N°82 / La consigne en FLE : un agent infiltré ?

Consigne et méthodologies, quelle évolution en FOS et en FLS ?

Jean-Pierre Cuq, Fatima Chnane-Davin

Résumé

Résumé : On se demandera dans cet article si l’évolution des méthodologies a réellement induit une évolution dans la consigne des exercices, activités et tâches proposées aux apprenants dans les méthodes de langue. On s’intéressera particulièrement aux consignes écrites dans les méthodes de français sur objectifs spécifiques (FOS) et de français langue seconde (FLS).  Notre hypothèse est que la consigne est assez imperméable à l’évolution méthodologique et qu’elle est relativement stable dans les cours de langue (couramment appelées méthodes), tant dans sa structure linguistique que dans son objet.

Abstract: We will try to see in this article if the evolution of methodologies has really led to an evolution in the instructions for exercises, activities and tasks requested from learners in language methods. We will be particulary interested in the written instructions in the french for specific purposes and french as a second language methods. Our hypothesis is that the instruction is fairly impervious to methodological evolution and is relatively stable in language courses (commonly called methods), both in its linguistic structure and in its object.

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Introduction

Quelles que soient les méthodologies d’enseignement du français, l’activité de l’apprenant est sollicitée, par le biais d’exercices, d’activités ou de tâches. On se demandera dans cet article, par l’examen de quelques méthodes d’enseignement du français comme langue étrangère et seconde ou de français sur objectifs spécifiques, si l’évolution des méthodologies a réellement induit une évolution dans la consigne des exercices, activités et tâches proposées aux apprenants.

On désigne ici par consigne une forme linguistique particulière qui indique la tâche à accomplir selon un objectif précis. Elle peut être présentée sous plusieurs formes grammaticales (à l’impératif, l’indicatif ou à l’infinitif). C’est un acte de langage oral ou écrit qui a une valeur illocutoire et qui « s’appuie souvent sur un énoncé explicite, mais les données nécessaires pour l’effectuer sont parfois implicites, d’où la nécessité d’un décodage » (Zakhartchouk, 1999, p. 18).  Comme l’expliquent également Sales Cordeiro, Schneuwly (2007), « la consigne, par sa forme et son langage, nous renseigne sur les dimensions que l’enseignant considère comme centrales de l’objet ou du moins celles qu’il estime devoir clarifier ou remettre au cœur de l’activité scolaire qu’elle déclenchera. Elle met en évidence une ou plusieurs dimensions de l’objet enseigné à travailler à l’intérieur d’un dispositif ou, plus largement, dans la totalité d’une séquence d’enseignement. Elle détermine également les principales orientations du travail demandé en ce qui concerne la temporalité et les ressources matérielles à disposition ». (p. 7)[1]

On s’intéressera particulièrement aux consignes écrites dans les méthodes de français sur objectifs spécifiques (FOS) et de français langue seconde (FLS).  On partira de questions sur l’objectif de la consigne : est-ce qu’elle sert à « faire » ou à « apprendre » ?

Notre corpus se limite aux consignes écrites d’une série de méthodes de FOS d’une part, et de méthodes de FLS d’autre part. On en trouvera la liste en bibliographie. Dans ce cadre, nous tenterons de vérifier une hypothèse assez simple : la consigne est une partie relativement stable dans les cours de langue (couramment appelées méthodes). Elle est stable du point de vue de sa structure linguistique parce qu’elle est forcément liée à l’injonction. Mais, plus surprenant peut-être, nous faisons l’hypothèse qu’elle est aussi relativement stable dans son objet, relativement imperméable à l’évolution méthodologique. C’est-à-dire qu’in fine, c’est toujours à peu près les mêmes choses qu’il est demandé de faire à l’apprenant des cours de FLE, et que les différentes approches méthodologiques se trouvent confrontées de façon relativement identique au faire faire des apprenants.

 

Quelques remarques générales sur la consigne des méthodes :

  • Les consignes des méthodes de langue sont une marque spécifique d’une interaction didactique particulière. C’est une interaction asymétrique puisqu’elle présuppose un locuteur injoncteur (l’enseignant) et généralement plusieurs locuteurs applicateurs (réunis sous le nom de « l’apprenant »). En général, l’enseignant est censé suivre une méthodologie ou une approche méthodologique qui le guide dans le choix de l’activité, de son objectif, du moment où elle doit avoir lieu et des moyens proposés à l’apprenant pour l’exécuter.

  • L’apprenant en revanche n’a souvent pas vraiment conscience de ces trois aspects. Il est donc important que le contrat didactique qui le lie à l’enseignant soit explicite sur ce point, sous peine de voir l’activité privée de son sens. Les incompréhensions peuvent bien entendu être d’ordre linguistique, mais aussi culturelles (Beaucourt, 1997). Si les activités proposées sont difficilement intégrables à la culture d’apprentissage de l’apprenant et peuvent parfois le conduire à des contournements ou même à des refus.

  • Les consignes sont destinées à être lues par l’apprenant et souvent oralisées par l’enseignant. L’oralisation de la consigne peut avoir pour objectif une éventuelle clarification de la demande, ou simplement de baliser le début d’une activité collective. L’avis le plus courant est que les consignes doivent présenter une forme linguistique claire, concise, un métalangage compréhensible et une forme culturellement acceptable par l’apprenant. Pour certains auteurs en revanche, à un certain niveau d’apprentissage, une bonne consigne doit « laisser à l’élève le soin de construire le problème, et donc de trouver les modalités de résolution » (Cauterman et Delcambre, 1997).

 

1. Le français sur objectif spécifique (FOS) 

Le Français des affaires et de l’entreprise. Pourquoi avoir choisi ce thème ? Comme pour le français de l’hôtellerie et du Commerce par exemple, le français des affaires et de l’entreprise est un thème pour lequel la publication des méthodes n’a pas subi d’arrêt notable au cours des cinquante dernières années, et on peut donc assez bien le suivre. Les principales maisons françaises d’édition de FLE en ont proposé ou en proposent encore à leur catalogue.

