Par Léa Courtaud - EA 4428 Dynadiv
Introduction
La présente contribution propose une réflexion théorique avec pour objectif d’investiguer les dimensions linguistiques et culturelles en jeu dans les situations formatives à l'université française, en interrogeant en particulier les processus d'élaboration et de restitution des connaissances. Quelques exemples tirés d'une recherche doctorale[1] en cours portant sur l'internationalisation des universités françaises constituent le point de départ de ce travail. Plus précisément, il s’agit d’interpréter la diversité des rapports au savoir d’un contexte à un autre et d’élaborer des propositions pour une politique de formation universitaire sur les plans linguistique et culturel. En effet, si le FOU « […] met au premier plan la question de la maîtrise de la langue pour le suivi des études universitaires » (Mourlhon-Dallies, 2010 : 137), il apparait que « […] ses enseignements prennent également en compte les domaines et les logiques d’appréhension et d’organisation de la pensée au cœur de chaque champ de connaissances » (op. cit). Dans cette optique, la contribution s’attache d’une part à préciser en quoi une approche réflexive et historicisante des situations formatives[2] peut constituer un apport pour l’approche des dimensions interculturelles en jeu dans ces situations et porte d’autre part sur le rôle des langues dans les disciplines et leur implication d’un point de vue méthodologique à travers la question des formats d’écriture académique. Ces réflexions conduiront à proposer des pistes d’accompagnement pédagogique des étudiant.es étrangers.ères (et autochtones)[3] à l'université française. Après avoir présenté la problématique, le contexte, le cadre épistémologique et théorique de la recherche, je développerai les deux réflexions formulées supra.
1. Problématique de départ : l’internationalisation des universités françaises et ses conséquences
L'histoire de ce travail commence lorsque, jeune enseignante de FLE, je me trouve face à des étudiants étrangers souhaitant que je leur apporte des « clés », portant sur la culture universitaire française, pour les aider à réussir leur insertion universitaire en France. Alors que j’avais choisi dans un premier temps de leur apporter, principalement, des éléments relatifs à la rédaction de textes académiques et à la prise de notes, pouvant pour cela m'appuyer sur une littérature existante (notamment Boch, 2000 ; Claudel, Vlad & Cislaru, 2009), il est rapidement apparu que mes propositions ne pouvaient suffire. En effet, alors que l'activité universitaire est loin d'être homogène, mes propositions ne comportaient rien de réellement spécifique ; en outre, l'appropriation par les étudiants des questions d'écriture académique comportait des implications dont les origines se situent au-delà d'un apprentissage « technique » des pratiques littératiées – cela faisant néanmoins partie des habiletés nécessaires au suivi des études – sans que je puisse les formuler à ce moment-là. La diversité des disciplines, des courants méthodologiques et de pensée au sein des disciplines, des enseignants, rendait cette tâche impossible. Cela m’a amenée à m’interroger sur le possible rôle des enseignants de disciplines sur ces questions dans la mesure où certains, rencontrés en entretien, estimaient insuffisantes les compétences linguistiques des étudiant.es ; y avait-il des pistes d’accompagnement envisageables que les enseignant.es pourraient mettre en œuvre selon leur situations spécifique d’enseignement, à l’instar de ce que proposent Mangiante & Parpette (2011 : 7) ? Dans le sillon de la démarche du FOU proposée par Mangiante et Parpette (2004, 2011) qui s’attache à répondre aux besoins des étudiants en matière de compétences linguistiques et communicatives à l’université, la démarche que je tente d’emprunter se propose de réfléchir, en complément, à un accompagnement des étudiants via un travail réflexif sur l’histoire des héritages académiques et sur les relations entre langues et disciplines.
1.1. Choix d’une approche compréhensive
Les choix épistémologiques adoptés pour mener cette recherche sont issus de l’approche compréhensive, ayant pour objectif de placer la question du sens au centre de la démarche. À partir d'une approche située qui consiste à prendre en compte l'ensemble des conditions sociales et théoriques de réalisation de la recherche (Groulx, 1999 : 322, cité par Charmillot et Dayer, 2007 : 129, Mucchielli, 2009), les modalités de la recherche résident dans des allers-retours réflexifs entre la théorie et le terrain. La théorie sert d'appui, permet d'interroger le terrain dont des éléments d'interprétation viennent à leur tour interroger la théorie et en formuler des éléments. Plus spécifiquement, la présente recherche s'inscrit dans une tradition de recherche phénoménologique-herméneutique en sciences humaines qui provient d'une réflexion sur ce qu'est la connaissance dans les sciences humaines (Robillard, à par.[4]). Dans cette tradition, l'interprétation est la démarche traduisante qui sert le processus de compréhension. Celui qui comprend est placé dans une contextualité, un horizon historique (Ricœur : 1972, Gadamer : 1986). Le replacement de la compréhension dans cet horizon (Gadamer, 1986 : 326-327) sert l'objectif d'expliciter la perspective dans laquelle la connaissance est élaborée et procède d'une démarche réflexive qu'il incombe au chercheur de mettre en œuvre. Les témoignages des étudiant.es et des enseignant.es rencontré.es pour la recherche sont interprétés au regard de ce qu’ils livrent plus largement de leurs situations personnelles lors des entretiens et de ma façon d’appréhender ce qu’ils me donnent à entendre ; leurs témoignages sont mobilisés avec le sens que je leur confère en les situant dans les diverses dimensions du contexte et de la situation de la recherche.
