Introduction
Dans le contexte de l’acquisition et de la didactique des langues, en particulier avec des adultes en contexte homoglotte qui doivent fonctionner dans une nouvelle langue avant de la posséder, parler de sujet, de subjectivité et de désir que ce sujet peut éprouver à l’égard d’une langue revient à parler de ce qui engage à agir. Parler de désir, c’est parler de moteur, de leviers, d’attirance, d’envie, parler de ce qui pousse vers les langues et, surtout lorsque l’on sous-entend que les langues n’ont pas « pour vocation que d’être utiles », c’est parler d’un désir qui, d’une certaine manière, échappe à la rationalité et se focalise sur l’idée d’un sujet qui veut plus qu’il ne doit ou qu’il ne peut. Comment réfléchir alors à ce désir de langue de manière scientifique, et qu’en dire dans une perspective didactique ?
Questionner le désir de langues revient en effet, en moins joliment dit, à questionner ce qui pousse à agir en direction de la langue pour se l’approprier, communément décrit comme la « motivation » à apprendre la langue. Se demander pourquoi la personne – le sujet – apprend, c’est-à-dire veut ou ne veut pas apprendre la langue, mais aussi l’apprend ou ne l’apprend pas, implique toutefois de se demander ce que l’on veut dire exactement : « pourquoi on apprend » peut en effet se référer aux raisons (pourquoi dans le sens de why ou warum), aux finalités (pour quoi, que l’on traduirait par what for ou wozu), ou encore aux modalités de l’apprentissage (comment au sens du how anglais ou du wie allemand). Cette question du comment se référant plus directement à des dispositifs didactiques ou sociaux1 destinés à faire apprendre, ce sont plutôt les deux autres – pour quoi et pourquoi – qui se rapprochent le plus de la notion courante de motivation, et qui semblent intervenir au moment où le « comment » ne suffit plus, c’est-à-dire quand le dispositif didactique ne fait pas ou plus effet. Souvent en effet, on – l’enseignant, le chercheur, l’observateur – catégorise la personne comme « hyper motivée » quand elle apprend manifestement de manière autonome, au-delà de tout dispositif didactique visible ou valorisé, ou au contraire comme « pas ou peu motivée » quand elle ne fonctionne pas dans le dispositif prévu, visible, valorisé. Autrement dit, catégoriser la personne en termes de motivation revient à la positionner en regard d’un dispositif didactique ou social mis en place pour l’accompagner dans le développement de son répertoire. Ainsi, soit la personne apprend quand même, ou apprend malgré tout alors que le dispositif semble inadéquat, soit elle n’apprend pas et/ou se désengage activement ou passivement du dispositif alors qu’il est pourtant considéré comme adéquat. Dans tous les cas, c’est sa désobéissance, au fond, qui la catégorise : elle suit son désir à rebours de ce qui paraît comme du bon sens ou de la norme, et comme toujours le désir, celui-ci est plus ou moins valorisé selon ce qu’il met en jeu. Si ce désir a un goût d’échec ou de rejet, s’il correspond au désir de partir, de se désengager d’un dispositif, la sanction est sans appel : peu motivé, déviant. Quant à la personne que le désir désintéressé de la langue pousse à l’apprendre contre vents et marées, elle est glorifiée comme parangon de la société néo-libérale à qui elle donne la preuve irréfutable que vouloir, c’est pouvoir, et donc, surtout dans les situations de migration où la langue est à la fois preuve et prérequis de l’intégration, elle prouve par là même son adéquation à la norme dominante.
Ainsi, mobiliser le concept un peu vain, un peu fourre-tout de « motivation » pour réfléchir au désir de langue s’avère finalement aidant, en ce qu’il souligne un déséquilibre entre l’importance donnée tantôt au dispositif, tantôt au sujet dans l’analyse de ce qui encourage ou freine l’appropriation langagière. Comme le suggère notamment Castellotti (2017), en effet, quel que soit le dispositif didactique mis en œuvre, et peu importe qu’il fonctionne ou dysfonctionne, c’est la personne dans sa diversité et sa complexité qui fait la différence. Il me semble donc, et c’est la réflexion proposée ici, que déconstruire cet espace qui pousse à convoquer la notion de motivation permet d’en savoir plus sur le sujet en situation de s’approprier une nouvelle langue, sur ce qui lui ouvre des accès pour le faire, mais aussi de réfléchir à la place ou au rôle à lui donner si on veut l’accompagner dans son désir de langue, quel qu’il soit. Il s’agira donc ici de réfléchir à la manière de contourner le concept de motivation, à étudier comment ne pas le mobiliser au moment où l’on voudrait justement le mobiliser, ou de le mobiliser en creux, non pour ce qu’il désigne mais pour ce qu’il masque. Conçue de manière soit trop instrumentale, soit trop intrinsèque, la notion de motivation ne rend en effet compte ni de la diversité, ni de la complexité des sujets et des interactions sociales, et ne permet donc aucune intervention pédagogique lorsque les méthodes et autres cadres ne suffisent pas ou plus : il importe donc de la contourner pour tenter une définition de ce qu’est le désir de langue.