Méthodologie : on a procédé par sondages dans l’abondante bibliographie disponible sur ce thème en FOS et dans les quelques méthodes françaises de FLS sur le marché.

 

1.1. Vers l’approche communicative

Cette période est marquée par un auteur prolifique et précurseur en FOS : Max Dany, qui fut le premier directeur du CAVILAM de Vichy et directeur de collection chez Hachette.
 

Le français du secrétariat commercial, (Dany M., Geliot J., Parizet M.-L., Hachette, 1977).

Au niveau grammatical, c’est naturellement les formes potentiellement porteuses de l’injonction qui apparaissent : l’impératif et l’infinitif.

« Composez-vous-même des lettres où un fournisseur demande des précisions à son client »

Mais la consigne simple (écrire + l’émetteur et le récepteur de l’interaction + l’objet) n’est pas suffisamment explicite. Elle nécessite un appareillage relativement important sous forme de batterie de questions, qui doivent guider, préparer la réponse :

« Qui envoie la lettre ? Qui recevra la lettre ? Combien y a -t-il de références, pourquoi ?
Qu’est-ce qui est envoyé en même temps que la lettre ? Où est-ce que cela est dit ? »

Du point de vue méthodologique, la mise en situation est immédiatement suivie de plusieurs autres situations qui nécessitent l’envoi de lettres,

« Composez-vous-même des lettres où un fournisseur demande des précisions à son client
Rédigez les mêmes demandes sous forme de télex »

On trouve parfois (p. 90) l’exercice inverse :

« créez vous-même les situations en utilisant les tableaux des p. 75, 8 et 86 ; … rédigez les télex et les lettres.. »

Mais le plus grand nombre d’exercices est axé sur la langue : pronoms, ponctuation, temps verbaux (p. 74)

« Mettez au masculin le texte ci-dessus. Utilisez les mots entre parenthèses lorsque c’est nécessaire » (p. 77) (suit un texte fabriqué ad hoc)

Une marque du vieillissement de la consigne, n’est pas tant sa forme linguistique que la nécessité, pour qu’elle soit exécutée, de realia aujourd’hui disparues : le télex, le SERNAM (service national de messagerie de la SNCF).

 

Alors qu’avec Le français du secrétariat commercial (1977), on n’avait qu’une page d’objectifs, la méthodologie se précise en 1978 avec Le français de la banque (Dany M., de Renty I., Rey A., Hachette). Les fondements présentés sont affirmés comme étant d’ordre :

  • « Psychologique » : le désir de dépasser la langue de spécialité ;

  • « Linguistique » : un travail sur les quatre « aptitudes » ;

  • « Pédagogique » : elle sera « résolument fonctionnelle », avec des précisions importantes : « au plan grammatical, l’approche est de type structural dans le premier et le deuxième module, avec des exercices, toutefois, d’un degré de systématisation plus ou moins rigoureux ; dans le troisième module, une approche fonctionnelle a été adoptée, présentant à la fois une synthèse, un élargissement et un assouplissement des notions acquises jusque-là… » (p.5)

Est-ce le pressentiment que l’approche par la linguistique structurale est insuffisante ? Un indice en est peut-être dans les consignes, où l’impératif cède la place à l’interrogatif. Par exemple dans cet exercice de compréhension : (p.4)

« qu’avez-vous compris ? » (avec questions pour guider)

Et à l’indicatif dans cet exercice de production fondé aussi sur la grammaire :

« On vous demande : Vous attendez quelqu’un ?
Et vous répondez : Non, je n’attends personne »

La consigne s’appuie sur l’utilisation assez complexe de plusieurs technologies qui permettront des situations de communication différées (Ecouter- raconter-reconstituer-comparer :

« Vous avez écouté une émission à la radio ou à la T.V. (information, débat, variété, interviews, etc.)
Vous racontez avec précision, mais le plus brièvement possible, de quoi il s’agissait. (à enregistrer au magnétophone)
A partir de votre court récit, une ou plusieurs personnes reconstituent ce que vous avez dit (à enregistrer au magnétophone)
Vous comparez ensuite ce qui a été reconstitué avec ce que vous avez dit… » (p. 37)

Dans le module 3 (revendiqué en approche fonctionnelle) l’intérêt est non pas sur la forme de la consigne mais ce sur quoi elle porte.

  • L’intonation :

L’aspect communicatif de l’intonation, qui pourrait être méthodologiquement premier dans une progression (même sans connaitre une langue étrangère on perçoit assez facilement si une émission de voix est interrogative ou exclamative) est ici renvoyée dans la dernière partie de l’ouvrage, comme s’il ne s’agissait que d’une nuance à proposer à des étudiants déjà surs de leurs bases :

« L’intonation et ses différents sens : ex, intonation montante : question ou étonnement ? »

  • La polysémie de certaines formes verbales :

« il doit aller prochainement aux Etats-Unis (obligation, probabilité ?) »

Mais comme le problème posé par la consigne ne peut être résolu sur des items indépendants mais dépend de la situation, les auteurs finissent par devoir implicitement et avant la lettre faire appel à une grammaire plus textuelle :

« Certaines phrases auront une signification différente selon la situation. Imaginez ces situations » (p. 121)

« Imaginer la situation » est la consigne pour l’expression libre (p. 122)

« Un Français se trouve démuni d’argent à l’étranger : Travail de groupe : imaginez la situation….
Ce Monsieur vient vous voir. La banque où vous travaillez est la correspondante de la sienne . Quelle aide pouvez-vous lui apporter ?
Jeu de rôle : votre conversation avec cette personne. »

La consigne traduit ici une évolution méthodologique qui sera pleinement assumée dix ans plus tard par le même auteur.

