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Présentation du numéro 75

Hervé Adami  ATILF - UMR 7118 - CNRS / UL

herve.adami@univ-lorraine.fr

Valérie Langbach ATILF - UMR 7118 - CNRS / UL

valerie.langbach@univ-lorraine.fr

 

La question de l’illettrisme a échappé aux radars de la didactique du français, langue maternelle, langue seconde ou langue étrangère. De façon plus générale, les didactiques du français ne se sont pas intéressées aux adultes francophones en insécurité à l’écrit et/ou à l’oral, ces personnes que l’on retrouve en formation dans des actions dites « de lutte contre l’illettrisme », des formations Compétences Clés ou dans d’autres dispositifs d’insertion. S’agissant du FLE ou du FLS, ce désintérêt est explicable puisque les personnes qui sont concernées par l’illettrisme sont francophones et que ces didactiques sont tournées vers des apprenants qui n’ont pas le français pour langue maternelle ou pour langue première. En revanche, s’agissant de la didactique du français langue maternelle ou langue première, c’est plus étonnant de prime abord. Mais, là encore, on peut avancer une explication : la didactique du français langue maternelle s’est intéressée presque exclusivement aux enfants scolarisés et à la question de l’école. C’est dans ce domaine en effet que se trouve l’essentiel des apprenants de français langue maternelle ou langue première. C’est dans ce domaine également que les questions didactiques concernant l’appropriation du français scolaire ont commencé à se poser dès les années soixante-dix, après la mise en place du collège unique qui marque l’ouverture des filières secondaires aux enfants des classes populaires. Devant l’échec récurrent d’un certain nombre de ces élèves en lecture et en écriture du français, c’est-à-dire leur propre langue, des programmes de recherche ont commencé à se mettre en place, jusqu’à aujourd’hui, sans d’ailleurs résoudre le problème qui mine toujours le parcours scolaire des enfants d’origine populaire. Mais cette didactique n’a pas élargi son domaine de recherche aux adultes francophones en insécurité à l’écrit et/ou à l’oral. Pourtant, dès les années quatre-vingt, la question de l’illettrisme commence à s’imposer comme un thème majeur dans le débat social et dans le débat scientifique. La didactique du français langue maternelle s’est intéressée à cette question mais en l’incorporant à ses propres programmes de recherche et à ses préoccupations : elle a donc abordé la question sous l’angle de la prévention de l’illettrisme, c’est-à-dire, encore une fois, du point de vue de l’école. En effet, les adultes repérés comme illettrés sont, selon les définitions officielles, des personnes adultes qui ont suivi leur scolarité en France et, bien sûr, en français. Ceci signifie que le problème doit être compris et réglé en amont, dans le système scolaire. C’est donc sous l’angle de la prévention de l’illettrisme dans le système scolaire que la didactique du français langue maternelle s’est penchée sur la question.

Cependant, le problème des adultes illettrés reste entier. Si l’on peut comprendre que l’essentiel est de mettre en place des politiques de prévention pour tarir la source des problèmes, il n’en reste pas moins qu’elles ne sont pas (encore ?) efficaces et que l’on peut raisonnablement douter qu’elles le soient de façon totale dans un avenir proche, malheureusement. En attendant, des milliers d’enfants sortent chaque année du système scolaire sans diplôme et des milliers d’entre eux sont repérés comme étant en grandes difficultés à l’écrit. Parvenus à l’âge adulte, au terme du parcours scolaire obligatoire, beaucoup de ces jeunes adultes et de ces adultes sont en difficultés sociales et professionnelles et, pour certains parmi eux, se retrouvent dans des dispositifs d’insertion professionnelle qui comportent parfois un volet linguistique.

Et c’est justement dans le cadre de ces formations qu’une approche didactique est nécessaire. En effet, il ne s’agit plus de comprendre les problèmes d’insécurité à l’écrit et/ou à l’oral ou de prévenir ces problèmes : il faut y remédier, avec des programmes, des démarches et des outils appropriés, en un mot, avec une méthodologie didactique. Mais les démarches en didactique du français pour les adultes francophones restent à inventer et doivent elles-mêmes s’appuyer sur des recherches qui sont encore à mener. Cette didactique du français par ailleurs est à penser en lien étroit avec les autres objectifs qui ne sont pas spécifiquement linguistiques. Pour ces personnes en formation, les objectifs sont d’abord déterminés par l’insertion sociale et professionnelle et, dans ce cadre, la langue est un moyen et non un objectif en soi. C’est une contrainte mais c’est également un défi que la didactique du français peut relever, à condition bien sûr qu’elle s’intéresse à ce terrain.

 On le voit, le chantier est immense et il n’y a pas assez d’ouvriers. C’est autour de ce constat que nous avons construit ce numéro, publié dans une revue explicitement tournée vers la didactique du français et qui s’adresse d’abord aux didacticiens. Notre objectif est double : d’abord, attirer l’attention des didacticiens vers ce terrain social et professionnel et montrer aux acteurs de la formation linguistique et de l’insertion sociale des adultes que la question des contenus des formations est essentielle ; ensuite, montrer que la didactique du français peut contribuer à la réflexion sur les contenus et les outils. C’est pourquoi nous avons conçu ce numéro en orientant très clairement les contributions vers des propositions de contenus : d’une part parce que nous faisons le constat que ceux qui existent dans le domaine de la formation linguistique des adultes natifs ne sont pas à la hauteur des enjeux et, d’autre part, parce que nous pensons que c’est du ressort de la didactique du français d’en proposer. Mais nous avons bien conscience qu’il s’agit d’un redoutable défi parce que l’essentiel reste à faire. Dans ce numéro, nous n’avons certainement pas la prétention de tout dire sur le sujet mais de lancer des pistes de réflexion et d’action, en articulant les théories de référence et les propositions didactiques concrètes.

 

Les coordinateurs du numéro.

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