En illustrant mon propos à l’aide d’extraits de biographies langagières réflexives recueillies dans le cadre d’un cours universitaire en sociolinguistique de l’appropriation langagière auprès d’étudiantes alloglottes de niveau Baccalauréat universitaire deuxième partie, je commencerai par préciser ce que recouvrent ici les notions de langue et d’appropriation langagière en lien avec les notions de subjectivité et de socialisation langagière, au sens fort, pour penser le désir comme un engagement dans la langue structuré par des enjeux subjectifs, sociaux et communicatifs. Enfin, dans une perspective plus didactique, je soulignerai les raisons pour lesquelles les démarches biographiques réflexives me semblent pertinentes pour accompagner les sujets dans leur désir de langue, quel qu’il soit.
1. De l’agir à la langue : quel désir ?
1.1. La langue et son appropriation
Les adultes que les circonstances de la vie poussent à fonctionner dans un nouveau contexte linguistique et social, et donc à devenir, lorsqu’ils ou elles s’engagent dans une démarche d’appropriation langagière, des apprenant-e-s en contexte homoglotte (étudiants universitaires qui étudient le français langue étrangère et/ou en français, réfugiés qui doivent entrer dans la langue d’un pays qu’ils n’ont pas forcément choisi, couples qui fonctionnent en plusieurs langues) sont amenés à vivre et agir dans la langue sans forcément la maîtriser au sens canonique du terme (Kern et Liddicoat, 2008 ; Zeiter, 2013). Dans ce genre de situations, le plus délicat est d’accéder à des pratiques sociales dans la nouvelle langue, c’est-à-dire d’accéder à un réseau social et au marché de l’emploi, un lieu de socialisation langagière particulièrement fort, susceptibles de faciliter leur développement langagier. Dans ce cadre, les ressources langagières doivent être pensées comme « un tout, qui recouvre toutes les langues, tous les dialectes, styles, registres, codes et routines qui caractérisent l’interaction quotidienne. » (ma traduction) (Busch, 2013 : 21).
La personne dispose ainsi d’un répertoire de ressources énonciatives qu’elle mobilise pour pouvoir fonctionner avant même d’avoir acquis la moindre ressource dans la nouvelle langue, et qu’elle modifie et enrichit sans cesse au gré de ses pratiques sociales en différentes langues et variétés de langue : pour Busch (op. cit.), le répertoire est donc plurilingue et hétéroglossique, au sens de Bakhtine, et il se construit, s’enrichit, au gré des expériences sociales, psycho-affectives et physiques qui constituent la trajectoire de la personne.
Concevoir la langue comme un répertoire de possibilités énonciatives force ainsi à la considérer dans ses mises en œuvre sociales, c’est-à-dire comme discours et donc comme agir social, ce qui permet de prendre en compte les dimensions subjectives et sociales qui entrent en jeu dans le processus d’appropriation. En effet, si la langue est considérée comme un agir social, son appropriation doit être conçue dans une perspective réellement praxéologique (Bronckart, 2004; Bulea & Bronckart, 2005; Bulea & Jeanneret, 2007; Jeanneret, 2010), c’est-à-dire comme intrinsèquement liée aux pratiques sociales qui permettent de rencontrer des faits de langue – au sens large – à s’approprier pour en faire de nouvelles ressources énonciatives. Ainsi, comme le souligne Jeanneret (2010 : 28), « s’approprier une langue c’est se construire une capacité à participer aux pratiques sociales tandis qu’en retour la participation aux activités sociales permet au sujet de configurer ses ressources langagières […] ».
Considérer le processus d’appropriation comme une capacité globale masque toutefois trois dimensions de la langue que Py (2004) avait déjà décrites comme le « territoire » de l’apprenant en termes de système, norme et tâche, et qui relèvent d’apprentissages différents. Je pousserai ici cette idée un peu plus loin en considérant la personne comme une subjectivité qui réfléchit à ses positionnements, un être social qui se positionne et est positionné, et qui le fait par des comportements en grande partie – et surtout pour ce qui nous intéresse – langagiers. Ces comportements langagiers recouvrent trois réalités simultanées et inséparables qui constituent son répertoire. D’une part, du système, compris ici en termes de morpho-syntaxe, de prononciation, de lexique, ... autrement dit tout ce qui relève de la technique, ou de la langue stricto sensu et qui permet d’accéder à une langue correcte. D’autre part, des positionnements discursifs et sociaux par et dans la langue, qui à la fois matérialisent et déterminent les enjeux de pouvoir dans lesquels la personne évolue : en d’autres termes, ce qui lui permet de défendre ses droits. Enfin, des normes sociales et communicatives, c’est-à-dire tout ce qui permet l’agir social et qui est à la jonction entre le système et le pouvoir et qui relève d’une langue et d’un discours adéquats.
