N°74 / Enseignement du français et enseignement en français: continuité ou rupture ?

Apprentissage de la L2 et des mathématiques en tant que DdNL en contexte d’immersion réciproque

Emile Jenny, Francesco Arcidiacono

Résumé

Résumé : 

En partant du constat que, depuis le début des années 2000, les écoles primaires suisses recourent de plus en plus à différentes formes d’enseignement bilingue, généralement en proposant l’enseignement de disciplines dites non linguistiques (DdNL) dans une langue étrangère (Gajo, 2009), cet article s’intéresse au contexte de l’immersion réciproque pour en analyser le rôle dans le développement de compétences de L2 et de mathématiques.

Notre objectif est double : d’une part, mesurer certaines compétences acquises par des enfants de 10 à 12 ans au travers de tests à complexité progressive ; d’autre part, comprendre la place des apprentissages de mathématiques en tant que DdNL en contexte d’immersion réciproque. Pour ce deuxième objectif, un entretien semi-dirigé approfondi a été réalisé avec un enseignant qui dispense des cours de mathématiques à la Filière Bilingue (FiBi).

Les analyses quantitatives conduites ont mis en évidence des résultats significativement plus élevés pour les élèves FiBi en comparaison aux élèves de classes régulières en L2 et en mathématiques. Pour l’entretien, une analyse qualitative du discours tenu par un enseignant a été utilisée pour faire émerger les points de rupture entre contenu et langue, les difficultés rencontrées par les élèves participant à l’étude, les particularités didactiques du dispositif mis en place, ainsi que l’évaluation de la DdNL choisie.

Les résultats de l’étude montrent à quel point, en relation avec les contingences locales, l’immersion réciproque peut profiter aux DdNL, dans la perspective d’une meilleure compréhension des implications didactiques et méthodologiques liées à ce type d’enseignement.

 

Abstract : 

Since 2000, Swiss primary schools are increasing different forms of bilingual education, mostly by teaching non-linguistic subjects (hereafter DdNL) in a foreign language (Gajo, 2009). The present paper focuses on the two-way immersion education and proposes an analysis of its role for the development of L2 and mathematic skills.

Our goal is two-fold: on the one hand, to measure some skills acquired by children (10-12 years old) through tests with increasing levels of difficulty ; on the other hand, to understand the place of mathematics in the context of the two-way immersion system. For this second aim, an in-depth semi-structured interview was conducted with a mathematics teacher involved in the FiBi project (Filière Bilingue).

Quantitative analyses showed that FiBi-pupils have significantly higher results in L2 and in mathematics in comparison to regular classes’ pupils. Concerning the interview, a qualitative discursive analysis shed light on issues concerning the relationship between language and contents, the difficulties of the participant children, and some didactic aspects that are specific to the project, as well as the evaluation of the chosen DdNL.

The findings show how two-way immersion, with respect to the local context, can improve DdNL education, in the perspective of a better comprehension of the didactic and methodological implications related to this type of school system.

Emile Jenny & Francesco Arcidiacono - HEP-BEJUNE, Suisse
emile.jenny@hep-bejune.ch
Francesco.Arcidiacono@hep-bejune.ch

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Apprentissage de la L2 et des mathématiques en tant que DdNL en contexte d’immersion réciproque

 

 

Introduction

L’enseignement bilingue et ses différentes déclinaisons sont en plein essor depuis les années 1990 au Canada, aux États-Unis et en Europe avec un regain d’intérêt actuel pour les classes publiques du primaire. En Suisse, la Conférence des Directeurs de l’Instruction Publique (CDIP) encourage tout projet permettant aux élèves de développer des compétences langagières dans une perspective communicative et actionnelle (Conférence des Directeurs de l’Instruction Publique, 2004, 2014). L’enseignement par immersion réciproque semble tout à fait convenir aux régions bilingues de Suisse puisqu’elle place dans une même classe des élèves de deux communautés linguistiques régionales utilisant les deux langues pour l’enseignement. Cette approche, dont les prémices remontent aux années 1970 aux États-Unis, vise à développer des compétences langagières au travers d’un enseignement immersif d’un côté et au travers d’interactions entre pairs de l’autre. La question des apprentissages dans les disciplines en contexte bilingue reste peu étudiée et il est important de la documenter de différentes perspectives, notamment celle de l’équilibre langue-contenu.

La présente étude s’inscrit dans le cadre du suivi d’un projet immersif-réciproque mis en place à Bienne (Suisse). Ce dernier propose un enseignement en français et en allemand pour des élèves francophones, germanophones et allophones (Jenny, 2018a, 2018b ; Jenny & Steffen, 2017). La recherche a été réalisée auprès d’élèves de 7e de la Filière Bilingue (FiBi) en comparaison à des élèves de classes régulières du même niveau. Premièrement, les compétences de L2 et de mathématiques de ces deux groupes ont été mesurées et comparées. Deuxièmement, un entretien semi-dirigé approfondi a été réalisé avec un enseignant de la FiBi qui dispense régulièrement des cours de mathématiques afin de comprendre la place des apprentissages de cette discipline dite non linguistique (DdNL) en contexte d’immersion réciproque et d’en saisir certains enjeux didactiques. L’objet d’étude des mathématiques a été choisi puisqu’il représente un élément important dans l’orientation des élèves à la fin du cursus primaire. De plus, cette discipline dispose d’une dotation horaire élevée et similaire dans les plans d’études les deux régions linguistiques.

Pour rendre compte de ces aspects, cet article présente dans un premier temps le cadre contextuel de cette étude, notamment en définissant l’enseignement bilingue et l’immersion réciproque, les enjeux liés à la DdNL et à l’apprentissage d’une langue par immersion ainsi que l’environnement bilingue de la ville dans laquelle cette étude a été conduite. Dans un deuxième temps, le cadre méthodologique sera défini. Les résultats qui concernent l’apprentissage des mathématiques en tant que DdNL dans le contexte immersif de référence seront ensuite présentés. Une conclusion sera offerte pour émettre des recommandations du point de vue de la conduite du projet ainsi que des perspectives pour des futures analyses qui puissent consolider de manière efficace l’effet des contingences locales et les impacts au niveau de la discipline des mathématiques.

 

Cadre contextuel

Dans ce travail, la notion de L1 désigne la première langue enseignée dans le cursus scolaire, par exemple le français dans une classe d’une région francophone. La L2 représente alors la deuxième langue (ou la première langue étrangère) que les élèves devront apprendre à l’école, par exemple l’allemand en Suisse romande, et par conséquent, la langue-cible généralement visée par un programme d’enseignement bilingue. Dans le cas de la FiBi à Bienne, la L1 de l’enfant dépend de la langue régionale qu’il parle majoritairement avant d’entrer dans cette école bilingue. Ainsi, pour un élève qui parle français à la maison et qui est ensuite scolarisé en bilingue français-allemand, le français sera considéré comme L1 et l’allemand comme L2.

Le terme d’enseignement bilingue est généralement utilisé de manière générique et englobe plusieurs approches visant l’utilisation de deux langues d’enseignement dans une école. La définition donnée par Gajo et Berthoud (2008, p.1) va dans ce sens et décrit l’enseignement bilingue comme un programme qui propose « une partie du cursus scolaire dans une autre langue au moins que la langue locale de référence ».

Cette première partie du travail présente quatre éléments qui semblent importants à la compréhension du cadre contextuel de la présente étude : l’immersion réciproque ; la DdNL ; l’environnement sociolinguistique et socio-culturel de la ville de Bienne et les facteurs généraux de réussite scolaire.

 

Immersion réciproque pour le bilinguisme et l’enseignement bilingue

Longtemps considéré comme une source de troubles intellectuels et identitaires, le bilinguisme a donné lieu à de nombreuses recherches. Les premières études, principalement menées aux États-Unis au début du XXe siècle, percevaient certains déficits chez les individus bilingues (voir par exemple Saer, 1923). Cependant ces résultats ont été fortement critiqués pour leur manque de rigueur sur le plan méthodologique, notamment puisqu’elles comparaient des personnes issues de l’immigration avec d’autres, issues des communautés locales, ayant un statut socio-économique différent.

La recherche portant sur l’immersion et l’enseignement bilingue s’étend sur plusieurs dizaines d’années et des écrits scientifiques ont accompagné la mise sur pied de projets bilingues à différents moments et dans différents lieux. Plusieurs synthèses ont été rédigées à la fin des années 1980, donnant un aperçu plus général de la question (voir notamment Calvé, 1991 ; Lapkin & Swain, 1990 ou LeBlanc 1992). Les conclusions les plus importantes de ces travaux indiquent que les élèves évoluant en contexte immersif-précoce développent de plus grandes compétences en L2 (surtout en compréhension écrite et orale ainsi qu’en expression orale) que les élèves évoluant en contexte immersif-tardif. En ce qui concerne l’expression écrite, les élèves des deux groupes obtiennent des résultats semblables. Si l’on compare les élèves issus de l’enseignement bilingue avec des élèves suivant un enseignement régulier, les auteurs relèvent des compétences supérieures en L2 chez les élèves issus de l’enseignement bilingue, principalement dans les compétences réceptives. Cependant certaines faiblesses pour les compétences grammaticales, lexicales et sociolinguistiques ont été identifiées chez les élèves issus de l’enseignement bilingue.

Depuis plusieurs dizaines d’années, la présence de ce type de cursus augmente dans les pays occidentaux mais plusieurs questions se posent encore concernant notamment les apprentissages en L1, L2 et DdNL ainsi que les élèves à besoins éducatifs particuliers (Gajo, 2001).

