N°84 / L’alpha dans tous ses états

Au travail (!)

Quelques leçons à tirer d’une expérience d’ingénierie didactique avec des migrants en formation professionnelle

Hervé Adami, Camille Marty, Lucie Merlin, Nida Akyol

Résumé

Le domaine de la formation linguistique pour les migrants est toujours aussi peu exploré par la recherche en didactique du français. Il suscite davantage de polémiques, de pétitions ou de postures « critiques » que d’études étayées ou d’expérimentions de terrain. Par ailleurs, ce domaine est le plus souvent abordé, par la didactique du FLE traditionnelle, avec une approche misérabiliste parce qu’elle s’intéresse surtout aux structures associatives qui interviennent avec des moyens humains et matériels très limités et dans des conditions précaires. Or, les formations linguistiques pour les migrants aujourd’hui sont menées par des organismes de formation professionnels qui travaillent sur des contenus et avec des outils qui n’ont rien à voir avec du bricolage didactique. C’est de ce champ didactique et professionnel dont il est question dans cet article qui a pour objectif, par la description d’une action concrète d’ingénierie didactique, d’interroger certaines notions et certaines certitudes de la didactique traditionnelle du FLE. Celle-ci pourrait trouver l’occasion de se renouveler en s’approchant d’un peu plus près d’un terrain qui lui est très largement inconnu.

Abstract

The field of language training for migrants is still relatively unexplored by academic research in French didactics. This topic gives rise to strong feelings, petitions or “critical” positions rather than substantiated studies or field experiments. In addition, traditional FLE didactics (French as a Foreign Language) often focuses on negative aspects of migrants’ social reality by directing its attention to non-profit organisations working with very limited human and material resources and in precarious conditions. Yet, language training for migrants today is primarily run by professional training organisations working with pedagogical contents and tools that have nothing to do with DIY didactics. This article examines the underpinnings of professional language training for migrants questioning some notions and certainties of traditional FLE didactics through the description of a concrete didactic engineering action. Traditional FLE didactics has an opportunity to renew itself and benefit from taking a closer look at a situation of which it is largely ignorant.

 

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Introduction

Comme veut l’indiquer le titre de cet article, avec ses artifices typographiques, notre objectif ici est à la fois de décrire et d’analyser une expérience de formation hybride, linguistique et professionnelle, mais également d’attirer l’attention de la didactique du français vers un terrain qu’elle persiste à ignorer ou à approcher en survol. C’est en effet une tendance de long terme et l’on peut observer d’étranges similitudes à plusieurs décennies, voire un demi-siècle, de distance. Ce terrain, c’est celui de la formation linguistique et/ou professionnelle des migrants, celui que l’on a dès ses débuts, et encore longtemps après, dénommé « l’alpha » (Leclercq 2012). C’est un terme qui n’a jamais vraiment convenu à la réalité, et surtout à la diversité des situations de formation, mais dont on ne parvient pas à se débarrasser totalement tellement il est ancré dans les discours et les pratiques.

Notre objectif dans cet article est double : il s’agit d’apporter une réflexion sur le domaine de la formation linguistique et/ou professionnelle des migrants adultes et sur les rapports qu’entretient avec lui la didactique du français, mais, en même temps, de rester au plus près de ce terrain pour en décrire la réalité. Pour cela, nous avons choisi de partir d’une expérience concrète d’ingénierie didactique que nous menons, parmi d’autres, sur ce terrain pour en tirer toutes les leçons que nous pourrons, sur les plans didactiques, épistémologiques ou professionnels. Dans cette expérience, tout fait sens selon nous : non seulement sur les contenus didactiques eux-mêmes mais également sur les actrices et les acteurs engagés, sur les objectifs, les publics, la façon dont elle s’est construite et développée et jusqu’aux moyens de partager les résultats et de mettre l’outil à disposition des acteurs. Ce projet est d’un côté assez novateur, concernant les contenus et les modalités didactiques qu’il met en œuvre notamment, tout en s’inscrivant, d’un autre côté, dans le contexte ordinaire du secteur professionnel de la formation d’adultes. Ce sont ces deux aspects qui nous intéressent ici et que nous allons décrire et analyser.