 

Dany M., Noé C. : Les employés. Service, commerce, industrie, Hachette, 1986. Dans l’avant-propos apparait en effet le terme de communication :

« l’objectif premier est d’entrainer les étudiants à une utilisation aussi pertinente que possible de la langue dans ce qui est fondamentalement, au sens propre du terme, une situation de communication. » ( p.2)

Dans l’ouvrage, on présente d’abord des situations. Mais les consignes changent-elles ? Pas vraiment dans leur forme injonctive :

« Ecrivez le nom de la compagnie allemande, française, autrichienne, japonaise.
Soulignez les mots que vous comprenez. »

« Essayez de comprendre (ou de deviner) le sens des phrases). »

Ce qui change, c’est les supports : exemple en page 11, où on travaille cette fois à partir de quatre documents authentiques. Mais ce qui ne change pas, c’est la prévalence d’exercices de grammaire traditionnels. Dès la page suivante, on trouve en effet un exercice de grammaire à trous avec une consigne qui traverse les époques : « complétez ». Mais aussi le même type d’exercices que dans les livres de la décennie précédente : 

« On vous demande… vous répondez » (travail sur un point de grammaire)

 

Conclusion partielle :

La collection dirigée par Max Dany assure la transition vers l’époque communicative. Le grand mérite de l’auteur est d’avoir compris dès le début que ce qu’on appelle aujourd’hui le FOS nécessite une approche plus communicative. Au cours de ses plus de vingt années de production, sa méthodologie et les activités qu’il propose évoluent en ce sens mais elles restent largement marquées par le travail sur la langue proprement dite. La forme même des consignes en témoigne.

 

1.2. En pleine approche communicative


Danilo M., Tauzin B. : Le français de l’entreprise, CLE International, 1990.

On est maintenant en pleine période communicative. Dans l’avant-propos, les auteurs prodiguent aux apprenants des conseils pédagogiques (des consignes ?) pour utiliser le cours en principe avec un professeur mais possiblement seul(e). On n’utilise pas seulement le terme d’exercices mais aussi celui d’activités. Du coup, la demande de faire se traduit pas un autre mode injonctif, la proposition :

« Si une entreprise a un poste vacant, elle peut aller effectuer différentes opérations pour engager une personne à ce poste.
Voici dans le désordre, les principales opérations à effectuer.
A vous de retrouver l’ordre chronologique et de les placer dans l’organigramme ci-contre. » (p.2)

Mais ensuite, on retrouve tout de même des formulations plus classiquement injonctives pour les :

  • Exercices de compréhension :

    • à choix multiple :

« Cochez la bonne réponse »

    • d’appariement :

« Faites correspondre les éléments de la première colonne avec ceux de la deuxième. »

« Ecoutez (ou lisez) chacune des 13 réponses, puis retrouvez dans la colonne de droite la motivation correspondante. » (p. 14)

    • par tableau à double entrée :

« Complétez le tableau ci-dessous » (p.11)

« Dans le tableau suivant, indiquez par une croix les deux qualités qui paraissent essentielles pour chacun des postes mentionnés » (p. 13)

    • par définition sémantique :

« Retrouvez dans le contrat ci-dessus les mots ou groupes de mots qui signifient »… (p.24)

    • par réponses par vrai ou faux :

« D’après le sondage précédent, peut-on dire que c’est vrai ou faux ? » (p. 44)

    • par classement :

« Voici une série de conseils… (conseils sérieux, pièges à éviter, conseils farfelus) … Classez-les en mettant une croix dans la bonne colonne. »

    • par recherche de l’intrus :

« Quelle est parmi les phrases ci-contre celle qui a un sens différent, » (p. 56)

Dans les deux derniers cas, la consigne se présente non sous forme impérative mais interrogative.

 

  • Exercices d’expression plus ou moins guidée :

    • par reprise de modèle syntaxique :

« Construisez des phrases sur le modèle suivant » : (p.3)

    • par inversion de questionnaire (il s’agit de retrouver les questions dont on fournit les réponses) ;

    • par remise en ordre :

« Voici dans le désordre une définition du contrat de travail. Remettez-la dans le bon ordre. »

→ Ici l’approche grammaticale est d’inspiration textuelle.

« Quelles questions poseriez-vous à l’interviewé pour connaitre les qualités suivantes ? »

→ Dans ce dernier cas, il ne s’agit pas réellement de travailler sur l’expression, ni non plus sur la compréhension d’un texte, mais sur la compréhension d’une situation.

    • Par demande d’opinion personnelle (avec guidage) :

« Le document « les cadres aiment leur patron » énumère un certain nombre de qualités que doit posséder un bon patron. D’après vous, doit-il en avoir d’autres ? Si oui, lesquelles ? »

On a affaire à une méthode communicative appuyée sur technologie audiovisuelle. Elle propose une profusion d’exercices et d’activités. Mais ni l’utilisation de la technologie ni les documents authentiques, ni les activités nouvelles n’induisent forcément de formes de consignes différentes, à l’exception de la proposition d’activité (voir le premier exemple).

 

Le Ninan C. : le français des affaires par la vidéo, Didier Hatier, 1993.

Du point de vue de la consigne, ce qui est intéressant dans le cours de Claude Le Ninan, ce sont les consignes méthodologiques d’exploitation très stricte pour le professeur et pour l’apprenant (p.8) :

Pour le professeur travaillant avec des apprenants :
1.lecture du résumé du film
2.visionnement complet du film de façon à avoir une vue d’ensemble de celui-ci
3.consultation éventuelle de la transcription et du lexique
4.lecture des activités proposées et de leurs corrigés
5. lecture par les apprenants de l’activité « Repérages » de la première séquence du film
6.Diffusion de la première séquence du film aux apprenants
7.Réalisation par les apprenants de l’activité « Repérages »
8.correction de l’activité, en utilisant le corrigé.