Ces trois axes sont évidemment interdépendants. Ils peuvent toutefois être maîtrisés par la personne à des degrés divers ou avoir une importance différente, ce qui implique qu’elle doive penser son engagement dans l’appropriation langagière en fonction de ce qui est effectivement ou subjectivement le plus problématique pour elle à un moment donné. Ces axes permettent en effet de distinguer des problématiques distinctes liées aux pratiques sociales en L2, certaines plus formelles, donc plus liées au système, certaines plus interactionnelles et contextuelles, donc liées à l’agir, et enfin certaines plus symboliques, liées aux enjeux de pouvoir inhérents, pour reprendre Avanza & Laferté (2005), soit à son identification – par exemple en termes de permis de séjour – soit à l’articulation de ses images sociales comme étranger, migrant, expat’, etc. Il s’agit alors de compléter Jeanneret (2010) en précisant qu’apprendre une langue, c’est se construire une capacité à participer aux pratiques sociales en développant un répertoire de possibilités énonciatives correctes, adéquates et utiles à défendre ses droits.
Dans le cadre d’un cours de sociolinguistique de l’appropriation langagière de niveau Baccalauréat universitaire donné en 2018, Nazli, l’une de mes étudiantes, présente très clairement – et assez intuitivement, puisqu’elle rédige ce texte pour le deuxième cours du semestre – ces trois axes. Voici un extrait de sa réflexion, sur la base de la consigne suivante, donnée pour la deuxième séance du semestre : « Qu’est-ce que la langue, pour vous ? Dans un bref texte, expliquez ce que vous entendez par le terme ''langue'' ».
Exemple 1
[...] C’est le deuxième pays où je tente de vivre, mais ce n’est pas mon pays non plus. Je ne sais pas quand je vais me sentir chez moi. Je suis kurde de Turquie. Je ne sais pas parler kurde. Je suis ici, mais je ne suis pas d’ici. Ce n’est pas un sentiment nouveau pour moi. Mais, en parlant très bien le turc, je faisais semblant d’être [de Turquie].
Je n’ai plus envie de faire semblant. Ce n’est pas mon problème si vous avez construit des frontières des pays, des langues différentes, des cultures différentes. Même si vous les considérez comme des richesses, à haut voix ; je sais très bien que, dans vous, au fond, ce n’est pas si simple. En vérité, c’est les accents qui comptent, les fautes de langues, les comportements.
Le fait de faire semblant est une situation liée à l’identité du personnage. Et la langue joue une grande partie dans cette situation. Je n’arrive pas à trouver ma place dans le monde, parce que je ne donne pas le même sens à la langue que les autres. Pour la plupart, la langue est attachée très fortement à l’identité et à la culture. Pour moi, c’est un outil pour communiquer et qu’on l’approprie par hasard. Si je suis Kurde de Turquie, c’est parce que par hasard. (…) Vous me demandez ce que j’entends par le terme « langue ». Alors ma réponse est : la langue signifie pour moi « se réfugier dans un autres pays ».
Lorsqu’elle écrit « en parlant très bien le turc, je faisais semblant d’être [de Turquie] », ou encore « [e]n vérité, c’est les accents qui comptent, les fautes de langues, les comportements », Nazli décrit la langue en termes de maîtrise du système linguistique et le définit comme outil à la fois de liberté et de discrimination. Cette maîtrise du système est intrinsèquement liée aux circonstances de la vie, par exemple « Si je suis Kurde de Turquie, c’est [...] par hasard », c’est-à-dire que Nazli définit la langue comme un outil de communication que l’on s’approprie au gré des pratiques sociales, notamment quand elle explique parler turc mais pas kurde, puisque son agir social a eu lieu en Turquie. La distinction que fait Nazli entre « je suis ici » et « je ne suis pas d’ici » fait semble-t-il le lien entre l’agir social et les enjeux socio-historiques qui influencent les pratiques sociales et langagières, en termes de rejet, d’appartenance, et de droit à « trouver sa place » : autrement dit, elle touche à la langue comme enjeu de pouvoir en mettant en lien « des frontières des pays, des langues différentes, des cultures différentes » et en précisant qu’elle « n’arrive pas à trouver [s]a place dans le monde, parce [qu’elle] ne donne pas le même sens à la langue que les autres » pour qui, contrairement à elle au vu de sa situation, rattachent la langue « très fortement à l’identité et à la culture ». En déclarant enfin que la langue revient à « se réfugier dans un autres pays », Nazli donne à l’appropriation langagière une signification complexe et ambivalente : elle implique de vivre et d’agir socialement pour avoir lieu, mais pour y parvenir, il faut le faire dans une langue correcte en termes de système et adéquate en termes de normes communicatives et sociales, afin d’échapper aux discriminations liées à l’altérité et prendre ou reprendre le pouvoir sur sa vie.