1- Le contexte et l’objectif du projet

1-1 Des adultes migrants allophones en formation professionnelle

Ce projet est né d’une rencontre informelle entre des formateurs de l’Agence nationale pour la Formation Professionnelle des Adultes (AFPA) de Nancy-Pompey et notre équipe de recherche. L’AFPA est un établissement public, acteur du secteur public de l’emploi, sous la tutelle du ministère du travail. L’AFPA de Nancy-Pompey a mis en place et en œuvre un dispositif de formation professionnelle dans les métiers du bâtiment. Ce dispositif, baptisé BATICARD, est conçu pour proposer des formations courtes sur des compétences très spécifiques dans le domaine des métiers du bâtiment. Il s’agit de 39 modules de 35, 70, 105 ou 140 heures, ce qui correspond respectivement à une, deux, trois ou quatre semaines de formation. Ces formations portent, par exemple, sur des modules concernant « la prévention des risques liés à l’utilisation et à la vérification quotidienne d’un échafaudage fixe » (35 heures) ou bien encore de « réaliser des travaux d’entretien et d’aménagement sur le réseau composant une installation sanitaire d’un bâtiment » (140 heures). Ces modules de formation très spécialisés répondent à des besoins du secteur professionnel des métiers du bâtiment qui est en tension presque constante, c’est-à-dire qu’il éprouve des difficultés récurrentes à recruter. L’objectif de ce dispositif de formation est de permettre à des stagiaires d’acquérir des compétences techniques immédiatement opérationnelles et certifiées de sorte qu’ils puissent être recrutés rapidement par des entreprises qui en ont besoin. Or, les stagiaires qui suivent les formations du dispositif sont majoritairement des migrants allophones pour qui la communication en français est très difficile. Les formateurs techniques de l’AFPA se sont donc rapidement heurtés à l’obstacle linguistique. Sans le moyen de la communication verbale, les formateurs recourraient à la démonstration du geste professionnel par l’exemple en pariant sur l’apprentissage par imitation. Mais cette technique d’enseignement a vite trouvé ses limites puisqu’elle nécessite que la communication se fasse en présence physique des outils, sur le chantier et dans les conditions réelles de travail. D’après les formateurs techniques, le premier obstacle linguistique était la connaissance du lexique professionnel et notamment le nom des outils utilisés en formation et sur les chantiers. Sans cette connaissance élémentaire, la communication, et surtout la formation, est impossible. Ils avaient évidemment bien conscience que tous les problèmes de communication ne seraient pas résolus par l’appropriation du lexique de base mais elle représentait l’étape indispensable. Cette formation faisant l’objet d’une certification, il fallait de toute façon passer par cette étape. Dans ce cadre, une simple formation « sur le tas », par observation et imitation ne saurait suffire puisque la certification est conditionnée par une évaluation. La certification n’est pas seulement une formalité administrative qui pourrait paraitre inutile : elle représente une garantie pour les stagiaires, les employeurs et les financeurs du dispositif que la formation est allée à son terme avec succès, c’est-à-dire qu’elle est reconnue et valorisable sur le marché de l’emploi par le stagiaire.

1-2 Une formation technique et linguistique intégrée  

Nous avons alors décidé, avec les formateurs de l’AFPA, de réfléchir à une solution qui puisse s’adapter au contexte et aux besoins, à la fois des stagiaires mais également des formateurs techniques. Le choix d’une formation linguistique précédant la formation technique a été rapidement écartée puisque les heures de formation étaient comptées, au sens propre, et qu’aucun financement ni aucun intervenant n’étaient prévus dans ce dispositif pour des formations linguistiques spécifiques. Le temps d’une formation linguistique aurait forcément été pris sur celui de la formation technique, ce qui n’était pas envisageable. D’autre part, il ne nous a pas semblé pertinent de séparer les deux types de formation puisque c’est le terrain technique et le chantier qui étaient prioritaires et en fonction desquels la formation linguistique devait être orientée. Cela ne représentait pas un problème, selon nous, mais faisait au contraire partie de la solution. Nous avons donc retenu l’idée d’associer étroitement la formation technique et la formation linguistique, cette dernière ayant pour objectif de servir la première tout en se basant concrètement sur le terrain d’exercice de la formation technique.

Sur le site de l’AFPA à Nancy, ce terrain est constitué de plateaux techniques sur des espaces dédiés aux différents métiers du bâtiment : maçonnerie, peinture, électricité, plâtrerie, etc. Concernant les métiers s’exerçant à l’intérieur des bâtiments, des mini-chantiers sont aménagés sous forme de cabines de travail reproduisant l’espace reconstitué d’une pièce d’une maison. Les stagiaires travaillent chacun dans une cabine au cours de leur formation, accompagnés par le formateur technique qui donnent les consignes, les conseils et s’assure de l’avancée de chaque chantier individuel. D’autres formations ont lieu en partie ou totalement à l’extérieur (maçonnerie, montage des échafaudages, etc.). Les séances de formation théorique ont lieu quant à elles à l’intérieur des locaux et il existe également une salle équipée d’une dizaine de postes informatiques où les stagiaires peuvent utiliser des ordinateurs fixes. La majorité du temps de formation se déroule bien sûr sur les chantiers mais des plages horaires sont prévues pour ces séances théoriques. Nous avons donc décidé de penser la formation linguistique dans le cadre de ces espaces/temps ponctuels hors des chantiers puisque, d’une part, il est impossible concrètement d’effectuer une autre formation que technique sur les chantiers et, d’autre part, parce que les formateurs techniques ne possèdent pas les compétences didactiques pour intervenir dans le domaine linguistique, et c’est d’ailleurs la raison pour laquelle ils ont fait appel à nous. Compte tenu de tous ces éléments, il fallait trouver le moyen d’insérer des séances à dominante linguistique tout en restant complètement dans le cadre de la formation technique. Nous sommes également partis du principe de séances où les parts linguistique et technique seraient totalement intégrées. Pour atteindre cet objectif, il nous est également apparu clairement que la démarche didactique que nous allions suivre ne saurait se suffire à elle-même et qu’il fallait réfléchir à la création d’un outil spécifique pour ces séances de formation. Nous avons donc opté pour la création d’un outil construit sur la base des technologies de réalité augmentée que nous avons conçu spécifiquement pour cette action de formation et dont nous allons détailler la genèse et la méthodologie d’élaboration dans les deux parties suivantes.

