N°81 / Actualité de l’enseignement de la grammaire en français langue étrangère : permanence, minoration ou renouveau ?

Fixation et redécouverte: l’énonciation singulière en classe de grammaire

Lartigau Loïc

Résumé

Cette contribution rend compte d’expériences menées lors d’un stage de Master Didactique du FLE en institut universitaire dans le cadre de cours de grammaire au niveau B2. Nous appuyant sur les travaux de Humboldt, Saussure, Bakhtine et Benveniste, nous envisagions la langue comme système symbolique singulier, lieu d’institution du sujet parlant et mémoire discursive. Il nous est apparu que l’auscultation de la langue opérée par la description grammaticale mettait en évidence l’arbitraire du signe et les ambiguïtés qui peuvent traverser toute énonciation. Nous avons donc fait le choix de les mettre en jeu dans des pratiques de classe favorisant la fixation des savoirs et leur redécouverte par la créativité inhérente à l’énonciation singulière. Au centre de nos préoccupations se situent la valorisation de l’erreur et plus généralement de la parole de l’apprenant circulante et décomplexée ainsi que la formulation de consignes visant à favoriser l’émergence d’une parole authentique dans une atmosphère générale de confiance et d’accueil qui l’autorise, l’encourage et la légitime.

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Abstract : This contribution is an account of an internship experience in an academic language institute carried out as part of a FFL Master’s Degree. Teaching French grammar to B2 level foreign students, we based our approach on the works of Humboldt, Saussure, Bakhtine and Benveniste. Considering languages as unique symbolic systems and discursive memories in and through which speakers are being established, we developed classroom practices aimed at fixating knowledge through their creative rediscovery inherent to subjective enunciation. Indeed, grammatical description as minute observation of the language reveals the arbitrariness of the sign and its radical nonunivocity. By encouraging learners’ reflection, valuing their voice, facilitating the constant, uninhibited circulation of their speech, by appraising errors and designing subjective writing instructions, we aimed at enabling and empowering learners’ authentic, subjective speech in a welcoming environment.

 

La grammaire et son enseignement comme mise en évidence des régularités dans la langue et schématisation de leurs fonctionnements est, peut-être plus que tout autre aspect de la didactique des langues, celui où le signe linguistique apparait dans tout son arbitraire. Au sens saussurien d’abord, le caractère immotivé du signe linguistique, est toujours plus finement ausculté en classe par l’apprenant de niveau intermédiaire, qui distingue avec de plus en plus d’évidence le langage humain du code univoque. L’arbitraire au plan métalinguistique ensuite, qui caractérise la nécessaire simplification qu’opère la description grammaticale sur la langue réellement vécue pour y délimiter des parties de discours et mettre en mots les lois qui semblent en régler les rapports, en soulignant les irrégularités, en répertoriant les exceptions. À cela pourrait s’ajouter un arbitraire d’un autre ordre: celui du geste correctif qui, s’il s’exerce trop verticalement, n’accueillant pas l’alternative, n’observant pas avec l’apprenant les effets de sens produits par le jeu sur les formes grammaticales pourrait être vécu comme un fait du prince et achever de donner de la langue l’image fausse d’un simple code dont la grammaire dicterait les paramètres.

La langue telle que nous l’envisageons se distingue en effet nettement du code. Non pas inerte, elle est « instance continuellement et à chaque instant en cours de transition anticipatrice » (Humboldt, 1974 [1830] :183). Elle apparait comme un composé instable, mise en mouvement et renouvelée à chaque énonciation par un sujet parlant. « Car nulle part, pas même dans l’écriture, elle ne présente de situation stabilisée ; ce qui en elle parait mort, doit y être sans cesse reproduit par la pensée, réanimé par la parole et la compréhension, réassumé, en un mot, par la subjectivité. » (Humboldt, 1974 [1830] : 202) Et c’est semble-t-il dans cette permanente ranimation qu’est l’énonciation, que le sujet parlant s’institue en tant que tel et s’approprie la langue : « et tous les hommes inventent leur propre langue sur l’instant et chacun d’une façon distinctive, et chaque fois d’une façon nouvelle. Dire bonjour tous les jours de sa vie à quelqu’un, c’est chaque fois une réinvention. » (Benveniste, 1972 : 19).