Les quatre dernières sont reprises pour les apprenants. La syntaxe de la consigne est nominale. Comme le nom du cours l’indique, on trouve dans le livre de nombreuses activités d’exploitation avec priorité à l’audio mais souvent mixées à l’écrit :

« en vous aidant éventuellement de la transcription retrouvez les quatre questions posées à Monsieur Boivin » (p.15)

« regardez la vidéo avec le son, puis choisissez, parmi les adjectifs ci-dessous, ceux qui caractérisent le mieux la réunion » (p. 17)

L’expression de la consigne est très injonctive (impératif) :

« regardez la séquence puis cochez parmi les informations, ce que vous avez-vu ou entendu »

 

Descottes-Genon C., Rolle-Harold R., Szilagyi E. : La messagerie ; pratique de la communication commerciale en français, PUG, 1990.

Beaucoup de consignes très injonctives aussi dans le cours des PUG (impératif ; infinitif). La nouveauté méthodologique est le travail sur corpus :

Dans le corpus des E lettres (pages suivantes)
1. Relevez toutes les caractéristiques communes
2. Examiner l’organisation de l’espace
3. Remplir le tableau en répondant aux questions (p. 11)

On note aussi des appuis sur des technologies aujourd’hui disparues : la télécopie, (p. 129), qui donne l’occasion d’un exercice de paraphrase assumée, avec fourniture de la structure syntaxique attendue :

« paraphrasez l’explication des différentes fonctions communes à tous les télécopieurs en utilisant : il permet de + infinitif »

Et le minitel. Ce dernier cas est très intéressant car il n’y a pas d’exercice proposé mais seulement une illustration pleine page (p. 147). Du coup il n’y a pas de consigne. Les activités sont libres, laissées à l’imagination du professeur (moins probablement des apprenants).

 

Szilagyi E. : Affaires à faire, PUG, 1997.

Affaires à faire se présente explicitement comme la suite de La messagerie. Le travail se fait le plus souvent à partir de documents authentiques ou didactisés, les activités sont sensiblement les mêmes et le type de consigne ne change pas.

« Remplir le tableau ci-dessous à l’aide des éléments proposés »

La mise en situation communicative amène des modes d’injonction décalée (ce n’est pas l’apprenant mais la secrétaire qui doit rédiger la note de service :

« Vous êtes la secrétaire de P. Degrenne. Celui-ci vous laisse par note des instructions… Vous devez rédiger cette note de service sur le papier à en-tête Copa-France. »

 

1.3. À la charnière de l’époque communicative et de l’époque actionnelle

Les faits marquants sont, nous semble-t-il, l’accélération de la recherche de la nouveauté technologique et le fait qu’on n’hésite plus à s’adresser à des débutants. Voyons dans quelques exemples si cela a un effet sur la consigne.


Français des relations professionnelles. Carte de visite, (Delcos J., Leclercq B., Suvanto M. : Didier, 2000.

C’est un cours de français pour débutants en situation professionnelle. Il s’agit d’un manuel scénarisé à partir d’une série télévisée « Carte de visite », filmée en plusieurs lieux en France et en Belgique et se présente sous forme d’un jeu de cartes fictif : (« carte du jour, carte mémoire, dessous de carte, carte sur table »). Les activités sont de type communicatif et il y a très peu d’exercices de langue (sauf de vocabulaire), appuyées sur les technologies du téléphone et du courriel. L’originalité est le fait qu’on n’y trouve pas vraiment de consignes sauf parfois d’inspiration textuelles ex :

« Voici trois conversations téléphoniques : remettez les répliques à leur place. » (p. 81)

 

Comment vont les affaires ?  (Gruneberg A, Tauzin B. Hachette, 2000)

C’est un cours pour débutants, qui s’appuie sur un feuilleton radio de RFI repiqué sur CD, retranscrit et, nouveauté technologique, sur un site internet. Il est accompagné d’un guide pédagogique très complet et d’un cahier d’exercice. L’approche revendiquée est l’approche notionnelle-fonctionnelle. Mais il n’y a rien de neuf du côté de la consigne.  Elles sont généralement très impératives sur exercices classiques à trou :

« Complétez »… ;

« repérez et complétez »

Dans le cahier d’exercices, le travail sur la langue est encore plus classique, non seulement dans la formulation de la consigne mais même dans son objet :

« Retrouvez la conjugaison du verbe travailler au présent » (p.5) idem du verbe attendre » (p. 34)

Et un thème typique de la grammaire traditionnelle (p. 6-7) : « La formation au féminin des adjectifs de nationalité ».

 

Affaires à suivre (Bloomfield A., Tauzin B., Hachette, 2001) se présente comme la suite du précédent. On parle dans l’avant-propos de « tâches à effectuer », mais il s’agit en fait activités communicatives classiques, comme le fait aussi Penfornis J.-L. Affaires.com, CLE international, 2003.

  • Exercices de compréhension :

    • Vrai / faux :

« Dire si les affirmations suivantes sont vraies ou fausses »

Avec sa variante :

« Etes-vous d’accord avec les affirmations suivantes ? »

    • Par définition sémantique :

« Le texte ci-dessous concerne deux parisiens, Charlotte t Arthur. Lisez-le. Charlotte et Arthur sont-ils des travailleurs indépendants ou des salariés ? » (p. 7)

  • Activités de compréhension mixée avec des activités d’expression :

« Le texte comprend de nombreuses informations sur Charlotte et Arthur.
Préparez une liste de questions.
Interrogez votre collègue et prenez des notes.
Rédigez un texte de 150 mots environ présentant votre collègue. »

On a ici une consigne très structurée (mise en situation-injonctions de faire étagées) et indication de la taille de la réponse. Pour les activités d’expression pure, au contraire, on arrive à une très intéressante absence d’injonction : après la mise en situation, c’est à l’apprenant d’imaginer, sur une situation donnée, ce qu’il a réellement à faire :

« Imaginez que vous travaillez pour la société Lauréade. Vous souhaitez obtenir un congé pour créer une entreprise » (p. 33)

 

Conclusion partielle :

Les « nouvelles technologies », comme on disait à l’époque n’ont généralement pas changé les types d’activités, ni la formulation des consignes, à l’exception rare, peut-être, sur l’exemple final, de la liberté laisse à l’apprenant de produire sa propre consigne.