En Suisse, le lancement d’un programme d’enseignement bilingue est souvent accompagné d’une sélection d’élèves ayant un niveau de L2 jugé suffisant pour suivre les cours donnés dans l’autre langue, ce qui empêche l’analyse de la question concernant les élèves qui présentent des difficultés d’apprentissage. En revanche, de nombreux travaux se sont penchés sur les questions de la L1 et la L2 et, dans une moindre mesure, sur les questions concernant les DdNL. Les recherches concernant la L1 rassurent et encouragent les pratiques d’enseignement bilingue en mettant en avant un développement normal de la L1, voire un bénéfice de la L2 pour la L1 (voir par exemple Baker, 2006). En d’autres termes, les apprentissages métalinguistiques effectués lorsque les élèves travaillent la L2 peuvent souvent être transférés pour enrichir la L1 et réciproquement. Les travaux sur la L2 indiquent que la compétence de communication augmente significativement chez les élèves scolarisés dans des programmes bilingues, même si les compétences productives prennent généralement plus de temps à se développer (Calvé, 1991). La question des DdNL reste encore peu étudiée même si plusieurs travaux récemment publiés (Gajo, 2007 ; Gajo & Steffen, 2015) mettent en avant le potentiel de l’enseignement bilingue pour les savoirs disciplinaires. Concernant l’immersion, nous constatons un grand nombre de publications (plus d’un millier selon Calvé, 1991) dès ses premières années. Le type d’immersion est souvent défini en fonction de l’âge des élèves lors du démarrage (immersion précoce ou tardive) ou en fonction du temps octroyé à la L2 (immersion partielle, totale, etc.). Lors de la mise en place d’un projet d’enseignement bilingue, une attention particulière est généralement portée sur l’impact du dispositif sur la L1 et la L2 ainsi que sur les DdNL et les profils socio psychologiques des élèves (Gajo, 2001).

Dans l’idée d’offrir un aperçu non-exhaustif de certaines recherches effectuées dans des contextes bilingues et concernant les apprentissages de L2, de mathématiques ou se situant au croisement entre langue et contenu, nous aimerions proposer une réflexion sur des aspects issus d’études précédentes dans différents pays. Moore (2006) mentionne par exemple une étude qui a été menée au pays basque et qui a montré que les élèves atteignaient un niveau d’écriture semblable en espagnol et en basque bien que le temps octroyé à chaque langue différait largement (75% pour le basque contre 15% pour l’espagnol). García-Azkoaga et Idiazabal (2003) expliquent ce résultat par le fait que les étudiants sont capables d’effectuer des transferts du basque vers l’espagnol bien que ces deux langues comportent des systèmes grammaticaux très différents. Cependant, un « effet plafond » (Ó Muircheartaigh & Hickey, 2008, p. 162) a parfois été constaté dans le cadre de l’évaluation des compétences en L2 d’élèves participant à des projets bilingues, ce qui interroge les scientifiques encore aujourd’hui.

Macnamara (1966) s’est intéressé aux niveaux primaire et secondaire de projets d’enseignement bilingue et a montré que les résultats en mathématiques des élèves issus d’un programme d’immersion étaient identiques à ceux d’élèves scolarisés en programme anglophone d’une classe inférieure. Cependant, les différences n’étaient pas significatives lorsque le test passé ne comportait que des signes arithmétiques. Ces résultats, mais surtout la méthodologie utilisée dans cette étude, ont été critiqués par Cummins (1977) qui lui reprochait la confusion entre la compétence en arithmétique des élèves testés et leur habilité à la démontrer dans un test conçu dans une L2. Mac Nia (2002) a montré que les élèves issus de projets bilingues obtiennent des résultats de mathématiques généralement aussi satisfaisants que ceux issus des classes anglophones. Enfin, Ó Muircheartaigh et Hickey (2008) ont relevé des compétences langagières en gaélique et en mathématiques identiques chez les élèves issus de programmes d’immersion précoce et ceux ayant débuté un programme d’immersion à l’âge de 12 ans.

Le contexte international montre bien l’intérêt de la recherche pour des DNL telles que les mathématiques et pour la L2 dans le suivi des projets d’immersion. Les tendances générales qui semblent se dégager de la recherche concernant ces deux aspects indiquent le développement de meilleures compétences de L2 chez les élèves participant à des projets d’immersion et des résultats similaires en mathématiques entre les élèves de classes bilingues et non bilingues. Depuis plusieurs dizaines d’années, l’ouverture de classes bilingues augmente dans les pays occidentaux et plusieurs questions se posent encore concernant notamment les apprentissages en L1, L2 et DdNL ainsi que les élèves à besoins éducatifs particuliers (Gajo, 2001).

En Suisse, plusieurs recherches ont également été menées en lien avec l’enseignement bilingue. Par exemple, l’expérience pilote d’enseignement de l'allemand par immersion précoce dans le canton francophone de Neuchâtel (appelée PRIMA) s’inscrit dans la stratégie de la CDIP de 2004 et vise l’apprentissage précoce de l’allemand dès l’école enfantine. Dans le cadre de PRIMA, l’enseignement est généralement dispensé à 50% en allemand lors des deux premières années de la scolarité (1e et 2e) et réduit à 15%-30% dès la 3e. Ce projet implique donc l’enseignement de différentes DdNL en allemand telles que les mathématiques, les sciences humaines (géographie, histoire, étique et cultures religieuses), la musique, les arts visuels, les activités créatrices et manuelles ainsi que l’éducation physique. Suite à une première expérience en 1995 dans quelques classes, le projet PRIMA a officiellement débuté en 2011 dans différentes classes du canton, s’étendant du cycle 1 à la fin du cycle 2 (selon les établissements) et comptabilisant plus de 600 élèves en 2015. Les résultats du suivi scientifique de ce projet indiquent notamment une plus grande ouverture des élèves pour l’allemand (L2) et l’utilisation de plusieurs stratégies de compréhension, comme la comparaison entre les langues connues.

Les différentes expériences brièvement présentées dans ce chapitre montrent que l’immersion suscite un grand intérêt pour la recherche et pour les institutions chargées de l’application des recommandations concernant l’enseignement des langues. Nous souhaitons nous intéresser maintenant à un type d’immersion précis, relativement récent dans le paysage suisse : l’immersion réciproque.

Ce type d’enseignement bilingue a connu plusieurs définitions et assertions au fil des années. Force est de constater que ce qui est entendu par ce terme dépend largement du contexte dans lequel elle est implémentée. Du point de vue conceptuel, la plupart des auteurs s’accordent sur les aspects principaux de l’immersion réciproque : une répartition relativement équitable des enseignements entre les deux langues retenues pour le programme et la présence dans la classe d’élèves issus des communautés parlant l’une ou l’autre de ces langues (voir notamment Brohy & Gajo, 2008 ; May, 2017). Historiquement, l’enseignement par immersion réciproque semble trouver ses origines aux États-Unis dans les années 1970, dans un contexte migratoire impliquant l’arrivée de nombreux ressortissants d’Amérique Centrale sur la côte Est suite à un changement de législation. Garcia (2008) présente notamment un projet de New York dans lequel l’enseignement bi-plurilingue s’est développé par la force des choses puisque la plupart des élèves ainsi que certains enseignants étaient issus des communautés hispanophones et que les idéologies politiques et pédagogiques des années 1970 incitaient à construire les savoirs sur les compétences existantes des élèves. Cet enseignement visait principalement l’intégration de cette population et était alors appelé « enseignement bilingue de transition » (Garcia, 2008, p. 112) puisque l’objectif était principalement de permettre aux élèves allophones de rejoindre les classes monolingues anglophones du pays suite à leur passage dans ces classes. Ce cadre institutionnel ne correspond pas aux définitions actuelles de l’enseignement bilingue et s’apparente plutôt à celle d’une classe d’accueil dans laquelle la langue d’origine des élèves serait utilisée comme langue d’enseignement à temps partiel. Pourtant, l’évolution des pratiques et la prise en compte des résultats de la recherche ont donné naissance à un nouveau modèle d’enseignement bilingue aux États-Unis dès les années 2000 : l’immersion réciproque, appelée en anglais two-way dual language (voir par exemple May, 2017). Dans cette approche, les langues d’enseignement utilisées sont presque toujours l’anglais et l’espagnol mais elles peuvent également concerner d’autres langues à côté de l’anglais, comme par exemple le chinois. La part dévolue à l’enseignement dans une autre langue que l’anglais est généralement proche de cinquante pour cent et deux enseignants se partagent les disciplines et parlent chacun dans une seule langue en appliquant la modalité une personne/une langue (1P/1L). Cependant, cette modalité n’est ni une condition institutionnelle de tout projet, ni un élément conceptuel de l’immersion réciproque. En effet, bien d’autres pratiques sont possibles : par exemple, un seul enseignant peut dispenser des cours dans les deux langues selon la modalité une personne/deux langues (1P/2L).

Ces nombreuses recherches montrent combien les questions langagières et, dans une certaine mesure, les compétences de mathématiques, ont été analysées durant ces trente dernières années. En revanche, peu d’études s’intéressent à l’articulation entre ces deux domaines et à l’équilibre langue-contenu tant dans les cours de langues que dans les cours de DdNL. De plus, l’immersion réciproque est un type d’immersion relativement nouveau en Europe et très récent au niveau primaire en Suisse. Il semble par conséquent important de documenter ce type d’enseignement bilingue, afin de mieux en comprendre ses enjeux pédagogiques et didactiques.

 

DNL ou DdNL : quels enjeux langagiers pour la discipline des mathématiques

L’enseignement bilingue se trouve au croisement de la L1, de la L2 et de la DdNL. Lorsqu’on aborde les questions liées à l’enseignement bilingue, on parle souvent de la notion d’intégration ce qui est intéressant à plusieurs titres. Premièrement, une analyse des pratiques de classes permet de décrire les processus et d’identifier si les savoirs travaillés relèvent plutôt d’un aspect linguistique ou disciplinaire. Deuxièmement, l’étude des différents modes de contacts entre les langues (par exemple l’alternance codique) donne des informations précieuses concernant le cadre institutionnel des classes d’immersion et sur les pratiques langagières des enseignants. Troisièmement, les représentations des différents acteurs de l’enseignement bilingue (élèves, enseignants, parents, etc.) influent fortement sur les pratiques et sur l’équilibre souhaité ente la L2 et la DdNL (Gajo, 2007). Il est important de rappeler que, dans l’enseignement bilingue, la DNL n’est pas au service de la langue, mais reste bien l’objectif principal dans le cours de la discipline visée. L’utilisation de plusieurs langues dans l’acquisition de savoirs disciplinaires présente selon Gajo (2007) différents intérêts pour la discipline. Premièrement, l’étude d’une DNL, quelle qu’elle soit, nécessite de passer par une verbalisation. Lors de tout apprentissage, la langue ou les langues sont utilisées comme vecteurs de transmission et d’appropriation des savoirs. Il est alors possible de questionner l’appellation « non-linguistique » présente dans la DNL et Gajo (2007, p. 2) propose de modifier celle-ci en par « la notion de discipline dite non-linguistique ». Dans cette optique, nous avons adopté l’appellation « DdNL » dans l’ensemble de ce travail. Deuxièmement, les termes d’authenticité et de contenus sont régulièrement utilisés pour aborder l’approche communicative et actionnelle. L’enseignement bilingue constitue en quelque sorte un prolongement de ces termes puisqu’il lie directement l’utilisation de la L2 pour aborder des savoirs scolaires. Troisièmement, d’un point de vue scientifique, les savoirs se sont développés parallèlement en plusieurs langues et l’enseignement bi-plurilingue permet de rester plus fidèle aux différentes migrations et aux évolutions des savoirs disciplinaires et linguistiques à travers le temps et l’espace. Enfin, l’utilisation d’une L2 représente un outil supplémentaire pour les apprenants lorsqu’il s’agit de verbaliser des contenus autant linguistiques que disciplinaires. Par conséquent, l’enseignement bilingue peut être considéré aussi bien comme un but que comme un moyen de communiquer à l’école (Gajo, 2007).