La langue instituant le sujet et faisant corps avec lui, elle touche ainsi à l’intime et son apprentissage comme son enseignement ne sont pas faits anodins. S’approprier une langue, c’est alors accepter de se redéfinir et d’être redéfini à travers les formes et les univers de discours nouveaux qu’elle propose. À chaque réitération des mots de la langue par un énonciateur, il y a réinvestissement des mots que le sujet parlant vient habiter : « car dans la mesure où j’ai affaire à ce mot, dans une situation donnée, avec une intention discursive, il est déjà pénétré de mon expression […] mais cette expression, nous le répétons, n’appartient pas au mot lui-même : elle naît au point de contact entre le mot et le réel effectif, dans les circonstances d’une situation réelle, qui s’actualise à travers l’énoncé individuel.» (Bakhtine, 1984 [1977] : 296). L’appropriation langagière qui s’opère par l’énonciation constitue « une expérience qu’on peut, dans une certaine mesure, définir comme un processus d’assimilation, plus ou moins créatif, des mots d’autrui (et non des mots de la langue). (Bakhtine, 1984 [1977] : 296). La créativité se situerait donc dans la manière et le degré avec lequel chaque sujet parlant se positionne entre les combinaisons prévues par le système de la langue et celles enregistrées dans la mémoire discursive. (Volle, 2019)

Comment donc faire que que la classe de grammaire convie l’apprenant à l’énonciation singulière et par là-même à l’appropriation langagière ? Pourrait-on faire que l’appropriation de la grammaire ne soit pas seulement la formation au maniement d’un outil mais « la conquête d’une perspective nouvelle et le renouvellement de la vision du monde qui dominait jusque-là » ? (Humboldt, 1974 [1830] : 199) La classe de grammaire semble de prime abord devoir être plus que tout autre, le lieu de la réflexion métalinguistique conscientisée, là où s’opèrent des réductions de la langue en autant d’objets restreints, plus facilement observables et manipulables, en facilitant leur fixation par la répétition d’exercices structuraux. Certes l’enseignant n’enseigne toujours nécessairement qu’une partie restreinte de la langue, celle délimitée et décrite par les grammairiens et celle prescrite par le programme et les objectifs de l’institution. Et l’appropriation en situation didactique est nécessairement artificielle et contrainte par des enjeux qui ne sont pas ceux des situations de paroles ordinaires, contraintes de temps et hiérarchie de la parole notamment. Mais pourrait-on faire que le flot de la langue, à la fois medium et objet d’apprentissage, ne se trouve pas garroté par l’artifice de l’exercice et le projet correctif, qu’il soit celui de l’enseignant ou celui intériorisé de l’apprenant lui-même ?

1. Fixation-redécouverte

 

Là où, en classe, la phase dite de fixation s’appuie souvent sur la réalisation d’une série d’exercices structuraux en application d’une règle, la phase de fixation-redécouverte telle que nous l’avons mise en œuvre, veut faire des exercices structuraux ou d’expression libre un corpus d’observation plus vaste que n’importe quel document déclencheur isolé et procurer aux apprenants autant d’occasions d’induire de plus en plus finement dans la parole échangée, les fonctionnements langagiers dans un mouvement spiralaire d’induction-déduction. Mais pour que la fixation rende possible la redécouverte, il est apparu nécessaire que l’enseignant accepte et encourage la conceptualisation, reconnaisse et donne à voir la non-univocité de la grammaire; qu’il ne cache ni les limites ni les lumières de l’exercice structural, ces failles d’où peuvent surgir malentendu, humour et poésie. Et cela passe semble-t-il, par la valorisation de l’erreur, l’examen de réponses alternatives et de leurs effets de sens, la circulation constante de la parole de chacun, rendue possible par une atmosphère générale de confiance et d’accueil qui l’autorise, l’invite et la légitime.

1.1 Les ambiguïtés de la grammaire comme occasion de réflexion métalinguistique

Ce sont les apprenants eux-mêmes qui imposent à l’enseignant natif des points de vue riches de leurs extériorités, mettant en jeu l’arbitraire et en évidence tout son potentiel créatif. Pour l’apprenant étranger abordant la grammaire française depuis les cadres de sa ou ses langues maternelles, la singularité systémique des langues en contact impose un passage d’une vision du monde à l’autre, d’une élaboration et articulation de l’expérience vécue en modes, temps, natures et fonctions grammaticales (ou leur absence) à l’autre. En effet, le passage d’une langue à l’autre est traversée d’une vision du monde à l’autre, chaque langue lestant les mots d’un poids qui lui est propre et singulièrement réparti, de sorte que cette traversée ne se réalise vraiment qu’au prix de délestages consentis (de nos repères familiers, de nuances de sens), dépouillement permettant les découvertes: nouveaux repères parfois mieux accordés à nos réalités intérieures, effets de sens nouveaux, nuances plus chatoyantes, pépites orpaillées en passant. Pertes et (re)trouvailles dans la confrontation avec l’altérité de la langue en apprentissage et de la grille de lecture nouvelle qu’elle propose, s’opèrent à tous les plans : lexical, sonore et bien sûr grammatical. Quoi de plus inhospitalier que la morphosyntaxe du français pour un apprenant chinois ? Quoi de plus inadapté que les parties du discours de l’héritage gréco-latin pour une langue où chaque mot peut à loisir revêtir diverses natures grammaticales ? Et quoi de plus intriqué que l’expression de la temporalité en français pour un japonais ? Ainsi de cet exercice de morphologie et d’appariement qui proposait à nos apprenants des paires de verbes à insérer dans des énoncés en conjuguant à l’imparfait ou au passé composé selon le contexte. Au lieu de la réponse attendue « la mère a eu peur quand l’enfant s’est penché par la fenêtre » un apprenant donnera « la mère a éclaté en sanglots quand l’enfant a dit oui par la fenêtre », énoncé tout à fait correct du point de vue grammatical mais pour le moins insolite. Ou encore, au lieu de « Rose a éclaté en sanglots quand elle a dit oui devant monsieur le maire », on aura « Rose a crié quand elle est tombée devant monsieur le maire », énoncé non seulement correct grammaticalement mais aussi tout à fait plausible. Le choix des pronoms relatifs complexes aussi est source de malentendus et de rire : « l’injustice est une chose pour laquelle on doit lutter de toutes nos forces » ou encore « le droit de vote est une chose contre laquelle les femmes se sont longtemps battues ». Les apprenants réalisent bien vite l’erreur dans ces énoncés grammaticalement irréprochables mais dont la cohérence est pour le moins discutable. Et encore dans cet exercice de combinaison-transformation à l’aide de relatifs qui donnera « des ouvriers qui dataient de la Seconde Guerre mondiale ont découvert une bombe » ! Si ces quelques exemples font sourire, c’est que les énoncés produits par manipulation des outils grammaticaux se démarquent sensiblement des combinaisons prévues par le système de la langue et des attentes du locuteur natif. Intentionnels ou pas, ils témoignent diversement du passage d’un système linguistique à l’autre et d’un processus d’appropriation à l’œuvre dont les manifestations ne manquent pas de susciter la réflexion métalinguistique, de l’enseignant comme des apprenants eux-mêmes.