2- La construction de l’outil

2-1 La méthodologie

Nous avions convenu dès le début avec l’équipe de l’AFPA que les outils produits dans le cadre cette expérience d’ingénierie seraient disponibles en accès libre sur notre site qui fonctionne selon ce principe (Portail FL2i https://fli.atilf.fr/formation-aux-metiers-du-batiment/. Il nous a semblé important en effet de partager cette expérience de collaboration qui n’a fait l’objet d’aucun financement[1]. L’expérience par été conçue par Hervé Adami et Camille Marty et réalisée dans le cadre des stages de master FLE de Lucie Merlin et de Nida Akyol, co-autrices de cet article. Les deux stages et les deux mémoires ont été réalisés sur deux années universitaires successives.

Cet outil didactique s’inscrit dans une démarche de construction, d’évaluation et d’adaptation des ressources mises à disposition des stagiaires de l’AFPA. Dans la continuité des méthodologies utilisées en Français Langue Professionnelle (Mourlhon-Dallies 2008) et en Français sur Objectif Spécifique (Mangiante et Parpette 2023), les premières étapes de notre approche reposent sur la démarche suivante :

  •        L’observation active du contexte de formation des stagiaires BATICARD : participation aux séances de formation ; identification des rôles et tâches des différents acteurs ; analyse des besoins des stagiaires et formateurs au moyen d’entretiens et de questionnaires.
  •        La constitution d’un recueil de données : enregistrement audio et vidéo des séances de formation théoriques et pratiques ; repérage et prise de vue des cabines de travail au moyen d’appareils photo et de caméras 3D ; recueil de documents écrits (livrets des stagiaires, notices d’utilisation du matériel, supports de cours et questionnaires de validation de compétences)
  •      L’analyse des données recueillies : inventaire du matériel technique utilisé par les stagiaires en formation et sur les chantiers ; étude du lexique spécialisé ; définition des compétences théoriques attendues au terme des modules.

Les premières observations menées sur le terrain ont permis de cibler trois modules spécifiques du dispositif BATICARD : les parcours de formation destinés aux futurs plaquistes et futurs maçons ainsi que le module permettant l’habilitation au travail en hauteur. Ils ont été choisis car ils correspondaient aux besoins du secteur des métiers du bâtiment et impliquaient un nombre significatif de stagiaires allophones. En tenant compte des besoins exprimés initialement par les formateurs, notre recueil de données et nos objectifs se sont construits autour de la maîtrise du lexique professionnel mais l’observation des séances de formation a également permis de faire émerger un second obstacle linguistique sur lequel nous pouvions intervenir. Les supports d’évaluation de compétences, peu adaptés aux stagiaires allophones maîtrisant mal l’écrit, empêchaient la valorisation de leurs compétences et de fait, le passage des certifications.

Compte tenu du temps et du matériel disponible, nous avons opté pour la création de ressources numériques qui pourraient être utilisables directement depuis les postes informatiques disponibles dans les locaux de BATICARD, sur une partie du temps destiné à la formation théorique. Les ressources ont été mises en ligne sur le site du portail FL2I en utilisant le logiciel libre de droit H5P, qui permet la création de contenus interactifs intégrés directement sur les pages du site. L’éditeur de réalité virtuelle du logiciel nous a permis de concevoir des visites 360° des ateliers et des cabines de travail, donnant la possibilité aux stagiaires de revenir dans leur environnement de formation en identifiant le nom et la fonction des équipements et outils qui le composent. A partir des visites virtuelles, nous avons élaboré un répertoire d’activités numériques visant la systématisation des éléments lexicaux en explorant les possibilités du logiciel H5P (activités de drag&drop, find hotspots, memory cards, etc.). En plus de ces activités, nous avons créé des versions numériques des questionnaires d’évaluation des compétences, adaptées aux stagiaires en difficulté à l’écrit. L’outil a également été complété par quelques activités permettant de revenir sur les contenus théoriques à maîtriser dans le cadre des évaluations.

2-2 Expérimentation et amélioration de l’outil

Cette première grande étape de construction de l’outil didactique a été suivie par une phase d’expérimentation visant à mesurer la pertinence des ressources créées pour le public cible. Une première analyse qualitative de l’outil a été menée sur un groupe de stagiaires, suivie d’une seconde analyse visant cette fois à tester la rétention du lexique technique à court et moyen terme. Trois tests numériques ont été proposés à un même groupe de stagiaires : un pré-test, destiné à définir les acquis initiaux ; un premier post test, effectué immédiatement après une première séance d’introduction de l’outil et des ressources ; un second post test, faisant suite à une seconde séance d’utilisation de l’outil quatorze jours plus tard. En parallèle, chacune des séances a été filmée puis analysée afin de compter les interventions de la formatrice présente et ainsi mesurer l’autonomisation des stagiaires. Les résultats montrent une nette augmentation de la rétention lexicale à l’issue de la première séance et une augmentation modérée concernant le second post test. Ils ont également permis de constater une prise en main parfois difficile de l’outil, notamment pour les stagiaires peu habitués aux environnements numériques. Ces résultats ne peuvent cependant pas être généralisés compte tenu du nombre peu élevé de stagiaires ayant participé à l’expérimentation. Notre objectif d’ailleurs n’était pas d’obtenir des résultats généralisables mais d’expérimenter des méthodologies de mesure de l’efficacité des outils didactiques. Nous pensons en effet que cette dimension est essentielle dans notre approche d’ingénierie scientifique : il faut que nous puissions mesurer de façon objective l’impact des outils conçus.