1.2. Sujet et subjectivité
S’intéresser à l’appropriation langagière revient toutefois en amont à réfléchir à l’apprentissage en général, et donc à s’aventurer du côté de la psychologie du développement – de l’adulte, en l’occurrence. On l’aura sans doute compris, le courant qui sous-tend la perspective sur la langue comme répertoire présentée ici est fondamentalement socioconstructiviste, dans la ligne des travaux de Vygotski ((1934) 1997) et de Bruner (1983) sur le développement de l’enfant, des travaux qui ont été souvent mobilisés pour réfléchir à l’appropriation langagière en L1/L2 : pensons en particulier, mais pas seulement, aux travaux de John-Steiner (1990) ou Frawley & Lantolf (1985) qui tentent de penser dans cette ligne l’appropriation d’une L2, ou de Bronckart (1985), qui envisage un modèle beaucoup plus large destiné à expliquer la socialisation notamment langagière dans une perspective psycho-sociale. Cette perspective conçoit le développement humain comme un processus psychique situé, en considérant que le sujet seul, sans socialisation, ne peut rien apprendre. En ce sens, la personne qui est en situation de s’approprier une nouvelle langue – et d’autant plus quand on considère le discours comme une pratique sociale – est à considérer dans ses dimensions psycho-affectives, physiques et sociales, c’est-à-dire, très schématiquement, qu’elle est un sujet pensant en interaction avec le monde et la société à travers un corps et ancré dans une historicité propre.
Pour traiter du désir de langue, il me semble utile de distinguer, toujours très schématiquement, deux orientations de ce sujet pensant lorsqu’il s’oriente vers la question de son entrée dans une nouvelle langue. D’une part, ce qui irait dans le sens de la cognition, c’est-à-dire des mécanismes d’apprentissage à proprement parler que la personne met consciemment en œuvre en lien avec un dispositif didactique ou des habitudes d’apprentissage, et qu’elle tend parfois à déconnecter de ses pratiques sociales courantes relève d’une pratique sociale focalisée sur l’activité d’apprendre (par exemple mémoriser du vocabulaire, entraîner de la prononciation ou encore entraîner des constructions spécifiques). D’autre part, ce que je considère comme relevant de la subjectivité, qui est ce qui m’intéresse ici, concerne la manière particulière qu’a chaque personne de donner du sens à sa présence au monde et à ses expériences et structure plus ou moins directement son appropriation langagière. Ces deux dimensions sont intrinsèquement liées, mais je propose de les distinguer pour les besoins de l’analyse, en considérant ce sur quoi elles s’appliquent : la cognition à l’apprentissage, au sens de développement cognitif, et la subjectivité comme donnant sens au monde, à la vie, aux expériences. C’est il me semble de cette subjectivité dont il s’agit quand on parle de désir de langue, ou de ce qui pousse la personne à s’engager ou à se désengager de l’appropriation langagière.
Les auto- et hétéropositionnements sociaux et identitaires, mais aussi le sens que la personne donne à ce qu’elle vit en lien avec son engagement dans l’appropriation langagière structurent son désir de langue. On parlera alors ici d’une matérialisation concrète de la subjectivité, c’est-à-dire du passage d’une dynamique psycho-affective dont, comme observateur, on ne sait rien, à des comportements observables lorsqu’ils sont discursifs : la manière dont la personne s’énonce et articule dans son discours des catégorisations et des représentations sociales donne des indications sur sa subjectivité au moment de cette énonciation, mais aussi sur la manière dont elle a construit ses représentations sociales au fil de sa trajectoire (Jeanneret & Pahud, 2013; Porquier, 1995), sur la complexité de ces représentations sociales individuelles (Jodelet, 2008), qui sont toujours plus riches et parfois paradoxales, ambivalentes, ainsi que sur la manière spécifique qu’a la personne de les mobiliser et de les articuler pour réfléchir à son engagement dans l’appropriation langagière (Zeiter, 2018).
Le désir de langue ou la « motivation » au sens large relève donc de la subjectivité, et plus précisément de ce que j’appelle, dans la ligne de Butler (1990) et Weedon (1996), l’agentivité, comme orientation de la subjectivité vers un agir destiné à modifier une situation perçue comme insatisfaisante. Tant que l’agentivité reste au niveau du désir, de la volonté, elle n’est pas visible ; elle le devient lorsqu'elle se matérialise par l’engagement de la personne dans une démarche concrète, en l’occurrence pour ce qui nous intéresse dans une démarche liée à la langue. Cet engagement est observable pour lui-même et/ou dans ce que la personne en raconte, et dans la manière dont elle le raconte.