Si le plurilinguisme est aujourd’hui perçu comme une réalité, le fait de travailler, au plan didactique, de manière plurilingue peut rencontrer des acceptations différentes. Premièrement, l’utilisation d’une L2 pour acquérir des savoirs disciplinaires représente une « complexification des situations didactiques » (Gajo, 2007, p. 3). En effet, si les élèves se retrouvent parfois dans des situations plus complexes à résoudre, l’utilisation de la L2 permettra également la dé-contextualisation (utilisation de mots dans plusieurs contexte) et la défamiliarisation (détachement des concepts appris, notamment en passant d’une langue vers une autre). Si ces éléments sont pris en compte dans l’approche didactique de l’enseignant, l’opacité de la langue (voir notamment Berthoud & Gajo, 2005) peut représenter une réelle opportunité d’apprentissage. La reformulation contribue généralement à une meilleure compréhension des contenus disciplinaires mais se situe avant tout du côté des savoirs linguistiques puisqu’elle travaille sur l’opacité du discours. L’élève placé dans un programme d’enseignement bilingue devra par conséquent effectuer un passage de l’opacité des discours à la densité des savoirs disciplinaires. C’est ce processus que Hanse (2000) appelle l’authentification puisque la langue ne peut pas exister sans la présence de contenus. Nous pouvons alors différencier le terme de conceptualisation (plus proche des contenus) de celui de reformulation (plus proche des phénomènes langagiers).

Ces différents éléments mettent en avant l’intérêt que peut représenter l’enseignement bilingue autant pour les langues que pour les DdNL. Cependant, il reste encore à écrire de manière précise les pratiques et les éléments didactiques qui entrent en jeu dans ce type d’enseignement, afin de soutenir les enseignants et sensibiliser la future génération à une « didactique multi-intégrée » (Gajo, 2007, p. 9).

 

La FiBi à Bienne

Cette partie vise à donner les éléments-clés de la compréhension du dispositif de la FiBi dans le contexte de la ville bilingue de Bienne. Le contexte de cette ville semble favorable à l’installation d’un projet d’immersion réciproque puisque deux communautés linguistiques (francophone et germanophone) sont présentes dans des proportions relativement équilibrées. En 2017, 58% des résidents indiquent l’allemand comme langue officielle contre 42% qui indiquent le français. De plus, Bienne présente une grande proportion de personnes plurilingues : en 2017, 53.2% parle deux ou plus de deux langues (Ville de Bienne, 2017). Le concept d’enseignement de la FiBi est basé sur le modèle de l’immersion réciproque : « [chaque classe est composée à parts égales d’enfants germanophones et francophones. Par principe, l’enseignement est dispensé́ à parts égales en allemand et français. L’on encourage modérément la langue principale des enfants dans des disciplines d’enseignement linguistiquement homogènes. Ce modèle permet l’acquisition de compétences linguistiques, non seulement dans le cadre de l’enseignement, mais encore dans les contacts entre élèves, notamment lors des pauses et durant les loisirs » (Le Pape Racine, Merkelbach, Salzmann & Walther, 2010, p. 3).

Sur le plan structurel, la FiBi est une entité scolaire qui dispose d’une direction, d’un site géographique et d’une équipe enseignante. Deux classes parallèles de chaque degré scolaire ont été créées afin de permettre aux enseignants de travailler de manière collaborative et, dans certains cas, de former des classes homogènes sur le plan linguistique. Les classes sont composées d’élèves ayant pour langue principale le français, l’allemand, mais également d’autres langues. Lancé en 2010 avec deux classes enfantines, le projet a été évalué en 2013 puis en 2017 afin de valider sa continuation après chaque phase (cycle 1, cycle 2). Le projet s’est agrandi à raison de deux classes par année et compte actuellement 16 classes allant de la 1e à la 8e, soit plus de 300 élèves. Deux classes de 9e (niveau secondaire) viennent également de s’ouvrir. En raison de sa spécificité, cette filière constitue un terrain d’investigation privilégié pour l’étude des apprentissages des DdNL en contexte d’immersion réciproque.

 

Facteurs généraux de réussite scolaire

Dans toute recherche comparant les résultats d’élèves issus de différents contextes, plusieurs facteurs généraux pouvant influencer la réussite scolaire (et par conséquent la réussite aux tests effectués) doivent être pris en considération. La plupart des auteurs s’accorde à dire qu’il est très difficile d’obtenir une vue d’ensemble de cette question, la raison principale étant que, dans une recherche, l’accent est généralement mis sur un seul aspect à la fois. Selon Laurens (1992), l’environnement familial constitue un des principaux facteurs de réussite scolaire, même s’il reconnaît que de nombreux éléments ou personnes extérieurs peuvent également fortement l’influencer. Il cite notamment des contacts telles qu’une relation amoureuse, les amitiés que les parents entretiennent avec des personnes d’autres milieux sociaux ou encore des rencontres religieuses. Pour Zéroulou (1988), le projet migratoire représente un aspect central de la réussite scolaire des élèves migrants et Laurens (1992) précise que, si la migration est souvent perçue comme un aspect défavorisant la réussite scolaire puisqu’elle déstabilise la trajectoire sociale de la famille, elle peut aussi bien être perçue comme une source de réussite scolaire, notamment lorsqu’elle est valorisée. Selon Roy (2006), de nombreuses études ont été effectuées dans les années 1990, tentant d’englober un maximum de facteurs extérieurs à l’école pouvant influencer les résultats scolaires tels que les conditions socio-économiques, les origines géographiques et sociales ou la constellation familiale. Dans un large travail de synthèse, Ripamonti (2017) constate que les facteurs de réussite scolaire peuvent être classés dans trois catégories : les facteurs personnels (p. ex. genre, ethnie, âge, convictions, estime de soi, etc.), sociaux (p. ex. statut socio-économique, amitié, soutien familial) et contextuels (p. ex. environnement rural ou urbain, composition de la classe). Dans le présent article, les analyses seront effectuées en lien avec certains de ces concepts, en y associant le volet sociolinguistique.

 

Question de recherche et hypothèses

Cette étude vise à répondre à la question principale de recherche suivante :

Quelles sont les compétences de L2 et de mathématiques développées par des élèves de 10-12 ans dans le cadre spécifique de l’enseignement par immersion réciproque ?

De la question principale de recherche découlent trois sous-questions : la première s’intéresse aux compétences de L2 des élèves, la deuxième aux compétences de mathématiques et la dernière aux enjeux didactiques d’un projet d’enseignement par immersion réciproque. Les trois sous-questions sont les suivantes :

  1. Quelle est la différence entre les compétences en L2 développées par des élèves issus d’un programme d’immersion réciproque et celles d’élèves de classes régulières ?

  2. Quelle est la différence entre les compétences en mathématiques développées par des élèves issus d’un programme d’immersion réciproque et celles d’élèves de classes régulières ?

  3. Quels sont les enjeux didactiques de l’enseignement par immersion réciproque pour l’apprentissage d’une L2 et des mathématiques ?

Ces questions montrent bien les deux axes et les deux phases prévues dans ce projet : premièrement, un focus quantitatif sur les compétences des élèves en L2 et en mathématiques (sous-questions 1 et 2) et deuxièmement un focus qualitatif sur les éléments particuliers de l’immersion réciproque (sous-question 3). Face au caractère relativement novateur de l’immersion réciproque pour la DdNL dans le contexte primaire en Suisse, ces questions pourront alimenter les discussions et les connaissances concernant ce type d’enseignement bilingue.

Approche méthodologique

Sur la base de la question principale, des sous-questions soulevées ainsi que de la population et du contexte étudiés, la méthode mixte a été retenue en tant qu’outil privilégié pour répondre à ces questions. En effet, l’approche quantitative permet la mesure des compétences des élèves et un aperçu général de la question alors que l’approche qualitative est indispensable à la compréhension des implications didactiques d’un tel projet et à une vision plus globale du projet et de ses enjeux. Pour ce qui est de la partie quantitative, les analyses porteront principalement sur les compétences en L2 dans le sens développé par le Conseil de l’Europe dans une perspective plurilingue (Coste, Moore & Zarate, 2009) et sur les compétences de mathématiques décrites dans les plans d’études francophone (PER) et germanophone (Lehrplan211). Pour ce qui est de la partie qualitative, un entretien approfondi avec un enseignant de mathématiques de la FiBi devrait donner de nouveaux angles de compréhension du dispositif et de ses implications didactiques.

 

Participants et données

Il a été décidé de travailler avec les élèves de 7e (10-12 ans) puisque cette tranche d’âge n’a pour l’instant pas été étudiée et puisque la recherche s’intéresse fortement aux résultats que peuvent présenter les élèves après sept ans de participation au projet (les études de ce terrain portaient jusqu’à présent sur les élèves du cycle 1). L’échantillon d’élèves ayant participé aux tests (n=292) est composé d’une part d’élèves de 7e de la FiBi (n=76 élèves) et d’autre part d’élèves du même âge, également issus de classes de 7e de la ville de Biel/Bienne et qui ont accepté de participer à cette recherche suite à une demande de la ville (n=216).