En parallèle à la construction de nouvelles ressources destinées au métier de peintre et au montage d’échafaudage, nous avons décidé de mener une seconde phase d’expérimentation, ayant cette fois pour objectif d’évaluer l’ergonomie de l’outil. Les ressources mises en ligne étaient régulièrement utilisées par les stagiaires de l’AFPA mais il était plus que nécessaire de s’adapter davantage aux besoins des stagiaires possédant de faibles compétences en littéracie et littéracie numérique. Pour cela, nous avions besoin d’identifier précisément les éléments récurrents qui gênaient la navigation entre les activités et la réalisation des tâches. Un protocole d’évaluation a été conçu sur la base de captations vidéo et de captations d’écran lors d’une séance d’introduction de l’outil à un groupe de stagiaires. En plus des webcams permettant d’observer les réactions, des questionnaires de satisfaction ont été proposés afin de mieux cerner les aspects affectifs et émotionnels liés à l’utilisation des ressources. Les captations d’écran ont permis de mesurer certains paramètres liés à la navigation et à la compréhension des consignes et des objectifs. Sur la base des analyses, plusieurs améliorations ont été apportées concernant les aspects suivant :

  •       Cohérence dans la présentation : uniformisation des menus et des pages à l’aide d’éléments graphiques, ajout de raccourcis pour faciliter la navigation (retour au sommaire, passage à l’activité suivante).
  •       Simplification des consignes : suppression des textes superflus et ajout de la possibilité d’entendre toutes les consignes à l’oral.
  •      Anticipation des difficultés : ajout de tutoriels pour faciliter la prise en main de l’outil.

L’utilité de ces modifications a été testée avec un protocole similaire, sur un nouveau groupe de stagiaires qui découvraient les ressources. Les résultats ont montré notamment une augmentation du temps total d’utilisation des ressources, une utilisation plus diversifiée des activités du répertoire, une diminution des abandons d’activités, et une réduction du temps passé à naviguer entre les ressources.

Cette expérience est toujours en cours et nous continuons, entre autres projets didactiques disponibles sur le site Portail FL2I, à enrichir et à tester l’outil. Ce sera également l’occasion pour d’autres stagiaires de master FLE de le perfectionner. Du point de vue de l’ingénierie didactique, ce projet illustre la nécessité de travailler en « cousu main » et de s’adapter à tous les paramètres (contexte, objectifs, acteurs, etc.) qui, par définition, sont variables. Il illustre également le fait qu’il est à la fois nécessaire et possible d’innover d’un point de vue didactique. C’est possible techniquement, comme nous pensons l’avoir démontré, avec les outils numériques, et c’est possible du point de vue des dispositifs dans ce domaine de la formation d’adultes. La formation des adultes, avec son extrême diversité, offre des possibilités d’expériences et d’expérimentation qu’on trouve peu ailleurs dans d’autres domaines du FLE. Les grands classiques du FLE traditionnel (le « professeur », l’« élève », la « salle de classe », le « manuel », etc.) sont en effet bien loin de l’univers professionnel que nous décrivons dans cet article.

Du point de vue scientifique, cette expérience ne nous permet pas de tirer des conclusions générales trop hâtives compte tenu du trop faible nombre de stagiaires concernés, en l’occurrence cinq. En revanche, cette expérimentation nous a permis d’avancer justement sur les démarches, les critères et les mesures pour évaluer un outil de ce type. Considérant que cette démarche d’ingénierie est une démarche scientifique à part entière (Adami 2024), nous ne pouvons pas nous contenter d’affirmer que « ça marche » : notre objectif est de savoir si « ça marche » (ou non d’ailleurs) mais surtout de mettre au point les outils qui nous permettent de le mesurer.