Confronté au système autre et plus ou moins radicalement éloigné, l’apprenant est, dans son affrontement avec l’arbitraire, forcé à l’interprétation du nouveau au prisme du connu et à la réinterprétation du connu lui-même par ce pas de côté réflexif et métalinguistique qu’est l’étude de la grammaire. Il est aussi invité à sans cesse réévaluer les savoirs acquis à mesure qu’ils font l’objet d’un découpage toujours plus fin, pour des possibilités expressives toujours plus nuancées et subtiles. En attendant et aux prises avec l’arbitraire des exceptions à la règle, des irrégularités de formes en apparence équivalentes mais aux nuances encore grossièrement perçues, l’apprenant se questionne et questionne l’enseignant. Face à ces mises en question, l’enseignant-locuteur natif se voit alors contraint de sortir de l’illusion référentielle et du confort de l’évidence. Et ce d’autant que l’exercice de grammaire structural souvent centré sur le niveau phrastique propose des énoncés hors-sol : à cause ou plutôt grâce à ces conditions de laboratoire (autre niveau de l’arbitraire), extrait de l’in vivo de la parole vécue, l’exercice de grammaire autorise (si l’on s’y autorise) chacun à la parole singulière.

1.2 Valorisation de l’erreur : interroger la position de l’apprenant dans la langue

De cette reconnaissance de la non-univocité de la grammaire et de l’envie de la mettre en jeu découle dans nos pratiques de classe, une valorisation de l’erreur et plus généralement de la parole de l’apprenant que nous souhaitons circulante et décomplexée, encouragée par une liberté de ton qui favorise échanges et questionnements. C’est alors l’interprétation des réponses données, correctes ou incorrectes vis-à-vis de la règle ou de l’usage, mais qui sont toujours traces observables de l’interprétation de la règle elle-même, différemment accommodée par chaque apprenant. Et c’est le choix de l’enseignant d’interpréter l’erreur, d’en faire déplier le raisonnement, d’en donner à voir les effets de sens, qui peut contribuer à accompagner l’apprenant dans la formulation d’intentions énonciatives. Mais il faut pour cela ne pas laisser s’éteindre en surface et s’abolir dans un choix binaire, juste ou faux, les potentialités d’un travail grammatical foncier. Notre démarche lors de la correction d’exercices structuraux sera de faire d’abord confiance au déjà-là et à l’intelligence collective du groupe-classe. Lorsqu’une réponse est donnée, qu’elle soit juste, fausse ou inattendue, nous guettons les réactions et faisons d’abord et en priorité circuler la parole dans le groupe. Souvent, le groupe atteint un consensus qu’il suffit à l’enseignant de valider avec au besoin un rappel de la règle. Que la réponse soit juste ou fausse, non invitons quoi qu’il en soit l’apprenant à la justifier par un raisonnement. Lorsqu’un mauvais choix produit un énoncé grammaticalement correct mais pas celui prescrit, nous passons outre la réponse attendue pour nous laisser interpeller par l’alternative suggérée par l’apprenant. Nous lui demandons de préciser dans quel contexte cet énoncé pourrait selon lui être valide, nous examinons avec le groupe-classe les effets de sens alternatifs, les nuances apportées. De fait, des configurations alternatives et grammaticalement envisageables ne sont pas rares. Ainsi, divers choix et combinaisons de temps du passé seraient envisageables pour peu qu’un contexte les justifie (emplois littéraires de l’imparfait où l’on attendrait naturellement un passé composé ou un passé simple par exemple). Nous examinons avec l’apprenant « fautif » son raisonnement et les éventuels effets de sens produits par son énoncé. Du reste les effets produits et les contextes sortis du chapeau pour justifier une erreur sont souvent très ingénieux: interrogeant un apprenant sur sa pronominalisation intempestive du verbe voler, il reviendra vers nous quelques instants plus tard avec l’improbable contexte d’une anarque à l’assurance dans lequel en effet, le locuteur se vole bien lui-même. Imparable !