Pour illustrer cela, je prends maintenant un extrait tiré du travail de Nurah, une autre étudiante de mon cours, mais qui est dans une autre étape de la rédaction de son travail de validation, où elle doit articuler son expérience aux concepts théoriques vus en cours et dans différents articles scientifiques :
Exemple 2
En traduisant un mot dans les quatre langues que je connaissais, je pensais pouvoir arriver à une bonne compréhension globale. Chaque nouveau mot que je voyais, je l’apprenais par cœur. J’ai acheté des livres en français traduits en anglais pour apprendre comment les phrases étaient construites. Malgré cela, l’habitude d’avoir un entourage francophone m’a beaucoup plus aidée au niveau des renseignements et des explications concrets. Mon insécurité langagière m’a toujours empêchée d’utiliser des mots que je croyais connaître car les expériences où l’on m’a fait sentir que mon français n’était pas adéquat m’ont fait perdre confiance dans mon mode d’apprentissage que je pensais solide. J’avais aussi vécu des moments d’embarras avec les gens qui travaillaient derrière des guichets (CFF ou à la commune) où souvent dans ces endroits l’entourage est silencieux et chacun attend son tour. Ces personnes au guichet parlent très fort et parfois ils répètent « je ne vous comprends pas Madame !» à haute voix. Le regard des personnes qui attendent est gênant. Cela me donnait une mauvaise image de moi, comme si je balbutiais ou alors parlais de manière incompréhensible. Ces situations me rendaient mal à l’aise, mais je les affrontais quand-même pour obtenir ce que je voulais.
Ce genre de situations a renforcé en moi la peur d’être jugée d’avoir mal prononcé ou d’utiliser des mots inadéquats […] Le sentiment d’insécurité voire de culpabilité est un frein à l’apprentissage et à l’envie de communiquer. Mais paradoxalement, grâce à ces situations vécues, j’ai eu l’envie d’en savoir plus. […]
Dans cet extrait, Nurah explicite les différentes méthodes qu’elle a mises en œuvre pour entrer dans le français : elle commence par montrer une focalisation sur le système, le lexique surtout, en s’appuyant sur les autres langues de son répertoire et sur des textes bilingues, et relate un apprentissage par cœur, ce que je décrivais plus haut comme une focalisation sur des techniques d’apprentissage. Elle mentionne ensuite les limites de ses méthodes, qui sont l’agir social : à la fois aidant – elle dit qu’elle a plus appris grâce à son entourage francophone – et freinant, par les enjeux de pouvoir, en l’occurrence les petites humiliations subies en tant que femme étrangère, de couleur et non francophone, qui se matérialisent par une insistance sur son manque de maîtrise du système et rebondit sur son sentiment de légitimité, en termes d’insécurité linguistique (Boudreau, 2016) – en termes d’inadéquation à une norme valorisée – et d’insécurité sociolangagière indexée à certains types de situations (Adami et André, 2010). Ce paradoxe lié à l’agir social pourrait être mis en lien avec ce que le socioconstructivisme décrit comme un conflit socio-cognitif favorable à l’apprentissage. Ce conflit se matérialise chez Nurah dans l’alternance entre des contextes de socialisation langagière sécurisés – son entourage francophone – et des contextes déstabilisants pour les pans de son répertoire – est-ce le système, les normes ou le pouvoir, ou les trois, qui pose problème ? Dans tous les cas, ce conflit socio-cognitif aboutit à « l’envie d’en savoir plus », autrement dit au désir de langue, au déclenchement d’une forme d’agentivité matérialisée dans son engagement dans une formation en langue.
2. Socialisation (langagière) du sujet et engagement
Ce que le concept de motivation ne permet pas bien de saisir, et qui nous intéresse quand on parle de désir de langue, concerne ainsi le passage de l’agentivité à l’engagement, ou plutôt, les parasites qui brouillent ce passage et qui vont parfois jusqu’à provoquer le désengagement total ou partiel. En lien avec la perspective posée sur le répertoire langagier dans ses trois dimensions – système, agir social et pouvoir – le désir de langue, c’est-à-dire le passage de l’agentivité à l’engagement, peut alors être pensé comme l’articulation de problématiques liées au sens que la personne, dans sa subjectivité, donne à ses expériences sociales présentes (proches ou globales) en fonction des représentations sociales construites dans sa trajectoire et en lien avec ses projections pour l’avenir. Cette interprétation que fait la personne de sa situation relève de la subjectivité et peut être explorée par le biais de démarches biographiques de type réflexif (Zeiter 2016), qui permettent d’obtenir un aperçu du sens que la personne donne à différents aspects de son développement langagier.