 

1.4. Approche post CECR (dite actionnelle)

L’approche actionnelle est maintenant revendiquée sur les quatrièmes de couverture ou dans les préfaces, comme celle de Travailler en français en entreprise 1, (Gillmann B. Didier, 2007). Il s’agit aussi d’un cours destiné aux apprenants débutants. La plupart des exercices sont aussi de facture classique. Les consignes sont tout aussi classiquement injonctives :

  • Exercice d’association oral / écrit : 

« Ecoutez les quatre personnes se présenter. Puis associez les personnes et les cartes de visite. » (p.8)

  • Exercice de repérage : 

« Dans l’encadré ci-dessous, repérez cinq départements de l’entreprise.

  • Exercices de complétion, en tableau ou à trous :

« Complétez le tableau »

« Complétez le texte avec les verbes appropriés » (p. 11)

  • Exercices de réemploi de formules rencontrées :

« Pensez à trois amis ou membres de votre famille. Parlez de vous, de votre travail et de leur travail. » (p. 13)

Dans ce dernier cas, la formulation est lexicalement assez lâche (pensez à…. Parlez de…). En fin d’unité toutefois, une étude de cas présente une « tâche », qui est en fait une activité communicative banale :

« Complétez le badge avec des informations sur vous-même. Ou inventez un rôle, imaginez des informations. »

 

On retrouve la même configuration au niveau supérieur avec Travailler en entreprise 2 (Cherifi S., Girardeau B., Mistichelli M., Didier 2009).

  • Exercices d’appariement :

« Ecoutez à nouveau le dialogue, puis associez les expressions de même sens ».

  • Exercices par vrai / faux :

« Etes-vous d’accord avec ces affirmations ? » 

  • Exercice de discrimination orale :

« Ecoutez et entourez le mot que vous entendez. »

Et même des exercices de langue très classiques :

« Mettez les verbes entre parenthèses au temp qui convient. » (p. 17)

On note l’apparition de nouveaux supports technologiques comme Linkedin ou skype mais qui n’impliquent pas une vraie tâche, l’exemple suivant restant ni plus ni moins qu’une simulation:

« Vous avez placé votre cv sur un réseau social professionnel en ligne et un chasseur de têtes vous a repéré. Racontez par écrit votre expérience. » (p. 13)

 

Le français du management (Léger W. : Ophrys, 2009).

Là encore, rien que de très classique :

  • Exercice de complétion (exercice à trou) :

 « Complétez… »

« choisissez » (la préposition qui convient)

  • Exercice de transformation :

« Transformez les phrases en supprimant le verbe comme dans le modèle. »

  • Exercice d’appariement :

« Reliez les mots à leur définition »

  • Exercice de classement (d’inspiration de grammaire textuelle

 « classez les phrases dans l’ordre pour obtenir un dialogue logique » (p. 57, p. 148)

 

Quartier d’affaires 1 et 2 (Rosillo M.-P., Macotta P., Demaret M. : CLE International, 2013).

Il s’agit encore d’un livre d’inspiration communicative revendiquée mais les auteurs signalent, terme quasi obligatoire aujourd’hui, qu’il contient des « tâche à accomplir … [ ce qui] permet de mettre en pratique les acquis dans des activités réalistes et réalisables »  (p.3). L’ouvrage utilise une technologie audiovisuelle bien rodée : DVD rom audio + vidéo et des exercices classiques :

  • Exercices de compréhension écrite et orale :

« lisez le document et répondez »

« écoutez le document et répondez »

  • Exercices vrai / faux :

« D’après vous, ces affirmations sont-elles vraies ou fausses? » (p.26)

  • Exercices d’expression :

Parfois bien accordés à la situation communicative proposée :

« Rédigez l’accroche et les salutations de l’offre d’emploi n°2 » (p.13)

Ou au contraire décontextualisés, avec consigne assez lâche :

« Faites des phrases », avec quelques composants ex : entreprise familiale – année dernière- travailler (depuis)

« Parlez d’une expérience professionnelle antérieure ou d’un stage » (p. 16)

Parfois tout de même, à l’occasion d’un jeu de rôle, la situation est plus explicitement décrite dans la consigne :

« Vous avez obtenu un entretien dans une entreprise de votre secteur professionnel. Le recruteur vous demande de raconter votre parcours professionnel et vous interroge sur vos motivations. Vous posez au recruteur quelques questions sur la nature du travail. (Le professeur joue le rôle de recruteur) » (p. 16)

L’ouvrage contient aussi des exercices de langue :

  • de complétion (exercices à trous) :

« Complétez avec l’auxiliaire être ou avoir » (p.9)

« Retrouvez l’infinitif des verbes pour chaque participe passé »

  • de transformation :

« Mettez le verbe au passé composé. »

  • des exercices d’association.

Il y a beaucoup plus de propositions dans le « cahiers d’activités ». Certains exercices de production écrite sont parfois relativement peu vraisemblables mais contiennent une aide rédactionnelle dans la consigne :

« Vous quittez votre poste. Votre entreprise publie une offre d’emploi pour vous remplacer. Rédigez cette offre. Utilisez les éléments proposés » (p. 9)

 

L’ouvrage de la collection destiné au niveau B1 (Jégou D.et Rossillo M.-P., 2014) fait aussi une large place aux exercices de langue :

  • Exercices de transformation :

« Mettez les verbes au futur simple »

  • Exercices à choix multiples :

« Choisissez la forme correcte du participe passé : les activités que nous avons (fait, faites, faits) étaient très amusantes » (p. 12)

Avec parfois une indication de la catégorie grammaticale :

 « Complétez avec un pronom possessif » (p. 49)

Les exercices de compréhension sont parfois de type vrai / faux, ou à choix multiples. Toutefois, aux questions de compréhension de l’écrit, les auteurs ajoutent parfois une demande de justification, qui transforme en partie l’exercice en exercice de production :

« Lisez le texte et répondez. Justifiez vos réponses. »

 

L’ouvrage le plus récent que nous avons examiné est celui de la même collection destinée au niveau A1 (Gégou D.et Rossillo M.-P., CLE International, 2017). Il contient le même type d’exercices et donc de consignes.