Si pour le locuteur natif ce qui se dit en langue maternelle se couvre d’un vernis de fausse évidence, chez l’enseignant le projet correctif pourrait venir renforcer son propre sentiment de la langue et sans travail conscient, le faire passer à côté de trouvailles, perles d’humour et d’ambiguïté qui surgissent spontanément à l’occasion d’exercices structuraux. Lorsque d’une erreur résulte un énoncé grammaticalement fautif, nous invitons encore le groupe à puiser en lui-même la réponse attendue, aiguillant la réflexion au besoin et ne donnant la réponse qu’en dernier lieu. Nous suggérons aussi les modifications à apporter pour rendre la réponse initiale acceptable et en précisons l’effet de sens. Valoriser l’erreur c’est reconnaitre la créativité dont la langue est travaillée à chaque énonciation par un locuteur. Car l’erreur semble naitre de la distance entre l’énonciation de l’apprenant allophone et les combinaisons prévues par le système de la langue. Ainsi des erreurs fréquentes produites par la généralisation du paradigme morphologique d’un verbe régulier à un verbe irrégulier. On pourrait ici suggérer que c’est dans la vie-même de la langue, la grande fréquence d’usage des verbes irréguliers (être, avoir, aller…) qui les a exposés à de plus nombreuses ré-énonciations et donc d’erreurs potentielles et autant de créations langagières ensuite passées dans l’usage. En généralisant le paradigme régulier, l’apprenant sous-estimerait la créativité de la langue. À l’inverse en créant des formes aberrantes, il la surestimerait. Il s’agirait toujours d’une distance relative à la créativité interne au système de la langue. Ailleurs encore, l’erreur procèdera d’une proximité morphologique se doublant d’un glissement métaphorique lorsque par exemple les apprenants persisteront à confondre les participes passés des verbes pleurer et pleuvoir. Valoriser l’erreur et l’interroger, c’est donc en tous les cas interroger la créativité dans la langue et la position relative de l’énonciateur à ses limites, admises par le grammairien ou l’usage.

1.3 Circulation de la parole : un mouvement constant au service de l’appropriation

Si la reconnaissance de la non-univocité de la grammaire et l’intégration de ses ambiguïtés au dispositif didactique se traduisent notamment par une valorisation de l’erreur et de la parole de l’apprenant, ce parti-pris ne peut s’actualiser que par une circulation de la parole constante sous ses différentes modalités pendant la classe de grammaire. Car en effet, sans cette parole vivant de son mouvement constant, la phase de fixation ne saurait être le lieu d’une redécouverte. Ce travail interprétatif sur la langue se déploiera d’autant mieux qu’il s’enrichira des apports de chacun et de tous dans l’interaction. En effet chaque parole est constamment interprétée, le message toujours diversement reconstruit dans l’interaction entre locuteurs jamais parfaitement alignés l’un sur l’autre. Travailler en classe de langue dans l’interaction pose l’enjeu de la circulation de la parole dans les limites et artifices de la situation de communication bien particulière qu’est la situation didactique. Du reste, sans cette négociation permanente du sens, l’enseignant prend le risque de passer à côté des difficultés qui se posent aux apprenants. Par l’échange constamment encouragé entre pairs, il s’agit de laisser qu’une parole autre que celle du maitre circule et que s’élabore progressivement et en commun la compréhension. Dans ce passage de paroles diverses, nous donnons l’occasion à quelque chose de passer et de se passer, peut-être mieux que le seul enseignant, jamais omniscient, ne pourrait le transmettre. C’est ainsi multiplier les occasions et modalités de dévolution. Car c’est dans un tissu riche de relations que s’élabore notre rapport à la langue et nos repères dans le monde tel qu’elle permet de l’exprimer. Dans la vie comme en classe.