Puisque la personne n’est pas d’abord une apprenante de langue, mais un être humain vivant pris dans des contingences qui souvent la dépassent, elle donne d’abord du sens à ces contingences sociales effectives dans lesquelles elle est prise, à différents degrés (statut socio-économique, administratif, positionnements interactionnels quotidiens et multiples), et dans lesquelles elle fonctionne et/ou doit fonctionner dans une nouvelle langue : elle y vit, elle y travaille ou y étudie peut-être, en tout cas elle y agit et donc y expérimente toutes sortes d’aventures sociales où la/les langue(s) joue(nt) un rôle. Les outils de la sociolinguistique critique (Heller, 2008), en particulier l’ethnographie, peuvent ainsi utilement s’articuler à des données biographiques réflexives pour varier les points de vue et ainsi investiguer les questions de normes sociales et de pouvoir qui structurent l’appropriation langagière. D’autre part, la personne est engagée dans des activités interactionnelles, communicatives, langagières, autrement dit dans des tâches communicatives spécifiques dans la nouvelle langue, ce qui se rapproche de l’idée de besoins communicatifs, et de comment répondre à ces besoins. Il y a alors focalisation sur le système et sur les normes d’agir communicatif – ce que Busch appelle les « routines » – qui sont liées à la communication : si certaines normes ne sont pas respectées, la communication ne passe vraiment pas. Les outils de la linguistique appliquée sont utiles pour investiguer cet aspect, et ceux de la didactique des langues pour réfléchir à la manière d’y travailler, en se focalisant plus spécifiquement sur le système et les normes communicatives.
En d’autres termes, la subjectivité donne donc du sens aux positionnements langagiers et sociaux et provoque certains comportements potentiellement (dés)engageants. Certains positionnements sociaux sont toutefois effectifs, la personne y est assujettie et ne peut s’y soustraire, ce qui est aussi potentiellement (dés)engageant. Enfin, certaines tâches communicatives spécifiques, au niveau purement interactionnel, peuvent être rendues (im)possibles par la maîtrise du système et des normes communicatives, ce qui articulé aux deux autres axes, est également (dés)engageant, mais ne suffit pas en soi : on n’apprend pas juste pour communiquer.
Les réflexions de Nazli et de Nurah sont intéressantes pour illustrer la manière dont la subjectivité appliquée à des expériences sociales et communicatives structure le désir de langue, un désir qui s’avère dynamique, complexe et mouvant. Outre le fait que l’une soit kurde turque et l’autre érythréenne née en Arabie saoudite, ces deux jeunes femmes ont en commun d’avoir le même âge, d’avoir eu accès à des études par la réussite d’un examen préalable2 à une formation en FLE, d’avoir un statut de réfugiée statutaire en Suisse, et de l’avoir obtenu par regroupement familial, ce qui représente une « piste d’atterrissage », c’est-à-dire l’assurance d’avoir dès leur arrivée une famille et un réseau social qui connaissent déjà les fonctionnements locaux, ce qui facilite l’entrée dans la nouvelle société (Zeiter, 2018). La manière dont elles expriment leur désir de langue est fortement liée à leur statut et à la déqualification liée à la migration, mais l’articulation subjective des enjeux est spécifique à chacune, en fonction de sa trajectoire et de ses représentations sociales, et conduit donc à un désir de maîtrise langagière qui se matérialise un peu différemment.
Chez Nazli, le désir de langue se focalise sur la précision dans la prononciation et le lexique par exemple, et dans le développement de compétences écrites à la fois académiques et littéraires : une fois son diplôme de français terminé, elle a commencé un Baccalauréat en Lettres modernes, en sachant que la maîtrise d’une langue lettrée y est extrêmement valorisée, de même que l’expression littéraire (elle écrit elle-même, et ça se retrouve dans ses textes). Ceci entre en résonnance avec ce qu’elle relate de son positionnement social (s’effacer comme réfugiée, être invisible) et qui correspond à sa trajectoire, c’est-à-dire, en termes bourdieusiens, à la reproduction d’un habitus de Kurde turque en Suisse : faire partie de la marge fait partie de sa socialisation, de même que le cacher par une maîtrise exemplaire de la langue dominante, comme elle l’exprime ici :
Exemple 3
C’est très naturel et normal qu’un étranger fasse des fautes, qu’il prononce différemment. Il n’y a pas besoin de se tourner plusieurs fois pour le regarder et pour être sûr qu’il parle le français. […] Les Suisses romands ont plus l’habitude d’entendre des langues étrangères que du mauvais français. À cause de cette impression, je n’aime pas parler français dans les transports publics. […] C’est une situation qu’un étranger ne vivrait jamais en Turquie. Les Turcs sont vraiment très aimables avec les gens qui essayent de parler en Turc. L’importance c’est de juste pouvoir se comprendre, après les fautes deviennent chou. Contrairement, ils ne sont pas si aimables contre les Kurdes qui essayent de parler leurs langues maternelles depuis des années.