 

Conclusion partielle :

Les manuels de FOS que nous avons examinés pour la période dite actionnelle ne contiennent pas d’innovation particulière dans la typologie des activités et, de ce fait, pas non plus dans la formulation des consignes. Cela confirme, pour le FOS, notre hypothèse de départ. Voyons maintenant ce qu’il en est dans les méthodes de FLS, qui ont beaucoup moins suscité l’intérêt des éditeurs.

 

2. Exemples de l’évolution de la consigne dans des méthodes FLS

Nous avons fait le choix de regarder quatre méthodes de français langue seconde, largement étagées dans le temps :

  • Mamadou et Bineta (A. Davesne et J. Gouin, 1934, 1952)

  • Bien lire et comprendre (H. Tranchart, 1961, 1977)

  • ICI et Ailleurs (AUF, EDICEF, 1997)

  • Entrée en matière (B. Cervoni, F. Chnane-Davin, M. Ferreira-Pinto, 2005, rééditée plusieurs fois)

Dans une approche comparative nous avons, cette fois, essayé de comprendre à travers les consignes de ces méthodes, s’il y a eu une évolution en lien avec l’évolution des méthodologies et selon les publics scolaires. La lisibilité (Spiezia, 2017) a été notre première préoccupation. Comme l’avance Michèle Verdelhan (2000) « il n’est pas toujours facile d’identifier la consigne, pour des raisons de lisibilité d’abord, liées à la surcharge typographique et ornementale de la mise en page, mais aussi à la multiplicité des titres, sous-titres et sous sous-titres de rubriques, aux couleurs, caractères et formes langagières divers : des noms (« la phrase impérative », des infinitifs « finir une histoire », des impératifs « ne confonds pas … » (p. 46).

En rapport direct avec la lisibilité, la question de la compréhension de la consigne dans une langue seconde :

« une autre difficulté de compréhension de la consigne réside dans sa longueur. Les manuels FLS utilisent des consignes d’une dizaine de mots … cette brièveté parait logique dans la mesure où les manuels s’adressent à des élèves dont le français n’est pas la langue maternelle et qui pour la plupart, l’ont découverte à l’école » (op. cit. p, 47).

Les critères choisis pour la comparaison des cinq méthodes étaient le destinataire de la consigne, la dimension lexicale, la dimension syntaxique, l’approche méthodologique de présenter une consigne.

 

2.1. Contexte de l’Afrique francophone, Mamadou et Bineta (André Davesne, 1950)   

C’est une collection de méthode d’apprentissage utilisée en Afrique francophone. Dans le premier niveau « Mamadou et Bineta apprennent à lire et à écrire », dès le début de la méthode, l’auteur explique qu’on a affaire à des élèves non francophones qui vont découvrir le français à l’école comme langue de scolarisation. On mentionne que « l’écolier de France arrive en classe pourvu d’un vocabulaire français déjà riche… Il s’émerveille de constater que, très vite, les petits signes noirs du livre de lecture se transforment pour lui en réalités vivantes… Beaucoup de petits Africains, au contraire, ne connaissent bien souvent pas un seul mot français quand, pour la première fois, ils viennent s’asseoir sur les bancs de l’école. … L’exercice de lecture leur paraît dès lors fastidieux, insipide, parce que dénué de tout intérêt pratique immédiat (p. 3). Autrement dit, l’élève arrive à l’école non francophone et c’est le maitre qui l’accompagne dans son apprentissage. « Nous nous sommes efforcé de faciliter la tâche du maître en donnant après chacune des premières leçons quelques conseils et indications d’ordre pédagogique » (p. 4) et c’est lui qui va transformer les indications pédagogiques en consigne pour faire parler, faire lire et faire écrire. Le destinataire de la consigne dans la méthode est donc le maitre qui la reformule pour changer de destinataire mais ne doit rien changer dans le cours proposé par le concepteur de la méthode. 

  

Faire parler

Il s’agit du cours de langage afin que les élèves s’habituent à parler français. On demande à l’enseignant de « faire simple », de « faire quelque chose de vivant. — Ne pas laisser affalés sur leur banc, somnolents ou ennuyés, les petits Noirs qui, plus encore que les jeunes Français, ont besoin de gesticuler et de rire ; les faire aller et venir, sauter et courir, agir de toutes manières ; en d’autres termes, introduire à l’école de la vie et de la joie. » et de « faire appel à la réflexion, à l’initiative des élèves. — Éviter les répétitions machinales, les mornes rabâchages ; obliger l’enfant non seulement à voir, mais à regarder, à observer et à comparer ; cultiver le jugement aussi bien que la mémoire ». L’enseignant doit transformer ces conseils pédagogiques en consignes et en activités. Mais « Nous ne saurions trop recommander aux maîtres de ne rien ajouter à notre cours de langage ». 