1.2. La question de départ : l’impact de la « culture éducative » dans la construction du rapport au savoir ?
La rencontre avec des étudiants et des enseignants d'horizons géographiques et de disciplines divers permet de rendre compte de la diversité des conceptions des études universitaires selon les lieux et les disciplines. S’il est communément admis que le cœur de l'activité réunissant étudiants et enseignants consiste en la transmission et l'élaboration de connaissances, il n'y a pas de véritable consensus sur ce que recouvrent ces notions. Le fait d'étudier dans un pays ou dans un autre, dans une langue ou dans une autre, implique différentes façons de concevoir les études, les disciplines, les traditions d'enseignement. Aussi, étudier dans une langue « étrangère »[5] implique des situations singulières de confrontation à l'altérité. Dans le cadre de ce travail, ce sont les dimensions socioculturelles des enseignements qui sont questionnées afin de pouvoir expliciter ce qui est entendu et attendu par « transmission », « apprentissage », « restitution des connaissances » à l'université, et qui constitue ce que l'on appelle « culture éducative » (voir Beacco et al., 2005) en didactique des langues et des cultures. La problématique centrale, inhérente aux situations interculturelles en formation, porte sur l'appropriation par les étudiant.es des formes de (rapport au) savoir privilégiées à l'université[6].
Après avoir présenté quelques exemples tirés de mes entretiens, j’explorerai comment la contextualisation et l'historicisation des pratiques universitaires (formats d'enseignement, formats d'évaluation, contenu des disciplines, situation des savoirs et rapports aux langues) peuvent constituer une explicitation heuristique pour les étudiants. Ce questionnement est envisagé sous l'angle du « projet » et de « l'appropriation » (Castellotti, 2017) en réfléchissant aux aspects suivants : les cultures et les traditions (éducatives) (Espagne : 2004, Beacco et. al : 2005), la notion de contexte (Castellotti & Moore : 2008, Castellotti, Debono & Huver : 2016), l'histoire pour aborder les cultures et les traditions, et l'herméneutique (Ricœur : 1972, Gadamer : 1986) pour les interpréter comme mode d'appropriation.
Les étudiant.es rencontré.es dans le cadre d'entretiens réalisés pour ma recherche[7] ont fait part de situations diverses, que j'ai identifiées comme étant relatives à une pluralité de formes de rapports au savoir (Charlot, 1997), de traditions et cultures académiques, de significations des concepts selon les « aires culturelles ». Parmi ces situations, celle d'Elli, étudiante japonaise de comptabilité qui au Japon apprenait des listes de questions/réponses par cœur, et qui en France a dû se confronter à la réalisation d'écrits analytiques et argumentés pour son mémoire de Master 1 ; celle de Bianca, étudiante colombienne qui dit s'être rendu compte qu'un même concept ne signifiait pas la même chose en France et en Colombie ; celle de Nene, étudiant congolais d'Administration économique et sociale (AES), se déclarant surpris du rapport à l'oral et à la langue française des étudiants dans les travaux dirigés (TD) ; ou encore en Lettres/Littérature, celle d'étudiants états-uniens qui ont l'habitude d’écrire des essais aux USA, confrontés en France à l'exercice de la dissertation. Le fait d'apprendre (dans) une autre langue ou variété (que celle la plus familière) est d’abord une question de rapport à l’altérité, ce qui semble constituer le « nœud » des difficultés rencontrées, tant pour les enseignants que les étudiants qui ne sont pas conscients de cette dimension. Les questions interculturelles que suscitent ces situations sont donc abordées dans ce travail sous l'angle du rapport à l'altérité. Avant de préciser quelle pourrait être une démarche pédagogique intégrant ces questions, il apparaît nécessaire d'expliciter les notions mobilisées pour penser la diversité linguistique et culturelle dans les situations formatives à l'université.
1.3. Cultures d’apprentissage / d’enseignement, traditions académiques, héritages éducatifs ? Évolution des conceptions
La notion de culture éducative est conceptualisée et mobilisée en didactique des langues et des cultures, en particulier par Beacco et. al (dir.), (2005). Beacco (2008), rappelle que « […] par ce terme de culture éducative, on désigne plusieurs ensembles de traits qui configurent les processus éducatifs dans une société ou un ensemble de sociétés donné. » (Beacco, 2008 : 7). Ces processus sont à la fois didactiques, linguistiques (dans le cadre des enseignements de langue, mais aussi dans le cadre des enseignements disciplinaires à l'université même si cela diffère en partie) et éducatifs. Les traits des cultures éducatives s'articulent en plusieurs aspects et concernent à la fois « […] les activités éducatives et les traditions d’apprentissage […], forment comme un ensemble de contraintes qui conditionnent en partie enseignants et apprenants » (ibid.) et peuvent nécessiter des activités de médiation pour amener les étudiants à comprendre les enjeux et les objectifs des formats d'apprentissage en question (ibid.). La notion de culture éducative est rattachée à la notion de contexte pour désigner l'ensemble des caractéristiques à prendre en compte pour analyser, interpréter, décrire les situations d'enseignement et d'apprentissage (voir Chiss et Cicurel, 2005 : 5-6).