Par ailleurs, son travail sur la langue est, elle le dit ailleurs dans le texte et dans un entretien, ce qui lui a permis de réussir l’examen d’entrée à l’université : c’est donc ce qui lui permet de pallier la non-reconnaissance de ses diplômes turcs en Suisse, et par là même d’échapper progressivement au système d’aide sociale dans lequel les réfugié·e·s sont pris et qui les pousse vers des formations rapides et directement professionnalisantes dans les métiers de l’entretien, de la santé non qualifiée, de la restauration ou du bâtiment, comme j’ai pu le documenter dans la recherche ethnographique menée dans ce contexte. Pour Nazli, la langue et la formation en langue permettent donc de contrer concrètement et symboliquement, en partie bien sûr, l’assujettissement lié à son statut de réfugiée et qu’elle perçoit, on l’a vu dans son premier texte, comme une injustice : elle écrivait en effet considérer l’idée de frontière et de différence entre les peuples comme arbitraire, et ne pas avoir choisi de naître kurde en Turquie.
Chez Nurah, le désir de langue est également lié à un positionnement social, mais surtout en termes professionnels :
Exemple 4
Je croyais que dès mon arrivée, comme je parlais plusieurs langues, j’aurais accès aux études que je voulais faire ou que j’allais trouver un travail dans le même domaine qu’en Arabie saoudite. Puisque le travail dans le domaine du tourisme est international et que je parle l’anglais (langue de référence), l’arabe, le tigrigna (L1) et l’amharique, mais pas le français, ceci a posé un problème mais de plus mon permis de séjour était encore un plus grand obstacle pour l’emploi. […] Pour cette raison, j’ai dû recommencer tout en bas de l’échelle : aide en cuisine, aide au ménage, à la caisse d’un endroit de location du vélo et bénévole pour les associations de réfugiés (interprète et guide d’intégration). À chaque étape mon vocabulaire et mes connaissances se sont enrichies. Finalement, j’ai eu une proposition de l’Etat, grâce à mes connaissances des langues, j’ai passé la formation d’interprète communautaire.
Nurah se positionne comme une professionnelle du tourisme plurilingue et pluriculturelle qui n’est pas parvenue, en raison de son statut et du manque de français comme langue dominante du lieu, à se réinsérer immédiatement et dans sa branche sur le marché de l’emploi. Mais d’une certaine manière, elle se présente comme une « super réfugiée », en tant que bénévole dans l’interprétariat et l’intégration, et se positionne comme une gagnante : son statut de réfugiée, à peine évoqué, l’a retardée dans son accès aux études, mais elle y est finalement parvenue, et elle se « raccroche » en quelque sorte à ses projets initiaux. Elle présente ici encore l’agir social, donc ses pratiques effectives, comme autant d’opportunités de développer son répertoire, jusqu’à se présenter comme professionnelle de la langue, comme interprète communautaire pour l’État, avec le profit de distinction qu’elle semble en retirer ; le travail sur le système, dont elle parlait précédemment, et sur lequel elle avait fortement mis l’accent au départ, ainsi que ses expériences de socialisation pas toujours favorables, on l’a vu, ont fini par payer, en termes de pouvoir : la langue est ce qui lui a permis une reconversion professionnelle et, comme Nazli, l’accès à la formation supérieure, valorisée pour elle.
Selon qu’on le considère sous l’angle de la subjectivité, de la communication ou de l’assujettissement à des contingences sociales, le désir de langue se présente donc de manière spécifique, même si concrètement il se matérialise dans un engagement dans une démarche d’appropriation langagière qui, comme c’est le cas pour Nazli et Nurah, peut être tout à fait similaire. La réflexion à mener sur les modalités du passage de l’agentivité à l’engagement quand ce passage vient à poser problème peut donc s’orienter sur les trois niveaux de la subjectivité, de l’agir social et du communicatif, que l’on peut distinguer pour l’analyse. Au niveau subjectif, il s’agit d’un agir individuel et spécifique : la personne dans sa diversité et sa complexité articule ses représentations sociales de manière toujours spécifique face à une situation donnée pour déployer son agentivité, qui se matérialise par et dans l’engagement dans l’appropriation langagière. Au niveau communicatif, il est question d’agir interactionnel, de ce qui se passe dans l’ici et le maintenant de l’interaction, voire un peu plus largement dans l’agir communicatif d’un contexte spécifique, ce que Wenger appelle une communauté de pratiques, qui peut être une communauté réelle, imaginée ou rejetée (Norton, 2013 ; Zeiter, 2017), et en fonction de quoi la personne va cibler ses efforts en termes de système et de normes communicatives :