Nous avons autant que possible voulu favoriser une circulation transversale de la parole, d’apprenant à apprenant en encourageant la réalisation des exercices structuraux et des activités d’écriture libre en binômes ou petits groupes. C’est qu’il nous semble que si les interactions en classe de grammaire devaient se cantonner à celles nécessairement limitées d’enseignant à apprenant, ce serait laisser bien peu d’occasions aux apprenants de s’expliciter leurs questionnements face à la règle, de partager leurs expériences et sentiments de la langue afin de négocier et coconstruire des énoncés grammaticalement corrects et porteurs de sens. C’est l’occasion pour chacun de réaliser qu’il n’est peut-être pas seul à éprouver telle difficulté, l’occasion aussi de se trouver en position d’expliquer à un camarade et ce faisant peut-être l’occasion de renforcer sa propre compréhension du point de langue. Dans la parole adressée de pair à pair quelque chose peut-être pourrait passer, s’inscrire dans la mémoire différemment de ce que permettrait un échange vécu comme plus asymétrique avec l’enseignant. Une fois les exercices réalisés, la phase de correction s’est toujours voulue collégiale. L’enseignant recevant sans jugement la réponse de l’apprenant sollicité et relançant aussitôt la parole dans le groupe, faisant appel à l’intelligence collective, à la mise en commun des compétences, savoirs et intuitions linguistiques présents en son sein. De fait, ce temps de conceptualisation en groupe-classe a parfois permis de suppléer l’enseignant natif qui peinait à situer un problème et donc à suggérer comment le résoudre : un autre apprenant (ou le groupe) se trouvait parfois en meilleure position pour saisir la difficulté qui se posait au locuteur étranger et pour l’expliquer efficacement. Si notre conviction est que c’est dans la parole adressée que la langue se vit et s’approprie foncièrement, un des enjeux est donc de multiplier les occasions, canaux et modalités de cette adresse.

L’enseignement de la grammaire par un natif impose un effort de conceptualisation et de didactisation supplémentaire de sorte que l’enseignant lui-même se trouve mis en position de réapprentissage permanent de sa propre langue par les erreurs et questionnements des apprenants. L’enseignement de la grammaire à des apprenants étrangers invite de toute évidence le locuteur natif à un véritable pas de côté, à une mise à distance de son instinct de la langue, au défi de sa verbalisation, à l’humilité dans sa révision constante de la règle établie par les grammairiens dans la recherche de la meilleure manière de la conceptualiser lui-même pour mieux la faire conceptualiser à ses apprenants. Pour peu qu’il accepte ce degré d’insécurité et laisse le temps et l’espace à l’échange, la phase de fixation-redécouverte est bien une redécouverte pour l’enseignant natif de sa propre langue, de ses ambiguïtés, de ses potentialités expressives. Mais il semble qu’il doit y avoir dans la parole du maitre, pour que l’autorité lui soit véritablement consentie, une forme d’honnêteté : à reconnaitre ses propres limites comme celles de l’exercice structural toujours hors-sol, à accueillir la question et négocier l’erreur, à envisager l’alternative dans ses possibilités expressives, permettant ainsi à l’apprenant d’aller plus loin que l’objet de l’exercice en cours et de goûter à tout moment la polyphonie de la langue. Là où une verticalité trop rigide qui pourrait en apparence paraitre plus efficace et sécurisante pour le maitre courrait le risque d’inhiber la parole, de stériliser le raisonnement jusqu’à éteindre peu à peu le désir de langue, la parole sous une forme ou une autre aura prévalu, ne cessant de circuler, d’interroger, de négocier les formes et le sens.

La réalisation d’exercices structuraux peut donc être plus qu’une phase de fixation, une phase de redécouverte au sens plein, un temps fort de la conceptualisation des éléments langagiers. Dès lors que l’erreur est valorisée, que la parole s’adresse et circule à tous niveaux et que la subjectivité des apprenants est engagée, les outils langagiers peuvent se réenvisager dans la complexité renouvelée et le miroitement toujours insaisissable de leurs nuances. Valorisation de l’erreur et circulation de la parole produisent et sont le produit d’une atmosphère générale de confiance où les questions osent se poser car elles savent qu’elles trouveront sinon réponse du moins un accueil favorable. Ainsi de cette apprenante qui avait échoué lors d’un contrôle sur les temps du passé et se plaignait d’avoir systématiquement interverti imparfait et passé composé. Un peu par boutade et beaucoup par pragmatisme, nous l’encouragions donc en vue de la prochaine échéance à inverser dans l’autre sens. Et à notre grande surprise, elle nous avouera triomphante avoir mis en application ce conseil qui lui avait permis d’étonnamment mieux réussir. Où le sentiment de la langue en apprentissage consiste parfois à aller à contre-courant du sentiment en langue maternelle, à se forger un idiolecte, grammaire intériorisée personnelle mais non moins efficace et dont la complexité et le mystère des rouages dépassent de loin ce que le grammairien ou l’enseignant pourrait vouloir systématiser. Car si l’évaluation sommative permet d’observer qu’un certain nombre de grands jalons sont posés, l’appropriation par chacun demeure fondamentalement singulière. L’apprenant s’appropriera la langue et les savoirs sur la langue de mille manières non envisagées par l’enseignant. En multipliant les occasions de parole, nous souhaitons ne fermer aucune de ces portes et laisser sa part à l’inattendu. Et l’on voit que même la réduction que force la grammaire systématique ne peut abolir l’ambiguïté ni la polyphonie de la langue. Au contraire, le temps de l’observation métalinguistique et son regard aiguisé peut contribuer à les mettre en lumière. Car c’est bien par la mise en jeu des règles que se créent effets de styles et de sens, c’est-à-dire des singularités dans l’actualisation par chacun de la langue, et qu’il soit écrivain ou non ne change rien à l’affaire. Tout exercice de grammaire peut être le lieu d’un surgissement, drôle, poétique, rendu possible par le regard extérieur de l’apprenant qui se teste en testant les limites de la langue en apprentissage. À l’enseignant de se saisir de ces occasions, de les valoriser, de les susciter en donnant à dire sur des consignes qui impliquent.