L'un des intérêts de la description d'une culture éducative est donc de pouvoir identifier des traits culturels propres qui peuvent être mis en regard et comparés ou étudiés dans leur dimension croisée à d'autres éléments culturels d'autres cultures identifiées. Cependant, la coloration donnée à la notion de culture à travers l'idée de « traits culturels » tend à en créer une image homogène, stable et étroitement déterministe. Bien que la notion de contexte permette d'envisager l'ensemble des paramètres au sein desquels un état de fait se forme, celle de situation permet de défaire le clivage supposé entre un sujet et un environnement qui lui serait extérieur et le conditionnerait (Castellotti, Debono & Huver, 2016 : 50), en « […] renv[oyant] davantage aux circonstances même de ce qu’on vise à caractériser » (ibid.).
Plus que l'idée de « traditions académiques » qui peut avoir une connotation négative puisqu'il renvoie implicitement au passé, la notion d'héritage permet de « rendre présente » la tradition et de faire le lien entre « culture » (qui en serait le résultat présent) et « tradition », qui renvoient chacun à des formes de déterminisme. Un héritage peut être accepté ou refusé, et quel que soit le choix ou la réaction face à cet héritage, c'est une appropriation positive ou négative (donc, dynamique) qui en est faite. Les pratiques pédagogiques liées aux disciplines constituent des façons de faire, de penser, héritées du passé par un groupe social ou professionnel (Chervel, 1988). A travers les propos des étudiants synthétisés ci-dessus, j'observe effectivement un entrecroisement de ces dimensions tant explicites qu'implicites, les éléments implicites constituant parfois une véritable difficulté pour les étudiants qui n'en sont pas dépositaires. On peut déceler en outre une intrication des traditions disciplinaires et éducatives, et des formes de continuité entre traditions éducatives et universitaires. Il apparaît alors nécessaire d'expliciter cette pluri-dimensionnalité dans les traditions universitaires, et également de clarifier ce qui relève de l'implicite et de l'explicite.
J’illustrerai cette articulation au moyen de la notion de Bildung, considérée comme un « intraduisible » (Cassin, 2004), qui éclaire autrement les notions de culture et de civilisation et qui offre une vision de la culture comme à la fois culture personnelle de l'individu, et formation imprégnée d'une situation culturelle et de traditions historiques, ce qui est éclairant dans le contexte de cette recherche. Selon Espagne (dans Cassin, 2004 : 197), le terme de Bildung « […] acquiert chez [Herder, philosophe du nationalisme romantique] un statut qui permet d'englober à la fois la référence au devenir biologique, et organique des formes, et à l'éducation intellectuelle, au raffinement des mœurs » (ibid. : 197). Or, chez Herder,
« [...] la Bildung s'applique moins à l'individu qu'à l'ensemble de l'humanité. Du coup elle tend à se confondre purement et simplement avec l'histoire, une histoire qui ne serait pas seulement celle des idées, mais aussi celle des comportements, des sentiments et des impressions sensibles [...]. » (ibid.)
La notion continue de prendre forme dans le travail de Fichte,
« [...] notamment [dans le] Discours à la nation allemande où l'éducation qui modifie non pas seulement le patrimoine de l'individu mais sa nature même joue au niveau du peuple le rôle d'un ciment unificateur. La Bildung n'est plus alors une formation spécifique, elle est alors “allgemeine Bildung (culture générale)”. » (ibid. : 198)
Aborder les héritages culturels des enseignements, fruits de traditions, en complétant avec une réflexion historique sur l'évolution des fonctions de l'université dans le temps[8] permet de construire une réflexion sur les questions culturelles dans le champ universitaire, en particulier des points de vue des situations d'enseignement et d'apprentissage. Il est cependant nécessaire d'envisager une démarche qui articule les dimensions culturelles et la question du rapport à l'altérité.
1.4. Approches réflexives : l’appui des démarches (inter)culturelles
Le présent travail propose de s'intéresser à une démarche qui consisterait, pour les étudiants, à réflexiver[9] leur expérience à travers des approches historicisantes[10] des disciplines et des cultures didactiques et pédagogiques liées à des héritages éducatifs. Pour cela, le travail s’appuie sur les approches interculturelles qui ont pour objectif premier une conscience et une compréhension de l’altérité. En didactique des langues et des cultures, ces approches apparaissent dans les années 1980-1990 avec pour finalité pédagogique la mise en œuvre de processus de décentration (sortir de l'ethnocentrisme) et de « compréhension de l'autre ». Ainsi, Zarate en 1993 propose une approche par les représentations et stéréotypes élaborés sur la culture des autres et la sienne propre. À travers une approche anthropologique, Abdallah-Pretceille et Porcher (1996) développent une conception à la fois pragmatique (Abdallah-Pretceille, 2003 : 177) et herméneutique de l'interculturel : « […] l’enjeu consiste à passer du stade descriptif au processus d’engendrement et d’interprétation en s’appuyant sur des savoirs mêlés » (Abdallah-Pretceille et Porcher, 1996 : 65). Il est ainsi impossible d'imaginer ou d'expliquer des savoirs préconçus (Abdallah-Pretceille, 2003) sur les éléments culturels ; en revanche, la réflexion sur des champs culturels et leur interprétation menant à des hypothèses (tel le travail de l'anthropologue) constitue un exercice herméneutique.
