Mobilités, exils et migrations : des femmes/des hommes et des langues
Mathias ValienteRésumé
Cet appel s'adresse uniquement aux participants au Colloque Jeunes Chercheurs de DIPRALANG qui s'est déroulé en novembre 2018.
Axe « Voyager entre les concepts »
Le premier axe propose une entrée plutôt conceptuelle, celle de questionner les notions importantes qui traversent les divers champs de notre discipline. Dans une perspective de dialogue entre l’anthropologie du langage, la sociolinguistique et la didactique, il s’agirait alors de réfléchir ces notions d’identité, d’altérité et de subjectivité, articulées à ces autres notions dont on ne peut faire l’impasse, en tant que linguistes, que sont la langue, la parole ou encore la voix, le récit ou le discours dans le contexte particulier des divers phénomènes et vécus migratoires qui nous intéressent ici : entre migrations, exils, mobilités, etc. Observe-t-on des affinités conceptuelles ? Pouvons-nous faire voyager les notions, les métisser, les redéfinir ou encore les laisser flotter et assumer le flou sémantique ? Ces concepts ne doivent-ils être circonscrits qu’à certains champs disciplinaires ou peuvent-ils au contraire les traverser ? A travers ces premières questions, nous souhaiterions éclairer les relations entre ces divers concepts : quels en sont leurs liens, leurs différences, leurs oppositions, leurs corrélations ?
Axe « Rapport aux langues en contexte de mobilité étudiante »
Pour pouvoir confronter les positionnements des locuteurs à leur(s) langue(s) d’origine et celle(s) du pays d’accueil, il est intéressant d’analyser le contexte précis de ce contact de langues. La massification de la mobilité étudiante et de l’enseignement supérieur, ainsi que la modification des trajectoires classiques avec l’apparition de nouveaux pôles académiques, notamment dans les pays émergents, représentent autant d’enjeux pour l’Université. Cette dernière constitue alors un cadre d’étude privilégié, et le public étudiant une communauté (socio-)linguistique -et apprenante- à part entière. Les approches sociolinguistique et didactologique sont celles que nous retiendrons donc dans ce deuxième axe. En didactique des langues-cultures, on peut s’interroger sur les pratiques d’enseignement-apprentissage : quelles expériences pédagogiques, quelles approches méthodologiques et didactiques (l’exemple du français sur objectif universitaire) profitent-elles à ces étudiants ? Les problématiques sociolinguistiques concernent, quant à elles, le rapport aux langues chez les étudiants en mobilité, et les stratégies politiques et culturelles des institutions (l’exemple du Maroc comme destination francophone la plus attractive en termes de mobilité intra-africaine). Nous questionnons alors la place qu’occupent les langues du pays d’accueil dans les choix d’orientation des étudiants. Quels récits en font-ils ? Quelles sont les spécificités sociolinguistiques de cette mobilité ? Quels impacts sur le pays d’accueil/d’origine et sur la trajectoire des étudiants ?
Axe « Exil, émigration et contacts de langues : des stratégies identitaires à l’interlangue »
L’installation d’un groupe de migrants dans un pays et le contact durable entre des langues présentant une intercompréhension réduite peut produire une interlangue visant à satisfaire la communication inhérente aux besoins vitaux. L’interlangue peut se consolider et perdurer (exemple : spanglish) dans une société ou s’effacer au fur et à mesure que ses locuteurs disparaissent et que leurs enfants deviennent des locuteurs natifs de la langue du pays d’accueil. L’interlangue s’appuie sur le développement d’une série de ressources telles que lecode-switching (alternance codique) ou des mots hybrides eux-mêmes. Comment s’articulent ces stratégies et qu’est-ce qui les motive ? Par ailleurs, des enjeux identitaires et subjectifs sont souvent présents dans le développement et l’utilisation d’une interlangue, tout autant que dans la traversée des langues. Au sein de la communauté migrante, des choix linguistiques effectués par les individus peuvent faire écho à une volonté exacerbée de se fondre dans le nouveau pays au point d’effacer toute trace linguistique renvoyant à une origine autre ou, au contraire, d’amplifier certains traits renvoyant à cette origine et à la caractérisation de l’éternel migrant. Nous pourrions donc nous demander aussi comment le migrant vit sa trajectoire singulière entre des langues, des lieux ; comment vit-il cette traversée des langues ?
Axe « Paroles de professionnels, paroles de migrants et pratiques innovantes »
Ce quatrième axe mettra l’accent sur la question de la méthodologie de la recherche qui peut, sur certains points, être transversale aux axes précédents et être abordée concurremment. Nous voulons insister sur l’approche interdisciplinaire qui caractérisera notre colloque et optons pour des cadres théoriques souples et en correspondance. Nous privilégierons en ce sens l’ouverture et la porosité des frontières. Par ailleurs, nous souhaitons adopter une posture critique en nous questionnant sur les impacts possibles de nos choix notionnels sur la recherche ? Quelles incidences psycho-sociales, culturelles, politiques, scientifiques ces derniers peuvent-ils avoir ? Aussi, comme nous l’avons sous-entendu dans notre introduction, nous souhaitons faire la part belle aux mots, voix, discours des migrants, trop souvent minorés sur la scène médiatique nationale, voire internationale ; il s’agit d’accueillir tout autant la parole que le sujet migrant, d’entendre ce qu’il aurait à nous dire. Enfin, le dernier aspect de l’axe voudrait se centrer sur la présentation de « pratiques innovantes » dans la recherche, notamment celles qui permettraient un rapprochement et une collaboration possible avec divers acteurs du monde social/interculturel et/ou politique exerçant, par exemple, dans des associations d’accueil de migrants ou dans d’autres structures qui auraient éventuellement besoin de faire appel aux compétences d’analyse, d’expertise et de conseil des doctorants. Des questions pourraient alors se poser ainsi : comment articuler la théorie avec la pratique professionnelle ou comment intégrer les jeunes chercheurs dans le monde professionnel/associatif et/ou politique ? Comment ceux-ci peuvent-ils mettre à profit ou augmenter leurs connaissances et compétences à l’écoute de ces diverses structures ? Quelles difficultés, quelles fécondités scientifiques ?