2. Quelques exemples d’activités

 

En vue de favoriser la circulation de la parole et de mettre en place des conditions propices à l’émergence d’une énonciation singulière dans la classe de grammaire, nous privilégierons les exercices de complétion libre, forme d’écriture à contraintes grammaticales rudimentaire certes mais réalisable en classe en un temps raisonnable et permettant le partage et l’examen en groupe des propositions de chacun. Tout exercice de grammaire porte en lui d’infinies variations mais l’exercice libre invite par définition à une mobilisation des moyens langagiers en vue de productions personnelles qui peuvent dès lors que l’on en modifie les modalités de réalisation et de réception, ouvrir de belles fenêtres expressives. Les exercices de complétion libre seront donc réalisés en binômes et avec la contrainte supplémentaire que les réponses devront être non seulement grammaticalement correctes, mais en même temps aussi drôles, insolites ou originales que possible. Car dans l’énonciation singulière que constituent le trait d’humour ou de poésie, il leur faudra mobiliser des ressources propres (transfert de compétences depuis la langue maternelle, fonds culturel, lexique connu mais rarement admis en classe de français, idées provocantes…). Au plan de la réception / correction, nous prendrons le temps de valoriser les propositions de chacun en faisant un tour de classe, chaque binôme livrant sa trouvaille. Ce passage en revue est sans doute chronophage, mais que de répliques mémorables, qui peut-être contribuent à ce que les formes grammaticales qui les portent s’inscrivent et se retiennent. La parole insolite, drôle ou poétique n’aurait-elle pas une force d’attraction autre, ne laisserait-elle pas en nous des traces plus singulières que la répétition à l’identique du prévisible ? Ainsi, l’expression de l’hypothèse aura été un terrain de jeu fertile : - si vous montiez dans le bus et vous rendiez compte que vous n’aviez ni argent ni ticket : que feriez-vous ? - « Je paierais avec mon joli visage ! » - Si un enfant jouait avec un couteau. Que feriez-vous ? - « Je le provoquerais en duel ! » - Si on vous proposait de vous lire les lignes de la main. Que feriez-vous ? - « Je demanderais qu’on me lise les pieds !  Ou encore ce charmant surgissement poétique: - pourquoi avez-vous une bosse bleue sur le front ? - « Je l’ai toujours eu car je suis un dauphin ! »

Miroir. À l’issue d’un cours où nous avions systématisé et fixé par des exercices structuraux les emplois du subjonctif avec des formes impersonnelles, nous prolongeons ce travail par une variation réflexive en demandant pour la séance suivante d’imaginer des exhortations que chacun s’adresserait le matin devant son miroir sous la forme il faut que je + subjonctif.  L’enjeu ici étant bien-sûr que la manière de dire en français s’accouple à des réalités physiques (un lieu de la sphère privée, un temps de l’intimité) propres à chaque apprenant ainsi qu’à ses désirs, à ses défis personnels. C’est mettre en jeu cette parole adressée à soi-même (peut-être d’ailleurs nous parlons nous à nous-même avant et plus qu’à autrui ?), parole intérieure, faisant retour sur elle-même et faire entrer le temps d’un exercice de style, la langue française en apprentissage dans l’intimité du sujet parlant. Et que l’apprenant exécute la tâche devant son miroir ou pas importe peu, susciter en esprit l’image familière d’une situation de la vie quotidienne suffirait à lier en imagination l’acte langagier à la projection mentale d’une réalité domestique où le routinier et le banal se mêlent souvent aux questions existentielles.