Ces approches (inter)culturelles peuvent contribuer à expliciter les situations internationalisées de formation universitaires à travers deux aspects : les dimensions méthodologiques qui s’inscrivent dans l’histoire des cultures académiques, et qui se traduisent en même temps dans des usages linguistiques et scripturaux spécifiques dans la mesure où les étudiants doivent s’approprier le langage scientifique, qui n’est pas du langage commun, et dont les concepts ne sont pas nécessairement équivalents d’une langue à l’autre. Nous le verrons en explorant les dimensions historiques des héritages culturels dans les contextes de formation universitaire et leur interprétation, à travers notamment, ci-dessous l’exemple de Bianca.
2. Une approche réflexive et historicisante nécessaire dans les situations formatives universitaires
Un des objectifs de ma recherche – et de la présente contribution dans une moindre mesure -, est d'expliciter, au moins en partie et pour certaines aires disciplinaires, des éléments de contextualisation et d'historicisation sur lesquels les enseignants pourraient s'appuyer (qu'ils pourraient également approfondir et prolonger) pour que les étudiants puissent mieux situer les usages auxquels ils sont confrontés. Les réponses aux questions posées en entretiens portant sur les situations d'écriture en formation témoignent de la présence forte des traditions et dimensions culturelles dans l'enseignement. Le propos de Sonia, enseignante de Lettres modernes, en constitue un exemple. Elle déclare que « (...) s'il est vrai que parfois, pour aller vite, on dit aux étudiants qu'ils ont des problèmes linguistiques, en fait ce n'est pas que cela, voire, pas du tout cela ». Quand je lui demande de quoi il s'agit, elle explique qu'il s'agit de la méconnaissance des éléments propres à « la pensée cartésienne française » et « à la tradition critique française ». Ces deux éléments sont des exemples de dimensions culturelles liées à l'histoire des sciences et des disciplines, qui peuvent constituer des obstacles et des implicites de taille pour qui n'en est pas familier. Nous verrons ci-dessous comment la question des « formats » des écrits académiques et des disciplines se conjugue pour former des implicites culturels, et pourquoi les aborder à travers l'histoire constitue une démarche heuristique.
2.1. Historicité des héritages : l'exemple des écrits académiques
L'écriture, en tant que médium ayant une place centrale dans l'univers scolaire et plus spécifiquement à l’université (Chervel, 1998 ; Barré-de Miniac, 2000 ; Boch & Frier, 2015) peut être conçue comme simple canal de restitution des connaissances, ou à l’inverse comme un moyen processuel d'appropriation des connaissances. Ces différentes conceptions de l'écriture académique méritent d'être explicitées auprès des étudiants car elles découlent d’héritages éducatifs, si l’on considère que les enseignants participent à véhiculer ces conceptions (Barré-de Miniac, 2002 : 35-36). Outre ces dimensions conceptuelles, on peut observer dans les écrits académiques d'autres dimensions culturelles à l'œuvre telles que des règles, normes, types d’exercices, attendus implicites et explicites ; elles prennent forme dans l'histoire des disciplines, des traditions scolaires et universitaires, et tout étudiant peut en intégrer sa compréhension à son travail académique. Mais la compréhension de ces divers héritages « culturels » (linguistiques, éducatifs, scolaires, philosophiques, épistémologiques, etc.) qui sous-tendent toute acquisition des connaissances et tout écrit (ici académique), donne lieu à des interrogations préalables.
Nous allons le voir à travers l’exemple significatif de Bianca, étudiante colombienne en Master 1 de Sciences de l’éducation. Au cours de l’entretien que je mène avec elle, elle évoque sa perception des textes disciplinaires en français :
Bianca : « […] y'a encore plein de... d'expressions, de mots, des choses que je connais pas donc quand je lis je comprends presque tout mais y'a toujours des mots à chercher, y'a des nuances que je comprends pas vraiment, donc des mots qui se ressemblent et qui pour moi sont presque pareils mais pour un Français c'est pas du tout la même chose, voilà, ou en tout cas pour les professeurs c'est pas du tout la même chose [...]. »
Au cours de l’échange, elle se rend compte qu’il n’y a pas toujours d’équivalence conceptuelle bien que certains concepts puissent sembler transparents ou proches du fait d’une terminologie similaire en français et en castillan, sa langue maternelle. Elle déclare : « pour un Français c’est pas du tout la même chose », puis ajoute : « en tout cas pour les professeurs c’est pas du tout la même chose ». Le lien entre langue et science est ainsi soulevé : il ne s’agit pas de la langue en soi, mais de l’histoire de cette discipline et de son développement dans cette langue qui a elle-même évolué à une époque et dans un contexte précis. Les propos de Lévy-Leblond (1996) cités par Gajo (2013) appuient ce constat qui pose que « […] ‘parler la science’ va au-delà de ‘parler de la science’, pratiques linguistiques et pratiques scientifiques relevant d’une même dynamique » (Gajo, 2013 : 100). Par exemple, dans le domaine du management interculturel, Usunier (2010) montre en quoi le fait de réaliser des comparaisons entre différentes cultures de management à partir de questionnaires uniquement en anglais, partant du principe que des concepts sont équivalents en différentes langues, « […] tend à estomper les différences culturelles entre contextes linguistiques » (ibid. : 23). Il s'agit selon lui d'une « […] vue purement instrumentale de la langue, en tant que véhicule neutre des idées et des concepts, [qui] conduit au développement d'un corps de savoir artificiellement homogène et standardisé » (ibid. : 22). Beacco souligne que les relations entre langues et production de connaissances se développent de façon interinfluentes : la qualité de la communication entre les chercheurs élaborant des connaissances scientifiques a à voir avec les résultats élaborés (2017 : 198) ; en outre, « […] dans la construction des connaissances interviennent les métaphores qui sont des créations propres à chaque langue » (op.cit.).