3- Les leçons à tirer de cette expérience d’ingénierie didactique

3-1 La didactique au travail

Cette action de formation, en ce qui concerne ses objectifs, ses publics et son mode de financement, n’a rien d’exceptionnel. Elle est une illustration des très nombreux dispositifs mis en place par l’Etat, directement, ou par ses services décentralisés, par les Régions ou les collectivités locales en lien avec les partenaires professionnels de la formation comme c’est le cas justement dans l’action que nous décrivons dans cet article. Les migrants peuvent être directement concernés par certains dispositifs de formation post-CIR dans le cadre de financements ciblés mais ils peuvent l’être également indirectement comme dans l’action présentée ici. Les dispositifs de formation qui concernent les migrants ne se réduisent donc pas aux cours de français dispensés dans le cadre du CIR ni à ceux dispensés par les associations de proximité. Ce qui est intéressant à noter, c’est la place de plus en plus grande prise par la question du travail, y compris dans les dispositifs de formation linguistique de l’Etat pilotés par l’OFII (Adami 2021). Il peut s’agir de formations linguistiques à visée professionnelle, c’est-à-dire qu’elles sont tournées par exemple vers la recherche d’emploi ou il peut s’agir également de formations linguistiques directement liées à des secteurs professionnels, comme c’est le cas dans l’action qui fait l’objet de cet article. Dans tous les cas, le travail est une priorité rappelée par la plupart des financeurs parce qu’il est perçu comme la condition première de l’insertion sociale. Mais, au-delà du caractère prioritaire du travail vu du point de vue des politiques institutionnelles de formation, cette question se pose pour les acteurs économiques et professionnels. En effet, le recrutement de migrants allophones dans les métiers en tension notamment (bâtiment et travaux publics, métiers de la propreté, hôtellerie-restauration, aide à la personne, etc.) pose des problèmes du même type que celui qui nous occupe ici : la communication difficile en français représente un obstacle concret en situation professionnelle. Il s’agit bien sûr de la communication entre les responsables et les salariés, de la communication entre salariés et de tout ce qui concerne les mesures de sécurité, le fonctionnement de l’entreprise ou bien encore les questions liées aux droits des salariés.

La formation linguistique pour les migrants en situation professionnelle n’est pas une nouveauté mais la didactique des langues, en tant que discipline émergente dans les années soixante-dix, puis en tant que discipline constituée, ne s’en est préoccupée que de façon très marginale (Puren, Adami et André 2021). Il existe pourtant des études très intéressantes qui concernent certains des métiers en tension recrutant de nombreux migrants. Ces études (Médina 2013 ; Parpette et Médina 2012 ; Lefelle 2023) démontrent que la part langagière du travail (Boutet 2001) dans ces métiers est importante et qu’elle représente un obstacle pour les migrants allophones. Ces études s’accordent à dire que la part langagière du travail est indissociable de l’action, du geste et du contexte matériel dans les métiers et sur les chantiers observés. Les autrices font quelques propositions didactiques intéressantes mais qui restent cependant à l’état de pistes ou de programmes encore assez généraux et, en tous cas, ne débouchent pas (encore ?) sur des outils didactiques conçus et élaborés. Parmi les pistes didactiques plus concrètes qui sont proposées (Parpette et Médina 2012), on retient l’idée de sortir d’une approche trop « verbo-centrée » de la formation et celle d’associer plus étroitement l’apprentissage de la langue au contexte matériel des chantiers, là où prend sens la part langagière du travail. Mais ces propositions pensent encore la formation linguistique dans le cadre de la « salle de classe » d’où il est forcément difficile de faire entrer la réalité des chantiers. C’est pourquoi nous avons conçu notre propre outil sur la base de la réalité augmentée avec pour objectif de passer un cap supplémentaire vers le réalisme des supports et de sortir la formation linguistique de la salle de classe traditionnelle pour s’approcher au plus près des chantiers-école : la formation linguistique est conduite par une formatrice FLE avec des apprenants qui travaillent en semi-autonomie, à quelques mètres des chantiers techniques et dans les intervalles des formations techniques.

Nous avons également appris de cette expérience, et de beaucoup d’autres que nous menons sur différents terrains professionnels, que la didactique, comme discipline scientifique, peut très difficilement séparer recherche « fondamentale » et recherche « appliquée ». Sa raison d’être scientifique, son objet épistémologique, ce sont les différents terrains d’exercice pratique de l’enseignement/apprentissage des langues. Mais si la didactique scientifique part du terrain, elle a pour vocation d’y revenir. En effet, concrètement, quelle peut être la portée de telle ou telle étude en didactique si elle n’a pas, directement ou indirectement, un effet en retour sur le terrain ? Plutôt que de prêcher dans le désert, parfois, nous avons choisi de montrer par l’exemple et l’expérimentation (et donc par les réussites et les erreurs) quelles pourraient être les pistes didactiques. Nous avons, en quelque sorte, décidé de « mettre les mains dans le cambouis » pour utiliser une expression triviale mais qui convient parfaitement dans ce contexte de travail. C’est risqué, c’est assurément moins confortable qu’une position de surplomb critique, mais nous assumons ce choix parce qu’il est pratiquement utile et scientifiquement fécond.

           3-2 Les professionnels parlent aux professionnels

Ce que nous apprend, ou plutôt nous confirme, cette expérience, c’est que ces actions de formation nécessitent un haut niveau de professionnalité des acteurs, qu’ils soient formateurs techniques ou de FLE. Le travail étant au centre des politiques d’insertion et d’intégration, ce type d’actions de formation associant les aspects techniques professionnels et les aspects linguistiques sont maintenant de plus en plus fréquentes. Au-delà de ce type particulier d’actions de formation, le secteur professionnel de la formation linguistique des adultes est étroitement connecté à celui de la formation des adultes en général, qui s’inscrit lui-même dans le vaste et complexe tissu des politiques et des dispositifs d’insertion sociale et professionnelle. Dans ce domaine, les formateurs linguistiques sont des professionnels de l’enseignement des langues mais ils sont aussi des professionnels de l’insertion sociale et professionnelle. Il n’est pas rare, dans leurs organismes de formation, qu’ils soient amenés à intervenir hors de leur champ de compétence initial sur des dispositifs qui ne relèvent pas de la formation linguistique. Par ailleurs, le secteur professionnel de la formation des adultes fonctionne selon le principe des appels d’offre et des appels à projets dans un système concurrentiel. Les acteurs, qu’ils soient praticiens de la formation ou coordinateurs pédagogiques, sont parfois aussi ingénieurs dans le sens où ils sont amenés à concevoir des programmes de formation, des outils ou des dispositifs pour formuler des réponses aux appels d’offre et aux appels à projet. C’est le cas des co-autrices de cet article par exemple qui sont à la fois formatrices et ingénieures pédagogiques.

