhender des savoirs disciplinaires d’une manière nouvelle. La valeur ajoutée n’est pas seulement profitable aux aspects linguistiques.

En ce sens, l’élément majeur est la nature et le degré de discursification déployés autour du document à l’oral et à l’écrit. Pour que cette « adaptation » soit la plus aboutie possible, les enseignants doivent tenir compte du rôle de support (appui) et d’outils (objectivation) des documents et ne pas négliger les phases où ils sont authentifiés pour pouvoir identifier les types et les genres de discours et prendre en compte leur dimension linguistique (lexique desuet ou spécialisé, formalisme etc.). Notre travail de thèse a pour but de définir plus précisément les fonctions des documents et la gestion multimodale de ces derniers en classe lors d’îlots immersifs15.

4.2 ...au traitement du contenu

Le terme de contenu est générique. Il se caractérise surtout par sa fonction informative car il donne un sens, une signification ou une teneur à un texte. En linguistique, il est cette face conceptuelle du message linguistique. Pourtant, il n’est pas assimilable aux savoirs académiques. Il nous semble que les contenus peuvent devenir des savoirs ; ce qui suppose un traitement linguistique et disciplinaire: authentifier et authentification. De ce fait, le contenu porté par le document ne doit pas être modifié pour laisser place au déploiement cognitif. Nous avons pu constater que des contenus du quotidien peuvent laisser placer à des réflexions intéressantes et à des formes de conceptualisation lors d’îlots immersifs.

Lors d’un îlot sur la géographie de la Suisse romande, l’enseignante a consacré une dernière partie sur la musique en évoquant les chanteurs Stress et Bastian Baker. Cette thématique est prescrite par le plan d’étude du français concernant l’ouverture culturelle. L’enseignante a produit elle-même un tableau permettant d’élaborer une présentation des chanteurs. Les élèves doivent donc travailler à partir de ce document fabriqué. Lors de la phase de correction, en 42, l’élève ST thématise la notion de nom d’artiste qui est traduite en langue de scolarisation (en 44) par CY puis développée par PROF en 45.

 

Extrait 5 : c’est le nom d’artiste16

(PROF : enseignante / ST, CY : élèves)

42 ST Stress c'est le nom d'artiste

43 PROF oui stress . c'est le nom d'artiste(2.15)qu'est-ce que c'est le nom d'artiste /(2.19)vous avez une idée bon toi ST tu sais . mai:s les autres qu'est-ce que ça peut être le . nom .. d'artiste (2.51) ((nom de l'élève CY))

44 CY euh der künstlername

45 PROF voilà .. stress c'est le nom d'artiste . dans la en vérité . il s'appelle andres andrekson.. nan . oui andres andrekson

(3.04)donc voilà on a fini la présentation de Stress ... alors qui: . dans la classe . veut lire . tout le texte ((CY lève le doigt))..tu veux lire tout le texte CY /.. non /

 

Plus loin, ce savoir est transféré par l’enseignante et les élèves. PROF étaye la notion de nom d’artiste en l’opposant à nom officiel en 57. En 59, elle demande aux élèves de faire appel à ce nouveau savoir tout en amorçant la réponse. Et en 60 FI énonce la réponse correcte.

 

Extrait 6 : c’est le nom d’artiste17

(PROF : enseignante / ME, EI, FI : des élèves)

56 ME il s'appelle bastian baker

57 PROF et c'est quoi son nom officiel /(6.89)c'est quoi le nom Officiel . de bastian .. c'est pas baker EI /

58 EI bastian kaltenbacher

59 PROF oui . alors je vais écrire . son nom officiel .. est .. kalten .. bacher ... d'accord /… bastian baker c'est ... c'est quoi(2.54)avant on a dit . stress ... est le nom d'artiste . donc bastian baker / FI

60 FI baker.. est le nom . d'artiste

 

Cette tâche de présentation permet le déploiement et la précision de concepts du quotidien (nom d’artiste, nom officiel) à travers les exemples de ces deux chanteurs. Toutefois, il n’a pas été nécessaire pour l’enseignante et les apprenants d’authentifier au préalable le document; ce qui n’a pas empêché l’authentification et en définitif l’apport de nouvelles connaissances. De ce fait, nous rejoignons l’idée que tous les contenus et de fait tous les types de documents peuvent trouver leur place en classe, car ils permettent - selon des modalités qui leur sont propres - d’activer des processus cognitifs, d’enrichir un répertoire linguistique et méthodologique.

5. Conclusion

Quels sont les documents à privilégier dans l’enseignement bilingue? Doivent-ils correspondre à la culture générale ou à des savoirs de la vie quotidienne pour privilégier un accès supposé plus facile à la langue-cible ? Ou doivent-ils relever de savoirs scolaires prescrits voire académiques quitte à devoir gérer une forte opacité linguistique et une forte densité disciplinaire ? Est-ce soutenable et souhaitable dans l’enseignement de langue notamment au niveau primaire ? Ou l’enjeu des documents authentiques n’est-il pas finalement de soutenir le développement de stratégies de compréhension comme le suggère l’expérience des îlots de plurilinguisme ?