Dans ce second exemple, Bianca nous parle de son rapport à l’écriture de textes universitaires :
Bianca : « Dans l’écriture, il y a la méthode française, ce qu’on appelait dans les cours de français [langue étrangère] la méthode française, donc il faut écrire avec un plan puis développer et tout ça, moi j’ai pas du tout appris à écrire comme ça, comme on fait à la fac, donc c’est-à-dire que j’essaie un petit peu de faire semblant que je connais le plan, donc j’essaie de suivre un plan, mais je peux pas le faire comme le font souvent les Français, les Français que je connais. Genre, écrire une table des matières et commencer à développer point par point, je peux pas. J’écris tout d’un coup et puis après j’essaie de le poser comme si c’était un plan mais en fait c’est pas du tout pareil. »
Ici, l’étudiante évoque deux aspects qui peuvent être identifiés selon deux thématiques. La première est celle des « formats » des écrits académiques qui se différencient selon les aires géographiques et culturelles (la dissertation et l’essai par exemple) et que l’on enseigne, dans les cours de FLE ou de FOU, mais aussi dans les cours de discipline (en lettres ou en histoire par exemple). La seconde est celle des conceptions du travail d’écriture, selon que l’on perçoit l’écriture comme processuelle et structurante ou comme moyen d’exprimer une pensée déjà formulée.
De ces exemples découlent les questions suivantes : comment la situation et l'historicisation des usages[11] peuvent-elle constituer une voie d'explicitation / d'appropriation pertinente pour les étudiants ? Quelles démarches d’accompagnement peuvent éclairer ou contribuer à leur compréhension des situations et pratiques universitaires ?
2.2. Les disciplines universitaires et leur enseignement : au carrefour des contextes, des modèles scientifiques et des impulsions politiques
Les disciplines universitaires ne sont pas déterminées universellement par l'objet de connaissance dont elles sont censées traiter et dépendent fortement de la conception épistémologique et gnoséologique qu'en ont (eu) les savants, chercheurs, théoriciens, mais aussi les décideurs politiques dans le temps historique et selon les espaces. Les contextes historiques et locaux, culturels (c'est ici que la notion de culture / tradition scolaire et universitaire prend son sens), conditionnent partiellement les conceptions des disciplines, ce qui peut surprendre voire dérouter les étudiant.es. Viñao (2010) expose l'intérêt de l'étude des disciplines scolaires d'un point de vue historiographique, dont la transposition pourrait être pertinente dans le champ de la didactique universitaire, pour aborder ces « aspects mal connus » (ibid. : 8), pas seulement pour la question de la transmission et la reproduction des connaissances, mais pour la question des formes de savoirs. Dans sa synthèse des idées de l'historien Julia pour penser le concept de discipline scolaire, Viñao mentionne ce que constitue pour l'historien la culture scolaire, à savoir « un ensemble de normes qui définissent des savoirs à enseigner et des conduites à inculquer et un ensemble de pratiques qui permettent la transmission de ces savoirs et l’incorporation de ces comportements » (Viñao citant Julia, 2010 : 83). Ces pratiques, selon Julia, relèvent de « processus formels scolarisés », il va jusqu'à parler de « nouvelle religion avec ses rites et ses mythes » (ibid.). Les savoirs diffusés dans les institutions scolaires ont donc une forme spécifique : « [l]es disciplines scolaires, qui résultent de la médiation pédagogique dans un champ de connaissances, seraient une de ces productions [de savoir] ou créations propres. » (ibid. : 83). L'historien de l'éducation Chervel ajoute que
« [c]hasser la pédagogie de l'étude des contenus, c'est se condamner à ne rien comprendre au fonctionnement réel des enseignements. La pédagogie, bien loin d'être un lubrifiant déversé sur le mécanisme, n'est pas autre chose qu'un élément de ce mécanisme, celui qui transforme les enseignements en apprentissages. » (Chervel, 1988 : 67)
Ce propos conforte l'intérêt porté dans le présent travail aux pratiques pédagogiques qui donnent en partie forme aux disciplines universitaires. La réflexion peut ainsi s'articuler sur deux axes : celui des disciplines, interrogeant prioritairement ce qu'est une discipline, et celui de l'enseignement des disciplines qui découle de/ou dialogue avec la conception qu'ont les enseignants de la discipline en question. À travers l'exemple de l'enseignement de l'histoire ou des lettres, Jacquet-Francillon (2015 : 51) montre que la façon d'envisager les enseignements ne dépend pas seulement des modèles scientifiques dominants à une époque donnée mais aussi d'impulsions politiques[12]. Selon l'auteur (ibid.), les objectifs de la pédagogie peuvent être disjoints des modèles épistémologiques dominants. En outre, l'histoire politique de l'éducation et de l'enseignement supérieur donne à voir des orientations particulières. Par exemple, un professeur comme Lanson (1857-1943), qui fut directeur de l'Ecole Normale Supérieure, exerça une influence politique dans les réformes universitaires de son temps[13] et par conséquent sur la forme donnée à certains enseignements. Les positionnements des hommes politiques, également issus du corps universitaire comme Duruy, ou non, comme Ferry, contribuent à donner une orientation particulière à la culture scolaire et universitaire française. Jacquet-Francillon rapporte ainsi, entre autres exemples, que « Victor Duruy, dans un rapport sur le baccalauréat du 27 novembre 1864, déclare que l’épreuve de philosophie doit être moins une épreuve de mémoire qu’une épreuve d’intelligence [...] » (Jacquet-Francillon, 2015 : 53). Enfin, les finalités données à l'université peuvent donner une direction particulière à la formation des disciplines et des usages universitaires. Liard nous en donne un exemple :
« Pour les philosophes de la Révolution, la science était le but de l'enseignement supérieur. Pour les administrateurs du Consulat le but fut la poursuite des grades professionnels. » (Liard, 1890 : 5)
Les exemples proposés ici forment le détail de différents critères d'explicitation qui peuvent jalonner les démarches historicisantes envisagées dans une approche interculturelle des situations de formation universitaire.