 

Partie quantitative : évaluation des compétences en mathématiques des élèves de la FiBi

La première partie de ce travail vise à mesurer les compétences développées par les élèves de la FiBi en L2 et en mathématiques, en comparaison avec les élèves de classes régulières du même âge. Puisque les comparaisons de moyennes effectuées pour répondre à différentes questions de recherche concernent principalement les deux groupes (FiBi et Classes régulières), une attention particulière a été portée aux autres caractéristiques pouvant influencer les résultats de cette recherche, mentionnées en fin de partie théorique de cet article.

Les élèves participant à la recherche ont passé́ des tests de langue dans les activités langagières suivantes : compréhension écrite (CE), compréhension orale (CO), expression écrite (EO) et expression orale (EO). Ceci permet d’avoir un aperçu des apprentissages effectués à ce jour par les élèves de 7e dans le projet FiBi. Les tests de langue ont été construits sur la base des exercices de l’ouvrage Lingualevel réalisé par Lenz et Studer (2014) afin d’évaluer les compétences en langue française et anglaise d’apprenants germanophones de tous les âges. Par conséquent, certains tests ont été adaptés afin de permettre la mesure les compétences langagières d’élèves francophones en allemand. Les tests se basent sur les niveaux de langue A1-C2 proposés par le Conseil de l’Europe (2001) et ont été expérimentés dans différents pays. Afin de pouvoir les utiliser dans les cursus scolaires avec plus de précision, ils ont été́ déclinés en sous-niveaux (A1.2-B2.2) comme proposé dans le Cadre Européen Commun de Référence pour les langues (CECR). Ces distinctions sont d’ailleurs reprises dans les plans d’études actuels. Les sous-niveaux permettent une appréciation plus précise des compétences d’apprenants entre les niveaux A1 et C2. Pour ce travail, des exercices allant du niveau A1.1 au niveau B2.2 ont été choisis afin de permettre aux élèves d’effectuer des exercices de plus en plus difficiles, selon leur niveau de compétence.

Pour les mathématiques, une comparaison des plans d’études des deux régions linguistiques a été effectuée et des exercices visant l’évaluation des compétences de mathématiques d’élèves du même âge développés par la Humboldt-Universität Berlin (2013) et ont été repris et adaptés pour vérifier les objectifs visés. Afin de couvrir le plus grand nombre de compétences possibles, le choix a été́ porté sur un test relativement long (45 minutes) couvrant les thématiques principales de la discipline des mathématiques présente dans les deux plans d’étude : addition, soustraction, multiplication, division, quantité et unités, chiffres, nombres et fractions, géométrie et logique. Des exercices avec un niveau de difficulté croissant, recouvrant des objectifs de 6e à 8e ont été choisis afin de permettre à tous les profils d’élèves d’aller le plus loin possible en fonction de leurs compétences. Au total 33 questions, tirées des tests de Humboldt-Universität Berlin (2013), mais aussi inspirées des moyens d’enseignement obligatoires des deux régions linguistiques, ont été́ sélectionnées.

Afin de récolter des données sur le profil des élèves, un questionnaire fermé à réponse unique a été utilisé, permettant d’identifier rapidement plusieurs aspects de la population étudiée. Ce modèle de questionnaire permet d’éviter les énoncés individualisés et de classer les réponses dans des catégories prédéfinies (Raab-Steiner & Benesch, 2012). Le questionnaire élaboré pour ce travail se divise en quatre parties : les données personnelles, les données sur l’école, la situation familiale et la situation langagière. Pour l’analyse, la partie sur les données personnelles permet de tirer des informations sur le genre, l’âge et la nationalité de l’individu. Celle sur l’école permet simplement de différencier les élèves des classes FiBi des classes régulières et de les classifier selon leur langue de scolarisation. La partie portant sur la situation familiale comporte plusieurs items concernant le nombre de personnes avec qui l’individu partage son domicile, la fratrie, la langue et la formation de ses parents permettant une approche sociologique lors du traitement des données. Enfin, celle dédiée à la situation langagière regroupe quatre items portant sur les pratiques langagières de l’individu dans différents environnements tels que le lieu de résidence, les loisirs, les relations amicales et l’école. Un cinquième item portant sur la langue dans laquelle l’individu se sent le plus à l’aise a été ajouté afin de permettre l’identification d’une ou de plusieurs langues de préférence pour l’individu. Une dernière question facultative et ouverte a permis à l’individu d’ajouter un élément personnel s’il le souhaitait. Le questionnaire a été testé et ajusté à deux reprises. Les analyses statistiques concernant cette partie ont été effectuées à l’aide du programme SPSS (Version 22).

Partie qualitative : rôle des mathématiques en tant que DdNL en contexte immersif réciproque

La partie qualitative de ce travail vise à donner de plus amples détails sur la manière dont se déroule l’enseignement de la DdNL des mathématiques dans une classe pratiquant l’immersion réciproque. Dans cette optique, il a été décidé de conduire un entretien semi-dirigé approfondi avec un enseignant germanophone de la FiBi qui participe au projet depuis son lancement en 2010. Cette partie vise bien plus une exemplification des pratiques, réflexions et représentations d’un enseignant de cette école qu’une analyse exhaustive du discours des enseignants impliqués dans le projet. Elle représente la phase initiale d’une recherche plus conséquente et ces analyses seront approfondies ultérieurement. Pour cette partie, une approche analytique inductive a été choisie afin d’obtenir une première vision des enjeux didactiques de l’enseignement immersif-réciproque au travers du discours d’un enseignant en lien avec la DdNL des mathématiques. Les questions portaient notamment sur les points de rupture entre contenu et langue, les difficultés rencontrées par les participants à l’étude, les particularités didactiques du dispositif mis en place, ainsi que sur les pratiques d’évaluation. Des outils issus de l’analyse du discours et visant en premier lieu le contenu ainsi que la position du locuteur par rapport à celui-ci (voir par exemple Roulet, 1991) ont été utilisés pour l’analyse. Des extraits de l’interview ont été sélectionnés et classés selon leur appartenance à l’un ou l’autre des aspects mentionnés plus haut. Il s’agit donc d’un procédé idiographique de recherche de sens qui devrait permettre de mettre en relation les résultats de la première partie du travail avec les observations et les commentaires de l’enseignant. L’entretien d’une durée de 45 minutes a été enregistré, transcrit puis réparti en différentes séquences selon les thématiques abordées.

 

Résultats

Cette partie présente dans un premier temps les résultats obtenus dans le cadre de l’analyse quantitative des données. Dans un deuxième temps, l’analyse de l’entretien avec l’enseignant donnera des éléments complémentaires et certains éclairages sur les enjeux didactiques liés à l’enseignement par immersion réciproque selon cet enseignant. Enfin une synthèse de ces deux parties permettra de les mettre en relation et d’envisager des pistes d’explication et de perspectives pour la suite du projet.

 

Partie 1 : compétences de L2 et de mathématiques

Les compétences de mathématiques des élèves de la FiBi et des classes régulières ont été mesurées grâce à un test comportant des exercices de niveau de difficulté croissant. La comparaison des moyennes des résultats obtenus par les élèves des deux groupes aux tests de mathématiques et de L2, effectuée au moyen d’un t-test de Student, sont présentées dans le tableau 1 ci-dessous. La colonne Diff./points max. indique la différence de points qui sépare les deux groupes et le nombre maximum de points qu’un élève pouvait obtenir à chaque test (54 pour le test de mathématiques et 7 pour les tests de langue). Les résultats significatifs sont mis en évidence en gris foncé et l’expression des différences en pourcentage permet d’obtenir une vision globale et comparable de l’écart qui sépare les groupes tests, indépendamment du nombre de points attribués à chacun des tests.

Tableau 1: Comparaison des moyennes (t-Test de Student) obtenues par les élèves FiBi et les élèves de classes régulières au test de mathématiques et aux tests de L2.

 

Groupe

N

Moyenne

Diff./points max.

Écart type

Sig.

Mathématiques

Régul.

214

25.84

4.27/54 (7.91%)

8.94

.000

FiBi

76

30.11

 

8.73

 

Compréhension écrite

Régul.

208

2.89

.64/7 (9.14%)

1.03

.000

FiBi

76

3.53

 

1.16

 

Compréhension orale

Régul.

208

2.89

.64/7 (9.14%)

1.24

.001

FiBi

76

3.53

 

1.40

 

Expression écrite

Régul.

208

2.24

2.14/7 (30.57%)

1.21

.000

FiBi

76

4.38

 

1.24

 

Expression orale

Régul.

200

2.79

3.30/7 (47.14%)

1.85

.000

FiBi

76

6.09

 

1.15

 

 

Nous constatons que les élèves de la FiBi obtiennent des résultats significativement supérieurs aux élèves des classes régulières tant en mathématiques que dans les quatre compétences de L2 qui ont été testées. Concernant les mathématiques, la différence entre les deux groupes est relativement faible (4.27 points sur un total de 57) mais significative (cf. Tableau 1). Les comparaisons de moyennes concernant les compétences réceptives (compréhension écrite et orale) indiquent également des différences significatives bien que l’écart entre les moyennes soit modérément marqué. Les différences les plus importantes concernent les compétences productives avec une différence de plus de 30% dans le cas de l’expression écrite et de 47% dans le cas de l’expression orale. Au travers de l’évaluation des entretiens et des textes visant l’examen des compétences en production orale et écrite des élèves des deux groupes, il a été constaté que plusieurs élèves à profil plurilingue (indépendamment du groupe auquel ils appartenaient) disposaient de ressources et de stratégies communicatives plus variées que les élèves à profil monolingue. Le tableau 2 donne un aperçu du résultat du t-Test effectué pour comparer les moyennes de ces deux groupes.

 

Tableau 2: Comparaison des moyennes (t-Test de Student) obtenues par les élèves à profil monolingue et les élèves à profil plurilingue aux tests de mathématiques et de production orale et écrite en L2

 

ProfilL

N

Moyenne

Ecart type

Sig.