Ces questions sont loin d’être épuisées par cet article et mériteraient que la recherche se penche sur ces problématiques liées au document. L’analyse des supports pédagogiques en général invite à porter un regard transversal et systémique, qui interroge l’intégration des éléments linguistiques et disciplinaires dans l’enseignement. Nous avons pu voir que l’utilisation de documents dits authentiques lors d’îlots immersifs fait émerger l’acte d’authentifier puis lance le processus d’authentification, tous deux liés à l’élaboration des savoirs. Néanmoins des documents fabriqués par l’enseignante permettent aussi de faire émerger des réflexions et des savoirs.

Ainsi, au-delà de l’authenticité, l’analyse des documents au cours de l’interaction met à jour les dynamiques structurales et procédurales d’une didactique intégrée. Une vision macro met en lien le document avec les objectifs disciplinaires prescrits par un curriculum ou un programme (dynamiques structurales). Une vision micro met à jour les procédures nécessaires pour la compréhension et le traitement du document en classe. Ces dynamiques sont également lisibles à un niveau méso qui focalise sur les articulations entre les documents et qui pointe leurs différentes fonctions lors de la construction des savoirs. Le choix du document de part sa nature et/ou de part son degré d’authenticité entre dans la planification de l’enseignant. C’est en ce sens que le document peut être considéré comme un liant praxéologique (Burger 2014) car il fait parti de l’agir enseignant et cadre les séquences.

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7. Annexe : conventions de transcription

(2.1)

pauses en secondes

.,..,...

micro-pauses

/

 

intonation montante/

descendante

[

chevauchements

=

enchaînement immédiat entre deux tours

((rire))

c’est

* montre *

commentaire de la transcriptrice

traduction de la transcriptrice

début et fin d’un geste, description du geste

(xxx)

segment inaudible

exTRA

segment accentué

:

allongement vocalique

par-

troncation

 

 

 

 

1 Ce projet est dirigé par Laurent Gajo.

Pour un résumé du projet, consultez : http://www.institut-plurilinguisme.ch/fr/content/immersion-et-enseignement-la-langue-oriente-vers-le-contenu (consulté le 13 janvier 2019).

2 Tu apprends quelque chose sur le Musée suisse du jeu à La Tour-de-Peilz (notre traduction)

3 A quels jeux te font penser ces reproductions? Comment y joue-t-on? (notre traduction)

4 Un enseignement bilingue d’une discipline non-linguistique peut être introduit grâce aux pages Info Suisse Romande. Puisque dans ce type d’enseignement (de langue) ce n’est pas l’apprentissage de la langue mais la communication des informations qui passe au premier plan, la situation d’apprentissage se débloque pour beaucoup d’apprenants. Le français n’est plus au centre mais est appris de manière implicite. (notre traduction)

5

6 La source historique est une trace du passé. En ce sens, il faut le rappeler, une source historique n’a pas été produite à l’origine pour un historien et pour l’étude de l’histoire. L’historien oriente son matériel en fonction de ses questions de recherche et de ses priorités. Nous renvoyons notre lecteur à l’article de Ludolf Kuchenbuch (2004) sur le sens historique de source.

7 Bien que, de cette manière, de la documentation authentique soit disponible, cela engendre un autre problème: souvent ces documents authentiques sont soit inappropriés à l’âge des élèves soit ils ne correspondent pas au niveau linguistique des apprenants (notre traduction).

8 L’espace Passepartout est constitué par des cantons de Suisse alémanique ayant une frontière linguistique avec la partie francophone du pays (Bâle-Ville, Bâle-Campagne, Soleure, Fribourg, Berne, Valais). Ils ont fait le choix de débuter l’enseignement des langues étrangères par le français. Pour plus d’amples informations, consultez: https://www.fremdsprachenunterricht.ch/hintergrund/das-projekt-passepartout/ (14.05.2019)

9 Plan d’étude en vigueur en Suisse alémanique.

10 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_HIST8 (24.02.2015)

11 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_HIST8 (24.02.2015)

12 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_HIST8 (24.02.2015)

13 Support pédagogique La Suisse et la France au Moyen-Âge p.1. Document issu du manuel scolaire :

Hazard-Tourillon et Fellahi (dir.). 2010. Histoire Géographie 5ème. Nathan. Paris. p.56.

14 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_HIST8 (24.02.2015)

15 Titre provisoire de la thèse: Le statut du document dans l’enseignement bilingue: source et ressource pour un travail intégré sur les savoirs linguistiques et disciplinaires. Les cas des „ilots immersifs“ au primaire.

16 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_GEOCH6 (13.01.2015)

17 Doctorat_Afreytag_corpusfrick_GEOCH6 (13.01.2015)

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