Conclusion : Former les étudiants en sensibilisant les enseignants aux approches historicisantes
Les extraits du témoignage de Bianca nous ont montré à quel point les dimensions culturelles à l’œuvre dans l’appropriation des usages universitaires (formats d’écrit, usages langagiers, etc.) méritent d’être travaillées avec les étudiant.es. À partir de l’histoire des langues et de leur rôle dans les disciplines (2.1), on peut inviter les enseignant.es à former leurs étudiant.es à travers des approches historicisantes des écrits académiques et des disciplines universitaires.
Ces approches constitueraient ainsi une entrée privilégiée permettant de proposer aux étudiant.es des pistes de réflexion, comme : investiguer sur l’émergence et l’itinéraire d’un concept à travers le temps et d’un contexte à un autre, en mettant l’accent sur la réception, la perception et l’explicitation mutuelle de ce concept ; comparer des écrits scientifiques et leurs modalités d’interprétation sur un même sujet en les situant dans le temps et l’espace ; proposer des activités de traduction entre deux langues (ou plus) mettant en évidence les différences entre les normes discursives et la diversité des interprétations conceptuelles ; mener une enquête sur la constitution et le développement d’une discipline, en d’autre termes sur son histoire dans le contexte universitaire d’accueil et dans celui d’origine ; expliciter les rapports aux langues et aux normes (à la langue d’enseignement et aux autres langues) dans un contexte formatif donné selon une perspective sociolinguistique historique en complétant par des activités interactives et réflexives, partant de l’expérience des étudiant.es.
En outre, on pourrait prévoir pour les enseignant.es des modules de formation portant sur la diversité des pratiques académiques, en mettant au jour les dimensions historiques, épistémologiques et linguistiques qui sous-tendent ces normes à l’écrit, en analysant les concepts mobilisés dans la construction des disciplines et l’évolution de leurs conceptions, en interrogeant le rapport au savoir et à sa constitution historique dans sa propre société. Ces démarches pédagogiques pourraient faire l’objet d’un travail concerté entre les enseignants de français des centres universitaires de langue au service des étudiants allophones et des enseignants des disciplines, mais pourraient également être intégrées aux cursus disciplinaires et s’adresser à l’ensemble des étudiant.es des promotions, quel que soit leurs parcours universitaires antérieurs.
En outre, afin de sensibiliser les enseignant.es à ces questions d’appropriation socioculturelle par les étudiant.es, il serait intéressant de leur proposer une immersion dans des situations d’enseignement, de communication et d’écriture scientifique en langue étrangère. Cela pourrait les amener à rendre plus explicites leurs propres attentes vis-à-vis de leurs étudiants. Ces propositions devraient constituer un empan important de la formation des enseignants-chercheurs du supérieur, en étant par exemple intégrées dans les formations doctorales, ou dans des modules des centres de pédagogie universitaire.
Autant de pistes qui pourraient permettre aux étudiant.es de cerner les attentes formatives et évaluatives des enseignant.es et aux enseignant.es d’anticiper les difficultés rencontrées par les étudiant.es venant d’autres systèmes académiques.
Pour finir, l'approche historicisante et situationnelle que nous avons proposée a pour ambition de dévoiler progressivement une herméneutique des valeurs / normes / usages du système éducatif et universitaire concerné, croisée avec une herméneutique de la construction et l'évolution du champ disciplinaire concerné[14]. Ce dévoilement des dimensions culturelles implicites se ferait dans un constant va et vient entre le contexte d’accueil et le contexte d’origine des étudiants étrangers et selon un processus de conscientisation des « évidences culturelles » tant chez les enseignant.es que chez les étudiant.es, qui, selon nous, est partie prenante des problématiques du champ du FOU.
Bibliographie
ABDALLAH-PRETCEILLE, Martine, Former et éduquer en contexte hétérogène. Pour un humanisme du divers, Paris, Anthropos/Economica, 2003.
ABDALLAH-PRETCEILLE, Martine, PORCHER, Louis, Éducation et communication interculturelle, Paris, PUF, 1996.