Sommaire du numéro
Les hybrides linguistiques comme marqueurs d’identité ?
Christian LagardeCet exposé me permet de revisiter 25 années de recherche, à partir de ma thèse tardive – celle-ci devant préférablement être une étude de cas – jusqu’à de possibles perspectives transversales, qu’il convient de toujours manier avec précaution. À travers l’autodénomination melandjao surgit l’affirmation voire la revendication de l’hybridité linguistique – dans une certaine mesure, également, d’une hybridité sociale – qui est celle du migrant, en l’occurrence celle du migrant économique en France, et plus précisément en Catalogne Nord. Un...
Lire la suiteLe devenir des langues en situation de migrations collectives forcées : trois études de cas
Ksenija Djordjevic LeonardDans cette contribution, nous aborderons le devenir des langues en situation de migrations collectives forcées, à partir de trois études de cas basées sur des observations de terrain réalisé au sein de trois micro-communautés : celle des Tabarquins et celle des Croates du Molise, en Italie, et celle des vieux-croyants, en Estonie. Après avoir présenté les trois situations de migration, et rappelé la situation sociolinguistique actuelle de chacune des trois communautés, guidée par nos observations de terrain, nous porterons notre...
Lire la suiteLe degré de sensibilité interculturelle des étudiants finlandais en mobilité. Proposition de modélisation
Mélanie BuchartDans une démarche interculturelle, le Conseil de l’Europe préconise certains outils de conception curriculaire (p. ex. le Portfolio Européen des Langues, l’Autobiographie de Rencontres Interculturelles) qui visent à faire des apprenants les médiateurs interculturels de demain. Dès lors, comment mesurer l’adéquation du discours des apprenants à ces récentes politiques linguistiques ? Nous proposons d’étudier les traces discursives témoignant du degré d’ethnocentrisme/ethnorelativisme d’étudiants finlandais mis en situation de rencontre interculturelle (stage linguistique dans un pays francophone), ainsi que les mécanismes de décentration...
Lire la suiteDes sorties culturelles en formation linguistique pour adultes migrants
Elise GandonCet article présente un travail de recherche visant à développer les compétences orales d'adultes migrants en formation linguistique à travers des séances de formation culturelles. Ces séances peuvent être des visites de musées, de médiathèque ou de lieux du patrimoine de la ville de Lyon où se déroulent ces travaux de recherche. L'étude présentée est basée sur les prises de parole des adultes migrants sur les lieux des sorties culturelles et plus précisément sur le fait que des séances culturelles...
Lire la suiteLa prise en charge des élèves allophones au lycée en France
Elodie GraveleauEnseignante en UPE2A lycée, nous faisons au quotidien le constat que bien peu d’enseignant·es du second degré ont reçu une formation sur les élèves allophones. Par ailleurs, étant nous-même formée en FLE et en didactique des langues, il nous a été difficile d'élaborer un curriculum de FLSco. Nos travaux cherchent ici à répondre aux questions suivantes : avec un master FLE, est-on préparé à enseigner le français aux élèves allophones scolarisés en France, et avec un master MEEF, est-on préparé à...
Lire la suiteRépertoires plurilingues et identités hybrides chez les demandeurs d’asile non francophones
Vanessa PiccoliEn s’appuyant sur un corpus d’interactions naturelles entre des professionnels de la santé et des demandeurs d’asile, cette contribution s’intéresse à l’utilisation de certains mots en français à l’intérieur du discours des demandeurs d’asile non francophones. À travers l’analyse de quelques séquences interactionnelles, elle vise à mettre en lumière la capacité des demandeurs d’asile à utiliser leurs répertoires linguistiques plurilingues non seulement pour atteindre une communication efficace, mais aussi pour mobiliser une identité à plusieurs facettes qui reflète leur statut...
Lire la suite« Ce qu’il aurait fallu faire avant de partir : j’aurais dû étudier plus le français » ou comment la langue ne vient pas toujours aux étudiants japonais en mobilité
Marie-Françoise PungierRésumé Dans cette étude, on essaie de cerner la place prise par l’élément langue dans des expériences de mobilité plus ou moins longues entre le Japon et la France, et ce à travers les traces laissées par des étudiants restituant leur séjour dans plusieurs séries d’écrits prescrits par des commanditaires institutionnels (instance gouvernementale, université) et accessibles sur la toile. Les progrès en langue sont souvent donnés comme consubstantiels à l’expérience de mobilité académique, mais l’analyse qualitative des mises en mots...
Lire la suiteQuelle pédagogie du texte argumenté pour un public d’apprenants chinois en mobilité entrante à l’Université française ?
Tatiana Aleksandrova, Catherine DavidLe phénomène des mobilités entrantes et sortantes en milieu universitaire est devenu une pratique ordinaire. De nombreux étudiants viennent en France perfectionner leur niveau de langue dans le but d’intégrer un master. Leur maîtrise de français est une condition d’accès à ces formations. Ils sont donc conscients des efforts qu’ils doivent fournir et des difficultés qu’ils peuvent rencontrer. La distance entre la langue et la culture d’origine de l’apprenant et le français est un facteur à prendre en compte. En...
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