Il peut s’agir d’un groupe de musiciens en train de répéter en vue d’un concert, d’adeptes d’Internet désireux de joindre un réseau mondial de télécommunication, d’alcooliques en cure de désintoxication rassemblés dans un sous-sol d’église, de scientifiques à l’œuvre dans un laboratoire de recherche, d’utilisateurs de nouvelles technologies misant sur les échanges pour mieux comprendre les systèmes complexes ou, encore, de jeunes adolescents réunis dans le but de donner un sens à leur vie.(Wenger, 2009: 4)
Au niveau social enfin, on se réfère à l’agir social, à ce qui se passe globalement pour la personne socialement, c’est-à-dire à sa socialisation au sens fort, dont Roberts décrit les interactions comme
des lieux de construction des identités sociales, des lieux où les interactants se voient attribuer des places et où ils se positionnent eux-mêmes. C’est dans le cadre de formations discursives particulières que les gens s’expriment. Dans le cas des travailleurs migrants, cela inclut les discours liés à l’appartenance ethnique et sociale (et plus généralement au racisme), à leur compétence de communication, à leur compétence telle qu’elle est perçue ainsi qu’au positionnement local qui apparaît lors de chaque interaction.(Roberts, 1999: 107)
3. Pour conclure : la réflexivité pour l’autonomie
Le dispositif pédagogique auquel Nazli et Nurah ont pris part avait pour objectif de permettre aux étudiant·e·s de distinguer les différentes dimensions de l’appropriation langagière que sont le système, l’agir social et le pouvoir, qui, on l’a vu dans le premier texte de Nazli, sont des dimensions assez intuitivement perçues mais qui méritent d’être déconstruites pour pouvoir y réfléchir, comme dans le travail final de Nurah. J’y ai proposé aux étudiants d’articuler leur expérience à des concepts théoriques pour favoriser leur réflexivité. L’idée était qu’ils et elles renforcent leur connaissance d’eux-mêmes comme apprenants, tout en construisant leurs connaissances théoriques en sociolinguistique de l’appropriation langagière. Cette approche s’appuie sur la réflexion que j’ai proposée ici, qui implique, surtout avec des adultes en contexte homoglotte, de penser la transmission de la langue à travers des dispositifs didactiques et/ou sociaux comme une manière d’accompagner leur désir de langue. En d’autres termes, il s’agit de travailler sur pied d’égalité avec eux, comme avec des partenaires (qu’ils sont de fait !), en leur procurant des ressources réflexives par le biais de l’écrit ou de l’oral et à différents degrés de théorisation, selon leur parcours antérieur, leur situation présente et leurs projections pour l’avenir, pour leur permettre de vivre, en fonction dans une langue donnée de manière toujours plus autonome.
Il faut ainsi, je crois, vraiment renoncer à cette idée de « motivation », qui ne s’applique finalement que quand on n’a pas ou plus de prise sur autrui, quand on n’a pas la possibilité d’être dans une relation de pouvoir et que donc on ne sait plus comment agir. Au contraire, il me semble que répondre au désir implique de passer à l’acte, c’est-à-dire d’accompagner la personne dans son passage d’un désir de langue, donc d’un souhait irrationnel et impossible à satisfaire, à la langue, donc à des pratiques en langue satisfaisantes à ses yeux.
Une réflexivité appliquée notamment au pouvoir symbolique et aux positionnements sociaux est à mon sens essentielle tant pour la personne en situation d’apprendre une nouvelle langue que pour les personnes qui les y accompagnent, si l’on souhaite éviter que la formation en langue ne corresponde à un dressage, à l’assujettissement des personnes, surtout quand elles sont étrangères et en situation de migration subie. Par ailleurs, cette réflexivité est également un moyen de développer le répertoire pluriculturel en transformant les expériences interculturelles potentiellement pénibles, exotiques ou minorisantes en occasions de réflexion sociale. Il s’agit alors de se construire dans la continuité, non dans rupture, et d’ainsi réconcilier une vision enchantée et une vision critique de la socialisation.
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1 Par « dispositif social », je pense aux activités sociales (sorties sportives, visites de musées, repas en commun, etc.) mises en place prioritairement pour accueillir la personne dans une nouvelle société et lui permettre de s’y projeter ce qui, sur un deuxième plan, implique généralement de l’aider à entrer dans la langue : le dispositif est donc social avant que d’être didactique, c’est-à-dire qu’il se focalise sur la socialisation avant que sur l’enseignement-apprentissage de la langue. On pense ici principalement aux personnes issues d’expériences migratoires subies, mais également aux étudiant·e·s internationaux, par exemple, qui doivent entrer dans un (nouveau) système académique : il s’agit d’abord de se débrouiller socialement, de parvenir à donner du sens à un nouveau contexte social, pour pouvoir se concentrer toujours plus finement sur la langue.
2 Il s’agit d’un examen d’entrée à l’université extrêmement sélectif, mis en place pour les personnes dont les titres ne sont pas reconnus et qui souhaitent débuter une formation académique.