BARRÉ-DE MINIAC, Christine, « Le rapport à l’écriture. Une notion à plusieurs dimensions », dans Pratiques n°113-114, 2002, p. 29-40. URL : https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_2002_num_113_1_1943
BARRÉ-DE MINIAC, Christine, Le rapport à l'écriture : aspects théoriques et didactiques, Villeneuve d'Ascq, Presses Universitaires du Septentrion, 2000.
BEACCO, Jean-Claude, « Les cultures éducatives et le Cadre européen commun de référence pour les langues », in Revue japonaise de didactique du français, Vol. 3, n° 1, Études didactiques, 2008, p. 6-18. URL : https://sjdf.org/pdf/01Beacco.pdf
BEACCO, Jean-Claude, De la diversité linguistique à l’éducation plurilingue. Guide pour l’élaboration des politiques linguistiques éducatives en Europe, Conseil de l’Europe, Strasbourg, 2007.
BEACCO, Jean-Claude, CHISS, Jean-Louis, CICUREL, Francine & VERONIQUE, Daniel, (dir.), Les cultures éducatives et linguistiques dans l'enseignement des langues, Paris, PUF, 2005.
BOCH, Françoise, « Prise de notes et écriture conceptuelle (Deug 1) », Pratiques, n° 105-106, 2000, p. 137-158. URL : https://www.persee.fr/doc/prati_0338-2389_2000_num_105_1_2405
BORDO, Widiane, GOES, Jan, MANGIANTE, Jean-Marc, (dir.) Le français sur objectif universitaire. Entre apports théoriques et pratiques de terrain, Arras, Artois Presses Université, 2016.
CASTELLOTTI, Véronique, Pour une didactique de l'appropriation, Paris, Didier, 2017.
CASTELLOTTI, Véronique, DEBONO, Marc et HUVER, Emmanuelle, « D’une didactique contextualisée à une didactique diversitaire », dans Babault Sophie, Bento Margaret et Spaëth Valérie, (dir.), Tensions en didactique des langues. Entre enjeu global et enjeux locaux, Bern : Peter Lang, coll. Gram-R – Etudes de linguistique française, 2016, p. 49-76.
CASTELLOTTI, Véronique, MOORE, Danièle, « Contextualisation et universalisme. Quelle didactique des langues pour le 21ème siècle ? » dans Blanchet Philippe, Moore Danièle et Assalah-Rahal Safia (eds.), Perspectives pour une didactique des langues contextualisée, Paris, Éditions des Archives Contemporaines et AUF, p. 183-203.
CASTELLOTTI, Véronique, MOORE, Danièle, « Répertoires pluriels, culture métalinguistique et usages d’appropriation », dans Beacco Jean-Claude et al. (dir.), Les cultures éducatives et linguistiques dans l’enseignement des langues, Paris, PUF, 2005.
CHARLOT, Bernard, Du rapport au savoir, Paris, Anthropos, 1997.
CHARMILLOT, Maryvonne, DAYER, Caroline, « Démarche compréhensive et méthodes qualitatives : clarifications épistémologiques », Recherches qualitatives – Hors série n°3, Actes du colloque « Bilan et prospective de la recherche qualitative », 2007.
CHERVEL, André, La culture scolaire. Une approche historique, Paris, Belin, 1998.
CHERVEL, André, « L’histoire des disciplines scolaires : réflexions sur un domaine de recherche », in Histoire de l’éducation, n° 38, mai 1988, p. 59-119.
CHISS, Jean-Louis, CICUREL, Francine, 2005, « Introduction », dans Beacco Jean-Claude, Chiss Jean-Louis, Cicurel Francine, Véronique Daniel, (dir.), Les cultures éducatives et linguistiques dans l’enseignement des langues, Paris : PUF, 2005.
CISLARU, Georgeta, CLAUDEL, Chantal, VLAD, Monica, L’écrit universitaire en pratique, Méthodologie, application et exercices autocorrectifs, Bruxelles, De Boeck Université, 2011.
ESPAGNE, Michel, « Bildung », entrée du Dictionnaire des philosophies européennes, sous la direction de Barbara CASSIN, 2004, p. 195-205.
GADAMER, Hans-Georg, Vérité et méthode, 4e éd. trad. par Pierre Fruchon, Jean Grondin et Gilbert Merlio, Paris, Le Seuil, [2006]1986.
GAJO, Laurent, « Le plurilinguisme dans et pour la science : enjeux d’une politique linguistique à l’université », Synergies Europe 8, Revue du GERFLINT, 2013, p. 97-109. URL : http://gerflint.fr/Base/Europe8/Gajo.pdf
JACQUET-FRANCILLON, François, « Un autre regard sur les disciplines scolaires », Le Télémaque, 2015/1, Rouen, Presses universitaires de Caen, 2015.
LEVY-LEBLOND, Jean-Marc, La pierre de touche : la science à l’épreuve, Paris, Gallimard, 1996.
LIARD, Louis, Universités et facultés, Paris, Armand Colin et Cie, 1890.
MANGIANTE, Jean-Marc, PARPETTE, Chantal, Le français sur objectif universitaire, Grenoble, Presses universitaires de Grenoble, 2011.