Mathématiques

Monolingue

164

27.88

9.20

.018

Plurilingue

103

25.14

8.93

 

Expression écrite

Monolingue

162

2.65

1.44

.709

Plurilingue

99

2.73

1.58

 

Expression orale

Monolingue

158

3.41

2.24

.503

Plurilingue

95

3.60

2.12

 

 

Selon ce test statistique, il existe une légère différence significative entre les résultats en mathématiques des élèves de l’échantillon lorsqu’ils sont répartis selon le critère du profil langagier. En effet, les élèves avec un profil monolingue ont des résultats légèrement supérieurs (27.88) aux élèves à profil plurilingue (25.14). En revanche, la tendance est inverse lorsqu’on compare les résultats des mêmes groupes aux tests de L2 : une différence en faveur des élèves plurilingues est notable, bien que ce résultat ne soit pas significatif. Si l’on s’en tient à la valeur de p, il n’existe pas de différence significative entre les élèves monolingues et plurilingues lorsque les élèves des deux groupes sont réunis pour ce qui est de la L2 et il existe une différence significative entre les deux groupes (FiBi et classes régulières) en ce qui concerne les mathématiques.

Nous avons effectué le même test uniquement au sein de la population des élèves de la FiBi. La comparaison des moyennes de ces deux groupes est présentée dans le tableau 3 pour les mathématiques et pour les quatre compétences de L2.

 

Tableau 3 : Comparaison des moyennes (t-Test de Student) obtenues par les élèves à profil monolingue et les élèves à profil plurilingue de la FiBi au test de mathématiques et aux quatre tests de L2.

 

ProfilL

N

Moyenne

Ecart type

Sig.

Mathématiques

Monolingue

40

31.40

8.89

.067

Plurilingue

26

27.22

8.94

 

Compréhension écrite

Monolingue

40

3.73

1.11

.065

Plurilingue

26

3.19

1.13

 

Compréhension orale

Monolingue

40

3.83

1.45

.009

Plurilingue

26

2.92

1.23

 

Expression écrite

Monolingue

40

4.35

1.12

.703

Plurilingue

26

4.23

1.39

 

Expression orale

Monolingue

40

6.18

.98

.170

Plurilingue

26

5.77

1.39

 

 

La répétition de ce test uniquement pour les élèves à profil monolingue et plurilingue de la FiBi ne présente pas de différence significative entre les deux groupes en ce qui concerne les mathématiques. D’une manière générale, dans ce tableau, les moyennes sont légèrement supérieures chez les élèves monolingues, toutefois ces résultats ne peuvent pas être analysés plus en détail car ils ne sont pas significatifs. En ce qui concerne la L2, seule la compétence de compréhension orale, indiquée en gris foncé dans le tableau, donne lieu à une différence significative en faveur des élèves monolingues.

Les analyses de cette première partie montrent que les résultats aux tests de mathématiques et de L2 sont significativement supérieurs chez les élèves de la FiBi, avec une différence très marquée dans le cas de compétences productives orale et écrite de L2. Le résultat concernant le test de mathématiques montre que les élèves de la FiBi ont obtenu des résultats légèrement supérieurs aux élèves de classes régulières et cette différence est significative. Le profil langagier ne semble généralement pas jouer un grand rôle dans la réussite aux tests bien que les élèves à profil monolingue obtiennent de meilleurs résultats aux tests de mathématiques lorsque l’ensemble de l’échantillon est analysé. Au sein de la FiBi, les élèves à profil monolingue obtiennent également des résultats significativement plus élevés en compréhension orale.

Ces résultats seront repris dans la partie de discussion de ce travail qui tentera d’en donner des pistes d’explication et de les mettre en lien avec d’autres recherches quantitatives et qualitatives sur les questions de l’articulation entre L2 et DdNL dans l’enseignement bilingue. Les résultats concernant les élèves avec un profil monolingue ou plurilingue donneront également lieu à des considérations d’ordre sociologique et méthodologique dans le prochain chapitre, même s’ils restent en marge de ce travail.

Partie 2 : le discours d’un enseignant de mathématiques en contexte immersif réciproque

L’entretien approfondi avec l’enseignant germanophone travaillant en immersion réciproque permet de donner d’une part des éclairages sur les résultats de la première partie et d’autre part des pistes pour explorer les enjeux langue-contenu, les éventuelles difficultés rencontrées par les participants à l’étude, les particularités didactiques du dispositif mis en place ainsi que les pratiques d’évaluation dans une classe issue d’un programme d’immersion réciproque. Ces thèmes ont été sélectionnés sur la base des connaissances actuelles de l’enseignement bilingue et des discussions ayant lieu sur l’équilibre langue-contenu dans la cadre de la didactique intégrée. Dans cette partie, nous souhaitons placer les données au centre de notre attention et explorer les phénomènes liés à l’immersion réciproque dans une approche inductive.

L’enseignant interrogé travaille à la FiBi depuis 2010 et a auparavant enseigné dans des classes monolingues germanophones. Il enseigne actuellement l’allemand, les mathématiques, l’éducation physique et les arts visuels en allemand à une classe composée d’élèves francophones, germanophones et allophones. Il a suivi plusieurs formations sur le plurilinguisme et l’enseignement bilingue.

  1. Enjeux langue-contenu

L’équilibre entre langue et contenu est un aspect important des réflexions concernant l’enseignement bilingue puisqu’il est parfois difficile de discerner le cours de langue orienté vers le contenu du cours disciplinaire donné en L2. En effet, au-delà du curriculum qui informe qu’il s’agit par exemple d’une leçon de mathématiques, certains enseignants mettent parfois un fort accent sur la forme dans les leçons de DdNL ou, à l’inverse, sur le contenu dans les cours de langue (même si ce cas est plus rare). Ceci interroge les délimitations et les représentations que les enseignant ont de l’immersion.

L’enseignant que nous avons interrogé indique avoir considérablement changé sa manière d’enseigner depuis qu’il travaille dans des classes bilingues et qu’il utilise régulièrement des stratégies non-verbales afin de faciliter la compréhension de ses élèves. L’entretien semi-dirigé ayant été conduit en allemand, des traductions des extraits sélectionnés ont été insérées en note de bas de page suivant la fin de la séquence.

 

17-EJE Hat es in dem Fall deinen Unterricht ziemlich verändert?

18-ROC Ja

19-EJE Ehm was genau?

20-ROC Ehm ((lachen)) ich sage es manchmal so dass ich mir vorkomme wie einen Clown oder so, ich spiele, mache mehr mit Händen und Füssen und und übertreibe quasi in den Formulierung und damit es langsamer ist, dass die fremdsprachige Kinder es besser verstehen und eben auch zum Beispiel ich sage ja ich schneide, schneidet dann mache ich es mit den Fingern und so und sage schneidet, nehmt das Blatt und schneidet sodass ich visuell unterstütze. Habe ich früher weniger gemacht.2

 

L’intervention en 20 indique que l’enseignant utilise le champ lexical du cirque ou du théâtre pour décrire sa posture puisqu’il se perçoit par moment comme un clown et qu’il utilise le mot « jouer » à plusieurs reprises. Il indique également qu’il exagère régulièrement les gestes et parle plus lentement afin de permettre aux élèves de disposer d’un soutien visuel et d’assurer une meilleure compréhension. Dans ce passage, l’enseignant se situe principalement du côté du contenu puisque l’utilisation de stratégies non-verbales est au service du contenu et rarement de la forme. Il est intéressant de relever que cet enseignant indique aussi mettre l’accent sur la discipline, même si la forme n’est pas complétement écartée comme nous pouvons le voir dans la séquence suivante.

 

58-EJE Zum Beispiel jetzt in einer Mathematiklektion, wo legst du ehm den Schwerpunkt, eher auf die Sprache oder auf den Inhalt?

59-ROC Schon Inhalt also in Mathematik sicher inhaltlich. Und dann versuche ich punktuell dann doch sprachliche Aspekte ((unverständliche Stelle)) also wenn ein Kind etwas Falsches sagt, das es vom Sprachbau euh Satzbau her, dann korrigiere ich das. Aber ich sage nicht wiederhole es jetzt hundertmal.3

 

Dans son intervention, l’enseignant donne de l’importance au contenu puisqu’il dit qu’en mathématiques c’est « certainement » la matière qui est au centre. Cependant, il indique corriger les élèves qui utilisent des formules linguistiquement incorrectes sans pour autant demander à l’élève de travailler intensément sur la nouvelle forme proposée. Ce va-et-vient sur le continuum langue-contenu est probablement une caractéristique de l’enseignement bilingue et de l’enseignement par immersion réciproque puisqu’il est plus évident de situer l’importance du contenu lorsque l’enseignant intervient dans une leçon de mathématiques indiquée comme telle dans le curriculum.

  1. Difficultés rencontrées

La question de la difficulté supplémentaire que peut représenter la langue pour accéder au contenu est également une question qui revient souvent dans les études concernant l’enseignement bilingue. Certains chercheurs soulignent que l’utilisation d’une langue étrangère pour enseigner un contenu ne représente pas toujours une difficulté supplémentaire mais, au contraire, un potentiel atout pour la discipline. Gajo (2007) souligne par exemple que l’utilisation d’une L2 pour acquérir des savoirs disciplinaires représente une « complexification des situations didactiques » (Gajo, 2007, p.3) mais que ceci ne doit pas être confondu avec le terme de complication. En effet, si les élèves se retrouvent parfois dans des situations plus complexes à résoudre, l’utilisation de la L2 peut permettre de travailler les contenus avec une plus grande précision langagière et une attention particulière. À ce sujet, l’enseignant interrogé explique qu’il utilise de nombreuses stratégies pour se faire comprendre par ses élèves :

 

26-ROC Genau also zum Beispiel euh ... mache ich es eben nicht nur mit Gestik, sondern auch je nachdem lasse ich Kinder übersetzen oder nehme auch die Französische Sprache zur Hilfe

27-EJE Ja

28-ROC Und mache jetzt zum Beispiel diese Stunde habe ich auch mit einer Schülerin, die Schwierigkeiten hat, habe ich teilweise auf Französisch mit ihr gesprochen, weil es sonst von der sprachlichen Barriere schon euh schwieriger ist.4

 

L’enseignant n‘hésite pas à utiliser des gestes pour transmettre un message ou à demander à un autre élève de traduire pour s’assurer que l’ensemble de la classe ait compris. Lorsqu’un élève semble avoir de la difficulté, il indique faire appel au français si cela peut permettre de surmonter le problème. Gajo (2007) se réfère également à des notions telles que la dé-contextualisation et la défamiliarisation (notions mentionnées en première partie de cet article) qui représentent toutes un intérêt pour la discipline puisque le fait de passer par deux langues, voire deux systèmes pour accéder au contenu va donner une chance supplémentaire à l’élève de se confronter avec les savoirs et de les appréhender. Le recours à la traduction par un autre élève, qui peut sembler être une activité banale, donne du sens au contenu et permet à l’élève en question de reformuler avec ses propres mots dans une autre langue. Cette activité est cognitivement complexe et présente sans doute un fort intérêt pour l’accès au savoir.