Le document iconographique. Le commentaire de document visuel est un incontournable des approches communicatives et actionnelles. Qu’il s’agisse d’un dessin de presse devant susciter la parole ou le commentaire écrit autour d’une question de société ou bien d’une photo de quidam duquel l’apprenant doit imaginer les sentiments, nous avons là encore cherché à donner une tonalité plus personnelle à ce type d’exercice. Ainsi plutôt que de commenter un document visuel sans lien direct avec l’expérience des apprenants, nous leur avons demandé de choisir une photo qu’ils ont eux-mêmes prise, qui a de l’importance à leurs yeux (moment marquant, personne chère…) et d’expliquer à l’écrit dans quel contexte elle a été prise, ce qu’elle représente et pourquoi elle est importante à leurs yeux (nous donnions comme support non contraignant et à titre d’inspiration un document photo et texte tiré d’un manuel). La contrainte grammaticale était ici l’emploi des temps du passé dans la description et le récit. Il s’agit à nouveau de donner aux apprenants une occasion de se saisir des outils langagiers et de les mettre en œuvre dans un projet d’écriture sur un sujet qui les touche personnellement, qui présente donc un enjeu de parole partagée qui dépasse le simple exercice de réemploi. Nous postulons aussi qu’il y a photo et photo et que la parole qui nait d’une photo prise par un inconnu, représentant des inconnus ou des situations relativement lointaines et abstraites (exception faite de certaines photos d’art ou journalistiques poignantes) ne sera pas de même nature, ne présentera pas le même enjeu pour le locuteur que celle qui répond à une photo prise par lui-même ou un proche, fixant un instant auquel il a participé, figurant des lieux ou des personnes qui ont comptées. Il s’agit ici de mettre en mots des sentiments, des émotions ou leurs souvenirs. En tissant dans la mémoire de l’apprenant les mots de la langue en apprentissage, on propose un travail sur la mémoire des mots. Comment exprimer dans une langue nouvelle et autre, les souvenirs et sentiments qui se sont vécus et jusqu’alors dits en langue maternelle ?

Le professeur et l’étudiant idéaux. Nous réenvisageons et amplifions ici un exercice de pronominalisation tiré d’un manuel, qui se contentait de donner à compléter les portraits-types du bon professeur et du bon élève, simple prétexte donc à un travail de grammaire structurale, certes important mais pauvre au plan de l’énonciation singulière. En effet, la situation de classe et la relation didactique qui s’y joue est bien ce qui rassemble tous ces individus très divers, l’enseignant compris, et par laquelle s’articule leur relation à la langue française. Si nous souhaitons autant que faire se peut proposer aux apprenants de s’exprimer sur des sujets qui les concernent et sur lesquels ils ont quelque chose à dire, une activité invitant à faire un pas en arrière et à poser un regard en surplomb sur la relation didactique semble tout indiquée. Au plan du travail sur la langue, l’activité se présente sous la forme d’un exercice sommatif qui intervient en fin de séquence sur le subjonctif. Nous distribuons une série d’amorces imposant l’usage du subjonctif et organisée en quatre sections (je voudrais que…ça m’est égal que… je ne pourrais pas supporter que… en revanche, il faut absolument que…) qui guide le raisonnement et suggère un travail sur la progression des idées et leur mise en cohérence dans un ensemble plus large (dépassant le simple niveau phrastique qui domine les exercices de grammaire habituels). Au-delà de l’exercice d’écriture à contrainte grammaticale, c’est aussi l’occasion pour l’enseignant de faire émerger et mettre en mots, les représentations et autoreprésentions, les frustrations, les attentes des apprenants.

On y notera d’intéressants renversements des rôles didactiques, certains assumant le point de vue de l’enseignant : « Il est essentiel que les étudiants ne se sentent pas stressés pour me poser des questions »; « Je voudrais des étudiants qui soient silencieux quand je parle. » Surtout, se dessine le portrait d’un professeur de français idéal, qui suggère que l’essentiel de la relation pédagogique se situe peut-être dans la réponse, le dialogue et ce qui est donné à voir de sa relation au savoir : « Ça me plairait qu’il comprenne et réponde à mes doutes » ; « Je ne voudrais pas quelqu’un qui fasse le monologue » ; « Ça me plairait qu’il soit passionné et montre de la motivation ». Et parlant d’énergie communicative, le rire. Car selon nos apprenants « en revanche, il faut absolument qu’il [l’enseignant] ait un peu d’humeur ». On aura pris soin de distinguer l’humour de l’humeur, confondus en un même phonème par nos apprenants hispanophones et japonophones. Et en effet, il nous faut bien un peu d’humour pour ce texte savoureusement hors-sujet livré par une apprenante multirécidiviste en la matière. Le professeur idéal « je le tue d’un coup de fusil […] c’est indispensable que je fasse savoir au monde qu’il est déjà mort. » Prenons cela comme un aphorisme zen et estimons-nous privilégié que la parole singulière se soit sentie à ce point libre de se faire voix.