MANGIANTE, Jean-Marc, PARPETTE, Chantal, Le Français sur Objectif Spécifique : de l'analyse des besoins à l'élaboration d'un cours, Paris, Hachette FLE, 2004
MOURLHON-DALLIES, Florence, « Le français sur objectifs universitaires, entre français académique, français de spécialité et français pré-professionnel », Synergies monde n°8, 1, 2011, p. 135-143. URL : https://gerflint.fr/Base/Monde8-T1/mourlhon-dallies.pdf
RICOEUR, Paul, « La métaphore et le problème central de l'herméneutique », Revue Philosophique de Louvain. Quatrième série, tome 70, n°5, 1972. p. 93-112. URL : https://www.persee.fr/doc/phlou_0035-3841_1972_num_70_5_5651
ROBILLARD, Didier, (de), Essai de sociolinguistique, à paraître.
USUNIER, Jean-Claude, « Langue et équivalence conceptuelle en management interculturel », Le Libellio d’ AEGIS, Vol. 6, n° 2, 2010, p. 3-25.
VIÑAO, Antonio, « Les disciplines scolaires dans l’historiographie européenne. Angleterre, France, Espagne », Texte original « Las asignaturas escolares en la historiografia europea : Inglaterra, Francia, España », traduction française de J. Casenave, rubrique Varia dans Histoire de l'éducation 125/1, 2010, p. 73-98. URL : https://doi.org/10.4000/histoire-education.2111
ZARATE, Geneviève, Représentations de l'étranger en didactique des langues, Paris, Didier, 1993.
Notes
[1] Thèse en cours sous la direction de V. Castellotti, réalisée à l’université de Tours. Titre provisoire : Politiques linguistiques et culturelles et insertion d’étudiants internationaux. Rapports à la diversité dans des parcours universitaires.
[2] Les analyses sont réalisées à partir d’un corpus d’entretiens avec des enseignant.es et des étudiant.es de l’université de Tours et de l’Institut de Touraine (Tours) ainsi que sur un questionnaire anonyme adressé à des enseignants de toutes universités françaises (54 répondants).
[3] Il ressort des entretiens que j’ai menés avec des enseignants que les étudiant.es allophones ne sont pas les seuls concernés par les problématiques d’appropriation des normes socioculturelles universitaires, disciplinaires, méthodologiques. Bordo, Goes & Mangiante (2014) mentionnent aussi à cet égard que « [l]a problématique posée pour [l]es étudiants allophones peut s’appliquer aujourd’hui aux étudiants natifs en raison de leur fort taux d’échec ». (Bordo, Goes & Mangiante, ibid. : 8).
[4] Pour une perspective historique des démarches herméneutiques, v. Robillard, Essai de sociolinguistique, à paraître.
[5] Le qualificatif peut apparaître ici inadéquat dans la mesure où dès lors que l'on étudie dans cette langue, il est difficile de penser qu'elle soit considérée comme « étrangère » ; ici l'idée est d'évoquer une langue qui n'est pas la langue première et/ou du moins qui n'est pas la langue première de scolarisation/d'études.
[6] Comme mentionné supra, cette problématique concerne autant les étudiants étrangers que les étudiants autochtones (v. note de bas de page 3).
[7] Il s'agit de vingt-et-un entretiens semi-directifs – compréhensifs, douze entretiens auprès d'étudiant.es, neuf entretiens auprès d'enseignant.es de différentes unités de formation et de recherche, d'une durée allant d’environ trente minutes à une heure quinze. Les entretiens se sont déroulés entre 2016 et 2018 auprès d'enseignant.es de l'université de Tours ainsi qu'auprès d'étudiant.es de différentes universités françaises. Un tableau synthétique des témoins rencontrés pour cette recherche est situé en annexe de l’article.
[8] La question de l'évolution des fonctions de l'université n'est pas abordée dans l'article mais constitue un point dans la thèse en cours.
[9] La réflexivité, qui consiste à analyser son positionnement et plus généralement ses pratiques, de chercheur ou de praticien, assumant ainsi la subjectivité de son travail, pourrait constituer pour les étudiants une posture consistant à analyser les conditions et les différents paramètres et enjeux présents dans leurs situations d'études. Ces paramètres et enjeux sont ici les questions linguistiques et culturelles liées aux disciplines et aux traditions / héritages éducatifs, scolaires, universitaires.
[10] Ici, l'emploi de l'adjectif « historicisant » renvoie à une démarche consistant à interpréter une situation donnée en la replaçant dans une histoire, dans une temporalité et une spatialité particulière, et a ceci de différent avec une démarche « historique » que cette dernière, réalisée par des historiens, s'appuie sur un cadre théorique universitaire et a la prétention de contribuer à la science historique.
[11] Selon Castellotti & Moore (2005 : 109), les « 'usages d’appropriation' [sont] construits dans des contextes variés, [ils] s’appuient sur des pratiques et des représentations ancrées dans un certain type de culture métalinguistique et qui visent à l’élaboration des répertoires linguistico-culturels ». La notion d'usage, plus dynamique que celle de représentations et moins exclusivement centrée sur l'action que celle de « pratiques », permet de signifier l'action de la pensée.
[12] V. également Chervel, 1988.
[13] Il influence notamment l'enseignement des lettres par le renforcement de l'intérêt pour la dissertation et l'explication de texte.
[14] Cette approche peut également intégrer la question des rapports aux langues et aux normes linguistiques des acteurs de la communauté universitaire.