Pourtant, l’utilisation consciente de la L2 pour consolider les savoirs ne semblent pas représenter une pratique courante pour cet enseignant. Dans le passage suivant, ce dernier indique expliquer une nouvelle fois en allemand ou avec des images et en dernier recours seulement en faisant appel au français.

 

60-EJE Und gibt es manchmal Sprachprobleme, wo du hast das Gefühl die Schüler kommen nicht weiter wegen der Sprache, wie zum Beispiel in Mathematik oder ja?

61-ROC Ja sicher das kommt vor ja.

62-EJE Wie lösen sich diese Probleme?

63-ROC Ehm unterschiedlich. Je nach zeitlicher Kapazität. Eben so ein Kind mit einem anderen Kind zusammen, arbeitet zusammen, erklärt es oder ich bitte erkläre es nochmals auf Deutsch anders mit noch mehr Bildern, wenn ich nicht so viel Zeit habe nehme ich halt- sage ich halt auf Französisch damit damit es schneller geht damit es zu den anderen Kindern weitergehen kann. Unterschiedlich also. Je mehr Möglichkeiten man hat, umso besser. Es kommt mit der Erfahrung.5

 

Le recours au français dans une leçon de mathématiques en allemand semble représenter un moyen de gagner du temps mais qui n’est pas souvent utilisé. En revanche, il est intéressant de relever que les élèves sont amenés à collaborer et à expliquer ce qu’ils ont compris. Ceci représente probablement un atout de l’enseignement par immersion réciproque puisque les savoirs langagiers ne sont pas seulement détenus par l’enseignant mais aussi et surtout par les élèves issus de l’autre communauté langagière.

Un autre élément intéressant qui ressort de cet entretien est le fait que les élèves semblent parler librement entre eux indépendamment de la langue fixée par le cadre institutionnel de l’école ou de la langue parlée par l’enseignant durant la leçon.

 

64-EJE Und eben zwischen den Kindern, Interaktionen, was hast du das Gefühl, was können sie? In beiden Sprachen gut sprechen oder siehst du vielleicht auch Kinder, die nur bei einer Sprache bleiben?

65-ROC Beides. Es gibt sicher Kinder, die haben Schwierigkeiten, jetzt französischsprechend auf Deutsch oder umgekehrt natürlich und andere die machen es einfach ehm ich sehe, dass Kinder eigentlich grundsätzlich sehr frei miteinander sprechen. Plötzlich merke ich aha dieses Kind hat mehr Mühe mit der deutschen Sprache und dann sprechen sie mit diesem Kind Französisch oder umgekehrt oder es switcht die ganze Zeit, es ist wirklich sehr fliessend, der Übergang.6

 

L’enseignant parle d’un passage très fluide par les élèves d’une langue à une autre et de la présence de code-switching durant ses leçons de mathématiques en allemand, faisant écho aux notions de compétence plurilingue (mentionnée plus haut) ou de parler bilingue. Ceci laisse penser que les élèves ont acquis des réflexes liés à leur environnement bilingue et sont conscients que leurs camarades parlent, ou du moins comprennent, la langue partenaire, ce qui permet à chacun de s’exprimer dans la langue qu’il souhaite selon le moment et le contexte de l’interaction. L’enseignant semble aussi très à l’aise avec l’utilisation de plusieurs langues durant les leçons même si, nous le verrons plus tard, la question de la place des autres langues de la classe reste en arrière-plan.

Enfin, la question de la double littératie est cruciale pour l’enseignement bilingue et l’enseignement par immersion réciproque. De nombreux didacticiens du bilinguisme se demandent si l’on peut développer des compétences écrites en deux langues parallèlement et quelles peuvent être les implications d’un projet bilingue sur ces compétences. L’enseignant remarque par exemple que les élèves francophones passent à la L1 lorsqu’ils écrivent en allemand. Cet élément fait écho aux notions de transferts et d’interlangue qui indiquent que de nouvelles compétences en L2 se construisent sur la base de compétences dans une autre langue. En classe d’immersion, ce processus du transfert de L1 en L2 soulève la question de l’alternance codique qui est appliquée non uniquement au niveau sociolinguistique mais aussi au niveau didactique et attribue ainsi des fonctions à chaque langue selon les situations d’enseignement.

 

74-EJE Und in Bezug auf die schriftliche und die mündliche Produktion, was beobachtest du so bei den Schülern? Du hast schon etwas gesagt über die mündliche Produktion aber über die Schriftliche vielleicht?

75-ROC Ja. Also ich denke das ist anspruchsvoll auch für die Kinder oder weil sie teilweise, also die Französisch-Sprachige Kinder, auf Französisch denken und dann teilweise Wort zu Wort Übersetzungen machen und dann ist es schwierig ich denke. Dann DA muss man sich als Lehrperson wirklich genau überlegen was für Hilfestellungen gebe ich, Satzanfänge, schreibe ich diese schon auf? Oder wer macht was wann und so, dass die Kinder das nehmen können. Also ich glaube da muss man schon Hilfestellungen geben, wenn man, je nach dem was man verlangt7

 

L’enseignant reconnaît la complexité de cette question et l’importance didactique des moyens langagiers donnés aux élèves pour leur permettre de s’exprimer par écrit. Il semblerait que des aides soient nécessaires pour que les élèves puissent écrire en allemand selon les attentes de l’enseignant. La question de la compétence métalinguistique apparaît également clairement dans cet extrait puisque l’enseignant indique que les élèves pensent dans une L1 puis traduisent mot par mot de cette L1 vers la L2. Là aussi, l’enseignement immersif-réciproque se trouve devant un grand défi : celui de donner aux élèves l’accès à deux systèmes de l’écrit et de développer des compétences communicationnelles utiles et utilisables dans deux langues à l’écrit. L’enseignant semble conscient de cet objectif et du rôle que les intervenants peuvent jouer dans l’organisation et la transmission des savoirs.

  1. Particularité du dispositif

La particularité des dispositifs d’enseignement immersif réside probablement aussi dans la question des documents et du matériel didactique. En effet, ces aspects sont présents dans la littérature concernant l’enseignement bilingue et les demandes d’enseignants pour obtenir du matériel adapté au contexte bilingue sont fréquentes. Dans la pratique, les enseignants créent souvent leur propre matériel ou adaptent du matériel existant au besoin de leur classe, selon leur âge et leur niveau. L’enseignant que nous avons interrogé indique pouvoir largement s’inspirer des moyens d’enseignement existant dans la partie germanophone du canton, ce qui représente peut-être aussi un aspect particulier de l’immersion réciproque dans une ville et un canton officiellement bilingue.

 

54-EJE Ja. Und hast du das Gefühl du musst es viel anpassen für die zweisprachige Klasse jetzt oder kann man eigentlich auch gut mit dem deutschsprachigen Lehrmittel arbeiten?

55-ROC Nah doch so global gesehen recht gut. Also in der dritten Klasse muss ich viel mehr anpassen als jetzt in der Vierten wo ich das Gefühl hatte also so wie ich jetzt unterrichte könnte es eigentlich auch eine einsprachige Klasse sein. Irgendwie weil ... ja ich habe das Gefühl, dass es wirklich recht gut geht ausser mit punktuellen unterschieden ((unverständliche Stelle)) .. Kinder, die Schwierigkeiten haben wo es halt Französisch, wo wir dann das Französisch zusammen machen oder ein Kind mit einem anderen Kind. Das wäre ein Tandem zum Beispiel mit einem französischsprachigen Kind mit einem deutschsprechenden Kind zusammen und so können sie profitieren von einander also ein Kind erklärt dem anderen, übersetzt und so weiter.8

 

Globalement, cet enseignant indique ne pas devoir adapter le matériel pour sa classe bilingue et indique même qu’en 6e (en allemand « vierte Klasse »), il peut agir comme s’il se trouvait face à une classe monolingue germanophone. La stratégie utilisée par l’enseignant est de faire travailler deux élèves de langue dominante différente et de demander à l’élève germanophone d’expliquer à son ou ses camarades ce qui est expliqué dans l’exercice. Nous relevons ici un aspect très intéressant du dispositif d’immersion réciproque : en effet, la personne interviewée finit par expliquer que lorsque des élèves de langues différentes travaillent ensemble avec un document en allemand, un élève peut profiter de la position experte de l’autre élève et la tâche peut ainsi être expliquée voire traduite afin d’être effectuée. Cet élément fait non seulement référence à la notion de reformulation mentionnée plus haut, mais aussi à l’intérêt pédagogique de disposer alternativement d’une dizaine d’élèves-experts pouvant expliquer certains éléments à d’autres.

  1. Évaluation

L’immersion réciproque pose bien entendu la question de l’évaluation, d’une part d’une manière générale et d’autre part sur le continuum langue-contenu. Faut-il prendre en compte la forme dans une évaluation de DdNL ? L’enseignant interrogé explique qu’il effectue des adaptations à plusieurs niveaux.

 

44-GST Was sind so Sachen, die Sie anpassen?