 

Faire lire

Toutes les instructions figurant dans la méthode à propos de la lecture sont pour l’enseignant. Comme pour les activités orales, les consignes des activités de lecture s’adressent à l’enseignant sous forme de directions pédagogiques, ex. :

« Employez souvent pour les interrogations rapides (dictées, calcul) le procédé dit « La Martinière » (…). Vous savez en quoi cela consiste : on pose une question à toute la classe ; à un signal donné, les enfants écrivent la réponse sur leurs ardoises ; à un autre signal, ils lèvent les ardoises, et le maître vérifie les résultats. »

On dicte également la démarche pédagogique à l’enseignant, ex. (p. 14) :

 

Faire écrire 

Selon le même schéma abordé ci-dessus, on donne les instructions au maitre :

« 1° En présence des élèves, tracer une dizaine de fois au tableau noir la lettre étudiée, en ayant soin de bien faire comprendre quelles sont ses diverses parties. (Il n’est pas nécessaire pour cela de discourir ;

2° Se tourner vers les élèves. Figurer dans l’espace, à l’aide du doigt, la lettre étudiée. Faire répéter le mouvement par les élèves. Si l’on est placé face aux enfants, il faut soi-même figurer la lettre à l’envers pour que les enfants la voient à l’endroit ;

3° A l’aide du doigt, les enfants figurent la lettre sur la paume de la main, sur la table, etc. Veiller à ce qu’ils aient bien compris le mouvement à exécuter ;

4° Distribuer les ardoises sur lesquelles on a, à l’avance, tracé des modèles, les uns achevés, les autres simplement esquissés. Les élèves retracent ces derniers en suivant les lignes déjà formées. Veiller à la tenue du crayon. Guider la main des débutants. Se faire aider par un ou deux moniteurs (élèves de la 1re division) ;

5° Exercices d’application : grouper les lettres par 2, par 3; écrire des syllabes, les mots lus, les phrases lues ;

6° Exercice de révision. Dicter à l’aide du procédé La Martinière les lettres, les syllabes, les mots, les phrases étudiés. »

 

2.2. Bien lire et comprendre (H. Tranchart, 1961, 1977)

C’est une collection pédagogique de livres de lecture pour l’école primaire « Bien lire et bien comprendre » dont l’auteur principal est un inspecteur Henri Tranchart. Comme Mamadou et Bineta, c’est une méthode basée sur une approche traditionnelle syllabique « fidèle aux principes de la méthode traditionnelle qui opère progressivement une synthèse selon l’ordre : lettre- syllabe - mot -phrase » (Tranchart et autres, 1978, p2). C’est une méthode qui a été utilisé dans les pays du Maghreb pour enseigner le français comme langue seconde mais avec une démarche traditionnelle de français langue maternelle que ce soit sur le plan linguistique ou culturel.

Au début de la méthode, l’enseignant dispose des recommandations pédagogiques qu’il transforme en consigne dans des activités de lecture où l’élève est tributaire de son maitre. On ne retrouve pratiquement aucune consigne. C’est à partir de la page 47 qu’on trouve des questions mais pas vraiment des consignes.  Par exemple on demande à l’élève de dire oui ou non à des phrases proposées à la fin de la page 47, ou encore la page 51, pour répondre à la question « Qui est-ce ? ». C’est le maitre qui formule, donc, la consigne.   

http://3.bp.blogspot.com/-m7_-Y5jU-lA/VEu2qGtqJ1I/AAAAAAABSl0/hPN0bnyr2tY/s1600/Bien%2Blire%2Bet%2Bcomprendre%2BCP0004.jpg

C’est à partir de la 2ème année que les consignes sont visibles, souvent très difficiles mais on constate une forme d’hésitation entre l’adresser à l’enseignant ou à l’élève comme le montre l’exemple suivant :   

 

2.3. ICI et Ailleurs (AUF, EDICEF, 1997)

C’est une collection de méthodes de français universel utilisée dans certains pays d’Afrique francophone et destiné à d’autres contextes comme le montrent les thématiques abordées (Vietnam, Cambodge, Laos, Moldavie, Vanuatu, Liban, Haïti, …). Il s’agit d’apprentissage intégré du langage, de la lecture, de la production écrite, des outils de la langue, de la francophonie. La consigne s’inscrit dans une approche plus active, plus ludique.  Elle vise à acquérir des connaissances sur la langue et sur le monde francophone et sa culture. Elle est adressée directement à l’élève et rédigée à chaque fois à la 1ère personne « Je » (j’observe, je relis pour comprendre, je joue, je me sers de …pour…, ). Elle est même traitée en tant qu’objet d’étude pour mettre l’élève dans une situation de compréhension et de production des consignes.

                   

 

2.4. Entrée en matière (B. Cervoni, F. Chnane-Davin, M. Ferreira-Pinto, 2005)

C’est une méthode de français pour élèves adolescents nouvellement arrivés scolarisés au collège en France. Elle est fondée sur une triple progression FLE-FLS-FLM associée à une démarche interdisciplinaire et interculturelle afin de préparer l’élève à l’inclusion dans la classe ordinaire. Elle permet l’entrée dans la communication courante, d’apprendre les objets de la langue, de s’initier au langage des disciplines et de comprendre les liens interculturels entre la culture de la langue et celles des élèves.  Dans le livre de l’élève, la consigne s’adresse directement à celui-ci à la 2ème personne du singulier « tu » où il est invité à découvrir, à observer, à faire des hypothèses, à répondre, … il est mis dans des situations où il s’interroge sur ce qu’il doit faire, ce qu’il doit utiliser comme structure linguistique, communicative ou culturelle pour réaliser une tâche. Par la consigne, l’élève est guidé avec les informations sur les étapes à suivre, les outils de travail à utiliser, les contenus linguistiques à réinvestir, les contenus culturels auxquels il faut faire appel. Le guide pédagogique permet à l’enseignant à son tour d’enrichir les consignes du livre de l’élève. Les objectifs visés associés aux critères de réussite selon les niveaux des élèves que l’enseignant communique aux élèves lors de la résolution d’un problème, d’une activité d’analyse ou la réalisation d’une tâche. Cette situation didactique conjointe facilite la compréhension de la consigne ou sa reformulation pour obtenir de meilleures réponses. 

                 

 

2.5. Comparaison des méthodes

À partir de cet examen de ces quelques méthodes de FLS, on peut dire que la consigne est en lien avec l’évolution des méthodologies. De la méthode traditionnelle où on s’adressait à un public d’élève passif dans une démarche transmissive à l’approche actionnelle où on centre les savoirs sur les besoins des élèves et leur implication dans les apprentissages, la consigne a pris plusieurs formes. Le destinataire qui devait la transmettre était le maitre. Il a cédé la place à l’élève en tant qu’interlocuteur direct dans les nouvelles méthodes. Mais pratiquement dans toutes les méthodes, la réalisation de la tâche est tributaire des compétences de lecture des énoncés des consignes, de leur compréhension, de la maitrise des codes graphiques et des genres discursifs pour réussir l’activité (Verdelhan, 2002, p. 47).