Ceci va à l’encontre d’une vision misérabiliste de la formation des adultes, décrite comme un domaine de précarité où les intervenants travailleraient avec des bouts de ficelle. C’est une vision basée sur une méconnaissance profonde de la réalité de ce domaine et déformée par une autre réalité qui est celle des associations de proximité. Celles-ci, effectivement, manquent de moyens matériels, recrutent des formateurs dont les qualifications en matière de didactique sont parfois très limitées et vivotent avec des subventions ou des appels à projets faiblement rémunérateurs. C’est pourquoi il convient de distinguer ces associations de proximité, qui fonctionnent sur la base du bénévolat ou du semi-professionnalisme, des organismes professionnels de formation. Le secteur professionnel de la formation linguistique des adultes n’est ni plus ni moins précaire que d’autres domaines du FLE, notamment à l’étranger, en termes de statuts ou de salaires mais il ne fonctionne assurément pas comme les associations de proximité. Les uns et les autres travaillent parfois avec les mêmes publics et avec les mêmes objectifs mais il s’agit de deux mondes très différents qui d’ailleurs ne se connaissent pas. Les financeurs, le plus souvent publics, exigent dans leurs appels d’offre ou appels à projets, des formateurs intervenant avec des migrants, qu’ils soient titulaires d’un master FLE. Ce diplôme n’est pas une garantie de compétences en français langue d’intégration et d’insertion (voir Puren et Maurer dans ce numéro) mais c’est tout de même une base sérieuse.

Il ne s’agit pas de dresser le tableau caricatural d’un secteur associatif paupérisé et inapte à répondre aux défis de la formation linguistique, opposé à un secteur professionnel compétent et novateur. Cependant, notre objectif est de rétablir l’équilibre face à des discours circulants, et souvent hors sol, qui présentent le secteur associatif comme une alternative ou un recours, émancipé des politiques d’intégration linguistique de l’Etat, considérées comme coercitives, non respectueuses des besoins et des attentes des apprenants. En fait, la question qui est au centre du débat concerne la place et le rôle des bénévoles dont on mesure les limites (Langbach 2023 ; Zeiter 2023 ; Veret 2022). La « bonne volonté » ne suffit pas et peut même avoir des effets contreproductifs avec les apprenants, en raison de la qualité très inégale des interventions qui finissent par décourager les apprenants. Il reste à trouver et à penser la juste place des bénévoles, peut-être sous d’autres formes que des « cours de français ». A cet égard, imagine-t-on un instant accepter le principe de l’intervention de bénévoles à l’école ou au collège, donnant des cours de français aux élèves ? La réponse semble aller de soi mais dans ce cas, pourquoi l’accepter, voire le promouvoir, avec des adultes en insécurité langagière ?

           3-3 La langue et l’emploi des migrants

Plusieurs études nationales et internationales (Bechichi et alii 2016 pour la France ; Huot et alli 2020 et Renaud 2005 pour le Canada ;  Hokkinen et Barner-Rasmussen 2023 pour la Finlande ; Gazzola 2017 pour l’Europe) montrent que la maitrise de la langue du pays d’accueil par les migrants facilite l’accès à l’emploi. Ce qui ressort de ces études, pour la France et pour certains autres pays étudiés dans ces enquêtes, c’est que la maitrise de la langue pour l’accès au premier emploi est un avantage mais qu’il n’est cependant pas surdéterminant, c’est-à-dire que les migrants ne maitrisant pas la langue du pays d’accueil trouvent un premier emploi dans des proportions, certes moindres que ceux qui la maitrise, mais sans qu’il existe un écart statistique très important. En revanche, ce que montrent ces enquêtes, c’est que la différence nette entre ceux qui ont une certaine maitrise de la langue et ceux qui ne l’ont pas, réside dans les taux de maintien dans l’emploi, de qualité des emplois, de salaires et d’évolution professionnelle. En d’autres termes, les migrants qui ne maitrisent pas ou peu la langue du pays d’accueil ont nettement moins de chance de trouver un bon emploi, de conserver les emplois qu’ils trouvent, d’avoir un bon salaire et de progresser professionnellement. Si l’on ne considère que les chiffres d’accès au premier emploi, on pourrait donc en déduire que la maitrise de la langue n’est pas un avantage déterminant et que, finalement, l’apprentissage de la langue du pays d’accueil n’est pas nécessaire pour trouver un emploi. De la même façon, si l’on considère également que les migrants ont seulement vocation à occuper les emplois les plus difficiles, les moins bien payés et les plus précaires, alors on peut effectivement considérer qu’apprendre le français ne sert à rien ou à pas grand-chose.