45-ROC Zum Beispiel habe ich bei Lernzielkontrollen habe ich einige Anweisungen auf Französisch geschrieben oder Wörter übersetzt damit die Kinder nicht an der Sprache scheitert, sondern vom Inhalt. NEIN das tönt jetzt ein bisschen- Euh dass sie nicht anhand von Sprachen scheitern würden, sondern dass sie die gleichen Bedingungen haben oder ähnliche Bedingungen haben und sonst im Unterricht euh ... verschiedene Arbeitspläne oder euh ... ja vor allem mit Übersetzungen oder mit Bildern ((unverständliche Stelle)) unterstützen so. Genau oder vielleicht ... ja das ist nicht speziell FiBi. die die draus kommen gehen arbeiten oder sagen Okay die drauskommen können gehen und mit den Anderen mache ich nochmal eine Einführung, aber das ist überall so.9

 

La personne interrogée a conscience de l’équilibre langue-contenu et indique aussi que ceci est probablement une question qui se pose dans d’autres types d’enseignement bilingue. La séquence ci-dessus montre que l’enseignant se concentre sur le contenu lorsqu’il prépare un test visant à vérifier l’acquisition de compétences dans une DdNL. Pour lui, la traduction des consignes représente également un souci d’équité entre les élèves ayant un profil germanophone ou francophone. Le thème de l’évaluation est repris un peu plus tard dans l’interview :

 

90-EJE Jetzt zum letzten Teil, was evaluierst du im Unterricht zum Beispiel in Mathematik, evaluierst du auch die Sprache oder nur den Inhalt? Oder eine Mischung aus Beide?

91-ROC Ehm die Sprache kommt nur vor bei Textaufgaben oder bei Aufgabenstellungen also "Was ist grösser?" oder so. Und dort helfe ich dann eben mit Teilübersetzungen. Weil ich möchte wirklich, dass die Mathematik im Vordergrund steht.

92-EJE Also ein Kind, das einen falschen Satz schreiben würde...

93-ROC Ausser ich verstehe es nicht mehr. Ausser es schreibt so kreuz und querfalsch, dass ich nicht verstehe, dann kann ich auch nicht korrigieren, respektive nicht als gut bewerten oder richtig bewerten und dann JA. Aber sonst bin ich dort ((xxx)), weil es ist nicht ein Deutschtest, sondern ein Mathematiktest.10

 

L’enseignant indique aussi qu’il se focalise uniquement sur le contenu lors de la correction des évaluations, sauf si la forme est telle qu’une compréhension n’est plus possible. Nous pouvons percevoir ici les enjeux de l’approche communicative et l’importance que donne cet enseignant aux aides qu’il met à disposition des élèves pour leur permettre de de réaliser les tâches et se concentrer sur le contenu. Encore une fois, la personne interrogée semble consciente des enjeux langue-contenu en rappelant qu’un test de mathématiques n’est pas un test d’allemand.

Cette deuxième partie a mis en évidence plusieurs enjeux de l’immersion réciproque et la vision d’un enseignant participant au projet. La prochaine partie propose une discussion de ces résultats et met en relation les éléments importants tant de la première que de la deuxième partie.

Discussion

L’approche méthodologique mixte présentée dans ce travail permet d’avoir une vision plus large du sujet étudié (Creswell, 1999). En effet, la partie quantitative donne des indications sur les résultats des élèves FiBi en L2 et en mathématiques en comparaison aux élèves de classes régulières mais elle donne aussi des indications sur les élèves à profil plurilingue par rapport à des élèves à profil monolingue. La partie qualitative permet d’explorer les enjeux liés à l’immersion réciproque et d’avoir la vision approfondie d’un enseignant sur ces enjeux.

Les résultats de l’étude ont permis d’identifier des différences significatives en L2 et en mathématiques en faveur des élèves de la FiBi lorsque leurs résultats sont comparés à ceux d’élèves de classes régulières. Ces éléments sont encourageants pour le projet, même s’ils ne permettent pas de mesurer l’efficacité du dispositif. Ils ouvrent la possibilité de faire un état des compétences développées par les élèves à ce stade. La légère différence significative soulevée en mathématiques ainsi que les grandes différences significatives qui sont apparues dans les quatre compétences de L2 peuvent être en partie attribuées aux différences d’échantillon, notamment au niveau du statut socio-économique et du genre, comme le soulèvent les études de Zéroulou (1988), Laurens (1992), Roy (2006) ou Ripamonti (2017) mentionnées plus haut.

L’état de situation présenté dans cet article démontre que les élèves FiBi ont des résultats au moins semblables, voire légèrement supérieurs aux élèves de classe régulières et surtout des résultats significativement supérieurs en L2 et ce, particulièrement dans les compétences productives. Ceci abonde dans la direction des travaux des années 1990 qui s’intéressaient aux projets d’enseignement bilingue canadiens (voir notamment Calvé, 1991 ; Lapkin & Swain, 1990 ; LeBlanc 1992) mais comporte la différence que ce sont les compétences productives qui semblent se développer plus fortement que les compétences réceptives. Ceci représente probablement une particularité de l’enseignement par immersion réciproque et demande à être étudié plus en profondeur dans de futures recherches.

Il est également intéressant de relever de légères différences entre les élèves monolingues et plurilingues de l’échantillon global, ce qui pourrait laisser penser que les élèves plurilingues disposent de plus grandes ressources mobilisables pour communiquer en L2. À l’intérieur de la FiBi, c’est le phénomène inverse qui est constaté puisque les élèves monolingues obtiennent généralement des résultats légèrement plus élevés en L2 que les élèves plurilingues. Néanmoins, aucun de ces résultats n’est significatif (sauf dans le cas de la compréhension orale dans la FiBi) et le statut socio-économique pourrait expliquer une partie de cette différence. En fait, l’absence de résultats significatifs pour ces tests indiquerait plutôt qu’il n’y a pas de type de profil langagier qui développe de meilleures compétences en L2 et en mathématiques que l’autre et ce, tant dans les classes régulières que dans les classes FiBi. Plusieurs travaux concernant la compétence plurilingue (Coste, Moore & Zarate, 2009) et les stratégies communicatives d’élèves plurilingues (Straub, 2014) mettent en évidence que les élèves à profil monolingue et plurilingue ont des manières différentes d’appréhender l’apprentissage d’une L2 et de communiquer au travers de celle-ci. Néanmoins, ces différences ne semblent pas transparaître dans les résultats aux tests de compétences effectués dans le cadre de cette étude.

Les éléments de la partie qualitative permettent de soulever plusieurs pratiques et de souligner différentes constatations de l’enseignant interrogé. Premièrement, il parait conscient des enjeux langue-contenu et attribue beaucoup d’importance à la matière lors de ses cours de mathématiques, ce qui peut en partie expliquer pourquoi les élèves de la FiBi développent des compétences de mathématiques légèrement supérieures à celles des classes régulières. L’utilisation de la reformulation et de la défamiliarisation (Gajo, 2007) dans les cours de DdNL pourrait expliquer une partie de ce résultat. Cet objet d’étude occupera une place importante dans nos futures recherches sur l’enseignement réciproque-immersif. Deuxièmement, les interactions en classes ont vraisemblablement lieu dans les deux langues du projet (français et allemand) et le rôle d’expert des élèves de L1 semble être identifié ainsi que, dans une certaine mesure, exploité par l’enseignant, même si cet aspect apparaît plutôt dans la résolution de situations complexes que dans la planification didactique de l’enseignant. La L2 pourrait dans ce sens remplir une fonction didactique puisqu’elle représente un soutien à la compréhension et au traitement de l’information. Ceci peut, dans une certaine mesure, faire écho aux notions d’opacité de la langue et de densité du contenu décrite par Berthoud et Gajo (2005) puisque le travail par groupe d’élèves issus de communautés linguistiques différentes permet un travail approfondi et répété de reformulation menant à une meilleure compréhension des contenus disciplinaires tout en développant des compétences communicatives en L2, principalement en expression et production orale. Cet aspect peut également faire écho aux compétences productives orales significativement et largement supérieures des élèves FiBi identifiée dans la partie quantitative de ce travail. Enfin, nous pouvons faire le lien ici avec la notion de et de d’authentification décrite par Hanse (2000) puisque le contenu disciplinaire à propos duquel les élèves échangent lors de travaux de groupe permet à la langue d’exister dans un contexte réel et précis. Troisièmement, l’interview avec l’enseignant a montré que le passage à l’écrit impliquait un travail métalinguistique conséquent et qu’il était important de donner des aides structurantes aux élèves afin d’effectuer les transferts de la L1 vers la L2. Si l’on observe les résultats de la partie quantitative concernant les compétences de production écrites, on remarque que les élèves FiBi développent des compétences significativement plus élevées que les élèves de classes régulières dans cette compétence. Bien entendu, les facteurs familiaux et socio-économiques mentionnés plus haut jouent probablement un rôle dans ce résultat. D’autres recherches sur l’enseignement bilingue (notamment Calvé, 1991) soulevaient que les compétences productives mettaient beaucoup de temps à se développer chez les élèves évoluant en immersion. Les résultats de la présente recherche sont par conséquent encourageants pour le projet FiBi puisque les compétences productives semblent largement se développer chez ces élèves. La question de la bi-littératie représente également un sujet de recherche très important que nous souhaitons approfondir, par exemple au travers d’une analyse qualitative des textes rédigés par les élèves de la FiBi lors du passage du test de L2 visant la compétence de la production écrite. Quatrièmement, l’adaptation du matériel et l’évaluation sont considérés comme des éléments clés de l’enseignement bilingue. Les propos de l’enseignant indiquent qu’une large adaptation du matériel semble indispensable pour les élèves ayant déjà passé plusieurs années dans cette école mais qu’il faut plutôt aménager des espaces didactiques permettant l’interaction entre les élèves et donnant les mêmes chances de réussite à tous les apprenants lors des évaluations.

Les résultats de ce travail mettent en avant le potentiel de la FiBi, même si de nombreux défis restent à relever et un grand travail de documentation est nécessaire. Ce champ de recherche devra encore être repris dans les années à venir et les données présentées dans cet article seront complétées, notamment par des visites de classes filmées afin de rendre compte de pratiques effectives de classe ainsi que des tâches complexes effectuées par groupe afin de mieux comprendre les dynamiques interactives entre pairs qui constituent un intérêt particulier de l’immersion réciproque.