 

 

Mamadou et Bineta

 

Tranchart

Ici et ailleurs

 

Entrée en matière

Destinataire de la consigne

 

 

Niveau CP : Le maitre

Niveau avancé : Le maitre et l’élève

Niveau CP : Le maitre

Niveau avancé : Le maitre et l’élève

 

L’élève

L’élève

Dimension lexicale

 

Français soutenu

 

 

Français soutenu

 

Français standard

 

Français standard

Dimension syntaxique

 

 

Des questions ou des affirmations à valider

 

 

 

 

Des questions

 

Des affirmations

J’observe

Je relie

Je joue

 

Une injonction avec objectif d’agir en classe et en dehors

A toi de faire

Tu as compris

Entraine-toi

 

Approche méthodologique

 

Traditionnelle

Traditionnelle

Active

Communicative / actionnelle

2Haut du formulaire

 

Bas du formulaire

Haut du formulaire

Bas du formulaire

 

 

Conclusion

Les manuels de FOS examinés sur une cinquantaine d’années présentent une remarquable stabilité dans les activités proposées aux apprenants, qu’elles soient baptisées exercices, activités ou tâches. Les structures grammaticales et le vocabulaire sont quasi les mêmes. L’évolution des supports (fabriqués ou authentiques) n’a que peu influé sur ces activités. L’évolution des technologies non plus. Du coup les consignes sont elles aussi très stables dans leur formulation : il s’agit toujours, d’une manière ou d’une autre d’engager l’apprenant à faire quelque chose pour apprendre : l’approche dite actionnelle n’a de ce point de vue rien inventé. En tout cas, on ne trouve guère, dans les manuels de FOS, de nouveauté particulière sur la manière de proposer cette mise en activité.

Quant aux méthodes de FLS dans un milieu scolaire, on peut constater que les consignes ont évolué.  Elles ont été d’abord calquées sur celles des méthodes FLM avec une différenciation selon les publics, notamment en Afrique francophone avec une approche méthodologique plutôt traditionnelle.  En effet, les consignes étaient données au maitre qui devait les transposer aux élèves en respectant les recommandations pédagogiques. L’élève, tout au moins au début de son apprentissage, n’avait pas accès à la consigne écrite dans le manuel. Plus tard, il a eu accès à des questions de vérification des apprentissages. A partir des années 90 des méthodes ont fait apparaitre des consignes dans une approche active. A partir des années 2000, l’approche communicative/ actionnelle a été intégrée, notamment dans des manuels en France pour allophones nouvellement arrivés en immersion, mais dans tous les cas, on peut dire que la consigne dans les méthodes examinées sert plus à « apprendre » qu’à « faire ».

 

Bibliographie

Beaucourt A (1997) : « Les conditions d’interprétation des consignes scolaires », TRADIFLE, n°38, p. 61-77.

Cauterman M., Delcambre I. (1997) : « Pour des consignes floues », Recherches, n° 7, p. 115-129.

Cordeiro G.S., Schneuwly B. (2007) : « la construction de l’objet enseigné et les organisateurs du travail enseignant », Recherches et Formation, n°56, p. 65-79.

Spiezia R. (1997) : La lisibilité, entre théorie et pratique, Linguistica n°31, Biblioteca della Ricerca.

Verdelhan M. (2000) : Le français de scolarisation. Pour une didactique réaliste. PUF.

Zakhartchouk J-M. (1999) : « Les consignes au cœur de la classe : geste pédagogique et geste didactique », Repères, n°22, p. 61-81.

 

Liste chronologique des méthodes FOS examinées

Le français du secrétariat commercial, (Dany M., Geliot J., Parizet M.-L., Hachette, 1977).

Le français de la banque (Dany M., de Renty I., Rey A., Hachette, 1985)

Les employés. Service, commerce, industrie ( Dany M., Noé C., Hachette, 1986.

Le français de l’entreprise, (Danilo M., Tauzin B.,CLE International, 1990 

le français des affaires par la vidéo (Le Ninan C. , Didier Hatier, 1993.

La messagerie ; pratique de la communication commerciale en français (Descottes-Genon C., Rolle-Harold R., Szilagyi E., PUG, 1990)

Affaires à faire (Szilagyi E., 1997.

français des relations professionnelles. Carte de visite, (Delcos J., Leclercq B., Suvanto M. , Didier, 2000.

Comment vont les affaires ?  (Gruneberg A, Tauzin B. Hachette, 2000)

Affaires à suivre (Bloomfield A., Tauzin B. , Hachette, 2001)

Affaires.com (Penfornis J.-L. Penfornis J.-L. , CLE international, 2003.

Travailler en français en entreprise 1, (Gillmann B. Didier, 2007).

Le français du management (Léger W., Ophrys, 2009).

Quartier d’affaires 1 et 2, (Rosillo M.-P., Macotta P., Demaret M. : CLE International, 2013).

Quartier d’affaires (Jégou D.et Rossillo M.-P. , CLE International, 2014)

Quartier d’affaires (Gégou D.et Rossillo M.-P. , CLE International, 2017)

 

Liste chronologique des méthodes FLS examinées

Mamadou et Bineta (A. Davesne et J. Gouin) 1934, 1952)

Bien lire et comprendre (H. Tranchart), 1961, 1977)

ICI et Ailleurs (AUF, EDICEF, 1997)

Entrée en matière (B. Cervoni, F. Chnane-Davin, M. Ferreira-Pinto, 2005, rééditée plusieurs fois)

 

 


[1] La construction de l’objet enseigné et les organisateurs du travail enseignant, RECHERCHE et FORMATION • N° 56 - 2007

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Faire parler en classe de FLE : l’art de la consigne « suffisamment » équivoque

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