Notre expérience d’une micro-situation de terrain vient confirmer ce que les études statistiques macro démontrent. En effet, les migrants engagés dans ce dispositif, en raison du fait qu’ils ne communiquent que très difficilement en français, sont limités à des formations très courtes et hyperspécialisées qui leur permettront effectivement de pouvoir accéder plus facilement à un premier emploi mais il s’agira le plus souvent d’une mission courte, d’un emploi précaire et avec beaucoup moins de chances de progresser. L’accès à des formations professionnelles complètes et diplômantes pour des migrants est possible et c’est un gage de réussite et de progression mais on retrouve là encore le problème de la maitrise de langue et notamment de l’écrit (Adami 2021) qui représente un obstacle. Il reste maintenant à savoir si c’est bien la langue qui favorise l’insertion professionnelle ou si, au contraire, c’est l’occupation d’un emploi qui favoriserait l’apprentissage de la langue. Selon cette dernière option, on en reviendrait à la vieille idée de l’apprentissage « sur le tas » qui a largement montré ses limites. Ceux, et surtout celles, qui n’occupent pas d’emploi salarié sont ainsi exclues et quant aux autres qui apprennent le français au travail, ils seront réduits à pouvoir communiquer en « français des chantiers », cette langue presque totalement dépendante du contexte (Médina 2013).  

           3-4 Travailleurs immigrés : le retour

Le travail est au centre des politiques d’insertion et d’intégration, y compris quand il s’agit d’apprentissage de la langue. Par ailleurs, nous l’avons vu, les demandes de formation linguistique concernant les migrants émergent régulièrement du monde professionnel. Il ne s’agit pas là, en fait, d’une véritable nouveauté mais d’un retour. En effet, la question du travail est une constante depuis les origines de la formation linguistique des migrants, puisque les besoins n’ont jamais disparu, mais elle a été éclipsée par d’autres problématiques sociétales, comme la culture ou l’identité. Dès les années cinquante, puis soixante et soixante-dix, le migrant est d’abord un travailleur immigré. Cela correspond alors à une réalité puisque les immigrés qui arrivent au cours de ces années sont très majoritairement ouvriers et viennent travailler dans les usines ou les mines de France qui tournent à plein régime pendant cette époque de développement économique. Ce terme est largement dominant, y compris dans les rares publications académiques en linguistique qui s’intéressent à la formation linguistique des migrants comme la revue Langue française qui lui consacre un numéro spécial (Gardin 1976). Une décennie plus tard, la revue Langages (Perdue 1986) consacre un numéro à « l’acquisition du français par des adultes immigrés » et le mot travailleur a disparu, y compris des titres des articles des contributeurs. Depuis, la dénomination des immigrés a évolué régulièrement pour aboutir à l’utilisation du terme migrants, que nous utilisons nous-même ici.

L’histoire des termes qui dénomment ce que l’on appelle aujourd’hui les migrants doit être replacée dans le contexte plus général de l’histoire économique, sociale et politique. Si le terme travailleur a disparu ce n’est pas parce que les migrants ne seraient plus au travail mais parce que le discours dominant (institutionnel, médiatique ou académique) ne les voit plus - ou ne veut plus les voir - comme des travailleurs. Les discours, et encore moins les termes, ne changent pas la réalité : ils peuvent éventuellement modifier la perception de la réalité mais pas la réalité elle-même. Les travailleurs immigrés n’ont donc jamais cessé de l’être et les études, une fois encore, montrent qu’ils sont employés majoritairement comme ouvriers ou employés d’exécution par exemple (Hajji 2020). La réalité sociologique est bien celle de migrants majoritairement au travail et occupant des emplois qui sont ceux qui définissent, entre autres critères, l’appartenance aux classes populaires (Schwartz 2011). Ils sont donc toujours, objectivement, des travailleurs, aujourd’hui comme hier, mais le contexte sociologique, idéologique et politique a changé. Dans l’après deuxième guerre mondiale, la classe ouvrière est numériquement, sociologiquement et politiquement dominante tandis que le marxisme est l’un des courants idéologiquement dominants qui met la classe ouvrière au centre de son projet émancipateur. A partir des années quatre-vingt, la classe ouvrière décline numériquement et n’occupe plus une place sociologique centrale et ce déclin s’accompagne d’un reflux politique et idéologique du marxisme. C’est dans ce contexte qu’apparaissent et s’imposent des paradigmes qui font de la culture, de l’identité et de l’identité culturelle les objets épistémologiques omniprésents. L’appartenance sociale et professionnelle des migrants est alors complètement occultée au profit de leur appartenance culturelle. Ce tournant culturaliste et identitaire touche également la didactique du français pour les migrants qui abandonne presque totalement la question du travail qu’elle n’avait de toute façon que très marginalement et très ponctuellement abordée. Aujourd’hui, les besoins en termes de propositions didactiques pour le français langue professionnelle ne sont pas liés au contexte idéologique mais au contexte économique et social que nous avons décrit. Les demandes de formations linguistiques à visée ou en contexte professionnel ne sont pas seulement des injonctions institutionnelles mais émanent du terrain, de ses acteurs et de leurs besoins. Le « retour » du travailleur immigré que nous avons annoncé dans le titre de ce chapitre n’en est en fait pas vraiment un : les travailleurs immigrés n’ont évidemment jamais disparu. La réalité du terrain de la formation d’adultes d’aujourd’hui nous le rappelle. Mais la didactique du français est-elle prête à répondre à cette demande sociale ?