Conclusion

Cet article présente les résultats obtenus dans le cadre du suivi scientifique d’un projet d’enseignement par immersion réciproque, pour mesurer les compétences de mathématiques des élèves participants, comprendre la place des apprentissages de mathématiques en tant que DdNL en contexte d’immersion réciproque et décrire les enjeux didactiques liés à ce type d’immersion et à la DdNL. Les résultats ont montré que les élèves de la FiBi ont développé des bonnes compétences en mathématiques et de très bonnes compétences en L2, en particulier dans les activités de productions écrites et orales. Il est important de rappeler que ce travail a permis de documenter les compétences des élèves après sept années passées dans le projet et de récolter les impressions et les visions d’un enseignant qui y travaille depuis le lancement du projet. En revanche, les données et les tests effectuées ne donnent pas d’indications sur l’évolution des compétences des élèves puisque nous n’avons pas choisi de travailler dans une perspective longitudinale.

Concernant les perceptions de l’enseignant interrogé, il semble que ce dernier adapte largement sa manière d’enseigner à ce contexte bilingue, par exemple en utilisant une palette plus large de stratégies de communication, et qu’il est conscient des enjeux qu’implique une articulation entre langue et contenu puisqu’il indique différencier sa manière d’enseigner et d’évaluer lorsqu’il se trouve en cours de DdNL ou en cours de langue. L’analyse du discours de cet enseignant laisse entendre qu’il s’appuie sur les élèves-experts principalement lorsque des difficultés de compréhension de consignes émergent. Nous pensons que des pratiques didactiques utilisant ce potentiel pourraient représenter une réelle plus-value pour le projet et que cet axe de recherche devra être soigneusement documenté dans les années à venir.

Du côté des élèves, le passage d’une langue à l’autre semble être vécu de manière naturelle et l’enseignant indique parfois exploiter les compétences des élèves dans une langue ou l’autre afin de faciliter la progression de la classe. Cet aspect devra être approfondi dans de futures recherches puisqu’il représente un aspect particulièrement intéressant qui devrait, par ailleurs, être traité en amont, lors de l’élaboration d’un curriculum spécifique à l’enseignement par immersion réciproque. Autrement dit, de prochaines recherches portant sur la didactisation du rôle d’expert que peuvent apporter à tour de rôle les élèves francophones ou germanophones pourraient devenir un axe principal de travail dans le dispositif FiBi.

D’autres analyses viendront compléter ces résultats afin de documenter les différents aspects particulièrement intéressants de l’immersion réciproque que ce travail a relevé, notamment l’analyse des interactions en classe, l’analyse du travail de groupe ou encore l’analyse d’entretiens semi-dirigés approfondis avec d’autres enseignants du projet FiBi.

Conventions de transcription

Pour cet article, les propos de l’enseignant ont été transcrits de manière globale afin d’éviter l’utilisation de sigles non-pertinents pour l’analyse et de rendre le texte accessible au lecteur. Les sigles indiqués ci-dessous ont été utilisés pour la transcription :

. fin d’une phrase

? question

« » autocitation de l’enseignant

.. micro-pause

pause de 2 secondes

(2.1) pauses en secondes, à partir de 2.1 secondes

xxx segment inaudible

exTRA segment accentué

((rire)) phénomènes non transcrits, commentaires de l’auteur

par- troncation

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1La conférence des directeurs de l’instruction publique des 21 cantons suisses dont l’allemand constitue la langue d’enseignement (D-EDK) a élaboré et publié un plan d’études commun devant être introduit progressivement dans chaque canton dès 2014.

2 17-EJE Est-ce que cela a passablement changé ta manière d’enseigner ?

18-ROC Oui

19-EJE Quoi exactement ?

20-ROC Ehm ((rires)) je dis parfois que je me sens comme un clown ou quelque chose comme ça, je joue, je fais beaucoup de gestes et j’exagère presque dans les formulations pour que cela soit plus lent et pour que les élèves allophones comprennent mieux et, par exemple, je dis « je coupe » je le montre avec les doigts et je dis « coupez, prenez la feuille et coupez » afin de donner un support visuel. Je le faisais plus rarement avant.

 

3 58-EJE Par exemple là, dans une leçon de mathématiques, où est-ce que tu mets l’accent, plutôt sur la langue ou plutôt sur les contenus ?

59-ROC Plutôt le contenu, alors en mathématiques clairement sur les contenus. Et ensuite j’essaie ponctuellement de ((partie inaudible)) des aspects langagiers. Alors quand un enfant dit quelque chose de faux, au niveau de la syntaxe, alors je corrige. Mais je ne dis pas « répète le cent fois ».

4 26-ROC Exact. Alors par exemple euh … je ne le fais justement pas qu’avec des gestes mais aussi, selon les situations, je demande à un élève de traduire ou m’aide du français.

27-EJE Oui

28-ROC Et je fais, par exemple, pendant cette leçon, j’ai aussi parlé en partie en français avec une élève qui a des difficultés, car sinon cela aurait été difficile à cause de la barrière langagière.

5 60-EJE Est-ce qu’il y a parfois des problèmes langagiers à cause desquels tu as l’impression que les élèves ne parviennent pas à avancer, comme par exemple en mathématiques ou oui ?

61-ROC Oui bien sûr, cela arrive oui

62-EJE Comment est-ce que ces problèmes se résolvent ?

63-ROC Ehm de manières différentes. En fonction du temps à disposition. Justement un élève comme ça avec un autre élève, « travaillez ensemble » l’élève explique ou j’explique « s’il te plait explique-le encore une fois en allemand, autrement, avec plus d’images », si je n’ai pas beaucoup de temps, je le prends- je le dis en français pour cela aille plus vite pour qu’il puisse continuer à travailler avec les autres élèves. Donc de manières différentes. Plus on a de possibilité, mieux c’est. Cela vient avec l’expérience.

6 64-EJE Et justement au niveau des interactions entre enfants, quelles sont tes impressions ? De quoi sont-ils capables ? Est-ce qu’ils parlent bien dans les deux langues ou observes-tu également des enfants qui restent dans une seule langue ?

65-ROC Les deux. Il y a sûrement des enfants qui ont des difficultés, par exemple des élèves francophones en allemand ou l’inverse, et d’autres qui le font facilement. Ehm, je vois que les enfants parlent généralement très librement entre eux. Soudain, je remarque « ah cet enfant a de la peine avec l’allemand » et ensuite les autres lui parlent en français ou inversement ou ils switchent tout le temps, le passage est très fluide.

7 74-EJE Et en lien avec la production écrite et orale, qu’est-ce que tu observes chez les élèves ? Tu as déjà parlé de la production orale mais peut-être concernant la production écrite ?

75-ROC Oui. Alors, je pense que c’est exigeant aussi pour les enfants ou parce qu’ils, alors les enfants francophones pensent en français et ensuite ils traduisent littéralement et ensuite je pense que c’est difficile. Donc là, en tant qu’enseignant, on doit bien réfléchir « quelles aides est-ce que je donne ? Des débuts de phrases ? Est-ce que je les écrits à l’avance ? Oui qui fait quoi quand afin que les élèves puissent s’approprier des éléments ? » Donc je pense que là, on doit donner de l’aide quand on-, en fonction de ce que l’on demande.

8 54-EJE Oui. As-tu l’impression que tu dois adapter beaucoup de choses pour des classes bilingues ou peut-on travailler facilement avec les moyens d’enseignement germanophones ?

55-ROC Oui, d’une manière générale, assez bien. En troisième année ((ce qui équivaut à des élèves âgés entre 7 et 8 ans)), je dois adapter beaucoup plus de choses qu’en quatrième, où j’ai l’impression « alors comme j’enseigne maintenant cela pourrait en fait très bien être une classe monolingue » Peut-être car … oui j’ai l’impression que cela va vraiment très bien sauf avec quelques différences ponctuelles ((partie inaudible)) .. Des enfants qui ont des difficultés lorsqu’on fait du français ou un enfant avec un autre enfant. Cela serait un tandem par exemple avec un enfant francophone avec un enfant germanophone et comme ça, ils profitent l’un de l’autre donc un enfant explique à l’autre, traduit, etc.

9 44-GST Quels sont les éléments que vous adaptez ?

45-ROC Par exemple j’ai inscrit quelques consignes en français lors d’une évaluation ou traduit des mots pour que les élèves n’échouent pas à cause de la langue, mais plutôt à cause des contenus. NON cela semble un peu- euh qu’ils n’échouent pas à cause de la langue mais qu’ils aient les mêmes conditions ou des conditions semblables et sinon pendant les cours euh … soutenir avec plusieurs plans de travail ou euh … Oui surtout avec des traductions et des images ((partie inaudible)) exactement ou alors peut-être … ouais ce n’est pas quelque chose de propre à la FiBi, ceux qui comprennent vont travailler ou dire « ok, ceux qui ont compris peuvent travailler dehors » et avec les autres je vois encore une fois l’introduction mais c’est partout comme cela.

10 90-EJE Maintenant en dernière partie : qu’évalues-tu dans l’enseignement par exemple des mathématiques ? Est-ce que tu évalues aussi la langue ou uniquement le contenu ? Ou un mélange des deux ?

91-ROC Ehm la langue intervient uniquement dans des exercices textuels ou dans les consignes des exercices par exemple « qu’est-ce qui est plus grand » ou comme ça. Et là, je donne justement de l’aide avec la traduction de certaines parties. Car j’aimerais vraiment que les mathématiques soient au premier plan.

92-EJE Donc un enfant qui écrit une phrase fausse …

93-ROC Sauf si je ne le comprends plus du tout. Sauf s’il écrit tellement faux que je ne comprends pas, alors je ne peux pas corriger, respectivement le qualifier de bon ou correcte, ensuite OUI. Mais sinon je suis assez ((partie inaudible)) car ce n’est pas un test d’allemand mais un test de mathématiques.

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Les documents dans les îlots immersifs : authenticité et authentification

Audrey Freytag Lauer

Résumé : Cet article aborde la notion d’authenticité mise en rapport avec des documents issus notamment d’îlots immersifs. Dans le cadre d’un enseignement bilingue, l’angle d’analyse permis par l’authenticité ouvre une réflexion sur le statut du document comme ressource linguistique et comme source disciplinaire. Les documents authentiques seraient-ils alors à privilégier dans l’enseignement bilingue ? Pourtant ce matériel est difficile d’accès et d’utilisation pour les enseignants et pour les apprenants car il correspond rarement en même temps aux compétences linguistiques et...

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