Revendications. Autre activité sommative du même type, mais cette fois réalisée en groupe de 4-5 apprenants. Après avoir observé un tract syndical nous donnons la consigne et les modalités de réalisation suivante : à l’issue d’une discussion de groupe, il s’agira de produire une série de revendications concernant la formation en langue au sein de l’institut d’accueil. Elles devront être formulées à l’aide de tournures du type nous revendiquons / demandons / exigeons que + subjonctif. De fait, pour être en situation de poser de telles revendications, il faut en premier lieu identifier un problème qui a des causes et des conséquences, génère une demande dans un but particulier. L’activité permet donc de brasser les principaux points abordés lors de la séquence, dans un contexte d’écriture libre et complexe. Pour correspondre avec le genre textuel du tract, par essence collégial, ce travail sera réalisé en groupe. L’activité nous permet de nouveau de faire émerger des représentations, de faire verbaliser des problèmes rencontrés par les apprenants dans le cadre de leur formation. Du reste, lorsque nous proposons cette consigne, une apprenante nous interpelle, faisant justement remarquer qu’elle se rapproche de l’exercice de production écrite de type « écrire une lettre au maire au sujet d’une réclamation ». En effet, l’activité reprend à son compte ce canevas classique mais dépasse le cadre de la fiction didactique, sans grand risque ni enjeu, et invite à formuler des demandes véritables au sujet de désagréments réels subis dans un environnement concret et commun à tous. Il s’agit donc de nouveau de faire parler autour d’un sujet sur lequel nous supposons que les apprenants ont à dire et de leur faire mobiliser la langue dans des modalités de discours non consensuelles, de donner à se servir d’elle en situation de tension, de conflit. Car le conflit, la divergence de vues, la récrimination font aussi partie de la langue et l’on pourrait avoir tendance à ne pas travailler ces aspects, sinon de manière indirecte où désamorcée par la fiction d’une situation de pur prétexte. Ici au contraire, nous souhaitons que les formes de la langue épousent des frustrations véritables. Et c’est encore une manière de valoriser la parole des apprenants, ici dans leurs remises en question collectives. Inconfortable pour l’apprenant peut-être, inconfortable pour l’enseignant assurément, mais la vie en langue et le passage de l’une à l’autre sont aussi faits de ces tiraillements.

 

L’enseignement de la grammaire nous a semblé s’exposer à un double risque. Celui d’abord de n’être qu’un simple moyen en vue d’une fin extérieure à lui. Et celui ensuite, et bien qu’en apparence paradoxal, d’être pour lui-même, déconnecté du tissu vivant et spontané de la parole. Comment dès lors concilier l’artifice répété d’un travail structural néanmoins nécessaire à la fixation, avec la langue telle qu’elle est vécue et parlée par ses locuteurs, telle qu’elle traverse et est traversée de leurs subjectivités ? Dans la valorisation de la parole et de l’erreur, dans l’accueil et l’examen constant de formes alternatives, dans l’encouragement à se saisir de la réflexion métalinguistique à bras le corps et jusque dans ses derniers retranchements (comme ceux de l’enseignant !) et dans la circulation permanente d’une parole diverse, vive, éhontée, il nous a semblé que l’exercice de grammaire pouvait devenir plus qu’un moyen pour une fin mais une occasion et un enjeu de parole en lui-même, pris qu’il était dans une trame de parole, celle de la classe, qui l’englobe et le dépasse. Car au-delà, l’activité métalinguistique dépasse la situation d’apprentissage formel en classe de langue et se trouve bien au cœur de nos pratiques langagières quotidiennes. De même que la créativité ne se limite pas à l’usage artiste de la langue mais est une caractéristique fondamentale du langage humain, présente dans nos paroles quotidiennes et dont l’artiste ne se saisit qu’avec un peu plus de vigueur. 

Pour que la grammaire soit exploration de la langue dans ses dimensions interprétative, interactive et créative, le rôle de l’enseignant serait alors de permettre à chacun d’être interprète, acteur et inventeur de la règle et de la langue. Interprète d’abord au sens où chaque apprenant accommodant le savoir sur la langue à sa manière, le conceptualise et le traduit pour lui-même. Interprète encore que l’apprenant qui la met en scène et en voix. L’interprète donc au sens du passeur de langue mais donc aussi de l’acteur/auteur (et pas seulement acteur social) cet auteur-compositeur-interprète qui reformulant, réinventant, donnant vie à la langue, l’actualise par une activité permanente mais pas toujours consciente d’évaluation métalinguistique et de création langagière. Et inventeur ensuite au double sens encore de découvreur de trésors et bricoleur de génie. Concevoir la langue comme art vivant plutôt que comme outil implique que son enseignement ne soit pas simple technologie mais artisanat, façonnant dans la parole échangée des savoirs, matière jamais inerte et définitive mais toujours recomposée. Le rôle de l’enseignant sera ici alors celui d’une vigilance constante pour saisir au bond les surgissements, les accueillir et les cultiver. Il faut pour cela une disposition à la dissonance, à en percevoir la richesse et à vouloir l’intégrer au concert.

 

Bibliographie

 

Abry, D., Chalaron, M.-L. (2015). La grammaire des premiers temps B1-B2. Presses Universitaires de Grenoble.

Bakhtine, M. (1984 [1977]). Esthétique de la création verbale. Gallimard.

Benvensite, E. ( 2010 [1966]). Problèmes de linguistique générale. Gallimard.

Coianiz, A.(2001). Apprentissage des langues et subjectivité, L’Harmattan.

Grégoire, M., Kostucki, A. (2018). Grammaire progressive du français B2-C2. CLE International.

Humboldt (von), W. (1974 [1830]). Introduction à l’œuvre sur le Kavi et autres essais. Le Seuil.

Jakobson, R. (2003 [1963]). Essais de linguistique générale, Éditions de Minuit.

Saussure (de), F. (2004 [1916]).Cours de linguistique générale, Payot.

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