Perspectives

Cet article a été co-écrit par un universitaire et des actrices de terrain, ingénieures pédagogiques et formatrices. Cette coopération dépasse largement le cadre de cet article puisque d’autres projets communs de recherche appliquée ou de recherche-développement sont en cours. Nous avons choisi de proposer un article ensemble tout simplement parce que le projet a été élaboré en collaboration, dans tous ses aspects, théoriques, méthodologiques et pratiques. Les ingénieures/formatrices co-rédactrices ont toutes suivi une formation intégrant la méthodologie du français langue d’intégration et du français langue professionnelle[2]. Au-delà de la formation théorique nécessaire, il nous semble en effet incontournable de posséder également des compétences opérationnelles sur le terrain, c’est-à-dire des compétences d’ingénierie. Ceci pose la question de la formation et du contenu de formation au niveau des masters FLE notamment mais également au niveau de la recherche. En effet, la recherche en didactique est difficilement concevable en termes d’opposition entre recherche fondamentale et recherche appliquée. Il est illusoire de penser qu’on pourrait faire de la recherche éventuellement « applicable » qu’on laisserait le soin aux acteurs de décliner sur le terrain en versions opérationnelles : d’une part parce que le transfert de la théorie vers le terrain nécessite elle-même une méthodologie qui ne s’invente pas et, d’autre part, parce beaucoup de « théories » didactiques n’ont tout simplement pas été produites pour être appliquées de quelque manière que ce soit. La recherche en didactique devrait peut-être donc réfléchir à intégrer la dimension de l’ingénierie didactique, non comme un prolongement de la didactique « théorique », mais une véritable approche scientifique en elle-même (Adami 2024).

Nous voulions également montrer que la coopération entre la recherche et le terrain est souhaitable et mutuellement fructueuse, et qu’il conviendrait de sortir des préjugés et des caricatures dans les deux sens : d’un côté, une recherche qui vivrait dans son bocal académique et qui ne servirait à rien et, de l’autre, un secteur professionnel de la formation qui n’aurait d’autres motivations que le profit. Il y a beaucoup de chantiers à mener, c’est le cas de le dire, et c’est ce qui justifie le point d’exclamation de notre titre, non comme une injonction mais comme un appel : au travail !

 

Références :

Adami, H. (2024). De la didactique de l’expérimentation à l’ingénierie didactique en passant par la théorie : parcours de terrains. Recherches et applications, 76.

Adami, H. (2021). Les formations linguistiques à visée professionnelle pour les migrants en France : orientations sociales et didactiques. Langues, cultures et sociétés, 7(1), 4-12.

Bechichi, N., Bouvier, G., Brinbaum, Y., & Lê, J. (2016). Maîtrise de la langue et emploi des immigrés : quels liens ?. Emploi, chômage, revenus du travail, Insee Références, 35-47.

Boutet, J. (2001). La part langagière du travail : bilan et évolution. Langage & société, (4), 17-42.

Gardin, B. (dir). 1976. L’apprentissage du français par les travailleurs immigrés. Langue française, 29.

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Langbach, V. (2023). Être bénévole dans des dispositifs d’enseignement du Français Langue d’Intégration et d’Insertion (FL2I). Devenir expert ou être médiateur?. Recherches en didactique des langues et des cultures. Les cahiers de l'Acedle, (21-1).

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Mangiante, J.M, & Parpette, C. (2023). Le français sur objectif spécifique. Ingénierie de la formation et conception de programme, Paris, Hachette.

Médina, C. (2013). Le français parlé dans les BTP, analyse d’une langue actionnelle : la question du temps. Annales de l’université de Craiova, Année IX, n° 1.

Mourlhon-Dallies, F. (2008). Enseigner une langue à des fins professionnelles. Didier.

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Puren, L., Adami, H., & André, V. (2021). L’intégration langagière des adultes migrants allophones dans les travaux du CRAPEL : une didactique fonctionnelle et impliquée. Rétrospective et perspectives. Mélanges CRAPEL, 3(42), 141-177.

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Schwartz, O. (2011). Peut-on parler des classes populaires ? La vie des idées.  https://laviedesidees.fr/Peut-on-parler-des-classes

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Les auteurs :

Adami Hervé : Professeur à l'université de Lorraine, ATLIF/CNRS

Marty Camille : Ingénieure pédagogique à l'niversité de Lorraine et formatrice indépendante

Merlin Lucie : Ingénieure pédagogique et formatrice à HESIO Conseil

Akyol Nida : Ingénieure pédagogique et formatrice à l'AFPA de Nancy-Pompey

 


[1] Dans le sillage de cette expérience qui s’est avérée fructueuse de tous les points de vue et pour tout le monde, l’AFPA de Nancy-Pompey nous a sollicités pour réaliser la production d’un outil du même type pour des formations dans les métiers de l’aide à la personne. Cette action a fait cette fois l’objet d’un financement de la part de l’AFPA et l’outil produit n’est disponible que sur sa plateforme METTIS, à usage interne.

[2] Elles sont toutes les trois titulaires du master FLE de l’université de Lorraine-site de Nancy

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